
INTRODUCTION
Le tableau que présente aujourd’hui l’économie mondiale a de quoi inciter à la réflexion et à
la révolte : inégalités croissantes et chômage de masse dans les pays capitalistes développés,
surexploitation des travailleurs et misère de la majorité de la population dans le Tiers
Monde, baisse massive de la production et paupérisation de larges secteurs de la population
dans les pays de l’Est auxquels un avenir radieux était pourtant promis après la chute du
mur de Berlin.
La réalité actuelle du capitalisme triomphant, ce sont donc ces monstrueux paradoxes : plus
de trois millions de chômeurs officiellement décomptés en France, des jeunes réduits aux
emplois précaires, alors que la durée du travail est bloquée, et que l’on repousse au
contraire l’âge de la retraite. Alors que des centaines de millions de gens souffrent de la
faim dans le Tiers Monde, la politique agricole de l’Europe veut réduire les surfaces
cultivées. Alors que le Sida fait des ravages, on découvre (Le Monde du 6 mai 1994) que “ la
logique économique conduit certains géants mondiaux de l’industrie pharmaceutique à
abandonner la recherche d’un vaccin contre le Sida ”.
La logique économique, le grand mot est lâché ! La littérature économique et le discours
dominant tendent de plus en plus à exclure l’économie du débat démocratique (au nom des
“ contraintes ”) et à dénoncer comme rêverie sans intérêt, voire nuisible, la moindre critique
portant sur la logique et les finalités du système. Pour les économistes qui tiennent le
devant de la scène, ce monde est le seul possible.
Face à cela, on peut se sentir désarmé. Dès que l’on sort de chez soi, le “ marché mondial ”
nous guette : Coréens et Japonais sont en embuscade. Au nom de ce nouveau “ péril jaune ”,
nous devrions serrer les rangs avec les patrons et les politiciens et accepter, en disant merci,
la baisse des salaires et la dégradation des conditions de vie et d’emploi. Dans le même
temps, ne craignant pas les acrobaties intellectuelles, la théorie dominante explique que
l’harmonie naît de la liberté économique : que les marchandises circulent, que les prix et les
salaires fluctuent sans contrainte et les meilleurs produits seront fabriqués, tandis que le
chômage disparaîtra. Les mêmes ont décrété que nous vivons “ au-dessus de nos moyens ” et
qu’il nous faudrait choisir, par exemple entre l’emploi et la protection sociale.
Pour résister aux implications proprement réactionnaires de ces discours néo-libéraux, il
faut aller au-delà de l’apparente raison économique, et chercher à comprendre. Comprendre
quels sont les ressorts essentiels de cette machine qui nous broie, comprendre vers quels
rivages nous mène cette dérive de fin de siècle.
Nous sommes convaincus que les outils du marxisme sont plus que jamais utiles à ce travail
de réflexion critique sur le monde qui nous entoure. La théorie économique n’a en effet rien
d’une “ science ” unifiée, et la démarche de Marx, consistant à faire la critique de l’économie
politique de son temps (c’est le sous-titre du Capital), reste d’actualité. Elle a été poursuivie
et enrichie jusqu’à notre époque par les économistes qui ne sont résignés ni au capitalisme
ni à la dénaturation de l’objectif d’une autre société par les dictatures bureaucratique de
l’Est.
La méthode marxiste, parce qu’elle en dévoile la réalité profonde, permet de saisir les
grandes tendances du capitalisme contemporain. Ce marxisme dont nous nous réclamons ne