Bip, une protéine requise pour l'intégration de bactéries planctoniques
dans des biofilms.
L'intégration de bactéries planctoniques dans un biofilm est une étape majeure dans la
constitution de biofilms multiespèces. Elle est aussi un élément important dans la
croissance des biofilms monoespèces. Chez la bactérie Bacillus thuringiensis, la
population planctonique coexistant avec le biofilm en croissance est rapidement
intégrée dans celui-ci. Nous avons fait l'hypothèse que cette intégration nécessite la
présence de mécanismes moléculaires spécifiques. Ces mécanismes peuvent être
impliqués dans le mouvement de la bactérie vers le biofilm, dans la pénétration de la
bactérie immigrante à l'intérieur du biofilm, ou dans son interaction avec la matrice du
biofilm ou avec les bactéries résidentes.
Par mutagenèse aléatoire et à l'aide d'une méthode expérimentale permettant de
quantifier le recrutement de bactéries planctoniques par le biofilm, notre laboratoire a
identifié un gène plasmidique fortement impliqué dans ce recrutement. L'inactivation de
ce gène chez les bactéries planctoniques - mais pas chez les bactéries sessiles - provoque
une chute de 80% du nombre de bactéries planctoniques recrutées dans le biofilm, et la
complémentation rétablit le taux initial de recrutement. Le produit de ce gène est la
protéine Bthur002_62720, de masse moléculaire 21 kDa et de fonction inconnue. Cette
protéine (que nous appellerons 'Bip' pour Biofilm integration protein) possède à son
extrémité N-terminale un peptide signal suivi par un domaine transmembranaire, et à
son extrémité C-terminale deux domaines transmembranaires, suggérant une
localisation pariétale. A l'aide d'une fusion traductionnelle avec la GFP, nous avons
confirmé que la protéine Bip est localisée à la surface bactérienne.
L'objectif principal de ce projet est de déterminer comment la protéine Bip promeut
l'intégration de bactéries planctoniques dans un biofilm. Sa localisation à la surface
bactérienne suggère que Bip interagit avec des éléments du biofilm, dans une interaction
de type ligand-récepteur. Le partenaire de Bip sera donc recherché dans le biofilm à
l'aide de plusieurs approches. Après clonage de son gène dans un vecteur de
surexpression, la protéine recombinante rBip sera produite et purifiée, et des anticorps
spécifiques dirigés contre cette protéine seront obtenus. rBipR sera incubée avec un
biofilm formé par un mutant Bip-, puis localisée dans le biofilm à l'aide des anticorps
produits, ce qui permettra de préciser si les interactants de cette protéine sont situés à
la surface bactérienne ou dans la matrice du biofilm. Ces interactants seront ensuite
isolés (par des techniques d'affinité de type 'pull-down') sur des extraits protéiques ou
polysaccharidiques réalisés à partir de la matrice du biofilm ou de la surface cellulaire.
Dans le cas où l'interactant de Bip est une protéine, celle-ci sera partiellement séquencée
par spectrométrie de masse, et le gène codant pour cette protéine sera identifié à partir
du génome séquencé de la souche bactérienne utilisée. Si l'interactant est un
polysaccharide, sa structure chimique sera établie en association avec le laboratoire de
glycobiologie de l'université de Lille, avec lequel nous avons déjà une collaboration. Les
gènes impliqués dans la biosynthèse de ce polysaccharide pourront être identifiés si
celui-ci est identique aux deux exopolysaccharides majeurs produits par la bactérie en
biofilm, sur lesquels notre laboratoire travaille déjà dans le cadre d'un autre programme.
Le projet a également comme objectif d'identifier les réseaux de régulation contrôlant la
production des deux partenaires impliqués dans le recrutement des bactéries