CM Cyssau - Vous ne devriez pas être ici

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CM Cyssau. 15-10-01
Bibliographie : Il y a beaucoup d’ouvrages sur l’entretien, c’est la mode. Je vous en indique
quelques uns.
- L’entretien en clinique 1998 sous la direction de Cyssau, chez in press. Mme Cyssau s’y
réfèrera.
- L’entretien clinique de Hervé Benony chez Dunod en 1999. Ce serait le résumé du
précédent, mais c’est insuffisant pour le DESS.
- 100 mots pour l’entretien de Jacoby, fait par entrées thématiques donc ce n’est pas très
facile de s’y retrouver.
Les autres livres sont davantage dans une optique de psychologie sociale et de psychologie
clinique et pathologique donc sont plus éloignés de ce qu’on va voir là.
J’essayerais de vous amener ces livres dans trois semaines.
L’entretien à la différence des projectifs n’utilise pas d’instruments, il est son propre
instrument.
Cette année nous allons travailler à partir du travail des psychologues en institution ou
l’entretien est considéré comme un outil qui suppose donc une technique dont on ne peut
apprendre les recettes car il n’y en a pas.
L’entretien ce n’est pas l’observation, c’est un outil relatif à une clinique de l’écoute et non
à une clinique du regard qui se ramène à l’observation. D’ailleurs dans les maquettes anciennes
et encore assez récentes, on peut voir qu’il y a un cours de DEUG II sur l’observation. Nous
avons donc placé l’approche de l’observation avant celle de l’entretien.
Je ne minimise donc pas l’observation. L’entretien n’est pas un chapeau au dessus de
l’observation clinique mais c’est important de savoir que ce n’est pas la même chose.
L’entretien se distingue de la consultation et on tâchera de faire cette distinction au fil du
cours. Mais dans la pratique du psychologue, ce n’est pas si différent que cela.
D’un point de vue terminologique : c’est la notion d’entretien que j’ai privilégiée.
Quand on m’a demandé de faire ce livre j’aurais pu aussi l’appeler : l’entretien et la
consultation en clinique, ça n’aurait pas été faux d’indiquer cela car je m’adresse autant à des
psychologues qu’à des psychiatres et ça fonctionne pour les deux pratiques, mais j’ai préféré
l’entretien car c’est la conversation terminologiquement.
L’entretien était utilisé au 17ème siècle pour recouvrir le terme de “ conversation ” ; ce qui me
plaît là c’est qu’il y a une notion de dialogue qui n’existe pas dans la terminologie du mot
consultation qui réfère plutôt au conseil, à la suggestion. Je préférais le lien à la parole qu’à la
suggestion pour un chapeau de livre, pour le dire vite.
Dans l’usage, ces termes (entretien et consultation) sont utilisés tous azimuts, et pas seulement
en psychologie.
Pour notre domaine institutionnel en général (ce n’est pas vrai partout), dans la pratique
professionnelle, ce sont les psychiatres qui font les consultations et les psychologues les
entretiens. La consultation est davantage “ psychiatrique ”, plus psychiatrisée que l’entretien.
Qu’il s’agisse d’une consultation ou d’un entretien, il s’agit en général d’un face à face
mais qui n’exclut pas une extension au chevet du malade au lit, ou le travail dans un couloir
avec un enfant autiste etc… Son cadre n’est donc pas aussi rigide (au bon sens du terme) que
celui d’une psychothérapie.
L’entretien est une notion en psychologie clinique et pathologique qui est vaste car c’est
une interlocution entre 2 personnes : le visiteur et le clinicien.
Mais ce peut être également 3 ou 4 personnes ; c’est le cas notamment dans les entretiens dits de
famille (à ne pas confondre avec la thérapie familiale) qui sont relatifs aux parents et à l’enfant
ensemble, ou aux parents seuls parallèlement à d’autres entretiens avec l’enfant ou
distinctement d’autres entretiens avec l’enfant. Ce n’est pas forcément la même personne qui
fait les deux entretiens mais il peut y avoir donc jusqu’à 3 personnes plus le clinicien.
Et puis il y a également des entretiens de couples. Il en va de même pour la consultation, il n’y
a pas là de nuances.
Il s’agit donc d’une pratique relativement ouverte, à partir de laquelle on vous demande
souvent en institution (ce n’est pas trop le cas dans les lieux ou il y a une institutionnalisation de
consultations et de psychothérapies, c’est à dire pas trop des lieux comme les CMP et CMPP,
mais sur des lieux de vie comme les hopitaux de jour) de faire un entretien avec Mr Machin car
il ne va pas bien… Avec cela autrement dit, débrouillez-vous. Débrouillez-vous dans un champ
qui est à la fois vaste et qui à la fois n’est pas le champ de la psychothérapie, n’est pas le champ
qui consiste en la passation de projectives mais qui peut en revanche participer du diagnostique
et des faits psychothérapiques.
C’est un champ à la fois large et assez spécifique qu’il va nous falloir préciser des deux côtés,
c’est à dire quelles vont être les limites du côté de la psychothérapie mais aussi du côté de
l’investigation et du diagnostique. Autrement dit quand est-ce qu’on est dans une situation
d’entretien et quand est-ce qu’on ne l’est plus et qu’on passe à autre chose. J’espère pouvoir
vous aider à éclairer ce champ de travail, ne serait-ce que parce que ça a des conséquences
institutionnelles et qu’il est important parfois de pouvoir dire : “ voilà, je passe à tel type de
travail avec Mr Machin ”.
Là je suis déjà en train de préciser une distinction entre deux modalités d’entretien
relatifs à notre pratique en institution.
Dans cette demande : “ Voyez Mr Machin ”, ou “ Voyez le jeune Jérôme en entretien ”, il y a
deux demandes sous-jacentes.
Soit il va s’agir d’une demande (il ne s’agit pas toujours de demandes, parfois c’est vous qui
décidez de voir quelqu’un en entretien). Soit il va s’agir d’un entretien :
- à visée d’investigation, soit d’un entretien
- à visée pychothérapeutique
A la préparation de cet ouvrage sur l’entretien, j’ai établi cette distinction qui n’est pas toujours
aussi tranchée (parfois on est un peu à cheval entre les deux) afin de vous permettre de vous
repérer car la position psychique du clinicien lors de ces deux types d’entretien n’est pas la
même.
Les entretiens à visée d’investigation sont :
- les entretiens de recherche
- les entretiens relatifs à une demande émanant du juridique (comme les entretiens
d’expertises)
- les entretiens qui accompagnent la passation d’un test (projectif, psychométrique)
- les entretiens diagnostiques
Il peut y avoir recoupement entre ces deux derniers types d’entretiens.
A côté de cela il y a les entretiens à visée psychothérapique ou la demande est davantage
celle d’un traitement, et pourtant on n’est pas dans la psychothérapie, et pas dans une demande
cognive. Les entretiens à visée d’investigation en effet mettent le clinicien en situation
d’apporter ses compétences cognitives (jugement cognitif), pas seulement, mais aussi (comme
par exemple : comment la dynamique de la schizophrénie de tel patient se manifeste… ou
encore un entretien de recherche ou diagnostique, quand il y a par exemple des hésitations :
s’agit-il d’une hystérie ou d’un état limite ou d’une psychopathie notoire etc…).
Dans des entretiens à visée de traitement au sens large, le clinicien met de côté ses
compétences cognitives.
L’entretien à visée diagnostique est celui qui nous intéresse le plus de notre point de vue.
Quand vous faites un entretien de recherche, c’est simple, vous avez vous une demande
cognitive précise qui concerne votre recherche.
Dans un entretien où on vous dit : “ Allez voir Mr Machin il ne va pas bien ”, on ne fait pas
appel à vos compétences cognitives. On vous demande d’être intelligent aussi mais on fait
appel à tout autre chose. Cela fait quand même une différence qu’on va explorer.
Nous, nous parlons de psychologue clinicien car en effet il existe dans les institutions
des différences professionnelles, des statuts professionnels différents. Vous serez à la fin de
l’année je l’espère psychologues cliniciens et à la fin de la même année un certain nombre de
médecins seront psychiatres. Or le statut de psychiatre n’est pas le même statut que celui de
psychologue clinicien et tous deux comme d’autres (éducateurs etc…) font des entretiens.
Il est intéressant de réfléchir en quoi c’est pas les mêmes entretiens du tout.
La professionnalisation distingue radicalement ; par exemple le domaine des médicaments est
dévolu au psychiatre.
Les deux sont cliniciens et mènent des entretiens et des consultations, à l’exclusion des
traitements médicamenteux pour le psychologue. Les entretiens peuvent être pratiqués par les
deux, même s’ils n’ont pas la même formation, et cette différence de formation est importante.
Le terme de clinicien permet donc de penser que la fonction n’est pas nécessairement la
profession.
Le psychiatre et le psychologue clinicien n’ont pas la même pratique professionnelle mais ils
peuvent occuper la même fonction sur le créneau de la pratique de l’entretien.
C’est intéressant d’avoir ce modèle là, pas pour dire : “ je suis comme le psychiatre ”, parce que
non, l’un n’est pas l’autre. J’en viens donc à dire que l’entretien n’est pas notre spécificité (qui
serait de façon outrancière, pour le psychiatre les médicaments et pour le psychologue la
passation des tests). A côté de ça il y a tout un champ de pratiques réelles et dynamiques qui
sont partagées par ces professionnels en institution.
Pouvoir penser en terme de fonction commune au niveau de l’entretien et de la consultation et
de professions différentes permet parfois de sortir de conflits de rivalité institutionnelles.
Et ça c’est intéressant. Il ne s’agit pas de se mettre à la place de l’autre, il s’agit de pouvoir faire
vivre ce terrain d’une pratique commune qui n’est pas en même temps identique. Ca sort parfois
de la rivalité de fonction. C’est plus rare les psychiatres qui veulent être psychologues que les
psychologues qui veulent être psychiatres, pour diverses raisons, entre autre celle de la place du
psychologue dans l’institution. Pouvoir sortir de cette envie là sera gérée autrement que sur le
mode de la pure rivalité et est utile pour les patients et la dynamique d’un lieu institutionnel.
Dans le cours on va distinguer investigation et psychothérapie en commençant par
l’investigation.
Un autre critère est important à prendre en compte au niveau de l’entretien, c’est la distinction
entre l’exploration de l’intra-psychique de l’exploration de l’interpersonnel ou l’intersubjectif,
même s’ils s’articulent. Qu’est-ce qui se joue dans chacun de ces domaines psychiques dans un
entretien ? Je laisse cela pour l’instant à l’état d’ébauche.
Petit mot introductif sur l’entretien d’investigation, préciser ce terme.
Entretiens où la demande est “ Mr Machin va mal en ce moment, ce serait bien que vous le
voyez… ” : ce sont souvent des demandes pas faciles car c’est souvent en institutions de soins,
qu’on soit en médecine somatique ou en médecine psychiatrique. C’est souvent une demande
qui n’émane pas du malade ou du patient. C’est souvent des demandes des équipes ou du
psychiatre, du médecin, rarement du patient. Ce peut être aussi une demande de soulager une
équipe qui a du mal avec un patient ou du côté des demandes difficiles à gérer comme celle d’un
médecin dans son sentiment d’impuissance face à une maladie somatique ou à un patient qui
s’enferme dans sa dépression et refuse par exemple un traitement.
Le patient a rarement de demandes, soit parce qu’il est psychotique, qu’il est en crise ou qu’il
est malade et a d’autres préoccupations. En plus souvent ce patient voit déjà un psychiatre aussi
il ne voit pas pourquoi il verrait quelqu’un d’autre. Les demandes sont souvent extérieures à la
situation patient-clinicien. Là on est dans un contexte d’une demande qui vient d’ailleurs et
c’est souvent une demande de soulagement d’un problème posé à une équipe ou au médecin.
Il y a là un détournement du problème que Freud pouvait poser par rapport au problème
de la guérison à savoir que Freud excluait la guérison hypnotique et suggestive du symptôme
pris individuellement. Il ne s’agit pas en effet de soigner que la partie malade mais de laisser le
symptôme tranquille car il est nécessaire afin d’aller vers la guérison totale qui est un processus
qui met en jeu tout l’appareil psychique. On ne peut guérir juste le symptôme, la partie malade.
Il y a une nécessité évolutive : la guérison pour Freud existe dans un contexte évolutif de
l’appareil psychique, ce qui est une position assez différente.
Pour en revenir là où j’étais qui est celle de la demande de l’institution, c’est aussi une
demande de l’institution de guérir le symptôme. On ne répondra à cela qu’indirectement : la
levée du symptôme pourra exister mais de surcroit, en plus.
Du reste cela n’ira que si on ne se laisse pas fasciner par le contentement de l’équipe face à cette
“ guérison ” (ce qu’on voit beaucoup en médecine somatique moins en psychiatrie car il y a des
psychologues dans ces services depuis longtemps), sorte d’effet magique, le psychologue étant
le magicien du service. Se méfier, ne pas tomber dans le panneau.
Avec cette non demande du patient en institution on est tranquille parce que finalement
on n’a pas tellement à faire comme c’est le cas en privé, à des demandes de guérison de la part
du patient. En institution, ils ne demandent rien. Cela laisse un potentiel de travail possible.
C’est un cas de figure
L’autre cas de figure qu’on rencontre en institution psychiatrique c’est les effets de
mimétisme.
Dans les lieux de vie (comme les hôpitaux), certains patients ont une demande et les équipes
sont ravies et c’est terrible. Ca ne marche pas très bien.
Les patients : enfants ou adolescents mais aussi parfois adultes voient recevoir le psy par un tel
ou un tel dans le groupe et se disent pourquoi pas moi ? Ils font la demande d’avoir la même
chose que le copain ou le voisin. Il faut prendre en compte ces enjeux de rivalité qui président à
cette fausse demande.
Quoiqu’il en soit la question de la demande en consultation n’est pas une question car en
entretien il n’y a pas besoin d’une demande pour qu’il y ai entretien ou consultation. Cette
question peut s’analyser en thérapie ou en psychanalyse mais pas en entretien.
La demande est névrotique ou si non névrotique une pseudo-demande intellectuelle qui fait
semblant de poser une demande névrotique, cela peut être une demande culturelle mais quoi
qu’il en soit cela concerne l’analyse et la thérapie.
Dans l’entretien on ne peut se réfugier dans la non-demande du patient pour ne pas le
recevoir : “ je ne vais pas voir le jeune Laurent, il n’a pas de demande ”. On a parfois affaire à
des gens préoccupés qui concentrent tout leur investissement du côté du narcissisme pour
essayer de tenir le coup, donc ils ne sont pas très disponibles pour la demande mais cela
n’empêche pas un entretien thérapeutique intéressant.
La demande peut donc émaner des équipes mais aussi de nous, psychologues.
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