FESTIVAL INTERNATIONAL DE GEOGRAPHIE
Samedi 2 octobre 2004
Géographie religieuse des recommandations et interdits alimentaires
Conférence de Jean-Robert PITTE, Président de l’Université Paris -Sorbonne
L’objectif des religions ( religare en latin) est de relier les hommes et Dieu. Pour cela, il existe
différents moyens : le culte, le travail, le chant et la danse, mais aussi l’alimentation et les
boissons.
1) Tout ce qui est vivant a une relation avec la religion et incorporer le vivant est
une pratique religieuse.
Les aliments ont alors certains caractères :
- Les aliments-souvenirs : par exemple, la châtaigne qui permet de survivre est
considérée comme la nourriture des morts dans les religions du Bassin
méditerranéen. Elle est mûre en automne et c’est la nourriture rituelle du 1er
novembre.
- L’approche du divin : ainsi le thé, qui permet de rester en éveil et de pratiquer de
longues méditations est utilisé dans le bouddhisme, mais aussi chez les protestants
et les musulmans.
- Don de Dieu ( ou des dieux) , comme la manne de la Bible. Le vin est la boisson des
dieux, de Dieu et parfois même Dieu lui-même (le vin est le sang de Jésus-Christ, par
la transsubstantiation).
- Les aliments provoquent des sentiments comme la joie :
Les plats souvenirs de l’enfance (plats traditionnels de fêtes) sont souvent au
cœur des religions.
Les boissons fermentées provoquent parfois l’ébriété appréciée de temps à autre
car synonyme d’état d’abandon total, favorable à la religion. Mais l’islam interdit justement
le vin, donc l’ébriété, ce qui est un manque de confiance dans les fidèles. Cependant
dans cette religion, des « petits arrangements » sont possibles, comme la possibilité de
consommer du vin, mais pas en public ! Dans la Bible, on trouve des exemples de
personnages en état d’ivresse, comme Noé ou Loth.
Autre aliment de plaisir : la viande. Nous sommes tous issus d’anthropophages.
L’anthropophagie est une vertu magique qui permet la vie. On mange aussi ses ennemis
car on les aime ! Selon les religions, certains animaux sont considérés comme vertueux,
d’autres porteurs de péchés. Ainsi, dans l’islam ou le judaïsme, on ne doit pas manger
d’animaux carnivores ou scatophages à cause d’une terreur magique qui transformerait le
mangeur en ces animaux. En Extrême-Orient, le chamanisme et le taoïsme pensent
qu’en mangeant certains animaux, on incorpore les vertus de ceux-ci.
- Dans les pays occidentaux, de nouveaux interdits alimentaires apparaissent
(consommer du chien, de la baleine par ex.) alors que les religions perdent de leur
importance. L’esprit humain se crée quelquefois de nouveaux interdits, de nouvelles
religions (le bio ?) censés nous rendre plus sociables.
2) Attitude des principales religions :
- Dans l’animisme, il y a très peu d’interdits, sauf des interdits temporaires (par exemple les
œufs interdits aux femmes) mais beaucoup d’intérêt pour la nourriture vivante (comme les
huîtres chez nous). On consomme par exemple des crevettes vivantes ou du poisson cru
au Japon. On offre de la daurade crue à la naissance d’un enfant, c’est une véritable
communion avec du poisson. Le saké, boisson de riz fermenté, est fait dans une
atmosphère vivante dans les fabriques des prières shinto sont dites. Il existe aussi
certaines vibrations dans l’air quand la fermentation du raisin commence : autrefois, on se
mettait nu pour entrer dans la cuve où le liquide atteignait 37°. C’était un moment sacré.
- Dans le judaïsme, religion mère de tous les monothéismes, il faut consommer la
nourriture kasher. Le porc, les crustacés, les poissons sans écailles sont interdits. Quand
la viande est permise, il faut néanmoins séparer la chair du sang qui, lui, est impur et
tabou. Pour cela, il faut laver la viande et la saler en signe de purification. La
consommation d’agneau (facile à élever au Proche-Orient) est recommandée, plus que
celle du veau (associé à d’autres événements : le veau d’or). Pour Pessah (Pâque), il faut
manger de l’agneau. Le foie gras est aussi un aliment circonstanciel dont l’origine la plus
lointaine remonte aux Romains qui élevaient les volailles dans le noir, les pattes clouées
sur des planches, avec des figues (ficatum = foie). Les communautés juives fabriquaient
du foie gras dans les pays froids d’Europe centrale. Elles pouvaient ainsi se procurer le
gras nécessaire ailleurs que dans le porc qui était interdit. Le foie gras de Hongrie est
encore réputé de nos jours. En Alsace, le maïs arrive au XVIIe siècle, les
communautés juives vendaient du foie gras aux charcutiers de Strasbourg pour la
fabrication du traditionnel pâté de Strasbourg. Actuellement, Israël se met aussi à faire du
foie gras.
- Dans le christianisme, le pain et le vin jouent un rôle important. Les luthériens quant à eux
mettent la bière en valeur. On connaît les fameux banquets géorgiens où chaque convive
consomme 4 à 6 litres de vin en plus de la vodka. Le chef de table oblige les gens à boire
après les toasts. A rapprocher du culte de Bacchus-Dionysos. « Boire ensemble » est un
acte religieux.
Les cartésiens sont choqués de ce que, dans la religion chrétienne, le pain et le vin
deviennent corps et sang du Christ. Il faut se replacer dans le contexte d’origine pour
comprendre que cela permet de participer au divin. Le pain se répand en même temps
que le christianisme, de même que le vin. C’est le christianisme qui permet la diffusion de
la vigne vers l’Europe du Nord. Boire du vin, c’est se rattacher à la Méditerranée, lieu de
naissance du Christ. L’expansion de la vigne se fait aussi vers l’Amérique et l’Afrique du
Sud (par l’intermédiaire des Huguenots) ainsi qu’en Australie et en Nouvelle-Zélande. Le
vin est par excellence la boisson de la culture de l’Europe Occidentale. L’expansion du vin
se fait aussi par la Route de la Soie en même temps que l’expansion chrétienne.
Plusieurs couches de religions se superposent alors : le bouddhisme, le christianisme et
l’islam (qui, là, n’interdit pas le vin !). Les techniques vinicoles y sont encore proches de
celles de l’Antiquité.
De nos jours, le vin perd de plus en plus son lien avec la religion. Boire du vin en Asie
n’est pas sacré, mais c’est une marque de culture, de cosmopolitisme. Les boissons
sacrées sont à base de riz.
3) Le café, le thé et le cacao
- Le café est un stimulant qui a eu beaucoup de succès mais n’a pas de lien avec le
domaine religieux.
- Le thé est en Extrême-Orient. Son succès tient au bouddhisme car le thé permet de
« tenir » quand on doit faire une nuit entière de méditation. A l’origine, le thé a eu plus de
succès dans les pays protestants qui donnent de l’importance à la vie intellectuelle. C’est
le cas en Grande-Bretagne le thé, à l’origine, est une boisson puritaine. Puis les
manières anglaises liées au thé influencent beaucoup la bourgeoisie française chez qui
boire du thé est raffiné.
- Le cacao est une boisson très « catholique ». C’était un aliment sacré chez les Aztèques
où il entrait (non sucré) dans la composition des sauces. Le cacao arrive en Europe par le
Portugal et l’Espagne. C’est une boisson nutritive appréciée chez les catholiques au XVIe
siècle car les moments de jeûne sont nombreux. Il a beaucoup de succès en Italie surtout
dans le clergé, puis en France surtout à Versailles. A Bayonne, on trouve une dynastie
chocolatière issue d’Espagne. De nos jours, les chocolatiers réputés se trouvent plutôt
dans les pays plus au nord (Suisse, Belgique).
Compte rendu : Jocelyne Binard,
collège La hêtraie, La Feuillie.
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