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couple s’installe dans le village de l’époux et l’épouse migre. Ces migrations des femmes,
sur un grand nombre de générations, peuvent se mesurer par la faible différenciation de
l’ADN mitochondrial entre populations ADN. Inversement, dans les populations matrilocales,
où ce sont les hommes qui migrent dans le village de leur épouse, les différences génétiques
entre les populations sont plus fortes sur le chromosome Y (masculin). On retrouve donc ici
l’impact d’un facteur culturel, la patri ou matrilocalité sur la diversité génétique des
populations. Cette signature génétique des règles du mariage nous a, par ailleurs, permis
d’estimer que les populations pygmées d’Afrique centrale étaient régies par des règles
matrilocales et ce depuis un assez grand nombre de générations.
Après la langue et la règle de résidence (patri ou matrilocale), un autre facteur agit sur la
variabilité génétique des populations : la filiation. Les populations de langues Turk sont dites
patrilinéaires, c’est-à-dire que la transmission du nom, de l’héritage passe par la voie
paternelle et il existe une exogamie de lignée paternelle : un homme choisit une épouse qui
est à l’extérieur de la lignée, du clan. En revanche, les populations de langue indo-iranienne
sont dites cognatiques, autrement dit, la transmission du nom et de l’héritage à la
descendance est autant maternelle que paternelle. L’organisation patrilinéaire crée des
lignées paternelles remontant à un ancêtre paternel éloigné de sept à dix générations.
Plusieurs de ces lignages se regroupent en clan à partir d’un ancêtre paternel commun
encore plus éloigné. Et les clans se regroupent à leur tour en une tribu qui revendique un
même ancêtre commun très éloigné mais souvent mythique. Cette organisation patrilinéaire
en lignage, clan, tribu, se retrouve dans les données génétiques : on peut les observer sur le
chromosome Y. Cette correspondance est intéressante : elle montre que les généalogies
décrites oralement correspondent bien à des généalogies biologiques et atteste d’une
organisation patrilinéaire qui existe depuis au moins 20-30 générations.
La filiation patrilinéaire a des conséquences génétiques : elle réduit la diversité génétique au
sein d’un groupe et augmente les différences entre les groupes pour le chromosome Y, mais
pas pour l’ADN mitochondrial. Voilà donc un autre paramètre culturel qui agit sur la diversité
génétique des populations.
Un autre facteur culturel interagit avec sur l’évolution biologique d’une population : son
« succès reproducteur », c’est-à-dire le nombre d’enfants qui atteignent l’âge de se
reproduire à leur tour. Ce succès dépend notamment de facteurs culturels, comme la
richesse. Plus on est riche, plus les conditions de vie sont aisées, plus les chances sont
grandes pour les enfants de survivre et donc de parvenir à se reproduire à leur tour, etc.
C’est ainsi que les traits génétiques de familles aisées ont plus de chance de se transmettre
que d’autres. Ce ne sont donc pas des avantages biologiques qui jouent ici, mais
simplement les conditions de vie matérielle plus avantageuses. On a donc ici un mécanisme
de « sélection culturelle » qui peut prendre le contre-pied de la sélection naturelle.
Haut statut social, fort succès reproducteur
Dès les années 1970, l’existence d’une transmission culturelle a été décrite par des
anthropologues. Dans certaines populations amérindiennes d’Amazonie, les hommes de
haut rang sont ceux qui ont le plus de femmes et, de ce fait, un plus grand nombre d’enfants.
Ce fort succès reproducteur est transmis à la descendance : leurs fils sont également les
plus polygames et ont un succès reproducteur plus élevé. Il y a donc bien une transmission
culturelle du succès reproducteur. Si l’on se tourne vers certaines populations maories de
Nouvelle-Zélande, ce sont les femmes de haut statut social qui ont un plus fort succès
reproducteur. En effet, leurs enfants survivent mieux grâce à de meilleures conditions de vie.
Le statut social est transmis aux filles qui ont, pour les mêmes raisons, à leur tour un plus
fort succès reproducteur. Les données démographiques ont permis de repérer ce
phénomène dans des populations rurales françaises du 17e siècle à nos jours : ici, c’est la
possession et l’héritage de terres qui favorisent le succès reproducteur. Au Québec, le