HOSPIMEDIA Publié le 30/07/15 Les hôpitaux ont surfé haut la main

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HOSPIMEDIA Publié le 30/07/15
Les hôpitaux ont surfé haut la main sur la première vague de certification
Dossier en 3 parties
Ils ont été les éclaireurs hospitaliers de la certification des comptes. 31 hôpitaux, CHU-CHR ou simple
CH, ont vu leurs résultats 2014 passés au crible des commissaires aux comptes. Bilan : 16 d'entre eux
ont été certifiés sans réserve. Une belle réussite pour une première qui ouvre grand la voie aux autres
hôpitaux.
Partie 1/3
Plus de la moitié des établissements ont été certifiés sans réserve
Le bilan de la vague 1 de la certification est prometteur : 16 hôpitaux sans réserves, un seul non
certifié et pour les autres des réserves au compte-gouttes. À cette cartographie pour l'heure
restreinte à 31 établissements se grefferont 95 autres cette année, puis à nouveau une trentaine en
2016 avec a priori quelques volontaires supplémentaires.
En cette fin juillet, la première vague de certification des comptes des établissements publics de
santé, qui concernait trente-et-un d'entre eux sur leur exercice budgétaire 2014, touche à sa fin.
Hormis un établissement qui tarde à connaître son résultat — les hôpitaux de Saint-Maurice (Val-deMarne) —, les trente autres ont tous reçu leur copie... Et pour seize d'entre eux, dont quatre CHUCHR, il y a certification sans la moindre réserve du commissaire aux comptes. Pour les autres, six
affichent une réserve, cinq deux réserves et deux trois réserves. Seul le CH public du Cotentin à
Cherbourg (Manche) n'est pas certifié (voir la cartographie). Un bilan élogieux salué d'ailleurs par
communiqué par la quasi-totalité des hôpitaux et par la DGOS elle-même (lire l'interview en partie
3). En soi, ce n'est pas tant sur le contenu même du rapport de certification qu'ont communiqué les
établissements mais sur le résultat, "certifié" et éventuellement "sans réserve". Des mots frappant
beaucoup plus les esprits... et qui confirment que cette démarche est "utile et porteuse de valeur
ajoutée", comme le confiait l'an dernier à Hospimedia Yannick Ollivier, président de la commission
développement à la Compagnie nationale des commissaires aux comptes (CNCC, lire ci-contre). Et
ce notamment pour amadouer les interlocuteurs bancaires.
Ci-dessus en vert, les hôpitaux certifiés sans réserve ; en jaune, ceux affichant une réserve ; en
orange, deux réserves ; en rouge, trois réserves ; en noir ceux non certifiés ; en gris, ceux dont le
résultat n'est pas encore connu.
Une expérience "douloureuse" à Cherbourg
Sans surprise, à compiler les communications hospitalières, le premier bilan dressé cet hiver par la
DGOS se confirme : le principal point de fragilité demeure la fiabilisation des immobilisations faute,
dans certains cas, du moindre inventaire physique mais surtout d'un très haut degré d'exigence des
certificateurs. Le niveau de provisionnement est également insuffisant (dépréciations de créances)
ou insuffisamment justifié (provisions pour gros entretien). Et le problème des stocks déportés est en
outre signalé dans chaque établissement. Seul hôpital non certifié, non pas par refus de certification
mais impossibilité de certification, l'hôpital de Cherbourg ne souffre pas tant d'anomalies majeures
mais surtout de dysfonctionnements dans le contrôle interne. "Cette culture n'est pas développée",
reconnaît Xavier Biais, directeur des affaires financières (Daf) et du système d'information du CH.
S'ajoutent à cela des effectifs administratifs en nombre limité, une vacance de six mois l'an dernier
du poste de Daf et de pesantes difficultés sociales et financières au registre prioritaire. "C'est une
expérience douloureuse mais on a beaucoup appris. La première marche était trop haute à franchir
mais comment pouvait-il en être autrement après des années de défaillances du contrôle interne",
glisse le directeur. De fait, un plan d'actions a été mis en place pour corriger le tir sur la deuxième
année de certification, soit sur l'exercice 2015.
Le processus à Beauvais et Lens décrypté par la chambre des comptes
Pour mieux comprendre le long cheminement des hôpitaux vers la certification des comptes, de la
préparation à l'entrée dans la procédure, les chambres régionales des comptes commencent à
diffuser des rapports ciblés en ce sens sur tel ou tel établissement. C'est notamment le cas pour un
hôpital de la vague 1, le CH de Beauvais (Oise), mais aussi son voisin du Pas-de-Calais, Lens. Les
rapports, rédigés par la chambre Nord-Pas-de-Calais-Picardie, ont été tous deux mis en ligne le
1er juillet.
Les volontaires avaient jusqu'au 31 juillet pour postuler
Car comme le fait remarquer Sandrine Pautot, chef de projet certification à la DGOS, la vague 1 ne
s'achève pas sur ce premier bilan. Au contraire, "ça repart pour eux", confie l'intéressée. "Les
hôpitaux ayant des réserves doivent les lever, les autres maintenir la pression. La mission de
certification dure six ans avec une première année consacrée au bilan d'ouverture et à l'audit du
contrôle interne. L'an 2, les commissaires vont commencer à approfondir leur travail sur certains
cycles. De nouveaux éléments ressortiront peut-être l'an prochain dans leur rapport." Et puis,
parallèlement, 95 établissements de la vague 2 s'engagent dans le processus au titre de l'exercice
2015. Arriveront-ils à faire aussi bien que leurs prédécesseurs ? Le résultat sera sans doute plus
contrasté.
Réponse
l'an
prochain
fin
juin-début
juillet.
Quant aux établissements restant soumis au titre de la vague 3 (exercice 2016), eux aussi sont
pleinement engagés. "Nous avons déjà réuni les hôpitaux des vagues 2 et 3", souligne d'ailleurs
Sandrine Pautot. Et puis, le processus faisant des émules jusque dans les rangs des non-certifiables, la
DGOS et la Direction générale des finances publiques (DGFIP) a lancé un appel à candidatures
national pour des établissements volontaires, notamment en Picardie où certains proches du seuil
réglementaire des 100 millions d'euros de budget, sont demandeurs. Les postulants avaient jusqu'au
31 juillet pour demander à intégrer à titre expérimental la vague 3. Ils seraient une dizaine.
Partie 2/3
À Boulogne-sur-Mer, le directeur refuse par souci éthique de laisser l'accès aux dossiers médicaux
Faut-il permettre aux commissaires aux comptes d'accéder aux dossiers patients ? Brandissant le
Code de la santé publique, deux directeurs, à Boulogne-sur-Mer et Tourcoing, ont refusé d'agir de la
sorte "dans le respect des règles de déontologie médicale". Résultat : ils ont tous deux écopé d'une
réserve. Un groupe de travail s'annonce à la DGOS.
Parmi les trente-et-un hôpitaux soumis l'an dernier à la première vague de la certification des
comptes, le CH de Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais) a certes été certifié mais avec deux réserves
par le cabinet d'audit PWC. D'une part, "les travaux d'inventaires physiques des immobilisations
n'étant pas achevés, nous ne sommes pas en mesure de valider l'existence des actifs mobiliers
figurant à l'actif", glisse PWC dans son rapport de certification. D'autre part, "en raison de la
réglementation en matière de secret médical, nous n'avons pas pu effectuer de rapprochements
entre la codification des actes médicaux facturés et les dossiers des patients", ajoute le cabinet.
Raison pour laquelle ce dernier n'a pu vérifier cette étape du processus de facturation. Si en soi la
première réserve reste somme toute "technique", sachant que plus de 70% des immobilisations sont
fiabilisées, la deuxième révèle en revanche un questionnement loin d'être aussi anodin. Comme il le
confie à Hospimedia, le directeur de l'établissement, Yves Marlier, a refusé par souci éthique
d'accorder au certificateur un accès au contenu des dossiers médicaux. D'où cette impossibilité de
contrôler la qualité du codage.
Partie 3/3
Sandrine Pautot, chef de projet certification des comptes à la DGOS"C'est un très bon bilan de
certification, d'autant que le degré d'exigence a été très élevé"
Responsable à la DGOS du projet de certification des comptes mené de pair avec la DGFIP,
Sandrine Pautot ne cache pas sa satisfaction à la lecture des résultats de la vague 1. Et ce n'est pas
une certification au rabais qui a été accordée, prévient la chef de projet à Hospimedia : le degré
d'exigence des commissaires était on ne peut plus fort.
Hospimedia : "Que retenez-vous de cette première année de certification des comptes ?
Sandrine Pautot : Nous avons été dans un fort partenariat interministériel avec la Direction générale
des finances publiques (DGFIP) et, à l'échelon régional, entre les ARS et les DRFIP. C'est une affaire
ordonnateur-comptable : sans comptable dans la démarche, on court à l'échec. Pour les trente-etun hôpitaux de la vague 1, nous avons fourni un important dispositif d'accompagnement qui
s'apparente quasiment à un pilotage national en direct. Les établissements nous ont par exemple à
peu près posé 130 questions en trois mois lors des missions finales. Nous avons suivi dans le détail le
déroulement des missions intermédiaires, puis réalisé une enquête à leur terme pour repérer les
structures en difficulté et, enfin, lors des missions finales, demandé de nous remonter régulièrement
toutes les données et constats sources de difficultés. Et puis, le travail accompli avec la Compagnie
nationale des commissaires aux comptes (CNCC) a été extrêmement intense pour caler la doctrine,
notamment sur la dette sociale.
"Certains cabinets ont réclamé 95% de complétude de l'inventaire physique. Ce n'était
pas le cas pour les universités, où quelques-unes avaient même été certifiées
quasiment sans inventaire."
H. : Quelques retards ont été observés dans l'approbation en conseil de surveillance du rapport de
certification. La date butoir avait été fixée au 30 juin. Comment l'expliquez-vous ?
S.P. : Effectivement, nous avons eu des missions finales qui se sont déroulées assez tardivement car, à
un moment donné, quand vous avez un contrôle interne un peu réduit, les commissaires aux
comptes sont obligés de revenir au fait générateur. Pour ne pas émettre une réserve, ils ont multiplié
le plus longtemps possible les tests car s'il n'y a pas d'anomalie, il n'y a pas de réserve... même si le
contrôle interne n'est pas nécessairement totalement d'équerre. Ça a donc pu amener à avoir des
missions finales relativement longues. Et puis, il y a eu des questionnements avec beaucoup de
demandes complémentaires des commissaires pour être sûr des données. Les lettres d'affirmation
ont également été un peu longues à produire. Mais c'était quelque chose de nouveau, les hôpitaux
nous ont donc, eux aussi, beaucoup questionnés. Enfin, les élections départementales ont modifié la
composition de certains conseils de surveillance, d'où le fait que quelques-uns se soient tenus en
juillet.
H. : Que vous inspire le contenu des rapports de la vague 1 ?
S.P. : On a plus de la moitié des établissements certifiés sans réserve ! C'est un très bon bilan de
certification des comptes, contrairement aux universités où aucune n'a passé le cap sans réserve.
D'autant que le degré d'exigence des commissaires a été très élevé pour une première année de
certification, notamment sur l'inventaire du patrimoine. Certains cabinets ont réclamé 95% de
complétude de l'inventaire physique. Ce n'était pas le cas pour les universités, où quelques-unes
avaient même été certifiées quasiment sans inventaire. Après, le bon résultat on l'explique
clairement : ce sont trente-et-un hôpitaux volontaires sélectionnés sur leur très bon degré de
préparation. Quant aux réserves, elles restent peu nombreuses. Quand vous regardez le score des
universités, elles affichaient toutes à peu près cinq réserves. Là, nous n'avons que deux
établissements avec trois réserves et pour les autres, une par-ci par-là.
"Quand un certificateur travaille sur la chaîne de la facturation, pour veiller à son
exhaustivité, il est parfois obligé de revenir à la source, au fait générateur et donc au
dossier patient quand certains contrôles ne sont pas assez formalisés."
H. : Justement ces réserves, comment se répartissent-elles ?
S.P. : Nous avons deux grands ensembles. D'abord, sans surprise, les immobilisations : malgré un
inventaire physique effectué à 85%, un hôpital avait quand même une réserve. Prenez le CH de
Saint-Brieuc (Côtes-d'Armor) : avec 85%, il allait vers une réserve mais a réussi en trois semaines à
l'éviter en passant sur un taux de complétude à 95% ! C'est énorme pour une première année.
N'oubliez pas qu'à l'hôpital il y a du patrimoine historique, sans forcément de titres de propriété, ce
qui demande de travailler sur des rapprochements cadastraux. Le deuxième autre gros volet de
réserves, c'est sur le cycle des recettes avec des problèmes de contrôle interne, de procédure et de
formalisation des contrôles.
H. : Aux CH de Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais) et Tourcoing (Nord), les directeurs ont refusé de
laisser les commissaires aux comptes accéder aux dossiers patient. Résultat : une réserve pour
chacun d'eux...
S.P. : C'est un sujet sur lequel on va travailler à la rentrée avec les départements d'information
médicale (Dim) et les certificateurs pour essayer de trouver une solution. Nous avons le Code de la
santé publique qui limite à un certain nombre de personnes l'accès au dossier patient. Quand un
certificateur travaille sur la chaîne de la facturation, pour veiller à son exhaustivité, il est parfois obligé
de revenir à la source, au fait générateur et donc au dossier patient quand certains contrôles ne
sont pas assez formalisés. Dans ces deux hôpitaux, alors qu'ailleurs il n'y a pas eu de débat, les Dim
ont effectivement invoqué le Code de la santé publique pour refuser l'accès du certificateur aux
vingt à vingt-cinq dossiers anonymisés qu'il réclamait. Mais les deux discours sont dans leur droit, dans
le respect des contraintes professionnelles. Le commissaire est tout autant fondé à invoquer ses
normes d'exercice professionnel car il a besoin de remonter à la source des dossiers. À nous de
trouver une solution technique, de travailler sur le cheminement de la piste d'audit et la fonction
Dim.
H. : La crainte passée de certains directeurs de voir des résultats excédentaires basculer déficitaires
s'est-elle confirmée sur cette vague 1 ?
S.P. C'est trop tôt pour le dire. Nous avons continué a passé des corrections d'erreurs, a mouvementé
un certain nombre de crédits au sein des établissements. Nous démarrerons un bilan à la rentrée sur
l'impact financier de la certification des comptes avec la Conférence des directeurs des affaires
financières de CHU et les conférences de directeurs. Mais les corrections d'erreurs n'ont pas d'impact
sur le résultat la première année dans la mesure où elles sont réalisées en situation nette. Pour
engager le travail, il fallait de toute façon attendre que les dernières opérations d'écritures sur la
vague 1 soient passées. Toutefois, mon sentiment, c'est qu'il y a eu des mouvements dans les deux
sens : globalement, ça s'est lissé même si on sait que ça a amené à modifier la structure des bilans.
"Nous sommes en train de montrer dans certains hôpitaux de la vague 1 des gains
d'efficience. Prenez les stocks dans les services : à partir du moment où vous
commencez à les suivre et les valoriser, les produits périmés ou les doublons, ça
n'arrivera plus."
H. : Quant aux inquiétudes sur le coût de la certification ?
S.P. : Il faut nuancer ce coût. C'est un chantier performance. C'est vrai qu'il y a un coût d'entrée, ne
serait-ce que le paiement des honoraires. Mais nous sommes en train de montrer dans certains
hôpitaux de la vague 1 des gains d'efficience. Prenez les stocks dans les services : à partir du
moment où vous commencez à les suivre et les valoriser, les produits périmés ou les doublons, ça
n'arrivera plus. Nous allons travailler à chiffrer la capture de gains sur la certification mais en l'étalant
dans le temps. La certification, c'est d'abord l'opportunité de réfléchir à son organisation. Certains se
sont pleinement engagés là-dessus, comprenant combien ce pouvait être un levier sur un certain
nombre de sujets. On nous a également rapporté avoir supprimé beaucoup de doublons par
rapport à des tâches redondantes. Ça aussi ce n'est pas des espèces sonnantes et trébuchantes
mais du temps "homme" que l'on gagne dans une période où la ressource humaine est rare.
H. : Le cabinet Grant Thornton trustait le tiers des hôpitaux de la vague 1, la moitié des CHU-CHR.
Cela se rééquilibre-t-il davantage sur la vague 2 ?
S.P. : Globalement, on a eu des cabinets qui ont tous voulu avoir un établissement vague 1 afin de
disposer d'une référence pour la suite du marché. On a donc eu des coûts plutôt en deçà du coût
horaire d'une mission de commissariat aux comptes. C'est un peu remonté sur la vague 2. Les
marchés sont encore en train d'être passés mais il semble que ce soit beaucoup plus équilibré en
termes de répartition. Mais en même temps, il y a 95 hôpitaux : un cabinet ne peut pas en suivre
quarante. On a donc plutôt encore de gros cabinets mais un ou deux établissements ont choisi des
acteurs régionaux."
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