pouvait s’écrire dès le début, car en fait il s’agirait d’un monde tout à fait nouveau.
Cette sensation est sûrement comparable à celle des premiers habitants de cet espace virtuel,
occupants d’un territoire inconnu, sans règles, institutions ou tribunaux. Seulement lorsque ce
territoire a attiré des millions de personnes et lorsque sa valeur économique a été mise en
relief, on a commencé à parler de règles, institutions ou limitations.
Dans ces conditions, les premiers habitants de l’espace virtuel ou cyberespace
ressentent n’importe quelle intervention comme une imposition. Et ils ont d’ailleurs raison si
cette intervention constitue une intromission dans les communications inter personnelles,
pour lesquelles est demandée la plus grande autonomie.
Il serait convenant d’analyser si dans d’autres aspects cette réticence face à n’importe quelle
forme d’intervention des Etats est justifiée.
En tout cas, il est précis de rappeler que ce nouveau territoire, occupé par ces
nouveaux conquérants sans verser une seule goutte de sang, par la simple occupation de ce
qui était abandonné ou demeurait inconnu, peut être considéré comme le résultat d’une
intervention publique au plus haut niveau.
En effet, il faut rappeler qu’Internet est le résultat d’une solution de défense qui
prévoyait la possibilité d’une attaque nucléaire qui aurait laissé les U.S.A. sans
communication en détruisant ces réseaux principaux. Dans ce contexte, il était nécessaire
d'établir un réseau non hiérarchique en forme de maille pour canaliser toutes les
communications vers ces noeuds du réseau indemnes de cette attaque hypothétique. La forme
physique du réseau et le langage utilisé, qui transforme les contenus en paquets de bits, sont
le résultat d'une opération de défense dans laquelle les stratèges avaient besoin de la
spontanéité de la société.
Les débuts de l'Internet, les recherches qui l'ont fait possible, la technologie utilisée,
sont le résultat d'une décision qui provient du noyau dur de tout Etat, de sa fonction de
garantie de la sécurité et de la défense. Dans ce sens les premiers habitants de ce nouvel
espace virtuel peuvent être observés comme les cochons d'Inde d'un laboratoire expérimental
mis en place pour des raisons de défense, qui avait besoin de consolider un réseau de
préparation à la guerre pour usage civil, dont la raison d'être fondamentale chez ceux qui l'ont
conçu était la défense et le maintient des communications en cas de guerre.
Le fait de permettre l'usage de ce réseau aux universités était en fait un pas nécessaire
pour la consolidation d'une technologie à double usage -civil et militaire-, dont l'utilisation
généralisée de la population est indispensable et exige à la fois un contenu spécifique,
dépourvu du sens militaire et accentué dans son aspect civil, susceptible d'intéresser la
population.
Voilà l'apport fondamental des premiers habitants ou usagers du cyberespace: ils ont
doté le réseau d'une utilité précise, ciblée d'abord sur la satisfaction des nécessités de
communication de la communauté scientifique, puis sur le reste des usagers qui ont
successivement utilisé ce réseau.
Les origines d'Internet, sa raison d'être initiale, peuvent nous servir à éviter les faux
mirages en ce qui concerne la spontanéité de ces phénomènes. C'est à dire, pour nous