Faut-il refonder notre système de santé? Quel avenir pour la

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Faut-il une refondation de notre système de santé?
Quel avenir pour la médecine gratuite?
Mahmoud BOUDARENE
Psychiatre
Docteur en Sciences Biomédicales
Tizi Ouzou
E-Mail : [email protected]
Site Web : www.docteurboudarene.unblog.fr
Introduction
- unanimité autour de l’essoufflement de notre système de santé
- constat enfin assumé par les pouvoirs publics
- nouvelle loi sanitaire envisagée
Refonder notre politique de santé ?
Fin de mission pour la gratuité des soins ?
Historique
motivations qui ont amené au choix de la gratuité des soins
Indépendance
- pays sans couverture sanitaire
- espérance-vie des personnes à 50 ans
- mortalité infantile à 180 pour 1000 naissances
- 200 médecins tout au plus … pour 10 millions d’habitants
carte sanitaire rapidement établie
mise en place des formations médicale et paramédicale
prise en charge des sujets effective
médecine gratuite : loi 73-65 (26 /12/ 1973)
Médecine gratuite
choix idéologique pertinent
en résonance avec l’orientation politique de l’Algérie libre: le socialisme
un défi politico-idéologique dicté par le moment
Les résultats
- éradication des grandes maladies infectieuses (tuberculose, paludisme…)
- généralisation des programmes de vaccination à destination des enfants
- lutte efficace contre les maladies infantiles et leurs graves séquelles
(poliomyélite, rougeole, rubéole… aujourd’hui disparues)
- recul substantiel de la mortalité infantile
gain de dix ans entre 1990 et 2007
20 ans depuis l’indépendance
Espérance - vie
80
78
76
74
72
Espérance-vie homme
70
Espérance-vie femme
68
Moyenne
66
64
62
Source ONS 2011
60
1990
2000
2007
2008
2009
2010
2011
Indice de fécondité
planing familial
8
7
6
5
4
3
2
1
Source ONS 2011
0
1960
1970
1975
1980
1985
1990
1995
2000
légère remontée depuis 2008
2008 = 2,81
2010 = 2,87
2011 = 2,87
2005
2006
couverture médicale acceptable
objectifs assignés atteints
défis du moment relevés
politique de santé efficace
Aujourd’hui
constat d’échec
- le secteur publique de la santé est peu perméable au citoyen
- hôpitaux et structures de santé vétustes, repoussants
n’assument plus les missions de soins, de formation, qui leur sont dévolues
- impossibilité, pour les malades chroniques et graves, d’accéder aux soins
hautement spécialisés et adaptés à leurs besoins (ex. du cancer)
- pénurie récurrentes des médicaments et de produits de laboratoires
- conditions de travail pénibles pour les personnels
- salaires des personnels (médecins, paramédicaux…) très insuffisants
Les rapports
commissions intersectorielles du ministère de la santé
- en 1990
détérioration de la qualité de la prestation médicale imputée à la gratuité
des soins et… à la baisse des ressources financières du pays.
- en 2001
diagnostic encore plus alarmant,
relève avec insistance la dégradation avancée du secteur de la santé.
Les rapports
experts de l’Université de Sherbrooke (Canada)
et de l’OMS: 2010
1 - Espérance de vie
* au Maroc 70 et 74 (hommes et femmes)
* en Tunisie 70 et 75
* en Algérie 70 et 72
2 - Quotient de mortalité infanto-juvénile pour 1000 naissances vivantes
* 23 en Tunisie
* 37 au Maroc
* 38 en Algérie
- médicaments indispensables très coûteux et indisponibles. .
- 157 dollars /an/habitant – dépenses plus élevées en Tunisie.
Précarité des conditions sociales des médecins
médecin généraliste en début de carrière
* Algérie 250 euros par mois
* Maroc 727 euros par mois
* Tunisie 791 euros par mois
médecin spécialiste en début de carrière (bac+12)
* Algérie 450 euros par mois
* Maroc 910 euros par mois
* Tunisie 935 euros par mois
Source El Watan 14 septembre 2010 (dossier Jeune Afrique)
système de santé algérien, le plus mauvais au Maghreb
?
Les rapports
commission consultative pour les droits de l’Homme
(cncppdh), 2013
enquêtes menées à travers 85 établissements hospitaliers
1 - accès aux soins très compliqué (un euphémisme)
2 - tableau noir sur l’état des hôpitaux en Algérie
Les rapports
la cour des comptes
30 septembre 2013
rapport sur le contrôle de l’exécution du budget de l’État, exercice 2012.
en matière de santé, le rapport note:
en dépit de la construction de nouveaux hôpitaux et de
centres de santé intégrés, l’absence de personnels qualifiés ou
spécialisés et de plateaux techniques adéquats pour réaliser
des diagnostics avancés a entraîné une contre-performance
dans ce secteur.
Pour comprendre
Gratuité des soins
Rôle de la sécurité
sociale
Système de
santé
Environnement économique
national
Défis aujourd’hui
Gratuité des soins
- surconsommation médicale qui confine au consumérisme
(multiplication abusives des consultations et des explorations)
- désertion des structures de santé de proximité et sollicitations
excessives des grands centres spécialisés, CHU notamment
Les défis nouveaux
- mutations sociales importantes
- société algérienne semblable aux sociétés occidentales
- mêmes habitudes de consommation
- mêmes problèmes de santé
- démographie en constante croissance
Pathologies en augmentation
Maladies cardiovasculaires, HTA
Diabète et maladies métaboliques
Complications
(I. rénale)
Dialyses, greffes
Cancers
Maladies chroniques
coûts et coût social élevés
population > 60 ans
12
10
8
6
7,9%
4
10,2
7,3%
2
7,4%
7,7%
0
2006
2008
2010
2011
en 2015, 4 millions de personnes > 60 ans
2015
Source ONS 2011
Progression des affections liées à la vieillesse
- maladies neuro-dégénératives (Alzheimer, Parkinson)
- maladies psychiques (dépression)
- affections cardiovasculaires
- diabète et complications
- pathologie rhumatismales…
Dépendance
Coûts et coût social élevés
Environnement économique national
1 - milieu des années 80
chute prix du baril de pétrole
baisse importante des ressources financières du pays
dégringolade
de la monnaie nationale
un franc = 10 dinars
aujourd’hui un euro = 106 dinars
coût de la vie multiplié par dix
- révélation des limites de la médecine gratuite
- aggravation des fissures de ce système de santé
2 - milieu des années 90
L’Algérie opte pour l’économie de marché
environnement économique hostile à la gratuité des soins
secteur de la santé = parent pauvre
« La santé publique coûte cher à l’Etat, c’est un secteur improductif et
non rentable ».
« l’Etat a ses lois et ses priorités… Il cherche en permanence un équilibre…
il a ses contraintes budgétaires »
la santé des citoyens n’est pas une priorité
l’Etat ne veut (peut) plus assumer les dépenses de santé
insuffisance des budgets alloués
appauvrissement des structures de santé publique
Remarque
budget de la santé des deux dernières années (secteur public)
- en 2012 : 405 milliards de dinars
11250 dinars alloués par personne pour l’année, soit 106 euros environ
- en 2013 : 307 milliards de dinars
8528 dinars par personne, soit 80 euros
dépenses de santé, secteurs public et privé confondus
- en 2012 : 178 euros de dépenses de santé par habitant
- en 2013 : 196 euros
La sécurité sociale
1 - les relations au système de santé public ne sont pas claires
* remboursement non réalisé à la prestation
* subventions et forfaits attribués au secteur public
* soutien à la politique de la gratuité des soins: mécénat ?
2 - secteur libéral : remboursement des prestations basé sur les tarifs
des années 80 (secteur libéral)
Résumé
gratuité des soins
défis nouveaux non anticipés
hostilité de l’environnement économique national
rôle improbable de la sécurité sociale
système de santé obsolète et inopérant
Faut-il alors refonder le système de santé ?
A-t-on besoin d’une nouvelle loi sanitaire en lieu et place de la loi 85-05 ?
Que deviendra la loi 73-65 (26 /12/ 1973) portant médecine gratuite ?
1 - refonder notre système de soins est un impératif si l’on veut se conformer
à l’article 54 de la constitution qui
« garantit la protection de la santé pour tous les citoyens »
2 - tourner la page de la gratuité des soins et se doter d’une nouvelle loi
sanitaire - qui oublie les articles 20, 21 et 22, chapitre III (gratuité des soins)
de la loi N°85-05 du 16 février 1985 relative à la protection et à la promotion
de la santé - nécessite l’amendement de la loi fondamentale.
Par son article 67, celle-ci oblige l’Etat
« à prendre en charge gratuitement les problèmes de santé du citoyen »
Faut-il abandonner ce choix idéologique ?
(aujourd’hui incompatible avec les nouvelles orientations politiques du pays)
Ce qui est indispensable?
1 - Adapter le système de santé à l’environnement économique national
La santé a un coût.
Il faut l’évaluer avec lucidité et sans démagogie.
Evaluation objective des coûts de la consultation, des examens
radiologiques et biologiques, de la journée d’hospitalisation, des
repas, etc.
- Le secteur de la santé est seul, à la fois, à subir les effets de l’inflation
et à ne pas bénéficier des avantages de l’économie de marché.
- Les pouvoirs publics doivent abandonner l’idée que préserver la santé
du citoyen n’est pas rentable et se décider à aligner le coût de la
prestation médicale sur celui du kilo de tomates, de pommes de terre
ou encore celui de la viande, autrement dit sur le coût de la vie.
- Arrêter de faire de la santé le parent pauvre quand il s’agit de valoriser
les statuts des personnels ou d’améliorer leurs conditions de travail et
de faire dans la gabegie avec des dépenses inconsidérées dans des
équipements coûteux et inutiles.
De telles décisions généreront, bien sûr, un accroissement des
dépenses de santé.
L’Etat doit les assumer, en particulier si les pouvoirs publics décide de
sauvegarder la gratuité des soins.
2 - Redéfinir le rôle de la sécurité sociale
Des décisions qui grèveront aussi le budget de cet organisme.
mais l’occasion pour redéfinir sa place dans le système de santé,
de le restaurer dans sa mission originelle:
le remboursement des frais de santé de ses cotisants... au tarif réel
Un danger pour l’équilibre de cet organisme
Le risque de banqueroute est une réalité
c’est pourquoi
- loi de finances 2010: taxes au bénéfice de la
sécurité sociale.
- conventions
Ce qu’il faudra faire ?
- Revoir les tarifs des cotisations sociales ?
Notre système de santé évolue dans un environnement économique perverti.
Revoir les tarifs des cotisations sociales entrainera, par un effet domino,
des dégâts collatéraux, notamment sur l’entreprise et l’emploi.
- Créer des emplois ?
Le chômage, des jeunes particulièrement doit être préoccupation stratégique.
Les jeunes = vitalité de la nation (consommation+++)
Par leur travail, ils sont la garantie de la pérennité de la sécurité sociale.
- Politique de prévention
Notre système de santé ignore la prévention en particulier celle dirigée
contre les grands fléaux à l’exemple du tabac et de l’alcool.
La prévention a pour corollaire les économies de santé.
Conclusion
La société algérienne s’est transformée, son mode de consommation a changé
et sa demande en matière de santé s’est accrue.
Les défis sont nouveaux. En témoigne les cancers qui sont en constante
augmentation, le diabète et les maladies cardiovasculaires qui prennent des
proportions alarmantes…
Des affections qui coûtent très cher et que la médecine gratuite peine à prendre
en charge.
C’est pourquoi, il est nécessaire de libérer de toute forme d’idéologie
la politique sanitaire et de repenser, à la lumière des impératifs économiques
actuels, notre système de soins.
Conclusion 2
La refondation du système de santé est une priorité, une urgence,
parce que la gratuité des soins apparait en décalage avec les transformations
incessantes de la réalité sociale et économique de notre pays,
et qu’elle est incapable de satisfaire une « consommation » médicale qui s’est
grandement accrue.
La gratuité des soins apparait aujourd’hui comme une mystification,
au moins parce que la population n’a pas accès à des soins de qualité.
Si les pouvoirs publics continuent de ne pas lui donner les moyens de sa politique,
il faudra bien tourner cette page de la médecine gratuite-alibi et imaginer un
système de santé nouveau, en harmonie avec les exigences de l’économie de
marché ; un système qui ne laisse pas sur le bord de la route les malades les plus
défavorisés et les non assurés,
des citoyens qui doivent continuer à bénéficier de notre solidarité.
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