La philosophie - Sciencesconf.org

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Colloque PHILOSEZ - UBP Clermont Ferrand
Conférence Apprentissage
3 juin 2014
Peut-on faire de la philosophie
sans le savoir?
Analyse de moments interactifs en primaire
Marielle RISPAIL, UJM Saint Etienne
[email protected]
Virginie LAPIQUE, ESPE Nice
[email protected]
La philosophie ?
apprendre à vivre
faire vivre à l’école
la « culture de la question »
Mona Ozouf
«
Peut-on apprendre à philosopher
en discutant ? »
Michel Tozzi
 Notre
thèse : montrer qu’on peut
apprendre à philosopher en
discutant à l’école sans le savoir,
 c’est-à-dire sans que cet objectif
soit désigné explicitement.
Plan
1. La philosophie : un « babélisme »
terminologique
2. Qu’est-ce que philosopher
à l’école ? Philosopher en discutant
3. Faire de la philosophie sans le savoir :
analyse de corpus
Partie 1
Balayage terminologique
Quelques essais de définitions,
à travers dictionnaires et auteurs
apprendre à penser,
un savoir faire plus qu’un savoir
toute connaissance par la raison

Petit Robert
le philosophe s’adonne à
l’étude rationnelle de la nature
et de la morale
 être
philosophe : faire l’épreuve de
l’absence d’accord des mots et des
choses  réfléchir sur le langage
 Philosopher
penser, raisonner
de manière méthodique
trouver sa place
dans le groupe, dans le monde
développer une réflexion critique
 Le
rapport au langage
 La notion de morale comme guide
 La dimension collective
 L’attitude réfléchie adoptée par
chacun dans la conduite de sa vie
 La différenciation philosophie /
croyances, réflexion critique
 Pôle
cognitif
 Pôle social
 Pôle politique
 Pôle éthique
 Pôle identitaire
 complexité
« Ce qui se passe ici est-il de la philosophie ? »
« La philosophie commence par l’étonnement »
…
Frédéric François
Partie 2
Qu’est-ce que philosopher à l’école ?
Philosopher à l’école
en discutant
Que serait philosopher à l’école ?
 enseigner / apprendre
 multiples discours
 savoir, savoir faire et savoir être
 « socialisation langagière »
 des « espaces de suspension » et de
mises en mots
Discussion et philosophie :
une constellation d’expressions
Atelier philo,
mais aussi…
Activité / pratique philosophique,
dialogue philosophique,
débat philosophique,
discussion à visée philosophique
 Les
« fondateurs » :
Lipman, Lévine, Tozzi
 Des
« courants »:
- approche linguistique
- approche citoyenne
- approche philosophique
Pourquoi
avons-nous choisi de
travailler sur les interactions
scolaires ?
Philosopher toute la journée ?
-
Philosopher à l’école en discutant:
construire une posture ?
La philosophie à l’école : une praxis
interdiscipinaire
Construction d’un triple « rapport à »:
rapport aux discours
rapport à soi et aux autres
rapport au monde et à la vie
Ce que pourrait être l’échange
philosophique en classe :
à la recherche
d’indices de « philosophicité »
dans les échanges
Quelques indicateurs
 Strate
linguistique :
verbes de pensée, d’opinion, de choix, etc
modalités interrogatives
allers-retours exemple - généralisation /
définition
etc
 Strate
discursive :
Choix énonciatifs : système des pronoms, des
temps verbaux, modalisation…
Constructions discursives : argumentatives
(connecteurs, liens logiques, etc), justificatives,
explicatives…
Positionnements dans l’échange : accord /
désaccord, total / partiel…
etc
 Strate
interactionnelle:
Tissages interactionnels : répétitions /
citations / reformulations / commentaires
 2 axes imbriqués : tissages sur son
discours / sur le discours d’autrui
Mouvements : reprises -modifications/
déplacements, décentration, etc.
 le mouvement de « soi à l’autre » et « de
soi à soi » (le « méta »)
Partie 3
Peut-on philosopher sans le savoir ?
Quelques analyses de corpus
Brève contextualisation du corpus

1 école primaire du Var

cycle 3 : 2 classes de CM1

2 enseignantes ( M2 et M3 )
2 volets
1
- Zoom sur les élèves
2
– Zoom sur l’enseignante
Cours de français
Les registres de langue - CM1
Ayoub « ça veut dire quoi vouvoyer? »
d’une question individuelle
à un problème traité collectivement par la
classe


co-construire une définition par reprise /
modification du discours de l’autre
ben ça veut dire quoi vouvoyer et
euh vouvoyer c’est quand on dit
vous euh c’est quand on dit vous et quand on les
tutoie on dit tu
36 Jordan
c’est quand on connait bien
37 Quentin
oui c’est dans notre famille
33 Ayoub
35 Quentin
38 M2
ah Jordan
39 Jordan c’est quand quelque chose ou quelqu’un
te connait très bien qui veut bien qu’on l’appelle
comme ça
111 Pauline
aussi euh: par exemple
aussi c’est pas obligé que quand on connait
pas qu’on vouvoie aussi par exemple quand
on est plusieurs on dit par exemple vous
venez les copines on va jouer
argumenter
 généraliser

ouais alors et et admettons que tu rencontres: un
autre: un autre: enfant de ton âge que tu connais pas alors et
et tu le rencontres au parc et tu tu as besoin de savoir
49 M2
l’heure qu’est-ce que tu utilises le tutoiement ou le
vouvoiement
50 E
tu lui dis tu
51 Alban
le tutoiement parce qu’on est des enfants
52 M2
ah donc
53 Quentin
le tutoiement parce qu’on est des enfants
54 M2
ah d’accord alors le vouvoiement c’est aussi quelque
chose qu’on utilise
55 Quentin
de grandes personnes
Indices de socialisation langagière :
prise de conscience du lien relations sociales /
relations langagières

aussi les adultes ils vouvoient
pas les enfants des fois
58 Pauline
mais non parce que nous on est
enfants et les adultes c’est eux qui nous
commandent c’est pas nous qui les
commandons les adultes
57 Léa

Quelques mots sur l’enseignante en guise de
transition…
Cours de maths – CM1




1 - discuter
44 Romain
on fait le deux maintenant maîtresse <interrogatif>
45 M3
allez vous vous mettez à deux <se déplace dans la
classe>vous êtes à deux vous pouvez discuter du problème hein
d’accord<Romy et Issam>
46 E
maîtresse on prend un cahier de brouillon



63 E
maîtresse ben Thomas il a trouvé une réponse puis
moi aussi j’ai trouvé une réponse
64 M3
et ben essayez de discuter pour voir laquelle est
la bonne voilà discutez votre réponse --- bien euh on peut: y aller
<interrogatif>

2 - expliquer, comprendre, convaincre

215 M3
il ne fallait pas diviser - pourquoi <interrogatif>
216 Ryad
parce que c’est parce que ça c’est quelque chose c’est
c’est ils ont partagé eux
217 E
c’est une situation de partage
218 M3
là c’est une situation de partage et pourquoi est-ce
qu’il ne fallait pas utiliser la situation de partage <interrogatif>
219 Ryad
sinon après ça compare oui on l’efface
503 M3
Théo tu es d’accord – Théo est-ce que tu es d’accord
pour dire qu’elle n’est pas juste – essayez de convaincre Théo les enfants
moi ce que j’aimerais les enfants c’est que vous preniez la correction pour
ceux qui n’ont pas trouvé et que vous choisissiez celle que vous
comprenez le mieux c’est bon <interrogatif>











3 – insister sur la démarche, le procédé, le chemin
alors on me fait remarquer Benoît me fait remarquer que c’est pareil que
l’autre que la une
173 E
oui
174E
mais là c’est plus
175 M3
mais la démarche n’est pas la même<léger
brouhaha> qui a suivi cette démarche là <montre au tableau>


251 M3
c’est la manière qui est différente c’est la démarche
qui est différente mais elles sont toutes bonnes


253 M3
qui est différente
voilà c’est simplement dans votre tête la démarche


276 M3
on peut donc arriver à un résultat par plusieurs par
plusieurs chemins selon Adrien la plus rapide c’est la première

4 – travailler la généralité



138 Léna
c’est une situation de partage quand on fait
une division
139 M3
mmh comme le dit Léna lorsqu’on fait une
division c’est une c’est une situation de partage donc là c’est ce
que vous avez fait






151 E
multiplication
152 E
153 E
154 E
155 E
maîtresse ça ressemble à la
ça revient à la multiplication
c’est comme s’ils faisaient
mais c’est toujours pareil
ça revient à la multiplication





5 – accent mis sur chacun-e, le non consensus
183 Jean Lou
mais maîtresse xxxxxxx
184 M3
Jean Lou Fantine toi tu as fait autrement toi
185 Fantine
moi j’ai fait comme la première
186 M3
d’accord alors vas-y Jean Lou si tu as fait autre
chose


209 M3
voilà donc tu voulais le mettre sur le côté mais Adrien
il a dit mais Adrien ce n’est pas le maître donc il faut que tu fasses comme
TU le penses<Jean Lou repose l’opération> voilà qui a fait la même chose
que Jean Lou <interrogatif> tu es tout seul à l’avoir fait est-ce qu’il y a une
autre possibilité est-ce que quelqu’un a trouvé autre chose <interrogatif> non






489 M3
euh je peux écouter Jean Lou il a le droit d’avoir
son avis
490 Jean Lou
la deuxième elle est juste parce que euh deux -491 M3
alors
492 Jean Lou
parce que là dans dans deux semaines y a vingt-huit y
a: vingt-huit bouteilles bues

6 – insister sur l’étonnement, l’étrange, ce qui dérange

245 M3
ch: <le doigt sur la bouche>
qu’est-ce que qu’est-ce qui te gêne
<interrogatif><à Benoit>
246 Benoît
mais ça ça revient tous à
cinq cents









7 – la force du groupe vs individu / les règles du groupe / la morale
317 Jean Lou
xxx
318 M3
non je pense Jean Lou que tu n’a pas compris que tu
étais que tu travaillais en groupe avec Fantine c’est pas y a moi et il ne faut
pas parler comme ça mais dire y a nous d’accord Jean Lou ceux qui ont fait
autre chose
531 Alisson
maîtresse y a une autre solution
532 M3
on va s’arrêter <en chuchotant> bien alors là j’ai
Mélissa les enfants quand vous travaillez par deux vous avez le droit de
discuter à partir de m- du moment où vous n’êtes pas en situation de
recherche vous avez le devoir de vous taire
533 E
maîtresse
534 M3
d’accord <interrogatif> vous saisissez bien la
différence entre droit et devoir<interrogatif> entre situation de recherche
et situation d’écoute par exemple <interrogatif> bien
 personne mise au centre, dans l’épreuve de sa liberté, elle construit par le dialogue guidé,
le chemin de l’identité à l’altérité
Conclusion : pistes de réponse
et nouvelles interrogations


Oui, on peut philosopher en classe…toute la
journée
… sans le savoir ?
Oui pour l’enfant, non pour le maitre, qui doit savoir
ce qu’il fait et comment.
 changement de cap dans la relation à l’élève,
au savoir, à la classe, changement pédagogique.
 La
classe peut être un lieu d’invention
de « contre pouvoirs » et de modèles
sociaux plus justes, alternatifs au
modèle social dominant
 Un
microcosme pour :
 apprendre à vivre ensemble
 créer des valeurs collectives
 Les
interactions scolaires sont, de
façon transdisciplinaire, le lieu par
excellence pour apprendre à
« philoser »
 Les atouts des classes pluriculturelles
et plurilingues
 Et la formation des enseignant-e-s ?
 Merci
à tou-te-s
Quelques pistes bibliographiques
Calistri C., Martel C., Romel-Rainelli B. Apprendre à parler,
apprendre à penser - Les ateliers de philosophie, introduction de
Marielle Rispail, préface de Frédéric François, CRDP de Nice,
2007.
Delamotte R., François F., Porcher L., Langage, éthique, éducation Perspectives croisées, Régine Publications de l’Université de Rouen
n° 231, 1997
Ferry L., Apprendre à vivre, Plon, 2006.
Tozzi (coord.), L’éveil de la pensée réflexive à l’école primaire, Hachette
education, 2001.
Tozzi (ss la dir.), Apprendre à philosopher par la discussion. Pourquoi?
Comment?, De Boeck, 2007.
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