POUR LA DÉFINITION D’UN NOUVEL ENGAGEMENT DES POUVOIRS PUBLICS AVEC LA SOCIÉTÉ DE L’INFORMATION M. Tomas de la Quadra Salcedo I Espace public et espace privé dans le cyberespace Pendant les premières années de ce qu’on appelle de nos jours le cyberespace, ont été établies les bases pour une pratique et une conception de l’utilisation de cet espace libre d’entraves publiques ou privées. Dans ce sens, l’Internet, instrument de plus en plus utilisé, fondamental dans la société de l’information, doit faire face à une définition de son rôle dans l’espace public. En effet, de nos jours, la popularisation d’Internet et son usage généralisé mettent en évidence l’existence de quelques problèmes, pour lesquels quelques uns proposent comme solution l’intervention de l’Etat. Aujourd’hui on met aussi en question la nécessité de cette intervention et on prône la convenance d’établir la liberté du cyberespace, de la même façon qu’on proclamait autrefois la liberté des mers, lorsque la découverte de l’Amérique montra l’importance des océans comme moyen de communication. Cette demande de liberté, liberté face au pouvoir, doit être substantiellement, soutenue. Cependant il est aussi nécessaire de rechercher ses origines et ses conséquences pour trouver un équilibre entre la liberté et l’existence de politiques publiques. Tout en respectant les droits fondamentaux de la communication des particuliers à travers le réseau, celles-ci doivent garantir le droit de l’humanité entière à bénéficier de ses effets, sans distinction possible entre ceux qui ont accès au réseau et ce qui ne l’ont pas. Ces différences existent à l’intérieur de chaque pays et entre les différents pays. 1 La spontanéité de la société civile dans le cyberespace, mirage ou réalité? Pendant les années émergentes du cyberespace, ce qui revient à dire, pendant la période Internet, s’est finalement imposé un sentiment de liberté en ce qui concerne l’utilisation du réseau, qui n’est pas sans fondement. Cette impression a été approfondie par l’idée que, en réalité, la communication qui s’établit à travers Internet, est une communication très semblable, sinon identique, à celle qui s’établit entre personnes par téléphone ou à travers la poste. C’est en fait une sphère publique, et les Etats n’ont rien à dire à ce sujet, puisqu’il s’agit du règne de la liberté et de la spontanéité de la société civile. Spontanéité qui ne peut être limitée par l’introduction de disciplines publiques qui conditionnent ou limitent la liberté des vrais protagonistes du cyberespace; ceux qui en font usage. Une conception proche au romanticisme, héritière des idées de Rousseau en ce qui concerne les avantages de l’état nature, s’est apprivoisé des premiers usagers du cyberespace, qui se constitue comme un espace libre et vide, sans règles ni normes sociales, où l’histoire 1 pouvait s’écrire dès le début, car en fait il s’agirait d’un monde tout à fait nouveau. Cette sensation est sûrement comparable à celle des premiers habitants de cet espace virtuel, occupants d’un territoire inconnu, sans règles, institutions ou tribunaux. Seulement lorsque ce territoire a attiré des millions de personnes et lorsque sa valeur économique a été mise en relief, on a commencé à parler de règles, institutions ou limitations. Dans ces conditions, les premiers habitants de l’espace virtuel ou cyberespace ressentent n’importe quelle intervention comme une imposition. Et ils ont d’ailleurs raison si cette intervention constitue une intromission dans les communications inter personnelles, pour lesquelles est demandée la plus grande autonomie. Il serait convenant d’analyser si dans d’autres aspects cette réticence face à n’importe quelle forme d’intervention des Etats est justifiée. En tout cas, il est précis de rappeler que ce nouveau territoire, occupé par ces nouveaux conquérants sans verser une seule goutte de sang, par la simple occupation de ce qui était abandonné ou demeurait inconnu, peut être considéré comme le résultat d’une intervention publique au plus haut niveau. En effet, il faut rappeler qu’Internet est le résultat d’une solution de défense qui prévoyait la possibilité d’une attaque nucléaire qui aurait laissé les U.S.A. sans communication en détruisant ces réseaux principaux. Dans ce contexte, il était nécessaire d'établir un réseau non hiérarchique en forme de maille pour canaliser toutes les communications vers ces noeuds du réseau indemnes de cette attaque hypothétique. La forme physique du réseau et le langage utilisé, qui transforme les contenus en paquets de bits, sont le résultat d'une opération de défense dans laquelle les stratèges avaient besoin de la spontanéité de la société. Les débuts de l'Internet, les recherches qui l'ont fait possible, la technologie utilisée, sont le résultat d'une décision qui provient du noyau dur de tout Etat, de sa fonction de garantie de la sécurité et de la défense. Dans ce sens les premiers habitants de ce nouvel espace virtuel peuvent être observés comme les cochons d'Inde d'un laboratoire expérimental mis en place pour des raisons de défense, qui avait besoin de consolider un réseau de préparation à la guerre pour usage civil, dont la raison d'être fondamentale chez ceux qui l'ont conçu était la défense et le maintient des communications en cas de guerre. Le fait de permettre l'usage de ce réseau aux universités était en fait un pas nécessaire pour la consolidation d'une technologie à double usage -civil et militaire-, dont l'utilisation généralisée de la population est indispensable et exige à la fois un contenu spécifique, dépourvu du sens militaire et accentué dans son aspect civil, susceptible d'intéresser la population. Voilà l'apport fondamental des premiers habitants ou usagers du cyberespace: ils ont doté le réseau d'une utilité précise, ciblée d'abord sur la satisfaction des nécessités de communication de la communauté scientifique, puis sur le reste des usagers qui ont successivement utilisé ce réseau. Les origines d'Internet, sa raison d'être initiale, peuvent nous servir à éviter les faux mirages en ce qui concerne la spontanéité de ces phénomènes. C'est à dire, pour nous 2 détromper et ne pas construire un mythe en pensant à un espace virtuel crée par la spontanéité d'une société civile libre des connexions avec les projets publics. 2 Rôle de l'initiative privée et rôle du secteur public En tout cas, si la société de l’information mise en marche à travers un moyen d'intercommunication aussi puissant et versatile comme Internet a un avenir, celui-ci repose sur l'usage civil du cyberespace et l'exploitation de ses possibilités pour aider au développement de la personne humaine et ses potentiels. Sous cet aspect civil, il appartient à la société civile, à travers sa spontanéité, de donner sens à l'usage de cet instrument extraordinaire. De la même façon qu'il est déjà arrivé dans l'histoire avec beaucoup d'autres inventions, Internet est utile dans la mesure où l'homme a su, de façon spontanée, lui donner un usage qui n'était peut-être pas dans la tête de ceux qui avaient mis en marche la technique de la communication numérique. Et ça sera ainsi dans l’avenir. D'autre part, le caractère apparemment inter personnel de ces communications favorise un traitement de respect à l'intimité des personnes, en utilisant les mêmes techniques qu'on utilisait dans le passé avec la poste ou le téléphone. On les considérait des espaces privés dans lesquels les Etats n'avaient aucun rôle, sauf en ce qui concerne l'établissement et le maintient des réseaux qui font possible la communication. Mais l'Etat ne pouvait rien faire quand au contenu, avec la seule exception de l'intervention du juge s'il y avait commission d'un délit. Ce même modèle de liberté devrait s'appliquer au développement du cyberespace. Cependant, deux réflexions surgissent en ce qui concerne le rôle du secteur public, c'est à dire, de la présence des Etats, face à Internet. La première réflexion est en rapport avec ce qui est arrivé historiquement avec les moyens de communication humaine: l'Etat ne peut pas se mettre à l'écart face à la poursuite des délits et l'établissement des règles du jeu minimales qui assurent le règne de la loi et du droit, par exemple dans l'accomplissement des obligations entre particuliers à travers le cyberespace. L’intervention publique doit être limitée surtout lorsqu’il s’agit d’une matière liée aux droits et libertés humaines. La deuxième réflexion est en rapport avec la capacité de la société civile elle même et avec le libre jeu des forces qui agissent dans son intérieur pour assurer l'égalité de chances des individus et des nations à l'accès du cyberespace. Un des plus grands risques de toute invention du génie humain repose sur le fait qu'elle ouvre un horizon de possibilités pour la plus part du monde, mais constitue en même temps une menace de discrimination. Elle risque de faire augmenter la différence entre ceux qui peuvent avoir accès à la nouvelle invention et ceux qui n'ont pas la même possibilité d'accès, en creusant un nouvel élément de différenciation. Dans ce sens on peut craindre avec raison que le cyberespace, basé sur la spontanéité des forces sociales, suivra la logique du marché, qui déterminera tout son fonctionnement. 3 Il appartient aux Etats ou aux institutions publiques d'éviter ce risque en définissant leur propre rôle dans ce cyberespace. Leur rôle ne peut pas être limité à celui de gardien de l'ordre public ou persécuteur des délits; il doit garantir à tous de vraies possibilités d'accès aux informations et communications d'intérêt pour la formation de la personne humaine, indépendamment de l'endroit où elle se trouve. Les risques liés à un abandon de l'espace de l'autorité publique dans la société de l'information sont divers et on les analysera par la suite. Ce qui doit être souligné pour l'instant c'est la nécessité de l'existence d'un rôle de l'autorité publique dans la société de l'information. Autrement, la spontanéité des forces sociales ne pourra pas garantir la propagation des bénéfices de la société de l'information dans des conditions d'égalité à l'intérieur de chaque Etat et dans tous les continents de notre planète. II Le rôle du secteur public dans la société de l'information La construction de la société de l'information et de son instrument principal -Internet ou les autres réseaux plus ou moins accessibles- n'est pas le résultat de la simple spontanéité sociale. La société de l'information fait face à plusieurs dangers. Ceux-ci ont à voir avec le désir de garantir l'accès vers tous les bénéfices de cette société de l'information et le désir d'éviter que les différences entre classes sociales et entre ceux qui en ont accès et ceux qui n'en ont pas, s'accroissent. En deuxième lieu il y a aussi des risques en ce qui concerne les abus de la société de l'information et les délits qui peuvent se commettre à travers d'elle. Ces derniers sont les dangers les plus cités. Lorsque l'on cherche des solutions, on revient souvent à discuter le rôle qui appartient à l'Etat et l’on rentre souvent dans des débats sans issue. Ces polémiques assombrissent la question principale, qui est celle de l'accès garanti à la société de l'information pour toute l'humanité afin que tout le monde puisse jouir de ses bénéfices. Mais on se limite souvent à mettre uniquement en question le rôle de l'Etat comme garant de l'accomplissement de la loi. 1 Une société de l'information pour toute l'humanité L'établissement d'un cyberespace pour toute l'humanité ne peut pas surgir du simple jeu des forces sociales ou du marché. A l'intérieur des Etats on cherche le moyen de garantir l'extension des communications dans tout le territoire, de façon qu'aucun citoyen soit privé de ses possibilités de communication en fonction du territoire où il habite. La solution à ce sujet doit passer par ce qu'on appelle aujourd'hui aux Etats-Unis, en Europe et dans de nombreux pays de l'Amérique Latine, le service universel. C'est à dire, une garantie de la diffusion des télécommunications dans tout le territoire et dans des conditions accessibles et similaires pour tous les citoyens. Puisque dans un contexte de libéralisation le marché n'assure pas de façon bienfaisante et altruiste les conditions d'accès égalitaire à tous les services, on peut obtenir cet effet par la création d'un fonds commun à travers lequel tout le monde participe aux frais du service universel comme "obligation du service publique". 4 Le besoin de garantir l'égalité de tous, indépendamment du lieu de résidence, se heurte à plusieurs obstacles difficiles à résoudre au sein de chaque Etat et sans réponse au niveau international. Le service universel ne s'occupe pas des populations qui vivent en dehors de chaque Etat. Il constitue peut-être la solution pour l'égalité à l'intérieur d'un pays mais il n'assure pas l'universalité au niveau mondial. Il n'y a pas un mécanisme qui assure que la société de l'information -qui devrait être mondiale- s'étendra dans toute la planète. Voilà une première réflexion et un premier devoir pour les Etats et les organismes internationaux: établir des mécanismes mondiaux de service universel pour faire possible une société de l'information pour toute l’humanité. La raison de cette réflexion ne doit pas être uniquement une conviction morale, mais doit aussi se baser sur le fait que pour construire une société de l'information il faut utiliser des biens qui appartiennent à toute l'humanité, qui impliquent donc l'obligation de bénéficier toute l'humanité. C'est le cas de l'utilisation de l'espace intérieur pour placer des satellites géostationnaires ou de basse cote; cette utilisation doit pouvoir bénéficier toute l'humanité. Dans ce sens, on soutient que les satellites de basse cote permettront que l'extension du téléphone dans des continents comme l'Afrique ne soit pas aussi coûteuse que l'installation des réseaux existants dans d'autres pays. En tout cas, il faudrait passer du service universel à l'intérieur de chaque pays au service universel au sens propre du terme, c'est à dire celui qui permet que toute personne, indépendamment de son lieu de résidence, ait accès aux biens de la société d'information. Il s'agit là d'un problème économique, politique et éthique, très convenant dans un forum comme celui qu'encourage l'UNESCO sous le nom de "Infoética". Rien de plus évident sous une perspective éthique que l'obligation d'établir dans la raison collective que les biens de la nouvelle société soient à la portée de toute l'humanité. Ceci doit constituer un vrai principe, qui ne naît pas de la simple spontanéité sociale ou du marché, mais du compromis conscient des Etats et des organismes internationaux pour obtenir sa reconnaissance. Il s’agit, au début, d’obtenir une reconnaissance de ce principe. Plus tard, dans son implantation, cette exigence pourra être modifiée en tenant compte des particularités de chaque pays et sa capacité d'absorption et d'adaptation aux nouvelles technologies. Les différences de revenu par habitant et de richesse entre les nations s'expliquent par des origines complexes basées dans l'histoire et la culture, mais les technologies de l'information sont si récentes qu'il convient de penser en termes humanitaires, dans la mesure où il s'agit là de moyens de communication, de rapprochement entre ceux qui sont éloignés, comme l'indique son étymologie. On ne peut donc pas oublier ceux qui sont éloignés par l'espace, le temps, la culture ou la richesse. On doit donc proclamer le principe de service universel pour toute l'humanité, indépendamment de son rythme d'implantation. Quand aux difficultés de chaque Etat pour établir -autre que théoriquement-, le service universel, la plus évidente se trouve dans la définition des services qui doivent s'inclure dans ce service universel. Dans l'Union Européenne sont inclus le téléphone, le fax et les données en bande vocale de capacité limitée. Ceci signifie que l'accès à tous les bénéfices de la société 5 de l'information est limitée par l'usage du modem; ce qui revient à dire que les bénéfices de la numérisation des signaux ne peuvent pas atteindre certaines zones, puisque la capacité et vitesse d'utilisation qui les caractérise ne peut pas être garantie partout. Afin d'éviter ceci, on est en train de prioriser l'éducation et la santé pour qu'il existe moins de différences dans ces prestations si importantes pour le Welfare State. En tout cas, voici brièvement exposés les défis à vaincre par un service universel qui souhaite répondre aux besoins d'égalité au sein de chaque Etat. Ceci n'empêche pas de remarquer qu'à un niveau international, il n'existe aucun mécanisme permettant que les bénéfices de la société de l'information s'étendent à toute la planète. Ce qui semble paradoxale est qu’Internet semblait justement pouvoir permettre une réduction des différences entre les nations en ce qui concerne l'accès aux sources d'information et de formation de la part des pays sous-développés ou en voies de développement. Le télé-travail où l'éducation à distance permettraient de faire diminuer les écarts ou au moins d'ouvrir des possibilités à des personnes qui, auparavant, ne pouvaient pas aspirer à ce niveau de formation e information sans quitter leur pays. Pour que cet espoir ne se voit pas frustré il faut que les réseaux de la société de l'information arrivent partout, dans des conditions attrayantes pour stimuler l'usage des nouvelles technologies. Voici le premier défi auquel doivent faire face les organismes publics nationaux ou internationaux pour permettre que la société de l'information soit un instrument efficace d'égalité des chances. 2 Une société de l'information pour la liberté L'accessibilité de la société de l'information à toute l'humanité dans des conditions similaires n'est pas la solution à tout mais c'est déjà un début à partir duquel on peut approfondir et obtenir des exigences plus concrètes. L'accès garanti aux instruments de la société de l'information comme Internet pose des problèmes quand au contenu auquel on peut accéder à travers cette société de l'information. On peut souligner trois problèmes ou défis de la société de l'information qui font référence à la liberté dans la société de l'information. Le premier problème à affronter est celui de la commercialisation d'une partie de l'information ou sa soumission à des normes comme celles qui ont permis dans plusieurs pays le financement de la télévision publique à travers la publicité. La deuxième question fait référence au contrôle et à la direction des informations qui sont consultées ou des lieux qui sont visités à travers le contrôle des programmes de software, genre chercheurs ou navigateurs. 6 En troisième lieu se pose la question de l'intimité et du contrôle des préférences et des goûts des usagers de la société de l'information, conséquence de la technique numérique qui permet un suivi des pages le plus fréquentées par les particuliers. 1.1 De la dynamique du mercantilisme Un des plus grands attraits d'Internet -si on parle d'une des modalités les plus diffusées, la Web- consiste en la visite gratuite des lieux où l'on peut trouver l'information souhaitée sous forme d'images, sons ou textes. Il est possible que cette information soit progressivement substituée par des données ou des archives obtenues à travers une souscription ou un paiement pour accéder à cette information. On considère aussi la possibilité d'introduire la publicité dans le réseau en échange de sa gratuité. On réussirait ainsi à diminuer les coûts de diffusion des biens, services et produits du réseau, ayant à supporter en contrepartie un temps de publicité. Si cela arrivait, nous serions au début d'une nouvelle ségrégation, il y aurait un coût d'accès au contenu de la société de l'information. Il y aurait le risque de créer une information de première et deuxième classe moins intéressante, mal organisée et moins accessible. La dynamique du réseau conduit à une soumission aux règles du marché et a une ségrégation sociale à l'intérieur de chaque pays et entre les différents pays. Ce risque met en relief la nécessité d'établir un rôle pour le secteur public; un rôle pour les Etats, qui se chargeraient de défendre l'existence de produits culturels, scientifiques e d'information de qualité à l'intérieur du réseau, avec une organisation claire et accessible à tous, citoyens ou étrangers. Le rôle du secteur public serait alors celui du correcteur du marché. Rôle positif dans certain sens, mais avec des caractéristiques perverses du fait que le marché ne peut pas accomplir des rôles qui vont au delà du but lucratif dont il s'inspire de façon légitime. Seulement les Etats ou les organismes publiques internationaux peuvent accomplir des tâches inspirées dans un "ethos" diffèrent du but lucratif. Ces tâches sont liées à la solidarité entre les citoyens de chaque pays et entre les citoyens de différents pays du monde. La popularité d'Internet est basée -mise à part les services du courrier électronique et les "chats" où le contenu principal dépend de l'initiative des usagers- sur la possibilité d'accéder à des documents variés dans des conditions de gratuité, commodité et facilité jamais connues jusqu'à présent. Il existe toujours des endroits où il faut payer, mais ceci n'empêche pas qu'aujourd'hui on puisse "naviguer" gratuitement dans la plus part des sites du réseau. Il reste à savoir si dans l'avenir, une fois que la connexion au réseau ou à la société de l'information soit considérée comme une nécessité, on pourra exiger le paiement pour accéder à quelques endroits déterminés, et si on sera prêts à payer. Ceci risque de provoquer une dualité sociale: ceux qui peuvent payer pour accéder et ceux qui ne peuvent pas. 7 Dans ces conditions, le rôle du secteur public consiste à fournir gratuitement des renseignements intéressants et inciter les entreprises et organismes qui dépendent des programmes gouvernements à offrir dans le réseau leurs renseignements gratuitement, de façon qu'il existe toujours une information de qualité qui empêche des phénomènes de ségrégation ou marginalisation. 1.2 Contrôle ou dirigisme de l'information Un des plus grands problèmes de la société de l'information -et d'Internet, en tant qu'un de ses instruments plus caractéristiques aujourd'hui- est celui de l'abondance des renseignements. Ce qui constitue une vertu peut finalement devenir un grand inconvénient. En effet, le volume d'information est si élevé qu'une personne normale ne peut pas perdre son temps à décider quelle est l'information qui l'interesse réellement et l'ordonner hiérarchiquement en ordre d'importance. Les chercheurs les plus connus aident à accomplir cette tâche. Ils fournissent de nombreux documents sur un thème. Mettons 500 documents; l'usager ouvre les 10 premiers et choisit les plus intéressants. Il n'ira probablement pas plus loin du deuxième groupe de 10 documents. Ceci signifie que l'ordre de présentation des documents détermine l'accès à l'information. Donc, le fait de situer un renseignement parmi les 10 ou 40 documents ou plus loin, détermine et dirige l'opinion et conditionne la liberté de l'usager sans que celui-ci s'en aperçoive. Il serait convenant d'établir une transparence dans les chercheurs au moment de présenter les sélections et d'expliquer l'ordre de présentation ainsi que déterminer s'il se base sur des motifs commerciaux ou publicitaires, ou s'il correspond au paiement d'un tarif. Tout ceci souligne les risques que la société de l'information engendre pour la liberté, ainsi que la nécessité d'être vigilants à ce respect. La concurrence de différents chercheurs dans le marché est peut-être une solution mais dans le secteur public on devrait aussi penser à encourager les institutions sans but lucratif pour qu'elles collaborent à la hiérarchisation de l' énorme quantité de renseignements qui existent dans la société de l'information. En tout cas, le problème est majeur si on tient compte de la tendance à la concentration, l'intégration et le monopole des programmes de software capables de naviguer et de faire des recherches dans la web. L'action récente du gouvernement des Etats-Unis contre MICROSOFT met en relief la sensibilité face aux phénomènes d'intégration de produits et services qui peuvent être considérés comme indice d'un abus de position dominante. On va éviter d'analyser ici la question en profondeur, ainsi que les fondements ou justifications de l'intégration en un seul produit de la capacité pour réaliser des tâches différentes (intégration de systèmes opèratifs et navigateurs, essentiellement); mais le fait es que cette problématique peut être envisagée du point de vue du droit de la concurrence ainsi 8 que du point de vue de la liberté réelle d'information de la part d'un public qui a besoin d'utiliser des instruments de software qui tendent au monopole ou l'oligopole. Ce qui suppose que l'accès à l'information peut être médiatisé si finalement les systèmes opératifs, avec navigateurs et chercheurs, s'y intégrent. La société de l'information, ainsi que d'autres aspects de la vie actuelle, se trouve soumise à des risques, mais dans la mesure où il s'agit ici de l'accès à la culture et à l'information, la question est de savoir si la promesse d'une nouvelle société résulte en partie médiatisée à cause de l'intervention des grandes corporations qui offrent des produits ou des services qui peuvent entraver la liberté de choix des usagers et de l'humanité. Ces réflexions peuvent faire conclure qu'il existe toujours un rôle pour le secteur public dans la société de l'information. Un rôle de garant de la neutralité et de la transparence des médiateurs nécessaires de la société de l'information. Ainsi un rôle d'offrant de services d'orientation dans la web de la part des institutions publiques -dotées du statu des agences indépendantes et pluralistes- ou un rôle de promoteur de ces activités de la part des institutions sans but lucratif (ou si elles sont à but lucratif, elles doivent suivre un système de contrôle pour éviter un dirigisme dans la société de l'information). Les solutions peuvent varier, mais on ne peut pas ignorer les risques existants dans la société de l'information et ces solutions ne s'épuisent pas avec la poursuite des délits; il faut garantir que ce genre de société soit ouverte à tout le monde avec un fonctionnement transparent, objectif et neutre face aux goûts des usagers. III Un modèle dualiste dans la société de l'information On prétend donc défendre un rôle du secteur public dans la société de l'information. Un rôle qui n'est pas incompatible avec les fonctions traditionnelles que doivent accomplir les Etats; poursuivre les délits, défendre la loi ou exiger le respect des accords réalisés à travers n'importe quels moyens, ceux de la société de l'information inclus. On ne prétend pas traiter ici la question des droits des Etats pour poursuivre la pornographie infantile ou les contenus nuisibles et illégaux dans Internet (comme fait l'Union Européenne). Ces aspects seront sans doute sujet d'autres interventions. On va se centrer ici sur la question qui concerne le rôle positif des pouvoirs publics, des Etats, des organismes internationaux ou des organismes crées avec un statut public ou semi-public pour assurer une présence positive dans la société de l'information au delà de la tâche répressive ou de surveillance pour des raisons de sécurité ou prévention des délits. Il existe un rôle positif des Etats dans la société de l'information. Ce rôle existe dans la construction de tout système d'infrastructures et dans la surveillance des abus de position dominante de tous ceux qui agissent dans le fonctionnement de cette société. Et ce rôle positif existe lorsqu'il garantie l'égalité de chances réelle pour les citoyens d'un Etat et pour les citoyens du monde. Le seul accès à la société de l'information - c'est à dire, la connexion aux 9 réseaux qui la forment- ne constitue pas cette égalité. Il faut aussi qu'il y ait accès à des contenus intéressants, que les usagers et citoyens soient en égalité de conditions par rapport à ceux qui peuvent s'inscrire aux services payants qui offrent des produits de qualité. L'important c'est que les organismes publics, indépendamment de leur organisation (publique, semi-publique ou agences indépendantes), accomplissent la tâche d'offrir une information intéressante et de qualité dans le réseau, libre et gratuitement, de façon que l'accès a la société d'information soit intéressant pour tous, indépendamment du pouvoir d'achat. 1 Elargir l'offre d'information publique Les pouvoirs publics peuvent agir de plusieurs façons afin que le réseau et la société de l'information deviennent des instruments d'information, formation et amusement intéressants pour tous. A titre d'exemple on peut énumérer les différentes mesures qui peuvent montrer l'utilité d'accéder à la société de l'information. Tout d'abord, il faut développer l'utilisation de la société de l'information pour faciliter la transparence de fonctionnement de notre démocratie ou l'utiliser comme véhicule de participation avec les administrations publiques. En deuxième lieu, il faut utiliser les instruments de la société de l'information comme des lieux de renseignement où trouver des décisions ou documents importants. En dernier lieu, on devrait encourager le placement au sein d'Internet de renseignements qui, n'étant pas encore entièrement publics, proviennent d'entreprises ou entités qui, d'une façon ou d'une autre, reçoivent des subventions ou des aides publiques. L'établissement des mesures qui viennent d'être énumérées à titre d'exemple supposerait une augmentation de l'utilité de l'usage de la société de l'information pour les citoyens, ce qui provoquerait un plus grand usage et l'acquisition d'une culture de la communication et un plus grand intérêt pour les possibilités qu'offre la nouvelle technologie. Une plus grande utilisation des technologies de l'information comme véhicule de relation avec les administrations publiques ou de participation et transparence démocratiques peut être obtenue facilement. Avec des mesures simples comme celle qui consiste à faciliter aux citoyens l'accès à l'information intéressante qu' émettent chaque jour les institutions (entités locales, régionales, administrations centrales ou pouvoirs législatif ou juridique) et en les situant dans les lieux adéquats dans le réseau pour que tout intéressé puisse accéder aux renseignements. Dans l'actualité, plusieurs pays offrent déjà la documentation de travaux parlementaires, accessibles à tout intéressé. Au niveau local, l'emplacement des nouvelles ou résolutions d'intérêt sert à montrer l'utilité de la société de l'information. Celle ci contribue à fortifier la démocratie en la faisant 10 plus authentique dans la mesure où les décisions sont prises avec la connaissance de tous les citoyens ou du moins, tout intéressé a la possibilité de les connaître. De nos jours sont nombreux les pays qui ne facilitent pas la diffusion de leurs normes par Internet malgré leur reconnaissance du principe selon lequel l'ignorance de la loi n'exclue pas son accomplissement. Ils n'offrent pas le contenu complet des journaux officiels où sont publiés les lois et les normes, condition pour leur entrée en vigueur. Mais on peut offrir par le réseau des données statistiques mises au jour dans beaucoup d'autres domaines; par exemple, dans les différents secteurs de la vie nationale, la société de l'information peut devenir un véhicule que la population adopte comme instrument indispensable dans l'avenir. Dans tous ces cas on favorise la connaissance et la démocratie. Celle-ci est renforcée par l'usage des instruments de la société de l'information pour réaliser des consultations publiques à plusieurs niveaux; local, régional, national. Naturellement, la complexité de la vie moderne rend plus difficile la substitution de la démocratie représentative -et les consultations réalisées avec trop de proximité aux faits peuvent réveiller des sentiments passionnels, plutôt qu'inciter à la réflexion caractéristique d'une maturité démocratique. Mais, indépendamment des fonctions irremplaçables d'une démocratie représentative, la société de l'information permet aux pouvoirs publiques d'essayer des formes de participation qui ouvrent des horizons inconnus jusqu'à présent. Finalement, on soutenait que les pouvoirs publics devraient encourager l'utilisation de la société de l'information, en exigeant que ceux qui ont des liens avec eux (par exemple, perçoivent des aides), offrent au public des rapports sur leur activité, leurs documents, objectifs, etc...Ce faisant, toujours en protégeant l'intimité des personnes et leurs droits fondamentaux. 2 L’enseignement comme base pour l'égalité des chances. Une égalité à échelle universelle. On doit aussi tenir compte des possibilités que la société de l'information offre au système éducatif à travers les technologies de la formation à distance. Ce genre de formation pourrait permettre pour la première fois des possibilités réelles d'accès, de n'importe quel lieu de la planète, à une formation de qualité qui ne se heurte pas à la barrière de la distance. L' encouragement des programmes d'éducation à distance pour les élèves de chaque pays (une fois surpassée la barrière linguistique), permettent l'accès des citoyens d'autres pays à des niveaux de qualité inimaginables. L'effort de chaque pays pour développer ce type de programmes permettra des possibilités de formation pour d'autres pays moins développés et contribuera à une approximation parmi les peuples, dès la jeunesse. Il s'agit là d'une tâche qui correspond essentiellement aux pouvoirs publics, qui peuvent, dans chaque pays, assumer une formation plus onéreuse à laquelle seulement les couches plus favorisées de la société ont accès. 11 Ce rôle des pouvoirs publics dans la formation est un des grands défis pour les pays développés et peut devenir une forme de coopération au développement des pays sous-développes plus efficace que l'aide traditionnelle. 3 Besoin de respecter le rôle irremplaçable de l'initiative privée dans le développement de la société de l'information. Le modèle dualiste. Les propos exposés ne doivent pas ignorer le rôle de l'initiative privée dans la société de l'information. Ce rôle est unique et il est la garantie du vrai pluralisme. L'initiative publique ne prétend pas une concurrence avec l'initiative privée, mais doit plutôt couvrir des besoins que celle-ci ne peut pas couvrir et il n'est pas logique qu'il lui soit exigé. Il est donc nécessaire de réaffirmer la nécessité de l'initiative privée dans la société de l'information ainsi que la libre concurrence au sein de celle-ci. Le modèle défendu ne fait pas incompatible l'activité de l'action publique avec l'action privée. Au contraire, il essaye de souligner sa complémentarité et souhaite que le secteur public ne se limite pas à la surveillance des délits au sein de la société de l'information, mais qu'il se compromette à agir. On lance ainsi un message aux citoyens du monde; les réseaux de la société de l'information sont un élément de la culture de notre époque dont on ne peut pas se passer car l'information publique est assez riche et intéressante pour justifier l'accès à la société de l'information. Il s'agit en fin de comptes de défendre ce qu'on appelle dans d'autres secteurs le modèle dualiste et complémentaire. L'initiative privée joue un rôle indispensable, même à travers le paiement de tarifs par les usagers. Simultanément, le secteur public offre des renseignements et des documents de qualité et gratuits qui garantissent l'égalité des citoyens face à la société de l'information. L'important est que cette documentation est accessible à tous les citoyens du monde qui s'y intéressent. Ceci permet de raccourcir les différences en ce qui concerne l'accès aux sources d'information entre pays développés et sous-développés. Une mission à accomplir par l'espace publique vient d'apparaître dans la société de l'information qui est en fait un espace pour la solidarité. 12