Sorbonne, Inter-Âges Notre passé linguistique : la reconstruction de l’indo-européen 7 — 30. 3. 2017 Markus Egetmeyer Le fonctionnement de l’indo-européen : à la découverte de notre passé exotique Retour à la phonétique : le ‘jeu fonctionnel’ des voyelles, c’est-à-dire … l’alternance vocalique entre *e, *o, *ē, *ō et Ø, ce qui fait … cinq degrés vocaliques : base : *CeC- = degré plein e dérivation : *CoC- = degré plein o *CēC- = degré long e *CōC- = degré long o *CC- = degré zéro les deuxièmes éléments de diphtongues *i et *u : dans les degrés pleins *ei, *oi et *eu, *ou, puis seuls dans les degrés zero : Øi et Øu Exemple 1 : la gloire du héros grec kléu-os “gloire” et klu-tó-s “glorieux” (sanskrit śráv-as et śru-tá-), — degrés ET accents ! — dérivés d’une racine *k’leu- “entendre” signalant le lien réciproque entre le poète et le héros. Différent “fameux” de latin fāmā ← “parler”. Exemple 2 : Nestōr / Νέστωρ de Pylos en Messénie Iliade : emmener ses hommes de Pylos à Troie puis, faire rentrer ses hommes : Odyssée … par ungrec retour sain et sauf : nóstos appartenant à *nes- / nos“échapper, rentrer sain et sauf”, Nes-tōr, nom d’agent et nós-to-s, nom d’action: alternance e / o. Les œuvres littéraires appelées des nostoi : l’Odyssée est le nostos par excellence. allemand : Ge-nes-ung … et en passant : Hek-tōr, il fait quoi ? h *seg’ - “vaincre” grec Hek-tōr ~ latin vic-tōr sanskrit sáhas- et ‘germanique’ (allemand) Sieg “victoire” hō “tenir (fort), avoir”, Le sens est affaibli en grec ék et donc le mot est remplacé par un nouveau mot : *e et *o *i et *u, mais pas de *a !? *a “Aucune matière n’est plus controversée” Ferdinand de Saussure, Mémoire sur le système primitif des voyelles dans les langues indo-européennes, Leipzig : Teubner, 1879, 1 Hermann Collitz, “Ueber die annahme mehrerer grundsprachlicher a-laute”, Beiträge zur Kunde der Indogermanischen Sprachen 2, 1878, 291–305. *a : le poids du sanskrit “daß die indische sprache die ältere sei, die andern aber jünger und aus jener abgeleitet” / “que la langue indienne soit la plus ancienne, mais l’autres plus récentes et dérivées de celle-ci” (Friedrich von Schlegel, Ueber die Sprache und und Weisheit der Indier. Ein Beitrag zur Begründung der Alterthumskunde; Nebst metrischen Übersetzungen Indischer Gedichte, Heidelberg: Mohr und Zimmer, 1808, 1). donc de l’omniprésence du /a/ à son absence (‘école de Leyde’) La série inattendue des consonnes occlusives T (- Ø), M - MA, au lieu de T - TA, M - MA T(enuis = sourde) : k, t, p M(edia = sonore) : g, d, b h h h TA(… aspirée) : k , t , p h h h MA (… aspirée) : g , d , b (TA du sanskrit secondaire : aspiration issue d’un groupe consonantique *Th2) … vers la théorie glottalique : à distinguer de la thèorie des laryngales, parce qu’elle maintient toutes les comparaisons entre langues, elle ne fait que modifier leur apparitions phonétiques. le ‘paradis perdu’ perdu des morphologies très riches ? fissures dans le système grammatical flexionnel : construction et perte des déclinaisons la mise en garde par les pronoms personnels et le syncrétisme des cas Le système verbal : le doute sur la catégorie du ‘temps’ présent, passé, futur passé : imparfait, parfait, (plusqueparfait) et (seulement grec et sanskrit) aoriste hittite : seulement présent, (un) passé et pas de futur “et vous allez manger du pain, de l’eau aussi vous allez boire” présent en fonction du futur ! (entrée par le sumérogramme NINDA “pain”) L’absence de la catégorie du futur en indo-européen est une certitude : formations individuelles dans des nombreuses langues, p. ex. latin ≠ grec Le système verbal opposition présent : aoriste — parfait présent → imparfait parfait → plusqueparfait ‘plus tard’ *forme modale > futur Le noyau du système verbal : l’opposition entre présent et aoriste grec présent deík-nū-mi, aoriste é-deik-sa, latin présent dīc-e-re, (*aoriste >) parfait dīxī = dīk-s-ī. L’exemple vu latin présent ferō : parfait (!) tulī. Ce qui compte n’est pas le temps, mais l’aspect duratif (atélique) ou ponctuel (télique). Puis, le duratif glisse vers un présent et il est spécifié par de nombreux suffixes qui indiquent comment l’action se déroule pendant cette ‘durée’ : les modes d’action. Le verbe “être” n’a pas d’aoriste ! Latin sum : fuī. De nouveau, les degrés et l’accent : le verbe “être” en védique singulier pluriel ásmi ási ásti smás sthá sánti alternance ás- / s-´ : la distinction du nombre (singulier et pluriel) est indiquée par la racine même, à l’aide de l’alternance vocalique et de l’accent. La désinence n’indique que la personne. Audiatur et altera pars actif, moyen et passif : actif et moyen ! latin -tur, comme le hittite grec -toi (attique -tai), comme le sanskrit indo-européen intérieur et indo-européen extérieur Schéma unissant parfait, conjugaison thématique et moyen Grestenberger, Laura, Reconstructing Proto-Indo-European Deponents, Indo-European linguistics 4, 2016, 98–149. Un nouveau élément : le genre L’indo-européen ne connaissait pas de genre grammatical féminin : le hittite ne distingue qu’un genre commun d’un genre neutre. … lié au neutre : nominatif =! accusatif p. ex. latin ferrum ‘fer’ sujet : objet nominatif ≠ accusatif liés à verbe transitif et intransitif vers une structure dite ergative 1 — 2— 3 lexème, ‘élargissement’, désinence ou racine, suffixe, désinence *CeC- : structure ‘idéale’ de la racine (verbale et nominale) *Ce- : pronoms ! *CeC- < **Ce- + C… ? Des lexèmes isolés à la déclinaison : remplir les systèmes des cas ou plutôt créer un système des cas, une déclinaison, au lieu d’opposer des lexèmes. De l’expression morphologique à l’expression lexicale ? Lexique et phonétique grammaire ‘superflue’ p. ex. grammaire du thailandais Syntaxe : la phrase subordonnée relative w *k i- / w *k o- : latin … et hittite et tokharien *yo- : grec et sanskrit Probert, Philomen, “Relative clauses, Indo-Hittite and standard average European”, PUCLA 2014, 137164. Fiabilité inégale de la reconstruction 1. reconstruction externe 2. reconstruction interne 3. typologie linguistique Hubert Haider, “The fallacy of typology. Remarks on the PIE stop system”, Lingua 65, 1985, 1–27. Douze groupes de langues indo-européennes : 1. anatolien 12. tokharien 4. (italique) latin et 8. celtique 3. grec et 2. arménien 10. iranien 11. indien 5. albanais 6. slave 7. balte 9. germanique Douze groupes de langues indo-européennes : 1. anatolien 12. tokharien 4. (italique) latin et 8. celtique 3. grec et 2. arménien 10. iranien 11. indien 5. albanais 6. slave 7. balte 9. germanique Karl Brugmann et Berthold Delbrück, Grundriß der vergleichenden Grammatik der indogermanischen Sprachen, 1886-1900 Karl Brugmann Berthold Delbrück Ferdinand de Saussure 1849-1919, Leipzig 1842-1922, Jena 1857-1913, Génève & Paris Antoine Meillet 1866-1936, Paris Réaction deux : il faut changer la théorie générale ! La solution du problème proposée par Edgar Howard Sturtevant, 1875-1952 (Yale): l’hypothèse indo-hittite / *indo(-européen)-hittite ?