TRAUMATISME OCULAIRE
Les points importants
Les circonstances sont précisées par l’interrogatoire : date, heure et agent traumatique.
Le pronostic visuel d’un traumatisme oculaire, même apparemment minime, peut être sévère.
Un bilan lésionnel complet effectué par un ophtalmologiste est toujours indispensable en urgence.
Une plaie du globe impose une chirurgie en urgence.
Il ne faut pas négliger l’aspect médico-légal et les conséquences à long terme.
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Les traumatismes oculaires sont fréquents. L’œil et ses annexes peuvent être lésés et les patients concernés sont
souvent des adultes jeunes (moyenne d’âge : 35 ans) de sexe masculin (80 %) [1].
L’interrogatoire est essentiel et l’examen spécialisé est indispensable
L’interrogatoire précise les circonstances du traumatisme et il peut permettre de déterminer la nature de l’agent
traumatique (composition et température). Les accidents de travail, les accidents domestiques et les accidents sportifs
sont le plus souvent en cause. Les traumatismes liés à une agression ne sont pas exceptionnels (jusqu’à 40 % dans
certaines séries) et les accidents de la voie publique sont plus rares depuis l’obligation du port de la ceinture de sécurité,
mais l’air-bag est parfois incriminé.
L’agent traumatique est un élément essentiel et il convient toujours de souligner le pronostic sévère des brûlures
chimiques induites par les bases qui constituent une urgence ophtalmologique : le pronostic étant conditionné par la
rapidité de mise en œuvre du traitement.
L’examen de l’œil est bilatéral et comparatif. Certains signes imposent une consultation ophtalmologique en urgence :
baisse d'acuité visuelle, chémosis hémorragique, hypotonie majeure, déformation pupillaire ou hyphéma.
L'ophtalmologiste évalue l'acuité visuelle de loin et de près (valeur médico-légale). Il examine les paupières, les
annexes et les culs de sac conjonctivaux en éversant la paupière supérieure. Le biomicroscope est indispensable,
permettant d’observer la conjonctive, la cornée, puis la chambre antérieure (profondeur, signes inflammatoires), l’iris
(rupture, hernie, trou, aspect pupillaire) et le cristallin (cataracte localisée, subluxation du cristallin avec phakodonesis et
iridodonesis, masses cristalliniennes). La pression intra-oculaire est mesurée ; une hypotonie oriente vers une plaie du
globe (ouverture de la chambre antérieure, décollement des tuniques postérieures) ou, en cas de contusion, vers une
sidération des procès ciliaires, et une hypertonie (en cas d’hyphéma, par exemple) conduit à redouter un glaucome
secondaire. La gonioscopie peut permettre d’observer une désinsertion de la base de l’iris, par exemple. L'observation
du pôle postérieur peut révéler une hémorragie du vitré, une traction du vitré vers une plaie du globe, la présence d’un
corps étranger intra-oculaire, une lésion rétinienne (œdème de Berlin, hémorragies, déchirures, dialyse rétinienne
après une contusion ou plaie de la rétine après un traumatisme perforant) ou une atteinte du nerf optique susceptible
d’évoluer vers l’atrophie optique.
La motilité palpébrale, évaluant le releveur de la paupière supérieure, et la motilité oculaire (après avoir éliminé une
plaie) doivent être testées.
Un certificat est souvent rédigé à l’issue de l’examen initial, engageant le praticien, et utile au patient pour faire valoir
ses droits sur le plan social, dans le cadre du travail, ou dans le domaine civil ou pénal.
La classification internationale de Birmingham sépare les traumatismes respectant l’intégrité du globe oculaire des
traumatismes avec effraction de sa paroi (cornée ou sclère) de pleine épaisseur [2].
Les traumatismes à globe fermé engagent parfois le pronostic visuel
Les contusions du globe sont les traumatismes les plus fréquents : 40 à 92 % des cas selon les travaux [3]. Elles sont
souvent de bon pronostic, le globe étant protégé par le cadre orbitaire, mais le traumatisme est parfois plus important
intéressant le segment antérieur (désinsertion de la base de l’iris, rupture zonulaire, luxation ou opacification
cristallinienne, etc.) ou le segment postérieur (lésion vitréorétinienne voire décollement de rétine, notamment chez le
myope, atteinte du nerf optique, etc.). Si le tableau de ces atteintes graves est parfois spectaculaire avec une baisse
d’acuité visuelle brutale et importante, suscitant d’emblée le recours à l’ophtalmologiste, il peut être parfois plus discret,
avec une gène fonctionnelle peu importante au début et seul l’examen spécialisé au biomicroscope permet alors le
diagnostic. Les branches, les balles de tennis et les bouchons de champagne sont des éléments contondants du
quotidien et il convient de signaler les traumatismes parfois graves occasionnés par l’usage de pistolet à billes.
Les brûlures imposent une prise en charge précoce. Elles sont le plus souvent de nature chimique. Outre leur gravité,
les brûlures par base sont les plus fréquentes. Les gaz lacrymogènes peuvent être responsables d’atteintes
superficielles rapidement résolutives. En revanche, le globe est souvent protégé par les paupières lors de brûlures
thermiques. Les brûlures par radiations UV ne sont pas rares (soudure, exposition solaire sans protection oculaire)
responsables d’une kératite superficielle. Parfois l’atteinte est plus sévère : phototraumatismes rétiniens.
Les ulcérations et les plaies superficielles de cornée, révélées par la fluorescéine (photo 1), sont souvent de bon
pronostic, bien que très douloureuses en raison de la riche innervation cornéenne. Les causes domestiques sont
nombreuses : coup d’ongle, brosse de maquillage, lentille précornéenne, etc. Le biomicroscope permet de mieux
évaluer l’étendue et la profondeur de la lésion cornéenne.
Les corps étrangers fichés sur la surface oculaire (conjonctive, cornée sclère) sont souvent de bon pronostic en cas
d’ablation précoce par l’ophtalmologiste, mais un corps étranger profondément encastré dans la cornée peut laisser une
cicatrice opaque indélébile et une gène fonctionnelle si cette opacité est centrale. Par ailleurs une cicatrisation
imparfaite des lames cornéennes peut être responsable de la kératalgie traumatique récidivante le à une réouverture
de la lésion à distance du traumatisme initial.
Les plaies des voies lacrymales sont plus fréquentes chez l’enfant. Elles sont parfois très discrètes et toute plaie du
canthus interne doit être explorée attentivement.
Les plaies de la conjonctive sont généralement sans gravité (photo 2), mais une plaie étendue peut imposer une suture.
Evoquer un traumatisme à globe ouvert refermé ou méconnu
Cependant, une plaie conjonctivale peut dissimuler une plaie sclérale, notamment en cas d’hématome. Au moindre
doute, une exploration chirurgicale soigneuse doit être entreprise afin de ne pas méconnaître une plaie des tissus
sous-jacents.
Un petit corps étranger projeté avec force peut parfois traverser la cornée et l’orifice d’entrée peut être déjà coapté lors
de lexamen sans signe de Seidel et les signes d’irritation uvéale peuvent être absents au début. Le recours à l’imagerie
(radiographies, échographies, UBM, OCT, IRM) permet alors le diagnostic.
Les plaies pénétrantes ou perforantes par corps étranger intra-oculaire ou par objet contondant ou pointu sont du
domaine chirurgical (photo 3). L’atteinte peut être mixte, associant plaie et contusion. Les lésions peuvent être
multiples. Il peut s’agir de délabrements importants dans le cadre d’un traumatisme de la face (accidents de la voie
publique, catastrophes, actes de guerre) auquel cas le pronostic visuel n’est plus qu’un élément du pronostic fonctionnel
global.
Tout traumatisme oculaire met en jeu le pronostic visuel. Un symblépharon, une cataracte d’apparition tardive, souvent
capsulaire postérieure, ou une opacité cornéenne cicatricielle situées sur l’axe visuel peuvent grever le résultat
fonctionnel (photo 4). Infection liée à une effraction tellurique, sidérose ou chalcose pour les corps étrangers
métalliques, abcès de cornée, trou maculaire, atrophie optique ou glaucome sont des complications graves pouvant
parfois conduire à la cécité. L’ophtalmie sympathique est redoutable et un traumatisme important peut être responsable
d’une phtyse du globe.
Le meilleur traitement est la prévention
Le caractère très souvent accidentel des traumatismes du globe oculaire fait de la prévention le meilleur traitement. Elle
peut être exercée en milieux sportif et professionnel (un accident de travail sur cinq ) comme à la maison ou sur la voie
publique. Des lunettes et des masques de protection normées sont de rigueur en cas d’activité à risque et prescrite par
la loi dans le cadre du travail. Il ne faut jamais négliger le port de verres solaires en cas d’exposition aux ultra-violets.
Le traitement curatif dépend du bilan lésionnel. Il convient de vérifier l'état vaccinal. Le traitement des kératites et des
ulcérations et des plaies conjonctivales de petite taille fait appel à des antiseptiques ou à des antibiotiques locaux
associés à des cicatrisants. L’ablation d’un corps étranger superficiel doit être précoce et soigneuse et la rouille
déposée par un corps étranger métallique doit être ôtée (photo 5). Une plaie conjonctivale de grande taille peut être
suturée.
En cas de brûlure, le lavage oculaire doit être immédiat, abondant et prolongé (5 mn au moins). Par la suite, le
traitement comportant éventuellement des collyres dilatateurs, afin de diminuer la douleur et de lutter contre la réaction
inflammatoire, sera adapté à l’importance des lésions (autohémothérapie, bouchons lacrymaux et verres scléraux ou
conformateurs pour lutter contre la rétraction, chirurgie des séquelles).
Le traitement des phototraumatismes peut faire appel à la corticothérapie par voie générale. La gestion d’une pression
intra-oculaire élevée après une contusion peut imposer un traitement médicamenteux et une chirurgie filtrante à
distance. Une luxation du cristallin ou une cataracte seront également opérées à distance. En cas de corps étranger
intra-oculaire, un électro-aimant peut être utile (le verre, bien toléré, peut être extrait de manière différée). La prise en
charge chirurgicale est urgente en cas de plaie du globe et une plaie du canalicule doit être suturée après mise en place
d’une sonde destinée à éviter une sténose cicatricielle.
Dr Henri Gracies
Références
1. Zech JC, Trepsat C. Urgences traumatiques oculaires. Etiologie, diagnostic, principes du traitement. Rev prat
2001;51:911-6.
2. Burillon C, Cornut PL, Janin-Manificat H. Traumatisme du segment antérieur de l’œil. Encycl Méd Chir
(Elsevier, Paris), Ophtalmologie 21-700-A-10, 2008.
3. Frau E. Traumatismes par contusion du globe oculaire. Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Ophtalmologie
21-700-A-65, 1996, 8p.
ICONOGRAPHIE
Photo 1. Ulcération cornéenne par coup d’ongle.
Photo 2. Plaie de la conjonctive.
Photo 3. Plaie de cornée.
Photo 4. Cicatrice cornéo-irienne après un traumatisme pénétrant.
Photo 5. Anneau de rouille déposé par un corps étranger métallique intracornéen.
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