chapitre iv - Cité des Sciences et de l`Industrie

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CHAPITRE IV
Hérédité du sexe.
Chez les espèces les sexes sont séparés, on connaît deux types d’hérédité du sexe. Chez l’un, que
l’on peut appeler le type Drosophila (type XX-XY ou, brièvement, type XY), la femelle est homozygote
pour le facteur sexe ”, et le mâle, hétérozygote ; chez l’autre, ou type Abraxas (type WZ-ZZ ou, plus
brièvement, WZ), la femelle est hétérozygote, et le mâle homozygote. Comme, dans les deux cas, les
individus hétérozygotes s’unissent toujours avec les homozygotes, il en résulte à chaque génération un
nombre égal d’individus hétérozygotes et homozygotes et ainsi la condition bisexuelle se perpétue comme
suit :
[Schéma non reproduit dans cette version]
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Les données actuelles de la génétique ont rangé dans le type Drosophila les formes animales suivantes :
Drosophila, homme, chat ; et parmi les végétaux : Lychnis et Bryonia. Les faits cytologiques font
rapporter au même type les groupes d'insectes tels que : punaises, mouches, coléoptères, sauterelles,
araignées, certains vers (Ascaris), les échinodermes, amphibiens et mammiféres (y compris l'homme). Les
données génétiques ont rangé dans le type Abraxas plusieurs noctuelles et papillons et plusieurs oiseaux :
poules, canards et canaris (1).
Les faits cytologiques plaidant en faveur de l'existence de ce type n'ont été relevés que chez un petit
nombre de noctuelles.
Dans nombre de cas du type Drosophila chez lesquels l'histoire des chromosomes sexuels a été étudiée
au point de vue cytologique, on a constaté qu'il existe chez le mâle une paire de chromosomes dont les
deux membres sont de forme et de grandeur différentes. Ce sont les “ chromosomes sexuels ” désignés par
X et Y. Dans plusieurs espèces du type Drosophila, l'Y est un peu plus petit que l'X, et dans les autres
espèces de ce type on a trouvé tous les degrés de grandeur relative de l'Y jusqu'à son absence complète.
Chez quelques-unes de ces espèces, par contre, les chromosomes qui correspondent nettement à Y et X
ont le même aspect. Ce n'est
(1) Le travail de Richardson sur les fraisiers tend à faire ranger cette plante dans le type Abraxas.
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pas d'ailleurs la différence de taille, ordinairement visible chez le mâle entre X et Y, qui donne à ces deux
chromosomes leur signification dans la détermination du sexe, mais plutôt une différence dans les facteurs
qu'ils contiennent.
La différence de grandeur est un incident fortuit ou, pour ainsi dire, un signe ou une étiquette qui
n'existe pas chez toutes les espèces. Dans tous ces cas, la femelle possède deux chromosomes X, le
chromosome Y se confinant dans la lignée mâle.
Ce type de la détermination du sexe représente tous les œufs comme semblables, chacun contenant un
X (après que les globules polaires ont été expulsés). Mais les spermatozoïdes sont de deux sortes : les uns
contenant l'X ; les autres, l'Y ou simplement pas d'X. Le schéma du phénomène est le suivant :
[Schéma non reproduit dans cette version]
On voit que tous les spermatozoïdes portant X produisent des femelles, tandis que ceux portant l'Y ou
pas d'X produisent des mâles.
Lorsqu'il est présent, le chromosome Y passe du père
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au fils : il peut donc sembler que si l'Y portait un facteur déterminant le sexe mâle le schéma pourrait
aussi bien servir que si un facteur sexuel était porté par le chromosome X. Mais dans plusieurs cas il n'y a
pas d'Y chez le mâle et dans certains autres (qui seront décrits plus loin et qui sont dus à la
non-disjonction), il existe des femelles qui ont une formule XX Y, et pourtant leur sexe n'est affecté en
aucune façon par la présence de l'Y surnuméraire. Il s'ensuit que le sexe est déterminé, non point par la
présence ou l'absence du chromosome Y, mais par le nombre des chromosomes X. Dans les cas suivants
la détermination du sexe du type Drosophila fut découverte par l'étude de l'hérédité liée au sexe, aussi
bien que dans les exemples ci-dessus le mécanisme fut découvert grâce à des observations
cytologiques, la preuve que le mâle est hétérozygote pour un facteur mendélien déterminant le sexe a été
fournie par le fait qu'il donne naissance à deux sortes de spermatozoïdes en nombre égal (ceux produisant
les mâles et ceux produisant les femelles). Nous connaissons ces faits dans les cas étudiés
cytologiquement parce qu'ici les spermatozoïdes portant X doivent tous produire des femelles, tandis que
l'autre moitié doit produire des mâles ; nous les connaissons, en outre, dans les cas étudiés génétiquement
parce qu'ici la moitié seulement des spermatozoïdes d'un mâle montrant un caractère dominant lié au sexe
portent ce facteur dominant et produisent tous des femelles, tandis que les autres produisent des mâles. La
femelle doit contenir le
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même facteur sexuel mendélien qui est présent dans les spermatozoïdes produisant des femelles ; mais la
femelle doit être homozygote pour ce facteur, puisque tout œuf fécondé par un spermatozoïde à tendance
mâle fournit ce facteur au mâle qui en résulte.
Bien que les résultats de l'hérédité liée au sexe du type Drosophila diffèrent par ce point seul des cas
non liés au sexe (c'est-à-dire où un mâle dominant transmet son facteur dominant lié au sexe uniquement
à ses filles), il est néanmoins bon de rappeler à ce sujet quels sont les rapports qui se produisent dans les
différents types de croisements. Nous avons déjà vu plusieurs exemples d'hérédité liée au sexe, chez
Drosophila ; celui des yeux blancs est le type de tous les autres. Nous en rappellerons ici les faits
principaux. Si un mâle à yeux blancs est croisé avec une femelle à yeux rouges, les descendants ont des
yeux rouges (fig. 9). Si ceux-ci sont croisés entre eux, toutes les femelles F.2 ont les yeux rouges, tandis
qu'une moitié des mâles ont des yeux blancs et l'autre moitié, des yeux rouges. En un mot, l'aïeul transmet
ses caractères visiblement à la moitié de ses petits-fils, mais à aucune de ses petites-filles.
Dans le croisement réciproque (fig. 10), une femelle à yeux blancs croisée avec un mâle à yeux rouges
produit des femelles à yeux rouges et des mâles à yeux blancs. Ceux-ci croisés entre eux donnent en
nombre égal des mâles et des femelles à yeux blancs et à yeux rouges. Si l'on admet que le facteur pour les
yeux blancs est porté par le chromosome sexuel, on comprend faci- [facilement]
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lement la manière dont les yeux blancs sont hérités. On remarquera qu'une femelle transmet à chacun de
ses descendants mâles l'un de ses chromosomes X avec tous les facteurs qu'il contient ; ils montreront
tous les caractères liés au sexe, qu'ils soient dominants ou récessifs, puisqu'ils ne reçoivent pas d'autres X
capables de dominer ces caractères et que l'Y ne contient pas de facteur dominant. Si, par exemple, on
obtient la race pure suivante : corps de couleur jaune, yeux blancs, abdomen anormal, ailes bifides, soies
fourchues et yeux en barre, et si une femelle de cette race est croisée avec un mâle sauvage, tous les
descendants mâles auront les caractères : jaune, blanc, anormal, bifide, fourchu et barre. Les descendants
femelles, au contraire, ne recevront pas seulement ce chromosome de leur mère, ils recevront également
de leur père (mâle sauvage) un chromosome contenant les allélomorphes normaux de ces facteurs. Dans
ce cas, les allélomorphes normaux dominent dans toutes les paires de facteurs, excepté anormal et barre.
Les femelles, par conséquent, paraîtront normales pour tous les caractères, sauf pour anormal et barre qui
sont dominants.
Chez le chat, Doncaster et Little décrivent un facteur lié au sexe affectant la couleur. Chez les
caractères, tels que la cécité des couleurs, l’hémophilie et d'autres identifiés avec moins de certitude,
suivent le même schéma.
La comparaison de l'hérédité liée au sexe chez Abraxas avec le même phénomène chez Drosophila
montre
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que la manière dont les caractères liés au sexe sont hérités dans les deux cas est identique, mais leur
rapport avec le sexe est exactement inverse. Dans le type Abraxas, l'hérédité liée au sexe se produit en
accord avec l'idée que la femelle est hétérozygote pour la production du sexe. Si le chromosome qui porte
ce facteur différentiel du sexe est appelé Z et son partenaire chez la femelle W, la formule pour le mâle
sera ZZ et celle pour la femelle WZ, selon le schéma suivant
[Schéma non reproduit dans cette version]
Le type d'hérédité chez Abraxas est représenté par les diagrammes suivants (fig. 30 et 31), dans
lesquels le type sauvage commun A. grossulariata est croisé avec le type mutant rare A. lacticolor.
Dans le premier croisement (fig. 30) la femelle lacticolor est appariée au mâle grossulariata, les
descendants sont tous du type grossulariata. Lorsqu'on les croise entre eux, ils donnent (F.2) trois
grossulariata pour un lacticolor, mais les lacticolor sont tous femelles. L'aïeul lacticolor a transmis sa
particularité visiblement
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à la moitié de ses petites-filles mais à aucun de ses petits-fils.
Fig. 30. - Croisement d'un Abraxas lacticolor femelle avec un A. Grossulariata mâle. Les chromosomes sexuels sont
représentés par des cercles et les lettres qu'ils contiennent indiquent les facteurs dont ils sont porteurs. Le chromosome W,
confiné à la lignée des femelles, est représenté sans L ou l, car - tout comme le chromosome Y de Drosophila - il ne porte pas
de facteurs liés au sexe.
[Figure non reproduite dans cette version]
Dans le croisement réciproque (fig. 31), mâle lacticolor avec femelle grossulariata, les femelles sont
semblables à leur père (lacticolor) et les mâles, à leur mère (grossulariata). C'est ce qu'on appelle l'hérédité
en croix. Lorsque les hybrides (F.1) sont croisés entre eux, ils
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donnent en nombre égal des lacticolor mâles et femelles et des grossulariata mâles et femelles.
Fig. 31. - Croisement d'un Abraxas grossulariata femelle avec un A. lacticolor mâle (croisement inverse de celui représenté
fig. 30).
[Figure non reproduite dans cette version]
L'hérédité liée au sexe telle que l'ont montrée les résultats précédents devient explicable si le facteur
pour lacticolor est porté par le chromosome Z. Sa présence dans Z est indiquée ici par l dans le cercle qui
représente ce chromosome ; le caractère allélomorphe porté par le Z de l'individu grossulariata étant
indiqué par
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un L. Le chromosome W est représenté par le cercle simple. Les deux cas s'analysent alors ainsi que le
montrent les diagrammes.
L'analyse précédente montre que les faits génétiques plaident en faveur d'un canisme dans lequel la
femelle est hétérozygote pour le sexe, puisque ceux de ses œufs qui portent le facteur pour grossulariata
donnent tous des femelles, et les autres des mâles. Jusqu'à ces dernières années, il n'y avait dans le cas
d'Abraxas aucun fait cytologique positif appuyant cette manière de voir. Heureusement, le côté
cytologique de la question est maintenant en meilleure position, grâce aux recherches de Doncaster et de
Seiler.
Doncaster examina Abraxas au point de vue cytologique et trouva que la femelle et le mâle possèdent
tous deux cinquante-six chromosomes sans paire inégale visible.
Le rapport des sexes chez Abraxas est normalement d'environ 1 pour 1. Dans une lignée
exceptionnelle, cette égalité des sexes ne répondit pas à la loi générale. Dans ce cas unique, Doncaster
trouva plusieurs femelles qui ne donnèrent naissance qu'à des femelles et pas à un seul mâle. D'autres
femelles de cette lignée donnèrent naissance à beaucoup de filles mais aussi à quelques fils, tandis que
d'autres encore produisirent pratiquement le rapport normal 1 : 1.
Lorsque Doncaster examina cette lignée au point de vue cytologique, il observa que tandis que les
mâles étaient normaux et possédaient cinquante-six chromo- [chromosomes]
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somes, les femelles n'en avaient que cinquante-cinq. Lors de la maturation des œufs d'une de ces femelles
à cinquante-cinq chromosomes, le chromosome impair se rendait à l'un des pôles, de telle sorte que l'une
des plaques polaires contenait vingt-sept chromosomes et l'autre, vingt-huit. Doncaster observa ensuite
que le chromosome impair échoit beaucoup plus souvent au globule polaire qu'à l'œuf. Les nombreux
œufs qui éliminent le chromosome impair deviennent, après la fécondation, des individus à
cinquante-cinq chromosomes, c'est-à-dire des femelles, tandis que le petit nombre de ceux qui l'ont
conservé deviennent des individus à cinquante-six chromosomes, c'est-à-dire des mâles. La
prépondérance des femelles est donc expliquée. Ces femelles à cinquante-six chromosomes appartiennent
au type OZ.
Dans les lignées normales, il existe un chromosome W ; mais comme ce chromosome peut manquer
sans que le sexe de l'individu en soit affecté, ainsi qu'on l'a vu plus haut, il faut le regarder comme ne
jouant aucun rôle dans la détermination du sexe ; il correspond en ce sens à l'Y de Drosophila. Sa
présence chez Abraxas constitue la base cytologique que réclamaient les faits d'hérédité liés au sexe,
c'est-à-dire la condition inverse de celle que l'on connaît chez d'autres groupes d'insectes.
Les observations de Seiler portent sur des exemplaires sauvages de la noctuelle Phragmatobia
fuliginosa. Le nombre réduit des chromosomes dans la plaque polaire
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de l'œuf est vingt-huit (fig. 32, a). La grande dyade formée par le synapsis des chromosomes sexuels Z et
W se voit au milieu du groupe. Lors de la première division de maturation, tous les chromosomes se
séparent de leurs partenaires, les ordinaires (autosomes) aussi bien que les chromosomes sexuels. Mais
quand W se sépare de Z, il se divise en deux parties que nous pouvons appeler grand W et petit w (fig. 32,
bc). Il en résulte qu'il y a vingt-neuf chromosomes à l'un des pôles (celui qui contient W et w) et
vingt-huit chromosomes à l'autre (celui qui contient Z). Le hasard décide quel groupe ira au globule
polaire et lequel restera dans l'œuf. Il y a, par conséquent, deux sortes d'œufs : Ww et Z.
Chez le mâle, il y a cinquante-six chromosomes, ce qui donne pour nombre réduit vingt-huit. On peut
voir dans la figure 32, d, les deux grand Z. Lorsque le nombre réduit vingt-huit est réalisé, ils s'unissent,
puis se séparent, se rendant chacun à l'un des pôles (fig. 32, h). Chaque spermatozoïde contient, par
conséquent, un chromosome Z.
Un spermatozoïde quelconque fécondant un œuf Ww produira une femelle. L'embryon mâle
contiendra, par conséquent, cinquante-six chromosomes et l'embryon femelle, cinquante-sept. Le relevé
des chromosomes chez des embryons montre que tandis que les uns en contiennent cinquante-six, les
autres en contiennent cinquante-huit, soixante et un ou soixante-deux. Seiler en déduit que l'élément Z est
également composé et se sépare parfois en quatre constituants dans les cellules
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Fig. 32. - Phragmatobia fuliginosa. a, plaque équatoriale du premier globule polaire ; b et c, plaques-filles du fuseau du
premier globule polaire ; d, plaque équatoriale d’une spermatogonie ; e, plaque équatoriale d'un spermatocyte de premier
ordre ; j et g, plaques équatoriales de spermatocytes de second ordre ; anaphase de la première division de maturation ; i et j
plaques équatoriales de cellules somatiques, avec 56 chromosomes (en i) et 61 chromosomes (en j).
[Figure non reproduite dans cette version]
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somatiques. Récemment (1919), Seiler a démontré l'existence chez deux autres noctuelles d'un
chromosome traînard qui peut être expulsé de l'œuf ou y rester, et ce dans la proportion de 1,36 à 1.
Chez d'autres lépidoptères examinés par Stevens, par Doncaster, par Dederer et par Seiler, les mâles et
les femelles ont la même combinaison chromosomienne. En d'autres termes, si la femelle contient une
paire WZ, les chromosomes qui la constituent sont de même taille ou de taille si semblable que l'on ne
peut les distinguer. On se rappellera à ce propos que chez un petit nombre d'insectes appartenant, pour
d'autres raisons, au type Drosophila, les chromosomes XY sont de même taille. L'impossibilité de trouver
deux grandeurs différentes de chromosomes sexuels chez les noctuelles n'est donc pas une objection à la
conception que la femelle est hétérozygote pour le sexe. Il faut, au contraire, considérer seulement comme
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