Réseau Action Climat France
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Critique de la décision du Conseil constitutionnel
Parmi les arguments des parlementaires, le Conseil constitutionnel en a accepté deux. Sur ces
deux points, cette institution est sortie de son rôle d'expertise juridique pour se risquer à une
expertise économique et environnementale sans visiblement en posséder les capacités.
Premier argument, " il est prévu de soumettre l'électricité à la taxe, alors pourtant qu'en raison de la
nature des sources de production de l'électricité en France, la consommation d'électricité contribue très
faiblement au rejet de gaz carbonique et permet, par substitution à celle des produits énergétiques
fossiles, de lutter contre l' effet de serre ". Cet argument ignore deux réalités.
Tout d'abord, l'ouverture progressive du marché de l'électricité européen, qui permet d'ores et
déjà à certaines entreprises
, et bientôt à toutes, de recourir à des fournisseurs d'autres pays de
l'Union européenne, qui produisent majoritairement l'électricité grâce à des énergies fossiles.
Ensuite, le fait qu'en France même, ce sont des centrales à charbon et à fuel qui fournissent
l'électricité marginale, c'est-à-dire qui sont mises en service ou stoppées selon l'évolution de la
demande. Autrement dit, même si en moyenne 80 % de l'électricité est nucléaire, les mesures
d'économie d'électricité (par exemple la TGAP) réduisent d'abord la production de courant par
les centrales à combustibles fossiles. Anciennes, ces dernières brûlent les combustibles les plus
nuisibles au climat (fuel, charbon) avec un piètre rendement (environ 30 %)
. Aussi, l'émission
de CO2 par kWh marginal varie selon les usages mais dépasse généralement largement
l'émission moyenne de CO2 par kWh. Cette manière de comptabiliser l'intensité en gaz à effet
de serre de la production électrique est refusée – on comprend pourquoi – par EDF. Pourtant,
l'une des grandes fiertés de cette entreprise est d'avoir développé une tarification en fonction du
coût marginal de production de l'électricité
. Comment peut-on défendre le raisonnement
marginaliste pour les tarifs électriques et le refuser pour fixer la TGAP sur l'électricité ?
Le contenu moyen en CO2 du kWh produit en Europe s'élève à environ 500 g. Le contenu
marginal en CO2 du kWh produit en France est d'environ 350 g
. Or, le projet de loi taxait
l'électricité comme si un kWh émettait 183 g de CO2. De ces deux points de vue, l'électricité
apparaissait sous-taxée, et non sur-taxée, dans le projet de loi.
Cette décision, ainsi que les saisines, la liste de leurs signataires et les observations du gouvernement, sont
disponibles sur http://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2000/2000441/.
Soit 30 % de la demande émanant de l'industrie.
Pour une même production, une centrale à gaz moderne à cycle combinée ou, mieux, à cogénération (production
combinée de chaleur et d'électricité), atteint un rendement deux à trois fois supérieur. Mais la priorité absolue
donnée par EDF au nucléaire sur les autres sources d'énergie aboutit à ce que le parc de centrales thermiques (non
nucléaires) français émet beaucoup plus de gaz à effet de serre, par kWh produit, que ceux de nos principaux
voisins.
Grâce en particulier aux travaux de Marcel Boiteux, ancien directeur général d'EDF, qui constituent l'une des
principales contributions de notre pays à la théorie économique. Cf. M. Boiteux, "Sur la gestion des monopoles
publics astreints à l'équilibre budgétaire", Econometrica, 24(1) pp. 22-40, 1956.
Etude de l'INESTENE pour l'ADEME (2000) pour le kWh marginal et Agence Internationale de l'Énergie pour le
contenu en CO2 du kWh en Europe.