Éveil de la conscience
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Partir de la vocation de l’artiste, comme nous l’avons fait dans la précédente chronique,
c’est affirmer ce vers quoi nous tendons. Mais d’où venons-nous ? Qu’est-ce qui fait de nous
des êtres humains, des artistes ? Nos prochaines chroniques seront une rapide traversée
des grands enjeux de l’existence : son sens, notre place en ce monde, le réel qui nous fait
face, notamment la question du mal et de la souffrance, et – last but not least – la réponse
que nous pouvons y apporter.
Les philosophes ont traditionnellement défini l’étonnement comme point de départ de la
philosophie, et plus généralement de toute pensée. L’étonnement est un appel qui
nous vient du dehors, d’un objet extérieur à nous-mêmes. L’artiste n’y fait pas exception,
puisqu’il répond souvent à un émerveillement, à un scandale, peut-être même à un éclat de
beauté qui l’a soudainement traversé. Même lorsque c’est l’appât du gain qui le meut, il est
encore happé par un bien externe. Pourquoi ? C’est que l’homme ne trouve pas d’abord
en lui-même le sens de son existence.
Être ou ne pas être… humain !
Qui ne s’est jamais interrogé sur le sens de son existence ? Personne. De nombreuses
réponses ont été apportées à travers le temps, qu’elles soient religieuses,
philosophiques, anthropologiques ou artistiques ; les meilleures d’entre elles
nécessitent encore un acquiescement intérieur. Il est en effet facile de fabriquer
son système, pour justifier un concept, créer une dictature de masse ou enfermer une
personne dans sa secte. Tout cela est bien éloigné du réel ; or il n’est pas d’autre guide que
le réel : quelle que soit la réalité abordée – la vie, l’amour, la souffrance, la relation, etc. –,
elle ne peut faire l’impasse d’une assise concrète, extérieure ou intérieure, pour
emporter notre adhésion.
Remarquons par ailleurs que l’être humain est le seul animal à se demander qui il est ; il
n’est qu’à voir en attendant Godot ou écouter les chansons de Stromae ! Ni la limace, ni le
phacochère ne s’interrogent sur leur raison d’être. Le sens ne nous est pas accessible dans
l’instant. Si tel était le cas, nous serions des êtres instinctifs : un sens
immédiatement donné, qui coïnciderait déjà avec nous, serait une manière de régresser à
un état instinctif. Pour l’exprimer autrement, si le sens était instinctif, nous serions dedans
sans avoir à nous poser des questions, comme des ânes, mais non participants au sens actif.
Ce serait la fin de toute liberté humaine !
En période d’examens
Nous comprenons dès lors que s’interroger sur le sens de son existence est bon. Socrate,
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dans l’Apologie que lui a consacrée son disciple Platon, affirme : « Une vie sans examen ne
vaut pas la peine d’être vécue. » Il rejoint ainsi notre propos en soulignant qu’une vie n’est
humaine que s’il y a un examen, que si notre existence est liée à une réflexion sur notre
être, sur ce que nous sommes intimement. En ce sens, ne pas examiner sa vie, c’est choisir
l’état de la limace, en renonçant à une dimension propre à notre humanité ; l’interrogation
posée par l’art serait sinon impossible, du moins absurde. Il n’y a pas de manière de
contourner ce questionnement. Aristote, autre grand nom de la philosophie
antique, s’interroge : faut-il philosopher sur la vie ? Si nous l’affirmons, nous devons
philosopher ; si nous répondons par la négative, nous devons le justifier et… nous
philosophons. Nous n’avons certes pas tous vocation à enseigner la philosophie, mais
sommes tous invités à nous confronter à ce questionnement existentiel, avant que les
événements – une rencontre, un décès, un désir, une angoisse – ne se chargent de nous
l’imposer radicalement. L’artiste le sait, lui qui développe son intelligence, sa créativité et
son savoir-faire dans l’espoir tantôt d’exprimer l’invisible, tantôt de réveiller les
consciences.
(à suivre…)
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