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Mémoire
Etude comparative
des résu1tats obtenus par
trois méthodes différentes
de renforcement musculaire
Ann. Kinésithér., 1977,4,351-361
A. DE PRINS *
Il est hélas trop rare qu'un kinésithérapeute ait l'audace de s'attacher
àvalider ce qui lui est enseigné; parmi les cours les plus traditionnels
figurent ceux qui traitent du renforcement musculaire, et rares sont les
enseignants qui peuvent moduler ce qu'ils qffirment en fonction de ce
qu'ils ont expérimenté; c'est pourquoi nous devons saluer le travail sérieux
et utile de notre confrère belge. Il nous montre de plus qu'un travail
((scientifique ))ne fait pas appel nécessairement à du matériel complexe et
coûteux: la rigueur, une hypothèse de travail, l'honnêteté dans le dépouil-
lement des résultats suffisent.
Les méthodes qui ont été expérimentées pour ce travail sont
différentes par les mécanismes physiologiques qu'elles utilisent afin
d'atteindre un but commun, c'est-à-dire: solliciter le maximum d'unités
motrices afin d'engendrer les processus circulatoires, métaboliques et
nerveux, permettant l'augmentation de la force musculaire.
Avant de parler de notre expérimentation proprement dite,
envisageons dans les grandes lignes les bases physiologiques de la
musculation en général et des trois méthodes expérimentées.
En ce qui concerne les bases physiologiques de la musculation, on ne
connaît pas encore, à l'heure actuelle, les mécanismes physiologiques qui
interviennent pour augmenter la force musculaire sous l'effet de l'entraî-
nement. Mais ce que l'on sait, c'est que l'hypoxie ne semble pas jouer un
grand rôle. En effet, lorsqu'un entraînement est réalisé alors que la
circulation est bloquée au niveau du muscle concerné, on n'observe pas
une amélioration plus importante que lorsque l'entraînement est réalisé
avec une circulation normale.
*Kinésithérapeute. Bte 20. 233. avenue Van-Overbecke. 1080 Bruxelles (Belgique).
Cette conférence a été présentée au Séminaire Euro-Africain sur la «Place du Physiothérapeute dans la
rééducation des traumatisés de la route », 9-13 mai 1977, àSousse (Tunisie).
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Ce que l'on sait aussi, c'est que le neurone exercerait une action
trophique essentielle dans le métabolisme et la synthèse des protéines au
niveau du muscle, En effet, la teneur en azote est plus importante pour des
muscles atrophiés par immobilisation avec innervation normale, que dans
des muscles immobilisés par dénervation, D'autre part, la stimulation d'un
muscle dénervé ne détermine pas l'hypertrophie qui survient normalement
chez les muscles soumis àl'entraînement.
Ce que l'on sait aussi, c'est que la diminution des inhibitions et l'aug-
mentation des facilitations d'origine supra-spinale et proprioceptive
qu'engendre l'entraînement, font que le nombre d'unités motrices
recrutées est plus important et que la masse musculaire participe plus
complètement àla contraction, déterminant ainsi un accroissement de la
force développée,
Ceque l'on sait aussi, c'est que l'action probable de l'entraînement sur
le système nerveux central permet l'amélioration de la coordination des
mouvements et une augmentation du nombre des unités motrices qui
peuvent entrer simultanément en contraction.
Enfin, ce que l'on sait encore, c'est que le psychisme influence
grandement l'augmentation de la force sous l'effet de l'entraînement et ce,
de deux manières:
1°Par la motivation et l'aptitude du sujet àsupporter les sensations
désagréables qui naissent au niveau de son muscle lors de l'effort; celles-ci
varient d'un sujet àl'autre, d'un jour àl'autre et d'un moment de la journée
àl'autre.
2° Dans des circonstances particulières, telles que: danger,
émotions, cris, commandements ... l'inhibition et la facilitation en
provenancce des centres supra-spinaux et des sensations proprioceptives,
diminuent et augmentent respectivement, de sorte qu'un plus grand
nombre d'unités motrices peuvent participer àla contraction musculaire
volontaire.
Avant d'en terminer avec les bases physiologiques de la musculation
en général, quelques mots sur l'influence de l'entraînement sur la forme et
la constitution des organes locomoteurs.
Il faut savoir que l'exercice peut amener:
1°De nouvelles travées osseuses àse former lorsque des contraintes
mécaniques inhabituelles interviennent et imposent àl'organisme de
résister àdes forces d'orientation nouvelle.
Des cartilages articulaires légèrement plus épais et plus com-
pressibles; ce qui accroît les possibilités de compensation des mauvaises
adaptations éventuelles des surfaces articulaires; d'autre part, la taille des
surfaces de contact s'accroît; ce qui diminue la pression par unité de
surface lorsque s'exerce une contrainte mécanique àce niveau.
Hypertrophie des substances intercellulaires du tissu conjonctif;
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ce qui augmente le volume des ligaments et tendons, engendrant ainsi une
augmentation de la résistance à la traction.
Hypertrophie des muscles par épaississement des fibres muscu-
laires et par augmentation de la masse totale en protéines musculaires au
détriment de la teneur en graisses du muscle.
Des modifications biochimiques au niveau du muscle; en
l'occurrence le système enzymatique est fortement affecté; ce phénomène
serait en partie responsable de l'augmentation de la puissance musculaire
que l'on observe sous l'effet de l'entraînement.
Des modifications importantes du système circulatoire local. Tout
d'abord, le nombre de capillaires dans le muscle est augmenté dans un
rapport de 1 à 20, ce qui diminue l'épaisseur du tissu qui se trouve autour
de chaque capillaire et augmente leurs surfaces d'échanges, entraînant
ainsi une diminution de la PC02 et des métabolites, et une augmentation
de la P02 dans le liquide interstitiel. L'arbre artériel se développe
également, sans doute grâce à l'ouverture de vaisseaux collatéraux
potentiels.
En résumé on peut donc dire que la musculation est un phénomène
complexe et peu compris dans lequel l'accroissement de l'efficacité
musculaire n'est dû qu'en partie aux changements du tissu musculaire lui-
même, tandis que le réajustement des fonctions mentales, la coordination
des centres nerveux, l'adaptation des processus circulatoires et métabo-
liques jouent un rôle prédominant.
Maintenant que nous avons vu les bases physiologiques de la muscu-
lation en général, envisageons les bases théoriques des trois méthodes de
musculation que nous avons expérimentées.
1. La méthode au banc de Colson
A proprement parler, il n'existe pas de méthode de Colson, mais un banc
de Colson destiné à la musculation du quadriceps; ce banc peut être
facilement remplacé par une table de mécanothérapie placée dans la cage
de Rocher.
La position adoptée pour ce travail est pratiquement identique à celle
adoptée par De Lorme et Watkins.
Le sujet est assis les bras croisés, une cale sous la cuisse; la dernière
poulie du circuit est placée de manière que la direction de la force de
résistance matérialisée par le brin de l'élirigue qui vient s'attacher au pied
soit perpendiculaire à lajambe à mobiliser dans sa position de départ.
Dans cette méthode, le nombre de répétitions est généralement élevé
(nous avons arbitrairement choisi 100 fois le mouvement); les charges
sont habituellement faibles (nous avons choisi 20 %de la RM, en consi-
dérant qu'il s'agissait là d'une charge faible et en se basant sur les travaux
d'Hettinger qui nous apprennent que de telles charges permettent un
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travail musculaire sans blocage circulatoire), enfin, la vitesse d'exécution
est souvent moyenne (nous avons choisi 1,5 s pour la contraction concen-
trique, 1,5 s pour la contraction excentrique, une fraction de seconde
pour le temps de repos).
Cette technique est considérée comme avantageuse du fait que la
résistance qui a son plein effet en position de départ, se met àdécroître
graduellement au cours de l'extension du genou tandis que le muscle
quadriceps se raccourcit et que sa force diminue.
En résumé on peut donc dire que c'est une méthode qui, par le
nombre des répétitions, provoque une fatigue locale et sollicite progres-
sivement un maximum d'unités motrices.
2. La méthode De Lorme et Watkins
Cette méthode est basée sur le fait que des charges lourdes solli-
citeraient tout le potentiel de puissance du muscle. En effet, pour que
toutes les fibres d'un muscle participent àune contraction, il faut que
l'excitation soit supérieure àtous les seuils d'excitabilité des différentes
unités motrices de ce muscle. Il en résulte que lorsque la force de
contraction cesse de s'accroître, on atteint le stimulus maximum et la
réponse maximum, chaque fibre répondant àla loi du tout ou rien par sa
contraction maximale.
La mise en œuvre de toutes ces unités motrices nécessite l'usage de
résistances importantes àla contraction du muscle; un tel type de
contractions implique un nombre minimum de répétitions. De Lorme dit:
«un maximum de dix fois le mouvement ». Il a fait le choix de ce nombre
pour deux raisons: tout d'abord il donne une série suffisamment
importante en durée et en intensité; ensuite, il permet de maintenir une
concentration volontaire du sujet sur son travail.
Ce type de travail engendre un blocage circulatoire qui entraîne la
saturation du muscle en déchets; cette saturation est extériorisée par une
fatigue locale et momentanée. Loin d'être nuisible, cette fatigue serait,
selon les auteurs de la méthode, nécessaire afin d'accroître la force
musculaire car elle force l'organisme às'adapter au travail qui est habituel-
lement exigé de lui.
Les modalités de cette méthode telles que nous les avons appliquées
dans notre expérimentation sont les suivantes:
- la position du sujet: il était assis sur une table, les bras croisés,
adossé àun plan vertical, une sangle maintenant le bassin sur la table, une
cale sous la cuisse;
- la séance de musculation comprenait trois séries de dix
mouvements avec respectivement 2/5, 3/5 et 4/5 de la RM;
- la vitesse d'exécution était de 3 secondes pour la contraction con-
centrique, 3 secondes pour la contraction statique, 3 secondes pour la
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contraction excentrique, le temps de repos était égal au temps de travail,
soit 9 secondes;
- l'application des charges se faisait àl'aide de crochets que l'on
attachait àla botte fixée au pied de la jambe àmobiliser.
3. la méthode de Kabat
Cette méthode contrairement aux deux méthodes analytiques que
nous venons de voir, est globale et utilise des mouvements spiroïdes et
diagonaux, ainsi que des moyens de facilitation proprioceptifs.
Pourquoi des mouvements globaux en spirale et diagonale? Parce que
Kabat a constaté que dans la vie courante les gestes ne sont presque
jamais analytiques et qu'ils sont généralement spiroïdes et en diagonale.
De plus, les fibres musculaires sont enroulées en spirale et agissent
souvent synergiquement.
Pourquoi des moyens de facilitation proprioceptifs? Afin de solliciter
un maximum d'unités motrices par augmentation de l'excitabilité des
moto-neurones et par diminution des inhibitions auxquelles ils sont soumis.
Au cours de notre expérimentation nous avons eu recours aux moyens
de facilitation suivants:
1°la résistance maximum: Elle engendre une augmentation de
l'excitation afférante du système nerveux central par des impulsions
provenant de sensations profondes dues àla tension des muscles,
ligaments et capsules articulaires. Cette résistance est appliquée avec les
mains de manière àêtre dosée dans toute l'amplitude du schéma de
mouvement.
20 l'étirement: Il provoque une réponse plus grande du muscle du
fait des propriétés élastiques du muscle et du fait que l'étirement fait naître
au niveau des fuseaux neuro-musculaires un potentiel d'action; ce dernier
est transmis par l'intermédiaire des fibres afférantes qui font synapse
avec les moto-neurones de la corne antérieure qui vont aller exciter les
fibres extra-fusoriales du muscle strié; qui font également synapse avec les
neurones intercalaires qui eux-mêmes font synapse directement ou par
l'intermédiaire d'autres interneurones avec des moto-neurones de la corne
antérieure innervant les muscles antagonistes; ce qui inhibe ces neurones
et relâche les muscles qu'ils innervent.
3Dl'irradiation: Il s'agit d'un débordement d'énergie qui se propage
de la racine du membre vers son extrémité (des stabilisateurs, vers les
moteurs).
40 la répétition des contractions: Elle consiste àdemander au sujet
des contractions statiques qui interrompent l'exécution du mouvement à
différents niveaux.
50 la stimulation verbale: Lors d'un commandement l'inhibition
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