formule pas, auprès de la psychologue que je suis, de demande de prise en charge
thérapeutique des symptômes (pourtant bruyants) d'Annie ; elle-même non plus… Mais le
projet me "vient à l'esprit" de lui proposer un travail thérapeutique avec médiation de
marionnettes.
Alors qu'elle est globalement, en position d'opposition ou de refus de toute parole ou
proposition qui lui sont adressées, elle accepte de venir parler avec moi de ce "groupe
marionnette".
Cet entretien préliminaire me permet de présenter l'objet et le déroulement du groupe, à chaque
personne pressentie ou demandant à participer à ce groupe. Il permet de présenter « l'activité »
mais surtout, il est un moment nécessaire au nouage du transfert, qui s'avère déterminant pour
que cette proposition de fabrication et jeu de marionnettes soit prise dans un transfert dont les
coordonnées sont à repérer pour chaque participant. C'est la façon de présenter l'objet du
groupe-marionnette qui met en circulation d'autres signifiants que ceux jusqu'alors attachés,
pour chaque participant, à l'objet marionnette. Les mots employés témoignent de la « texture »
du désir, de celui qui fait cette « offre », cette proposition « d'atelier-marionnette à but
thérapeutique ». Si la marionnette, sa production et sa mise en jeu, sont investies par le
thérapeute, comme par un marionnettiste, du côté de la création d'objets supports de
spectacle… il y a fort à parier que le personnage et le scénario créés seront le support d'une
création au statut hybride (mi-objet d'art, mi-expression pathologique) plutôt que le support
d'émergence et de mise en forme des questions du sujet qui l'a créée. Pour que cette « activité
marionnette » rentre dans un champ thérapeutique, soit l'occasion de « production sous
transfert », il convient qu'un des animateurs de l'activité soit animé d'un désir en rapport avec le
« désir de l'analyste » décrit par J. Lacan, ce désir qui permet à l'analyste de « soutenir le
transfert ».
J'étais à l'époque en poste de psychologue dans l'établissement mais, par ailleurs, en transfert
vis-à-vis de la psychanalyse et traversée par la question du « désir de l'analyste ». J'étais
également en « transfert de travail » avec des marionnettistes et des thérapeutes utilisant la
marionnette comme médiation.
L'entretien préliminaire avec Annie se déroule dans le lieu où va se dérouler le
groupe-marionnette ; des marionnettes fabriquées par d'autres (participants précédents ou
marionnettistes professionnels) sont disposées sur un présentoir.
Quand je lui demande si elle reconnaît certains personnages, pour tous, elle me répond sur un
ton de rigolade et dérision : « C'est un guignol, un vrai guignol ! ». Pas d'autres affects
exprimés que ceux de la rigolade et la dérision, ni d'autre mot que celui de « guignol ». J'y
perçois un refus massif de distinction entre les personnages différenciables, exprimé sur un
mode très défensif. Elle dit que ça l'intéresse de participer à ce groupe-marionnette et qu'elle a
déjà une idée de la marionnette qu'elle va réaliser, sans dire laquelle. Elle participera ensuite,
très régulièrement, à cette activité pour une première session de plusieurs mois, puis à une
deuxième l'année suivante.
Vient le moment de la fabrication par chacun de sa marionnette, la proposition est de modeler
un visage puis de réaliser soit une marotte sans autre corps qu'un large tissu, soit une
marionnette à tiges, avec un corps en tissu rembourré puis habillé de vêtements fabriqués
pendant l'atelier. Elle modèle un visage d'homme, les yeux cernés de noir, pour figurer des
lunettes et choisit de réaliser une marionnette avec un corps en tissu.
Elle n'hésite pas sur les traits du visage et des vêtements fabriqués pour cette marionnette et
semble même avoir une idée très précise en tête. Un jour, pendant un temps de fabrication,
parlant du castelet installé dans la salle, elle me dit : « Ton castelet, il est en bois ; mon père
savait faire de la menuiserie comme G... le moniteur de l'atelier menuiserie. Moi aussi, j'aime
bricoler ; mais je n'aime pas du tout la couture ! Je tiens de mon père… mais de ma mère, je ne