Info infectiologie - STA HealthCare Communications

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Info infectiologie
La maladie de Lyme :
présente, même au Québec
Dr Jean-François Roussy (avec la collaboration de Dr Alain Martel, M.D., FRCPC)
Récemment, au cours d’une garde, j’ai reçu
l’appel d’un urgentologue qui désirait obtenir
mon avis quant à l’un de ses patients qui avait
été mordu par une tique, 18 heures auparavant.
PRÉSENTATION CLINIQUE DU PATIENT
Le patient est allé dans un terrain boisé tout près de Sherbrooke.
Environ 12 heures plus tard, il a remarqué la présence d’une tique
accrochée à sa peau, au bas de son dos. Il l’a rapidement retirée et a
consulté un docteur dès le lendemain matin, puisqu’une zone de rougeur
autour du site de la morsure avait légèrement progressé et qu’il craignait
avoir contracté la maladie de Lyme. Il n’a aucun symptômes généraux et
aucune autre lésion cutanée. Le reste de la revue des systèmes et de
l’examen physique est sans particularité. Il n’a pas conservé la tique.
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et dans le SudLa maladie de Lyme est rare au Canada. Des populations d’I. scapularis
sont établies sur 13 sites dans le Sud et l’Est ontarien, en Nouvelle-Écosse
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et dans le Sud-Est du Manitoba. En 2006, parmi les 2 045 tiques reçues par
Manitoba.
le LSPQ (Laboratoire de santé publique du Québec), 662 étaient des
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I. scapularis provenant de diverses régions du Québec (dont l’Estrie), et environ 11 % d’entres elles étaient positives lors du dépistage de B. burgdorle clinicien janvier 2011
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Info infectiologie
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n 2006,
parmi les
2 045 tiques
reçues par le
LSPQ, 662
étaient des
I. scapularis
provenant de
diverses régions
du Québec
(dont l’Estrie),
et environ
11 % d’entres
elles étaient
positives
lors du
dépistage de
B. burgdorferi.
feri. Toutefois, actuellement, les patients atteints de la maladie de Lyme au
Québec ont tous contracté la maladie au cours d’un séjour à l’extérieur de
la province. Par contre, on a commencé à apercevoir des tiques immatures
(forme ayant le plus fort potentiel de transmission de la maladie) dans le
Sud du Québec.
Ainsi, mon patient pourrait avoir contracté la maladie
de Lyme après une morsure de tique « québécoise ».
Les manifestations cliniques
Les manifestations cliniques de la maladie sont divisées en trois stades :
• l’infection précoce localisée;
• l’infection précoce disséminée;
• l’infection disséminée tardive.
L’infection précoce localisée
Il s’agit d’un érythème migrant qui se manifeste de 3 à 30 jours après la
piqûre de tique (période d’incubation de la maladie). Deux patients sur trois
développent ces lésions, généralement asymptomatiques, de forme circulaire, ovale ou triangulaire. Leur taille augmente rapidement et atteint habituellement un diamètre de 5 cm.
Des symptômes et signes constitutionnels peuvent apparaître, dont la
fièvre, les myalgies, les arthralgies, l’anorexie, les dysesthésies et les maux
de gorge. Finalement, des lésions érythémateuses annulaires de petites
dimensions, apparaissant dans les 48 heures suivant une piqûre de tique,
peuvent présenter une réaction d’hypersensibilité et ne doivent pas être considérées comme un prolongement de l’érythème migrant.
Aussi, il est à noté que dans les cas de piqûre documentée avec I. scapularis, la transmission de la bactérie B. burgdorferi se produit dans la vaste
majorité des cas si l’extraction de la tique se fait dans un délai de plus de
72 heures.
Mon patient n’a pas de symptômes constitutionnels et ses lésions érythémateuses sont
apparues moins de 24 heures après la morsure,
signifiant probablement une réaction d’hypersensibilité. La probabilité de maladie de Lyme est
fortement diminuée, étant donné l’absence de
tableau clinique compatible et de morsure de
tique d’une zone non endémique.
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le clinicien janvier 2011
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L’infection précoce disséminée et tardive
Les deux autres stades de la maladie sont l’infection précoce disséminée et
l’infection disséminée tardive; elles se produisent dans les mois et années
suivant la piqûre. Celles-ci sont caractérisées par des tableaux musculosquelettiques, neurologiques ou cardiaques.
Il existe une sérologie permettant de reconnaître le B. burgdorferi – l’agent causal de la
maladie de Lyme. Serait-ce pertinent de la
demander afin d’écarter complètement la possibilité d’une maladie de Lyme?
La sérologie
D’entrée de jeu, le diagnostic de la maladie de Lyme est basé sur les symptômes cliniques compatibles, si possible associés à une histoire d’exposition
à des tiques dans une région endémique. Ces seules conditions peuvent justifier une sérologie.
En fait, la sérologie permet de confirmer un tableau clinique suspect et
non d’établir le diagnostic. En effet, cette sérologie manque de spécificité
pour de multiples raisons :
• infections à d’autres Spirochètes, dont la syphilis;
• certaines maladies auto-immunes, telles que le lupus et l’arthrite rhumatoïde;
• une flore buccale normale pouvant inclure certains Borrelia et;
• d’autres infections virales.
Ainsi, demander la sérologie dans les cas de faible suspicion entraîne
souvent des résultats faussement positifs.
Finalement, seulement 20 % des patients atteints d’érythème migrant ont
une sérologie positive, car la formation des anticorps prend au moins quatre à six semaines avant de pouvoir être détectée. C
LE TRAITEMENT DU PATIENT
La probabilité d’une maladie de Lyme chez ce patient est très faible (période
d’incubation trop courte, clinique non compatible, extraction rapide de la
tique et région non endémique). Ainsi, aucune prophylaxie n’est nécessaire
et la sérologie est non recommandée.
Toutefois, étant donné la période d’incubation de 3 à 30 jours, il faut
recommander au patient de consulter à nouveau si des lésions compatibles
avec l’érythème migrant se développent dans les jours suivants, et ce, avec
ou sans symptômes constitutionnels.
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eulement 20 %
des patients
atteints
d’érythème
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sérologie positive,
car la formation
des anticorps
prend au moins
quatre à six
semaines avant
de pouvoir être
détectée.
Dr Roussy est résident
IV en microbiologieinfectiologie. Il pratique
présentement au Centre
hospitalier universitaire
de Sherbrooke.
Dr Martel est microbiologisteinfectiologue, interniste. Il pratique
présentement au Centre hospitalier de
l’université Laval.
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