Processus de transformation et « TIC 2.0 » : proposition d`un modèle

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Processus de transformation et « TIC 2.0 » : proposition d’un modèle
système d’information
Christine SYBORD
Laboratoire COACTIS – Université Lumière - FSEG
16, quai Claude Bernard
F-69365 Lyon Cedex 07
Tél. : +33 478 69 76 10
E-mail: [email protected]
Résumé
A la fois outil et méthode de gestion, les technologies du numérique, les « TIC 2.0 »,
interpellent le management dans sa globalité. Ces technologies génèrent en effet une nouvelle
dynamique sociotechnique qui, appréhendée comme une suite de décisions individuelles et
collectives, peut être supportée par un système d’information d’aide à la décision, à condition
de réinterroger la conception d’un tel système décisionnel. La question centrale de cet article
porte ainsi sur la manière appréhender, via le système d’information, cette suite de décisions.
Pour répondre à cette problématique, la première partie spécifie le processus de
transformation qui accompagne les changements liés aux TIC. Cette spécification permet,
dans une deuxième partie, de présenter le cadre conceptuel du SI décisionnel. Ce cadre,
initialisé par les limites managériales des SI décisionnels actuels, est le résultat d'une analyse
critique des systèmes de connaissances, fondés eux-mêmes sur la Théorie du Système
Général. La troisième partie explicite le modèle SI décisionnel à partir de l'approche
méthodologique socio-cognitive. Cette approche, privilégiant les situations effectives de
travail et les actions effectuées par les internautes permet de prendre en compte la majeure
partie des informations et des connaissances que la collectivité « fabrique » et utilise dans une
organisation numérique.
Mots-clés
Technologies du numérique, Processus de transformation, Systèmes à base de connaissances,
Système d’information décisionnel, Approche socio-cognitive.
Summary
At the same time tool and method of management, the digital technologies, «ICT 2.0”, call
out to the management in its entirety. In this reason we are contacting you is to propose a
model for an Information System (IS) designed to help the transformation process. The
primary issue is related to the conceptual tools which enable strategic management of
Information and Communication Technologies (ICT), with the aim of accompanying the
change brought about by the Internet. In order to respond to this issue, the first section
specifies the transformation process in the implementation of a digital organization. This
specification allows, in a second section, the presentation of the concept behind the
Information System decision-making. The third section sets out the details of the IS,
beginning with a socio-cognitive methodological approach, one of the advantages of which is
that it takes into account the actionable knowledge of the decision-makers.
Keywords
Digital technologies, Transformation process, Knowledge system, Information System for
decision-making, Socio-cognitive approach
Introduction
Les Technologies de l’Information et de la Communications (abrégées désormais TIC) sont à
l’origine de nombreux changements fondamentaux, dont l’économie du numérique
aujourd’hui. Le développement du web, en particulier, a engendré des transformations
culturelles majeures qui sont depuis la fin des années 90 au centre de plusieurs recherches
académiques.
Dans les organisations ou entreprises, le numérique remet profondément en question
l’ensemble de la chaine de valeur du modèle d’affaires (Delmond et al, 2013). Le défi est
alors de passer de « l’entreprise » à « l’entreprise numérique », c’est-à-dire à celle « qui a une
vision numérique et un plan numérique pour toutes les dimensions de son modèle d’affaires »
(Cigref, 2010). Caractérisée par l’ouverture, le dynamisme et le collectif, l’entreprise
numérique bouleverse les règles du jeu stratégique et les comportements acquis sont remis en
cause pour adapter les pratiques de gestion à l’écoute, l’initiative et l’autonomie (Corniou et
al, 2013)
Comment relever ce défi ?
En sciences de gestion, la revue de la littérature sur les TIC, s’accorde sur le fait que le
système d’information (désormais abrégé SI) est devenu une composante essentielle de la
mise en œuvre de la stratégie de l’entreprise et de sa recherche de performance (Laudon et al,
2013), (Reix et al, 2011), (Vidal et al, 2009), (Marciniak et Rowe, 2009), (Rowe, 2002). Le SI
peut ainsi être un outil de gestion possible pour accompagner le changement organisationnel
généré notamment par le caractère disruptif des technologies du numérique.
De plus, même s’il n’existe pas encore de définition universelle de l’entreprise numérique, il
est possible d’en déterminer le design puisque les technologies du numérique obligent à
repenser le travail collaboratif dans toutes ses dimensions : managériale, organisationnelle,
technologique (Chaumette et Desbien, 2008). En effet, à la fois outil et méthode de gestion,
les technologies du travail collaboratif interpellent le management dans sa globalité : systèmes
organisationnels, ressources humaines et technologiques, aspects juridiques, sociaux et
comportementaux.
A ce titre, même si le modèle (organisationnel) réseau est ancestral (castells, 2002), les
technologies du numérique permettent de repenser les questions relatives aux liens
qu’entretiennent le social et la technique. Générant effectivement des transformations
importantes dans la représentation de l’organisation, le numérique oblige à appréhender une
nouvelle dynamique socio-technique constituée d’interactions, nombreuses et variées, entre
« sujet » et « objet ».
En référence aux principes fondateurs de la théorie de l’acteur-réseau, l’organisation sociotechnique est réticulée et se construit au gré d’une suite de décisions, individuelles et
collectives (Akrich et al. 2006), (Kidder, 1981). Cette suite de décisions révèle, dans une
certaine mesure, les manières qu’ont les acteurs du réseau de créer, utiliser et communiquer
les informations. Par exemple, la manière d’apparaître sur un réseau social est révélatrice
d’une manière de paraître qui, elle-même, évolue en fonction de l’état d’apparaître du réseau.
En sciences de gestion, cette suite de décisions devient une variable stratégique
incontournable dans ce contexte où l’activité de production d’un réseau est essentiellement
immatérielle et basée sur les informations et les connaissances. Comment alors tenir compte
de cette variable stratégique dans la mise en place d’une entreprise numérique ?
En référence à la littérature sur le management, le SI dit « décisionnel » par Lebraty (2006)
est un outil de gestion possible (David et al., 2008). En effet, ces systèmes ont pour but de
supporter les activités de pilotage, et en particulier d’aider à la décision. Ils utilisent largement
les TIC et sont appelés « Systèmes Décisionnels » par J.F. Lebraty qui en détaille les
caractéristiques dans Lebraty (2006). Dans la suite de l’article, ces systèmes décisionnels sont
abrégés SAD : Systèmes (d’information) d’Aide à la Décision et apparaissent, en théorie,
comme une réponse au défi managérial de la transformation numérique.
En pratique, notamment dans les « Pratiques de la décision » de Falque et Bougon (2005), il
est, en revanche, communément admis que l’impact de ces SAD sur la « performance » des
processus de prise de décision, individuels et collectifs, reste mitigé. D’ailleurs, dans la
synthèse de Vidal et Lacroux (2000), et en dépit de l’évolution des TIC et des travaux de
recherche effectués depuis 50 ans, ce constat est récurrent. Il est également évoqué dans
Baujard (2006) et Sybord (2013).
Cet écart entre le SAD et son apport effectif dans la prise de décision pose alors la question
théorique de son évaluation.
Dans l’analyse quantitative des publications académiques concernant les SAD et faite par
Eom (2004), il ressort que l'évaluation est l'étape finale du processus de management d'un
SAD, constitué d'abord de la conception, puis de la mise en œuvre d'un SAD. Ainsi, cet article
propose d’aborder la question originelle de la conception d'un SAD pour analyser dans
quelles mesures le SAD peut accompagner le processus (décisionnel) de transformation
inhérent aux technologies du numérique.
Dit autrement, la problématique de cet article est:
Comment appréhender la conception d’un SAD qui tienne compte des transformations
inhérentes aux technologies du numérique, les « TIC 2.0 » ?
Pour répondre à cette problématique, la première partie spécifie le processus de
transformation qui accompagne les changements liés aux TIC. Cette spécification permet,
dans une deuxième partie, de présenter le cadre conceptuel du SI décisionnel. Ce cadre,
initialisé par les limites managériales des SI décisionnels actuels, est le résultat d'une analyse
critique des systèmes de connaissances, fondés eux-mêmes sur la Théorie du Système
Général. La troisième partie explicite le modèle SI décisionnel à partir de l'approche
méthodologique socio-cognitive. Cette approche, privilégiant les situations effectives de
travail et les actions effectuées par les internautes permet de prendre en compte la majeure
partie des informations et des connaissances que la collectivité « fabrique » et utilise dans une
organisation numérique.
1. / Le processus de transformation + TIC = « TIC 2.0 » ?
Les problématiques relatives à l’entreprise numérique s’inscrivent en majorité dans des
projets d’innovation, de transformation, voire de création… Quel que soit le qualificatif
employé, il s’agit de projets visant à remettre en cause les comportements acquis, pour
optimiser les pratiques de gestion via les technologies du numérique. L’enjeu est d’abord
stratégique même si très souvent l’innovation n’est pensée qu’au travers du prisme
technologique (Besson et Rowe, 2011), (Dubouloz, 2013).
Sur ces projets de transformation, la revue de la littérature (Beauvallet, 2009), (Thaler et
Sunstein, 2010), (Pezet et Sponem, 2010) énonce d’ailleurs un fort taux d’échec de
réalisation, le changement étant appréhendé, le plus souvent, de manière trop incrémentale et
mécaniste : le parcours linéaire va, soit de l’idée à l’usage, soit d’un « besoin » à la recherche
de solutions innovantes et d’idées nouvelles.
Or, en sociologie de l’innovation, les observations pratiques montrent que le processus de
transformation ne se réduit pas à la matérialisation d’une idée nouvelle : l’idée, au contraire,
est transformée. De même, les propriétés de l’objet, celles qui font son originalité, sa force,
son intérêt, changent au cours des étapes de développement. L’usage lui-même est transformé
au cours du processus. Enfin, chaque acteur spécifique et nécessaire au processus de
développement (inventeur, concepteur, développeur, utilisateurs) se transforme au cours de ce
processus (Vinck, 2006). Le processus de transformation n’a donc pas de résultat final
prédictible.
Ainsi, cette partie, centrée sur le processus de transformation, interroge d’abord la notion
d’innovation dans le cadre de l’innovation numérique, pour ensuite spécifier les
caractéristiques du processus de transformation.
1.1./ De l’innovation technique à l’innovation numérique
Selon une abondante littérature en économie/ gestion, innover consiste à mettre au point des
objets ou services nouveaux, que des utilisateurs utilisent effectivement et pour une certaine
durée. Le point de départ est l’idée de l’inventeur qui crée l’objet, le point d’arrivée est
l’usage que les utilisateurs finaux font de l’objet effectivement utilisé dans le temps.
Inversement, l’expression d’un besoin, une nouvelle pratique usagère, peut générer la
recherche de solutions innovantes et d’idées nouvelles.
Dans les deux cas, l’innovation est l’aboutissement d’une démarche qui commence par une
invention et se termine par l’acceptation sociale de la nouveauté. Elle peut être représentée par
le schéma « invention – innovation – diffusion », conformément à la figure 1 :
Or, les recherches en histoire, en sociologie et en économie/ gestion du changement technique
montrent la variété des trajectoires qui mènent à l’usage effectif (Tremblay, 2007), (Akrich et
al. 1991). D’abord, les idées nouvelles viennent de personnes de tout horizon, scientifique ou
non. Ensuite, inventeur et utilisateur sont, dans certains cas, un seul et même acteur. Parfois,
aussi, les utilisateurs sont impliqués dans la conception du produit, voire dans son
développement (la communauté de l’open source, par exemple). Parfois, encore, les
dynamiques économiques du marché impulsent de nouveaux comportements, de nouveaux
besoins (Lorenzi et Villemeur, 2009).
Ce processus de transformation est donc un « entre deux » qui doit s’efforcer de combiner
sciences, technique, marché et société pour arriver à des configurations sociotechniques
nouvelles (Boly, 2004), (Akrich et al, 2006). Tous ces pôles sont importants et la mise en
œuvre des projets d’innovation architecturale, initialisés par les technologies du numérique,
montre la multitude et la variété des allers-retours entre ces pôles. Le processus de
transformation à l’œuvre dans l’innovation numérique n’est donc ni linéaire, ni prédictible car
les interactions entre l’objet et ses connections sont indissociables et génèrent de nouvelles
manières d’être : par exemple, le livre numérique permet de réinventer l’expérience de la
lecture.
Autrement dit, sur le plan organisationnel, les acteurs, les intentions, l’espace de
responsabilité, les interactions émergentes ou organisées, la communication sont des éléments
fondamentaux, à prendre en compte dans la mise en place d’un processus de transformation.
L’innovation numérique n’est donc pas du simple fait de l’innovation technologique. Elle
implique tous les acteurs qui sont parties prenantes de la transformation et doit s’inscrire dans
un cadre intégrateur de transformation organisationnelle (Besson et Rowe, 2011). Ce cadre
intégrateur est composé de :
 La nature de l’initiative de transformation,
 L’écologie de la transformation,
 Le processus de transformation,
 Les résultats de la transformation et leur mesure.
Puisque la question de cet article porte sur la conception d’un SAD qui tienne compte des
transformations d’usages, en lien avec les TIC du numérique, la partie suivante propose de
spécifier les caractéristiques du processus de transformation.
1.2. / Les caractéristiques du processus de transformation
Rappelons que la mise en place d’une nouvelle organisation sociotechnique n’obéit à aucune
pré-rationalité (Vinck, 2006), les représentations sociales étant gouvernées en temps réel, par
le tandem « objet + sujet ». L’opérateur « + » de ce tandem désigne toutes les interactions
évolutives entre l’objet représenté par les TIC du numérique et le sujet qui, à terme, utilisera
ces TIC en adéquation avec ses besoins et ses expériences. Le processus de transformation est
donc composé d'un grand nombre d'entités en interaction locale et simultanée.
Dans le cadre de notre réflexion sur la conception d’un SAD, ces entités en interaction sont
schématiquement composées par les acteurs, les outils numériques et les décisions prises par
les acteurs à l’égard des outils numériques. En rapport à cette dernière entité, les théories de la
décision, qu'elles soient issues d'une perspective organisationnelle ou d'une perspective
individuelle, s'accordent sur le fait que la prise de décision est le résultat d'un processus
cognitif complexe visant à la sélection d'un type d'action (effective ou raisonnée) parmi
différentes alternatives (Saussois, 2012). Ainsi, les décisions mettent en forme
progressivement, et de manière aléatoire, des trajectoires non linéaires et, le plus souvent,
parallèles, au regard de la variété et de la multitude des interactions entre les actions
collectives et les objets techniques qui participent au processus de transformation.
Autrement dit, le processus de transformation SAD doit être appréhendé comme un système
complexe (Le Moigne, 1999) qui ne se réduit ni à un planning des étapes de transformation, ni
à un ensemble ordonné d’actions stratégiques. Besson et Rowe (2011) indiquent d’ailleurs que
la littérature sur les manières stratégiques de construire un processus de transformation est
pauvre et doit s’enrichir « in fine de l’espace de choix des acteurs en situation de
transformation ». Cet « espace de choix » est notamment constitué des interactions
Homme/Machine qui accompagnent la prise de décision. Ces interactions s’appuient sur le
fait que les individus doivent résoudre des problèmes complexes où se tissent, de manière
paradoxale, des liens entre un objet – en permanence connecté à un réseau - et son sujet – en
intimité avec sa personne – (Michit, 1998), (Michit et Comon, 2014).
Dans ces conditions incertaines et paradoxales, le processus de transformation est construit au
grès des interactions cognitives et sociales, conditionnées elles-mêmes par des contraintes
environnementales. Par exemple, dans l’économie du numérique, l'une des contraintes
environnementales est le Big Data : profusion d'informations générées par les usages
d''Internet, de la téléphonie mobile, des réseaux sociaux, etc. (Sybord, 2013). Ainsi, face à ce
« Big Bazar » (Lebraty et al, 2013), l'un des besoins de l’internaute-décideur est de se forger
une idée, voire une représentation, aussi exhaustive que possible, de son environnement
(interne et externe) avant d’agir.
En synthèse, les éléments objectifs qui balisent le processus de transformation sont :
Une idée,
Un objet qui est l’idée concrétisée,
La fonction de l’objet qui est l’usage,
Une situation qui permet de considérer les multiples versions de l’usage au cours du temps,
L’usage définitif.
A ces éléments objectifs s’ajoutent des éléments subjectifs : l’inventeur, le concepteur, le
développeur, l’utilisateur, l’usager ; et des éléments organisationnels : un planning, des
emplois du temps individuels et collectifs, une (des) procédure(s) qualité, des relations de
pouvoirs, des résistances au changement (Teneau, 2006), (Boutinet, 2004).
Les interactions entre tous ces éléments constituent le processus de transformation qui,
comme il a déjà été dit, ne se réduit pas à la matérialisation d’une idée nouvelle car l’idée se
transforme au gré des expériences des individus. De même, les propriétés de l’objet, celles qui
font son originalité, sa force, son intérêt changent au cours des étapes de développement.
L’usage lui-même est transformé au cours du processus. Enfin, chaque acteur spécifique et
nécessaire au processus de développement (innovateur/concepteur, développeur, utilisateurs)
évolue durant ce processus (Vinck, 2006). Ainsi nous proposons de représenter le processus
de transformation par la figure 2 suivante.
Cette figure 2 complète et modifie la figure 1 : le point de départ reste l’idée, en rapport à un
objet, utile à une situation, pour des sujets, qui en font usage jusqu’à ce que soit généralisé
l’usage définitif. Le processus de transformation, alimenté de toute part par les informations et
les connaissances, peut ainsi être appréhendé comme un système d’actions qui se définit, à la
fois, par son exercice et son résultat, sachant que le résultat n’est pas prédictible directement
en connaissant les règles (Midler, 2004). Il évolue dans un réseau d’interactions qui contient
des nœuds : résistances, conflits, nouveautés qu’il est nécessaire de gérer de manière ouverte
(Boutinet, 2004), afin de respecter le contexte d’incertitude propre à la dynamique créative du
processus de transformation (Hatchuel et al. 2006).
Cette dynamique est créative et incertaine car elle s’appuie principalement sur la variété des
stratégies d’acteurs individuels et collectifs, en situation d’usages. Les connaissances tacites et
explicites, en jeu dans ce processus, sont individuelles, collectives et organisationnelles
(Nonaka et Takeuchi, 1997). Elles sont le résultat de multiples combinaisons dont la ressource
première est l’information (Nonga Honla, 2000), (Deschamps, 2009).
Cette représentation circulaire du processus de transformation permet de rendre compte des
boucles d’apprentissage, en lien avec les actions effectuées par les sujets qui collaborent au et
pour le processus de transformation. L’organisation « apprenante » du processus de
transformation est stabilisée quand l’objet est clairement identifié, aux propriétés
indiscutables, sur des marchés quantifiables, selon des usages et des usagers connus et
prévisibles, aux impacts identifiables et contrôlables.
Dans ces conditions, nous pouvons répondre à la question posée en titre de cette partie : le
processus de transformation est finalement constitué de boucles multiplies et variées
d’apprentissages ; les TIC, elles, sont le moyen de traiter et communiquer les informations et
connaissances, qui se jouent dans le processus de transformation. Si ce moyen de traitement et
de communication est le plus interactif possible, il peut être qualifié de « TIC 2.0 », en
référence à l’article de vulgarisation de O’Reilly (2005), qui définit, pour la première fois, le
Web 2.0 comme un mélange de sites et d’outils qui encouragent la participation et la
collaboration. Par exemple, Facebook permettant d’apparaître, de paraître, de disparaître,
voire d’être de manière relative, située et instanciée est une « TIC 2.0 ».
Pour conclure, cette partie 1, en spécifiant le processus de transformation, a explicité sous
quelles conditions les TIC 2.0 peuvent accompagner les managers dans les défis posés par
l’économie du numérique. L’un de ces défis, pour l’entreprise numérique, est notamment le
développement de capacités à créer et à valoriser, en continue, de nouvelles connaissances
afin de maintenir une activité économique durable (Hatchuel et al. 2006). Ce défi peut
probablement être relevé par un management approprié des TIC 2.0.
2. / Le cadre conceptuel d’un SI supportant le processus de transformation
Conformément aux éléments introductifs de cet article, nous rappelons que l’organisation
sociotechnique et apprenante du processus de transformation peut être supportée par un SI
défini, en sciences de gestion, comme : « ... un système d’interprétation d'un ensemble
d'acteurs sociaux qui, dans un contexte organisationnel finalisé et récursif, mémorisent et
transforment des représentations via des technologies de l'information et des modes
opératoires » (Rowe, 2007, p171).
Le SI est précisément un SAD puisque le processus de transformation est notamment
constitué d’une multiplicité de décisions hétérogènes, souvent confuses, dont on ne peut, a
priori, décider si elles seront cruciales ou non, et qui sont prises par un grand nombre de
groupes différents et souvent antagonistes (Akrich et al, 2006), (Kidder, 1981). Par contre,
l'impact des SAD sur les activités de pilotage et la prise de décision est faible. C'est pourquoi,
cette partie part de limites actuelles des SAD, pour ensuite aborder une analyse critique des
« Systèmes de connaissances » mis au point par (Ermine, 1996). Cette analyse posera ainsi le
cadre conceptuel d’un SAD supportant le processus de transformation induit par les TIC 2.0.
2.1. / Les limites actuelles des SAD
Les recherches sur les SD ont été initialisées par H. Simon et A. Newell à la fin des années
50. Dix ans plus tard environ, Gorry et Scott Morton analysent l’efficience des SD sur la prise
de décision dans les organisations et constatent que leur impact est faible (Gorry et Scott
Morton, 1971). De nouveau, dix ans plus tard environ, un nouvel espoir est posé, avec les
travaux de Rockart et Treacy qui portent sur les systèmes d’information pour cadres
dirigeants, appelés EIS (Executive Information Systems) (Rockart, 1979) et (Rockart et
Treacy, 1982).
Ces EIS ont été conçus pour répondre aux besoins d’informations spécifiques aux dirigeants
et leur apporter les informations les plus « adéquates » pour, et tout au long du processus
décisionnel. En pratique, peu de réalisations EIS ont été satisfaisantes, la plupart ne répondant
pas aux besoins d’informations demandées par les décideurs et nécessaires à la prise de
décision. Dans ces systèmes, l’information n’est pas appréhendée par les concepteurs comme
un « facteur clé de succès » (Rockart, 1979).
En revanche, les fondements conceptuels de ces recherches sur les EIS ont posé les bases des
systèmes nommés « Data Warehouse », dont les premières réalisations datent du début des
années 90 et caractérisent le champ de l’informatique dit « décisionnelle ». Ces systèmes
intègrent des applications décisionnelles rassemblées dans une énorme base de données
appelée « entrepôt » (Warehouse). Les données y sont thématiques (orientées sujet ou métier),
intégrées, non volatiles et historiées.
Dans la pratique, les technologies de cet « entrepôt » permettent, par exemple, à l’entreprise
de mieux mobiliser sa « mémoire organisationnelle » (Girod-Séville, 2000). En outre,
l’explosion d’Internet, au début des années 2000, vient faciliter les activités de veille et/ou de
travail collaboratif (Coat et Favier, 2007). Mais, sur les activités de pilotage, l’impact de ces
TIC d’aide à la décision reste faible (Sybord, 2014).
Cet échec récurrent sur la finalité non atteinte d’un SAD nous conduit à revisiter la conception
d’un SI, qui est le point de départ de la construction d'un SI (Nurcan et Rolland, 2006). Le SI,
et en particulier le SAD, étant des systèmes, nous faisons le choix de revenir à la conception
systémique d'un SAD. Cette conception est supportée par la Théorie du Système Général mise
au point par Le Moigne (1977, 1994).
Cette Théorie appréhende le SI comme l’un des trois (sous-) systèmes constitutifs du système
général :
 le système opérant, premier (sous) système, transforme les matières premières
(matérielles et immatérielles) en produits finis (matériels et immatériels) ;
 le SI, deuxième (sous) système, enregistre, mémorise les opérations (les processus) du
système opérant en fonction d’un objectif défini, et les met à disposition du… ;
 … système de pilotage, troisième (sous) système, appelé encore système de décision.
Ce dernier coordonne les informations et les processus (propres à la communauté d’acteurs
constituant l’organisation), en utilisant ses capacités cognitives d’auto-organisation, voire de
conscience (Le Moigne, 1999).
Dans le cas particulier des SAD et de leur impact effectif sur le processus de transformation,
la question des interactions entre un « objet » et ses sujets est peu conceptualisée (Besson et
Rowe, 2011), à l’avantage d’un système prioritairement technique. Heureusement, au milieu
des années 90, cette approche systémique a été complétée par le système « patrimoine de
connaissances » qui définit les systèmes de connaissances mis au point par Ermine (1996).
2.2. / Les systèmes de connaissances : apports et limites pour la conception d'un SAD
En sciences de gestion, l’intérêt pour les notions de connaissances ou de savoirs actionnables
a connu une nette accélération au cours de ces dernières années. Cette accélération est visible
aussi bien par l'augmentation du nombre d’articles académiques que la mise en place
croissante, dans les entreprises et collectivités, de projets « Knowledge Management »
(management incluant autant des projets d’ingénierie de connaissances que des projets de
gestion des connaissances). Pourtant, la dimension cognitive d'un SAD reste ignorée dans la
conception de ce dernier.
Dans ce contexte, nous faisons l'hypothèse que, tout en restant dans une approche systémique,
la dimension cognitive en jeu dans le processus de transformation (cf. partie 1) est essentielle
dans la conception et le développement d’un SAD. D'une part, les TIC permettent aujourd’hui
d'aller chercher l'information là où elle se trouve, et ainsi de retrouver plus rapidement et de
manière moins formalisée la connaissance requise. D'autre part, c'est par le biais du SI, voire
du SAD, que peut être évaluée la dérive de l'action par rapport au plan initial. Enfin,
l'environnement économique oblige les entreprises à prendre les décisions qui s'imposent le
plus rapidement possible et d'informer ensuite le reste des salariés concernés, par
l'intermédiaire du réseau (Baumard et Benvenuti, 1998), (Castells, 2002).
Afin de prendre en compte cette dimension cognitive dans la conception d'un SAD, nous
utilisons le cadre théorique des systèmes de connaissances. Ces systèmes de connaissances
ont été définis par Ermine (1996), en référence au « Modèle OIDC » (Opération, Information,
Décision, Connaissance), représenté par la figure 3. L’explicitation détaillée de ces systèmes
se trouve dans (Ermine et al, 1996).
En synthèse, la connaissance, élément canonique du processus décisionnel, se trouve dans le
système « Patrimoine de connaissances ». Ce dernier est défini comme un système actif
d’acquisition, de transformation et de transmission de connaissances vers les autres soussystèmes.
Le flux cognitif partant de ce sous-système est appelé flux de cognition : ce dernier
correspond à l’appropriation implicite ou explicite du « patrimoine » dans le but de participer
au processus de transformation propre au système. Le flux cognitif réciproque est appelé flux
de compétence : ce dernier correspond à l’enrichissement des connaissances au cours du
temps, par le biais des acteurs humains, des ressources matérielles et/ou immatérielles
((Ermine et al, 1996).
Cet ensemble (flux, système) vient compléter l’espace d’analyse et de définition d’un SAD.
L’avantage d’une telle représentation systémique est la prise en compte globale des quatre
dimensions inhérentes à toute pratique de décision exercée dans les organisations. De plus, les
relations et les interactions entre les systèmes confèrent au SAD son caractère
« communicant ».
Mais c’est précisément sur ce point que cette représentation systémique des systèmes de
connaissances présente aussi une limite majeure : l’autonomie décisionnelle et son corollaire les dynamiques d’apprentissages individuels et collectifs – peuvent difficilement être
valorisées dans des organisations hiérarchiques (Corniou et al, 2013). En conséquence, le
système connaissance perd de sa valeur créative, empêchant probablement à terme le
fonctionnement dynamique et évolutif du processus de transformation.
En conclusion, pour les activités de pilotage qui actionnent le processus de transformation,
même ce modèle systémique OIDC ne permet pas de concevoir un SAD qui considère à leur
juste valeur les interactions entre les acteurs du réseau et les TIC 2.0.
Comment alors concevoir un SAD qui tienne compte, simultanément du SI « central »,
indissociable du système d’organisation conformément à la définition de Rowe (2007), et des
savoirs actionnables intervenant dans la variété et la complexité des décisions qui spécifient le
processus de transformation ?
3. /Processus de transformation et conception d’un SAD : proposition d’un modèle
Cette troisième partie apporte des éléments de réponse à la question posée ci-dessus, et plus
largement à la problématique posée, en proposant un modèle qui s’appuie sur une approche
sociocognitive.
Cette dernière consiste en l’étude des « cognitions sociales », c’est-à-dire des processus par
lesquels les individus produisent leurs conduites sociales (Berthoz, 2009). Cette influence
réciproque majeure entre domaine cognitif et existence de conduites sociales développées
dans une situation d’interaction est essentielle dans la conception d’un SAD dont le but est
« d’équiper » le processus de transformation.
Cette approche permet de considérer le contexte organisationnel dans lequel se déploient les
relations sociales, ainsi que les interactions entre acteurs et dispositifs techniques (Lambrey et
Berthoz, 2003), (Ehlinger, 1996). Les savoirs actionnables des acteurs du processus de
transformations sont ainsi conçus comme un prolongement des capacités cognitives et
informationnelles des êtres humains qui définissent le contexte organisationnel.
Plus largement, sur un plan socio-économique, la spécification du processus de transformation
oblige le respect de la forme organisationnelle émergente qui caractérise l’économie du
numérique. De plus, les TIC 2.0 obligent à repenser le travail collaboratif dans toutes ses
dimensions : managériale, organisationnelle, technologique (Chaumette et Desbien, 2008). A
ce titre, à la fois outil et méthode de gestion, les technologies du travail collaboratif
interpellent le management dans sa globalité : systèmes organisationnels, ressources humaines
et technologiques, aspects juridiques, sociaux et comportementaux.
3.1. / Les fondements d’un SAD par une approche sociocognitive
Le fonctionnement en réseau d’une organisation ou entreprise numérique exige plus de parité
relationnelle. Cette dernière se fonde sur une perception différente de la position des acteurs :
ni dessous, ni dessus, mais côte à côte. Chacun doit intégrer les préoccupations des autres
comme des éléments constitutifs de ses choix quotidiens. Cette montée en compétence
collective peut être appréhendée par une approche sociocognitive.
Pour la conception d’un SAD, les liens indissociables existant entre les processus
informationnel, organisationnel, cognitif et décisionnel et constitutifs d’un processus de
transformation (cf. Partie 1) sont représentés par la figure 4. Cette représentation est celle du
« modèle OIDC » (figure 3) que nous avons fait pivoter sur la droite, de façon à ce que le
système « patrimoine de connaissances » soit la base de l'organisation sociotechnique d’un
SAD. Les flux cognitifs et informationnels sont inchangés.
En revanche, les liens hiérarchiques classiques, issus du modèle Taylorien, disparaissent à
l’avantage de liens transversaux permettant une circulation plus ouverte des informations et
des connaissances (Langley, 2007). Cette organisation devient alors « apprenante » et est ainsi
en cohérence avec l’organisation apprenante du processus de transformation (cf. figure 2,
partie 1).
Figure 4 : L’organisation sociocognitive d’un SAD
De plus, même si la différence de forme entre la figure 3 et figure 4 paraît minime, il existe
une différence majeure de fond entre les deux figures : la prise en compte du social et des
compétences, appréhendé dans le SAD, comme le levier incontournable de développement et
de transformation, dans un contexte numérique où l’activité de production est de plus en plus
immatérielle. Les TIC 2.0 fonctionnent grâce à cet ensemble de variables stratégiques,
représentées par le système patrimoine de connaissances. En ce sens, cette organisation
sociocognitive redonne la place de « chef d’orchestre » à l’internaute qui peut alors
s’approprier les TIC 2.0 en adéquation avec ses besoins et ses préférences de choix.
D’ailleurs, dans le cas des activités de pilotage et en référence au modèle simonien (Simon,
1983), l’objectif de la décision optimale disparaît à l’avantage d’une interrogation sur la
nature, voire la légitimité, des compétences disponibles, pour une (des) décision(s)
heuristiquement satisfaisante(s), et de facto acceptée(s). Cet ensemble (compétences
disponibles, décisions actionnables) est pris en compte dans le modèle proposé ci-dessous et
permet de prendre en compte l’« espace de choix » que Besson et Rowe (2011) affirmait
comme manquant dans le processus de transformation.
En conclusion, cette organisation sociocognitive d’un SAD est un cadre de référence cognitif
des acteurs connectés à un réseau. Elle structure leurs perceptions et leurs interprétations des
phénomènes réels. Elle sert de corpus théorique pour appréhender le modèle SAD proposé ciaprès.
3.2. / Représentation et explicitation synthétique du modèle SAD proposé
La conception d’un SAD étant à la fois technologique et sociocognitive (Sybord, 2013),
(Rowe, 2007), (Vinck, 2006) nous avons cherché un néologisme qui regroupe à la fois les
acquis du génie cognitif et du génie logiciel, donnant alors cogniciel.
Fondé sur l’organisation sociale d’un SAD (cf. figure 4), le modèle socio-cogniciel est
représenté par la figure 5.
Figure 5 : Le modèle socio-cogniciel d’un SAD
La représentation circulaire évoque les logiques non linéaires d’apprentissages individuels et
collectives et respecte les liens transversaux de l’organisation sociale proposée (cf. figure 4).
Elle est également en cohérence avec l’organisation apprenante du processus de
transformation telle que nous l’avons présentée (cf. partie 1, figure 2).
Ce modèle socio-cogniciel s’ancre, au sens large, dans une « situation de gestion », qui « se
présente lorsque des participants sont réunis et doivent accomplir, dans un temps déterminé,
une action collective conduisant à un résultat soumis à un jugement externe » (Girin, 1999,
p.142). Dans le cas des SAD, le « résultat » est un « espace de choix », c’est-à-dire un
ensemble de décisions possibles pour interagir de manière pertinente et délibéré, sur le réseau
des TIC 2.0.
Ce qui est à l’extérieur du cercle correspond aux éléments « environnementaux » des activités
de pilotage et plus généralement aux données économico-stratégiques de l’organisation
numérique. Ces éléments légitiment le cadre du management stratégique sur les plans :
économique, organisationnel, humain et technologique.
L’intérieur du cercle, à l’exception du « résultat », correspond aux éléments socio-cogniciels
d’une activité de pilotage et plus généralement d’une activité de conception. Selon les cas, ces
six éléments socio-cogniciels peuvent interagir entre eux, via l’architecture cognicielle, et
permettent, in fine, une décision heuristiquement actionnable, faisant alors évoluer la
trajectoire du processus de transformation.
Cette architecture est définie à partir du paradigme SMA (Systèmes Multi-Agents). Cette
architecture est détaillée dans Colloc et Sybord (2003). L’architecture SMA métabolise la
dimension collective de la pratique de la décision. Son moteur est une boîte à outils qui suit
les innovations techniques.
Le modèle socio-cogniciel élaboré fédère les dimensions stratégique, cognitive,
organisationnelle et technique d’un SAD qui « équipe » ainsi le processus de transformation
qui accompagne la transformation organisationnelle induite par les TIC 2.0. Il représente les
éléments fondamentaux qui interviennent dans la construction et la transformation de
l’organisation sociotechnique d’une entreprise 2.0. Il est ainsi un cadre collectif formel et
ouvert à chacun des acteurs et groupes d’acteurs qui interviennent dans le processus de
transformation. Il mémorise le processus de capitalisation des connaissances et des savoirs qui
interviennent dans la prise de décision. Le caractère aléatoire de cette dernière diminue. Le
processus de transformation est, lui, enrichi d’un « espace de choix », maillon manquant dans
la littérature sur le processus de transformation et les TIC (Besson et Rowe, 2011).
Sur le plan théorique, les apports de l’approche socio-cognitive pour la conception des SAD
sont, d’une part, la prise en compte effective des multiples représentations, individuelles et
collectives, présentes dans les situations décisionnelles ; et d’autre part, une analyse des
interactions par lesquelles les individus produisent leurs conduites sociales et donc agissent
sur les décisions.
En ce sens, cette conception de SAD devient un guide pour l’action. Le modèle sociocogniciel oriente les actions et les relations sociales qui font sens pour les individus et les
groupes d’individus participant à la décision. L’action prédomine sur la représentation,
conférant ainsi au SAD un rôle de coordinateur qui permet d’accéder à un monde partagé,
plutôt que de résoudre un problème.
Conclusion et perspectives
Cette recherche sur la manière d’appréhender la conception d’un SAD a permis de spécifier le
processus de transformation. Ce processus de transformation est un processus complexe. A ce
titre, nous espérons qu’il aura pu renforcer la faible cohérence de la littérature sur la
transformation organisationnelle et les SI.
Concernant la problématique, nous avons vu que pour appréhender la conception d’un SAD
qui tienne compte des transformations permanentes, inhérentes aux TIC 2.0, il est nécessaire
d’analyser finement et en détail, les informations et les connaissances, voire les expériences,
que les acteurs du réseau détiennent. Les résultats de cette analyse sont les éléments
conceptuels d’un SAD représentés par la figure 5 :
* les éléments « environnementaux » de la transformation organisationnelle,
* les éléments socio-cogniciels.
Ce modèle a été expérimenté dans le cadre d’un projet européen appelé Fire Paradox (FP).
Cette expérimentation fera l’objet d’un autre article. L’objectif principal de ce projet FP était
de « créer les bases scientifiques et techniques pour la définition de nouvelles pratiques et
politiques de gestion intégrée du feu en Europe ». Dans cette perspective, notre contribution a
été de proposer un cadre conceptuel de SAD qui « balise » (coordonne) la mise en œuvre
d’une stratégie de communication. Cette stratégie reposait sur une campagne de
sensibilisation à destination d’acteurs multiples (de l’habitant ou marcheur en lisière de forêt
au maire de la commune, en passant par les pompiers). Ces acteurs avaient tous un point
commun : un intérêt, voire une ou des expériences sur la prévention, par le feu, des feux de
forêts (Badillo et Sybord, 2008).
Sur un plan méthodologique, l'approche sociocognitive du SAD a permis de prendre en
compte les données disparates et volatiles de ces acteurs multiples et de les intégrer ensuite
dans le SAD qui permettait la communication de la campagne de sensibilisation. A terme, il
est envisagé que le modèle socio-cogniciel d’un SAD serve de référentiel, d’une part, pour la
construction d’une base de connaissances appelée « actions sur les feux de forêts », et d’autre
part, pour le développement d’un outil de formation à distance destiné à des étudiants en
communication. . La maintenance du SD, tout comme la conception, pourrait être faite par un
gestionnaire, autant concepteur que décideur (Boland, 2004).
Sur un plan conceptuel, la singularité de ce modèle SAD est de rendre compte du caractère
organisant et organisé des liens entre un SAD et les pratiques de la transformation. En ce sens,
le rapport instrumental d’une information et/ou d’une connaissance dans le seul but de décider
a été balayé à l’avantage d’un SI orienté « complexité » (Amabile et Caron-Fasan, 2002). Il
rend également compte du caractère organisant des connaissances qui interviennent dans
activité décisionnelle, restaurant, à ce titr,e les dynamiques d’apprentissages individuels et
collectifs en lien avec un processus de transformation. Cette « cognition distribuée »
représentée précisément par la figure 5 rend effective la manière dont des environnements
complexes, constitués d’humains et d’artefacts, parviennent à réaliser durablement des tâches
complexes.
D’un point de vue managérial, l’expérimentation du modèle a permis d’appréhender
l’inadéquation du mode de gestion traditionnel issu du modèle Taylorien du travail. Au plan
des pratiques de management, la question pourrait alors porter sur l’émergence d’un nouveau
modèle de gestion de l’apprentissage, qui privilégierait les démarches « apprenantes » et
responsables, via un artefact SI orienté « complexité ».
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