Conférence Association culturelle châtillonnaise Lundi 28 mars 2011 Robert FRIES La Bourgogne et les Iles Britanniques Pourquoi cette conférence? Je suis un Bourguignon d'adoption ; je découvre la région et son histoire. J’ai remarqué que des Anglais se sont souvent trouvés associés aux événements et aux monuments qui ont marqué cette région. Qu'il s'agisse de la Haute Antiquité, du Moyen Age ou du temps de la Révolution industrielle, des Britanniques ont laissé leurs traces en Bourgogne. Alors j'ai voulu y voir un peu plus clair pour répondre à des questions simples du genre « Pourquoi y-a-t-il un évêque anglais enterré à Fontenay? » ou « Jeanne d'Arc a-t-elle bien été livrée aux Anglais par le duc de Bourgogne? » ou encore « Pourquoi des forges anglaises dans la région? »; également pour situer ces événements ponctuels dans un cadre plus vaste, c'està-dire tenter une analyse de ce qu'ont été les relations entre la Bourgogne et les Iles Britanniques au cours du temps. Par ailleurs j'ai le plaisir d'entretenir d'amicales relations avec quelques membres éminents de la « colonie » britannique présente dans le Châtillonnais. J'ai pensé que les quelques réflexions qui vont suivre pourraient les intéresser. C'est donc aussi en pensant à eux que j'ai entrepris ce travail. Enfin – last but not least – c’est une occasion de revisiter, à grandes enjambées, l’histoire de la Bourgogne. Nous allons suivre une démarche chronologique avec les trois étapes principales suivantes et naturellement quelques escales imprévues L'antiquité: du vase de Vix aux Gallo-Romains Le Moyen-âge: le temps des monastères et le temps de l’Etat bourguignon Les temps modernes : Le temps des révolutions agricoles et industrielles Et en guise de conclusion quelques mots sur la situation actuelle. Avant de parler d’histoire, quelques mots de géographie Par Bourgogne, nous entendrons la région actuelle, celle qui couvre les 4 départements, Yonne, Côte d’Or, Nièvre et Saône et Loire ; mais, comme nous le verrons, l’Etat bourguignon a connu des frontières très différentes. Quant aux Iles britanniques, il s’agit de l’Angleterre, de l’Ecosse et de l’Irlande. La Bourgogne est une zone de partage des eaux entre le versant de la Seine, ce 1 lui de la Loire et celui du Rhône. Au temps où les transports se faisaient principalement par voie fluviale, la Bourgogne était forcément un lieu de transbordement, donc un lieu d’échanges et d’enrichissement économique et culturel. L’antiquité. La haute antiquité Avant la conquête romaine, les habitants de Bourgogne et d’Angleterre appartenaient à la même civilisation, celle des Celtes. Le magnifique vase de Vix que chacun connait montre qu’une population prospère résidait dans les environs de Châtillon. Cette population entretenait des relations avec les peuples plus avancés de la Méditerranée. De quoi étaient faites ces relations ? Notamment du trafic de l’étain dans le sens nord sud ; de diverses denrées artisanales (poteries, armes, étoffes, produits finis en général) dans le sens sud nord. L’étain était extrait des mines de Cornouailles (les iles mythiques Cassitérides) et transporté jusqu’en Italie du nord voire en Grèce pour participer à la métallurgie du bronze (90% de cuivre et 10% d’étain). En dépit de sa situation éloignée de la mer, la Bourgogne entretenait donc des relations avec l’Angleterre dès le VIème siècle avant JC. Un article paru dans Les cahiers du Châtillonnais sous la plume de Pierre Roy1, donne des indications sur les conditions de ce transport. De lourds bateaux (pentécontores : 24mx3,5m ; 3 à 4 tonnes de charge utile) adaptés à la navigation en mer et sur les rivières profondes et chargés de marchandises destinées à l’échange (huiles, bronze, armes, vins) remontaient la Saône jusqu’au lieu dit Les Maillys. Là un transbordement intervenait. Les marchandises étaient chargées sur des embarcations plus petites à fond plat (10mx2m). Cette flottille remontait la Saône, la Tille puis l’Ignon, sans doute jusque vers Pellerey. A cette époque le niveau des fleuves était plus élevé. Là chaque bateau avec son chargement était placé sur un chariot et halé sur une distance de 3,5 km jusqu’à la Seine. Remis à l’eau les bateaux descendaient la Seine puis remontaient l’Oise jusqu’à Tergnier. Là nouveau halage (10km) pour atteindre la Somme (Ham sur-Somme) qui était descendue jusqu'à la baie de Somme (Eu ou Auga en latin). Les bateaux étaient alors déchargés et les lingots d’étain mis à bord pour le voyage de retour. A la période romaine, ce trafic perdura. Une des raisons de la conquête de la Gaule par César fut la volonté de pacifier la vallée du Rhône qui devait devenir une voie de communication fondamentale pour les échanges nord sud. Autun (Augustodunum) est un centre important de la Gaule romaine. C’est un croisement de deux axes routiers : la via Agrippa qui relie Lyon à Boulogne en passant par Chalon, Auxerre, Sens, Beauvais et l’axe est-ouest reliant Besançon à Bourges. Autun est également Pierre Roy, Une voie fluviale de l’étain, Cheminement des Grecs en Bourgogne, Les cahiers du Châtillonnais. N° 117, 1996. 1 2 un centre administratif et universitaire où sont formés les membres de l’élite galloromaine. Antiquité tardive A la fin de l’Empire romain, à l’heure où le christianisme se développe, les barbares venus de l’est de l’Europe déferlent dans les provinces romaines2. Les temps sont difficiles. Voici la description que donne Orens, évêque d’Orléans, de l’arrivée des Barbares dans les années 430 : « La mort a soudain balayé le monde. Dans les villages et les domaines, dans les champs, aux carrefours, dans chaque bourg, sur les routes de toutes parts, on ne voit plus que mort, douleur massacres, incendies et deuil. La Gaule toute entière n’a été qu’un bûcher3 ». La Bourgogne et plus particulièrement Auxerre est alors un centre de rayonnement du christianisme dans sa forme la plus orthodoxe. Saint Germain (378-448) jouit d’une renommée qui dépasse les frontières du diocèse qu’il administre. Il fait d’Auxerre un centre spirituel, axé notamment sur le culte des saints (Saint Alban par exemple) et sur celui des reliques, qui attire de nombreux étrangers. Deux fois de suite, il est appelé en Grande Bretagne pour lutter contre l’hérésie pélagienne4. Selon son hagiographe5, lors du premier séjour dans les années 430, il utilise la douceur et la persuasion pour ramener les brebis égarées dans le droit fil de l’orthodoxie. De nombreux miracles marquent son séjour ; ils sont autant de manifestations du soutien de Dieu. Son second voyage en 446 est destiné à venir à bout des pélagiens relapses. La méthode est plus ferme : les récalcitrants sont tout simplement exilés sur le continent6. Jean Pierre Soisson avance l’idée que Germain était animé d’un grand projet : celui de mettre en place une société celto-romaine qui serait différenciée de la société « germano-romaine » en cours d’installation. Saint Patrick (386-461), dont la vie fut particulièrement mouvementée passa quelques années à Auxerre (vers 430) avant de retourner en Irlande pour y évangéliser les populations. Un siècle plus tard, Saint Colomban (540-615) venu d’Irlande, passe par Langres, Nevers et Auxerre au cours de ses nombreuses pérégrinations d’évangélisation. Il y a donc des échanges entre évangélisateurs de part et d’autre de la Manche. Les « Barbares » - Huns, Alamans, Vandales, etc. – traversent le Rhin le 31 décembre 406. Le Rhin ne marque plus la limite de l’Empire romain. 3 Cité par Jean Pierre Soisson, Saint germain d’Auxerre, Ed. Rocher, 2011. 4 Pour Pélage (360-422), l’homme n’est pas frappé par le péché originel. S’il fait le mal, c’est du fait de son libre arbitre. En conséquence, pas de baptême des enfants pour les laver du péché. Pas non plus d’intervention de la grâce pour obtenir le salut. Ces doctrines furent combattues par Saint Augustin et condamnées par le concile de Carthage en 411 puis 418. La question fut au cœur des débats liés au jansénisme. Les jansénistes ne cesseront de proclamer « que la cause efficiente du libre arbitre n’est pas une faculté naturelle de la libre volonté, mais la grâce... et que celle-ci doit libérer la volonté pour que l’homme puisse accomplir des actions non pas seulement surnaturelles mais tout simplement moralement bonnes ». La volonté a perdu toute liberté à la suite du péché origine; elle subit donc l’attrait du bien qui produit le mérite, ou du mal qui produit le péché. La grâce, qui seule peut permettre de faire le bien, n’est pas donnée à tous. 5 Constance, prêtre à Lyon, a écrit une vie de Saint Germain (Vita Germani) quelque 30 ans après la mort de l’évêque d’Auxerre. 6 J.P. Soisson, op. cit. p. 129. 2 3 Un mot sur les Burgondes qui ont donné leur nom à la région. Le peuple burgonde vient d’Europe centrale. Il traverse le Rhin en décembre 406 avec les autres peuples « barbares ». Quelques décennies plus tard il subit un sérieux revers face aux Huns. Les Burgondes s’allient alors aux Romains et deviennent un peuple fédéré. A ce titre, le gouverneur romain Aetius leur concède un vaste domaine centré sur l’actuelle Savoie. C’est le royaume de Bourgogne qui connait des fortunes diverses7. Il s’étend à un moment entre le Jura et la Durance et tombe finalement sous la coupe de Clovis, puis de ses enfants qui partagent le royaume de leur père. Les luttes entre héritiers sont permanentes. La coutume franque veut en effet que les enfants se partagent les territoires du père, d’où une division à chaque génération. A l’occasion des incursions arabes, Pépin le Bref prend le contrôle de la Bourgogne. Des comtes relevant de son autorité sont installés à la place de l’aristocratie burgonde. La succession de Charlemagne (traité de Verdun en 843 entre les petits fils de Charlemagne Louis le Germanique, Charles le Chauve et Lothaire) a une conséquence importante : une frontière s’établit le long de l’axe Saône, Meuse et une autre le long du Rhin. Ces frontières délimitent la Lotharingie. Ensuite en 870, Louis le Germanique et Charles le Chauve se partagent la Lotharingie8. La nouvelle frontière Saône Meuse sépare les terres relevant de l’Empereur de celles relevant du roi de France ».Les héritiers carolingiens poursuivent les partages. Ils doivent aussi lutter contre les incursions des Normands9. Face à la faiblesse du « pouvoir royal » qui ne peut assurer l’ordre, les grands barons en profitent et prennent de plus en plus d’indépendance. La Bourgogne est morcelée. Elle ne deviendra une entité politique qu’avec les Capétiens en 987. Le Moyen-âge Le temps des monastères Les Xème et XIème siècles sont marqués par la création de deux ordres monastiques qui ont essaimé dans toute l’Europe et notamment en Angleterre : Cluny et Cîteaux. C’est au sein de ces institutions que se retrouvait l’élite intellectuelle du moment. Cluny fondé en 909 à l’initiative de Guillaume d’Aquitaine connait un développement considérable sous le règne des grands abbés Bernon – le fondateur – Odon ( mort en 942), Maïeul (954-994), Odilon (994-1049), Hugues de Semur (1049-1109), Pierre le Vénérable (1122-1156). Au XIIème siècle 2.000 prieurés font partie de l’ordre soit quelque 10.000 moines. En Angleterre, plusieurs abbayes sont créées10 ; on en comptera 35 au temps d’Henri VIII. L’évêque de Winchester, Henri de Blois (1100-1171), petit fils de Guillaume le Conquérant et frère du roi Etienne, reçoit sa formation de moine et de prêtre à Cluny. Il y fait des séjours nombreux et contribue à son financement. La première abbaye de Cîteaux est fondée par Robert de Molesme en 1098. 7 Au moment de sa splendeur, vers les années 500, sous le roi Gondebaud, un code juridique, dit « Loi Gombette » a été établi. C’est une juxtaposition de droit romain et de coutumes germaniques. Il a la caractéristique de s’appliquer au territoire burgonde ; à cet égard, il a un caractère national. 8 La Lotharingie comprenait également la Provence et le nord de l’Italie. 9 Au cours de la seconde moitié du IXème siècle, Auxerre, Langres et Sens sont pillés par les Normands. 10 Notamment Saint Pancras, Lewes, Reading. Notons que le l’organisation de Cluny s’inspire de la société féodale : l’abbé de Cluny nomme les prieurs des abbayes filles et reçoit leur serment de fidélité. C’est une organisation monarchique. 4 Grâce à Saint Bernard, abbé de Clairvaux, l’ordre de Cîteaux connut un développement spectaculaire : 209 établissements intégrés à l’ordre en 1200, soit 50 ans après la mort de Bernard. Ce développement est dû en partie à l’action d’Etienne Harding, un compagnon anglais de Bernard, le troisième abbé de l’ordre. C’est à lui que l’on doit la « Charte de Charité11 » qui prévoit notamment que le pouvoir suprême n’appartient pas à l’abbé de Cîteaux mais à un chapitre général qui réunit chaque année les abbés élus de chaque monastère. Peut-être est-ce là une première manifestation d’un souci d’équilibre des pouvoirs qui animera au cours des siècles suivants la nation anglaise12. On compte 88 abbayes cisterciennes en Angleterre et au Pays de Galles. Ces abbayes sont rapidement devenues des puissances financières en accumulant des terres – par des moyens qui ne relèvent pas toujours de la charité chrétienne, d’où la réputation de rapacité des moines cisterciens en Angleterreet en y développant des activités rémunératrices. C’est ainsi que les abbayes cisterciennes anglaises sont devenues le plus important fabricant de laine dans le royaume. Cette puissance financière avait des inconvénients : elle suscitait la convoitise. La rançon de Richard Cœur de Lion fut payée par les abbayes cisterciennes. De nombreux prélats anglais en délicatesse avec leur souverain ont séjourné dans des abbayes françaises, notamment: Thomas Becket à Pontigny. Egalement Evrard (1075-1147), évêque de Norwich, à Fontenay. Ce prélat y est du reste enterré. Le temps de l’Etat bourguignon L’Etat bourguignon, c’est le duché de Bourgogne. Notons que le duché est à l’ouest de la Saône et relève en droit féodal du roi de France ; le comté est à l’est de la Saône et relève de l’empereur. Cette distinction est un héritage des partages carolingiens. Deux dynasties exercent le pouvoir sur le duché de Bourgogne et parfois sur le comté de Bourgogne pendant près d’un demi-millénaire entre l’an 1000 et l’an 1477. Les familles princières La première est issue directement d’Hugues Capet, premier roi des Francs et ancêtre de tous les rois de France jusqu’à Louis Philippe. En 1016 Robert le Pieux, fils d’Hugues Capet, donne à son fils Henri un ensemble de fiefs autour de Dijon, Avalon, Beaune, Autun, avec le titre de duc de Bourgogne. C’est un ensemble disparate de domaines situés à l’ouest de la Saône, que les princes de cette première dynastie vont s’employer à arrondir et à rendre cohérent. A titre 11 Cette charte prévoit notamment une entraide spirituelle et matérielle entre les abbayes, un système de filiation entre abbaye mère et abbaye fille, les premières ayant une responsabilité morale vis des secondes (obligation de visite annuelle), et une surveillance de l’abbaye fondatrice (Cîteaux) par ses 4 premières filles (visite annuelle par les abbés de Clairvaux, La Ferté, Pontigny, Morimond). 12 Il ne semble pas interdit de rapprocher le réseau des abbayes cisterciennes du réseau formé par les villes de la Hanse à partir du XIIe siècle. Dans les deux cas chaque membre du réseau conserve son autonomie. 5 d’exemple, le premier duc Henri Ier13 acquiert Châtillon-sur-Seine en coseigneurie avec l’évêque de Langres. Son frère, le second duc de Bourgogne joint Semur-en-Auxois au duché. La dynastie va perdurer jusqu’en 1361. En règle générale, ces princes, les capétiens de Dijon, se montrent des vassaux loyaux à l’égard des rois de France leurs cousins de Paris. Les mariages entre branche aînée et branche cadette sont fréquents14. Les ducs assistent les rois de France dans leurs démêlés avec les Plantagenets, par exemple lors de la bataille de Bouvines (1214) Ils participent aux croisades, notamment à celles de SaintLouis. Le duché de Bourgogne est un territoire continental qui, à la différence de la Flandre, n’a pas de relations économiques étroites avec les Iles Britanniques. La seconde dynastie, celle des ducs Valois, est issue de Jean le Bon fils de Philippe VI. Elle comporte 4 ducs qui ont marqué leur temps : Philippe le Hardi (1361-1404), Jean sans Peur (1404-1419), Philippe le Bon (1419-1467), Charles le Téméraire (1467-1477). Par des mariages ou par l’épée, chacun des ces princes a essayé d’agrandir le domaine et de lui donner des institutions plus ou moins communes ou semblables. En deux mots : o Philippe reçoit le duché de Bourgogne de son père ; il épouse Marguerite de Flandre qui lui apporte le comté de Bourgogne, le comté d’Artois, le comté de Flandre, le comté de Nevers. Il marie ses enfants dans les familles comtales des régions voisines. o Jean sans Peur hérite du duché et des comtés de Bourgogne, Flandre et Artois. Il annexe le comté de Tonnerre (guerre civile ArmagnacsBourguignons). Ses deux frères qui avaient hérités du Brabant et du Nivernais par leur mariage, ont la bonne idée d’être tués à Azincourt. Les fiefs reviennent à Jean sans Peur, ou plus exactement à son fils Philippe. o Philippe le Bon hérite par le droit (héritage d’une nièce) et par l’épée des comtés de Hollande, Brabant, Zélande, Hainaut. Il obtient de Charles VII le comté d’Auxerre et à titre provisoire la Picardie avec les riches villes de la Somme. o Charles le Téméraire n’a qu’une ambition : relier ses possessions pour en faire un ensemble cohérent. Pour cela acquérir la Lorraine : ce fera sa perte. Retenons qu’avec la seconde dynastie, le cœur de la Bourgogne s’est déplacé vers le nord. Déjà Philippe le Hardi ne passe que 40 jours par an à Dijon sur les 4 mois qu’il consacre à son duché. Ces nouvelles possessions de Flandre ont des relations privilégiées avec l’Angleterre. La laine produite en Angleterre est filée et tissée en Flandre. Ce commerce est à l’origine de la fortune des villes de Bruges, Gand, Anvers etc. De plus, les nouvelles possessions des ducs en font des princes du Saint C’est le fils aîné de Robert le Pieux. Il accède au trône de France en 1031 et règne jusqu’en 1060 sous le nom d’Henri Ier. 14 Le duc Robert II (duc entre 1272 et 1306) épouse Agnès fille de Saint-Louis ; une fille de Robert II, Marguerite épouse Louis X le Hutin ; une autre, Jeanne le futur Philippe VI, le premier roi Valois.. 13 6 Empire. L’Empereur est également leur suzerain. Pour le duc de Bourgogne, l’alliance avec l’Angleterre est une alternative à la relation de vassalité vis-à-vis du suzerain français ; elle répond aux intérêts d’une partie de la population. C’est la période de la seconde dynastie que nous allons étudier. Le contexte économique, social et politique Le temps de la Guerre de Cent Ans – 1350-1450 - est une période de crises et de mutations. Crise climatique : à partir de 1310-1320, le climat est moins favorable : hivers plus froids et étés humides. Dans les campagnes, les plus pauvres ont faim. Ils se révoltent contre les nobles et leurs privilèges : ce seront les jacqueries. Crises démographiques : au début du XIVème siècle, on a l’impression que le monde est plein. Toutes les bonnes terres ont été défrichées. La France, aux dimensions actuelles compte quelque 20 millions d’habitants, soit 40h/km². En Flandre, la densité atteint 60h/km². C’est le maximum que les techniques du moment permettent. Cette population à la limite de la sous alimentation va être particulièrement sensible aux épidémies de peste qui s’abattent sur l’Europe à partir de 1348. 1/3 de la population européenne disparaîtra. Crise des valeurs. La noblesse française n’a pas été à la hauteur de sa mission au cours des grandes batailles de Crécy, Poitiers, Azincourt, face à des armées moins nombreuses mais plus professionnelles et plus disciplinées. Subissant l’incurie réelle ou supposée d’un gouvernement aux mains de la noblesse militaire, les bourgeois des villes qui financent le trésor royal veulent être parties prenantes aux décisions, c'est-à-dire participer au Conseil qui assiste le monarque. Il s’agit de contrôler le montant de l’impôt et son usage. C’est la raison des mouvements révolutionnaires urbains qui se succèdent, notamment après des échecs militaires15. Crise religieuse : c’est la période du grand schisme d’occident. En 1377, le pape Grégoire XI décide de ramener le Saint-Siège d’Avignon à Rome pour se soustraire à la tutelle du roi de France. L’année suivante il meurt. Sous la pression du peuple de Rome, le conclave élit un pape italien Urbain VI. Les cardinaux, en majorité français, déclarent nulle cette élection car sous influence. Ils élisent un autre pape Clément VI qui s’installe à Avignon. Ce pape est reconnu par la France, la Castille, le Portugal, l’Ecosse. Les autres pays européens – Angleterre, Hongrie, Empire, Italie, Etats scandinaves reconnaissent le pape de Rome. La robe sans couture de la chrétienté occidentale est déchirée. Il faudra attendre le concile de Constance (14141418) pour que l’unité de la papauté soit rétablie. Cette crise religieuse se manifeste également par une désaffection vis-à-vis des ordres réguliers qui avaient vu le jour aux siècles précédents et une volonté de revenir à un En France, révolte d’Etienne Marcel après la défaite d Poitiers puis des Cabochiens en 1413 au temps de la folie de Charles VI. A Gand les révoltes des van Artewelde père (1345) et fils (1381). 15 7 christianisme épuré (contestation du culte des Saints, refus de la propriété même collective par les ordres mendiants) et plus égalitaire. Ce dernier mouvement sera particulièrement fort en Angleterre avec les Lollards16 et le réformateur Wyclif17 dont les thèses ont inspiré Jean Hus. Crises politiques liée à des rois mineurs ou faibles. Des clans se déchirent alors au Conseil du roi. Ces querelles dégénèrent en guerres civiles qui naturellement interdisent de mener campagne contre un adversaire étranger. o En France deux rois sont faibles ou en incapacité de régner : Jean le Bon prisonnier des Anglais après Poitiers (1356). Charles V gouverne alors en tant que Dauphin. Les bourgeois de Paris veulent participer aux décisions. Leur chef, Etienne Marcel exerce un temps une autorité sans partage à Paris. Charles VI après ses accès de folie en 1393. Ce règne voit les partis des Bourguignons et des Armagnacs se déchirer avec comme temps forts l’assassinat de Louis d’Orléans par son cousin, Jean sans Peur (1407), la révolte populaire des « Cabochiens » à Paris (1413), puis l’assassinat de Jean sans Peur par les partisans du futur roi Charles VII en 1419. C’est le temps d’Azincourt et du traité de Troyes qui donne la couronne de France à Henri V d’Angleterre. o La situation est semblable en Angleterre avec l’assassinat de Richard II (1400) et la prise de pouvoir par un de ses cousins, Henri IV Lancaster. Le petit fils de ce dernier, Henri VI, malade comme son grand-père Charles VI sera détrôné par un cousin Edouard IV d’York. C’est la Guerre des Deux Roses. Pendant ce temps Charles VII, après l’impulsion donnée par Jeanne d’Arc, réussit à « bouter les Anglais hors de France ». Nous allons nous poser deux questions qui reviennent souvent au cours de conversations qui abordent cette période : 16 Mouvement dont le nom vient de Lullen chantonner en Allemand qui débute en Angleterre vers 1381. Beaucoup de revendications religieuses : célibat des prêtres ; Bible en langue vernaculaire, pas de transsubstantiation, pas de confession. « « De quel droit ceux qui s'appellent seigneurs, dominent-ils sur nous ? À quel titre ont-ils mérité cette position ? Pourquoi nous traitent-ils comme des serfs ? Puisque nous descendons des mêmes parents, Adam et Ève, comment peuvent-ils prouver qu'ils valent mieux que nous, si ce n'est qu'en exploitant nos labeurs, ils peuvent satisfaire leur luxe orgueilleux ? »(John Bal) Contestation de la hiérarchie.) Contestation de l’impôt par Wat Tyler en 1381. Ce dernier est tué. John Bal prédicateur meneur de la révolte paysanne : « Quand Adam bêchait et Ève filait, où donc était le gentilhomme ? ».Sermon de Blackheath demandant un nivellement. Des mouvements identiques ont lieu en Flandre dans les années 1381 avec à leur tête Philippe van Artevelde. Ce soulèvement est maté par Charles VI à la bataille de Roosebecke en novembre 1382. Dans les années 1340 déjà, les bourgeois de Flandre se révoltent avec Jacob van Artevelde à leur tête. Ils sont prêts à reconnaître Edouard III comme roi de France. En fait leur suzerain légitime ne défend pas assez leurs intérêts de marchands. Wyclif (1320-1384) partisan de la théocratie royale, refuse l’autorité de Rome et sa hiérarchie. Partisan de la lecture de la Bible en Anglais. Opposé au culte des Saints, aux indulgences, à la transsubstantiation 17 8 Quand la Bourgogne et l’Angleterre ont-elles été vraiment alliées ? Dans quelles conditions le duc de Bourgogne a-t-il livré Jeanne d’Arc. Les alliances entre le duc de Bourgogne et le roi d’Angleterre. Les derniers ducs de la première dynastie capétienne ont été fidèles à leur suzerain. Au demeurant, le duc Eudes IV soutient les prérogatives de sa nièce Jeanne fille de Louis X le Hutin. Ses relations avec son beau-frère Philippe VI sont tendues. Il ne combat pas à Crécy et meurt en 1349. Son petit-fils et héritier, Philippe de Rouvres, meurt à quinze ans. Toutefois, peu avant sa mort, le jeune duc, pour mettre fin aux pillages commis par les armées anglaises, doit signer le traité de Guillon (1360) par lequel il reconnait Edouard III comme roi de France. Cette disposition sera rendue caduque par le traité de Brétigny18, signé quelques mois plus tard, et par la mort du duc. Philippe le Hardi qui est par son épouse également comte de Flandre s’intéresse à ses sujets flamands. Il est fidèle à son père Jean le Bon et à son frère Charles V, d’autant que ce dernier est un roi fort et adroit. Lorsque Charles VI subit ses premiers accès de démence (1393), qui dominera le conseil du roi ? Bourgogne, premier pair ou Orléans frère du roi malade. Orléans aura le dernier mot d’autant que Philippe est occupé en Flandre pour soumettre une rébellion dans les villes. En 1407, Jean sans Peur qui a succédé à son père depuis 3 ans ne supporte plus la mainmise de Louis d’Orléans sur le gouvernement du roi. Il le fait assassiner. C’est de début de la guerre civile des Armagnacs et des Bourguignons19. Le roi d’Angleterre Henri V en profite. Ce sera une partie à trois : Duché de Bourgogne et dépendances (« Etat Bourguignon ») France conduite par le roi malade et les Armagnacs Angleterre Quand les hostilités franco-anglaises reprennent, et qu’Henri V entreprend une expédition en Normandie, le duc de Bourgogne ne rejoint pas l’armée du roi. Jean sans Peur ne se bat pas à Azincourt (1415) ; mais ses deux frères y sont tués. Nouvel événement dans la guerre civile française, Jean sans Peur est assassiné par les partisans Armagnacs en 1419. Cet assassinat jette le jeune duc de Bourgogne Philippe le Bon dans les bras des Anglais. Un traité d’alliance est signé à Rouen le 18 Par le traité de Brétigny Edouard III abandonne, momentanément, ses droits sur la couronne de France mais reçoit de vastes territoires en Aquitaine. 19 Pourquoi Armagnacs ? Parce que Charles d’Orléans fils de Louis assassiné avait épousé la fille de Bernard d’Armagnac. Autour de Charles et de Bernard se regroupent les ducs de Berry, de Bretagne et de Bourbon qui forment une ligue contre Bourgogne. Les Armagnacs sont partisans de reprendre la guerre contre l’Angleterre et pour cela de lever des impôts directs et indirects. Tout contrôle des états généraux est jugé néfaste. Les Armagnacs sont favorables au pape d’Avignon Benoit XIII. Le duc de Bourgogne est partisan d’une politique moins belliqueuse, répondant mieux aux intérêts flamands. Cette politique s’accompagne d’une réduction de la fiscalité, le roi devant vivre « du sien », c'est-à-dire des revenus de ses terres. C’est une conception plus traditionnelle et féodale qui s’oppose à celle d’un Etat fort et centralisé se dotant des moyens financiers permettant au roi de se placer au dessus des grands barons. Les ducs de Bourgogne n’en ont pas moins essayé de mettre en place des institutions valables pour tous leurs états, notamment en matière de justice et de comptes publics. 9 25 décembre 1419. Ensuite le traité de Troyes, conclu en 1420, règle les relations entre les 3 Etats : Le Dauphin Charles VII est déshérité (exhérédation) A la mort de Charles VI la couronne de France passe à Henri V et à ses héritiers. Catherine, fille de Charles VI épouse Henri V20. Philippe le Bon est assuré d’occuper une charge de premier plan. Dès le traité signé, les nouveaux alliés partent à la conquête de places occupées par les Armagnacs. Le 31 août 1422, Henri V meurt. Sur son lit de mort, il conseille à son frère le duc de Bedford de confier le gouvernement de la France à Philippe le Bon, le temps de la minorité d’Henri VI. Mais Bedford préfère conserver ce gouvernement pour lui. En 1423, Bedford épouse la sœur de Philippe le Bon ; l’alliance anglo-bourguignonne est consolidée. La même année, les Anglo-Bourguignons battent les Franco-Ecossais devant Cravant. Cette alliance va durer jusqu’en 1435. Dès 1425 un premier différend concernant le Hainaut que Philippe ainsi qu’un frère d’Henri V, le duc de Gloucester revendiquent. Les succès remportés par Charles VII avec, puis dans le sillage de, Jeanne d’Arc incitent Philippe le Bon à resserrer l’alliance anglaise. En 1429 il est nommé lieutenant général d’Henri VI pour la France. La situation de Philippe le Bon devient difficile du fait des victoires des Français contre les Anglais, de révoltes en Flandre et des pillages perpétrés par les armées des uns et des autres. Le temps est venu de faire la paix avec Charles VII. Ce sera fait par le traité d’Arras (1435) qui met fin à la guerre civile Armagnacs-Bourguignons. Les Anglais qui étaient associés aux discussions quittent la table de négociations car ils refusent de reconnaître Charles VII comme roi. Dès 1436, les Bourguignons tentent d’assiéger Calais, mais en vain. La seconde moitié du siècle est marquée par le conflit toujours renaissant entre le roi de France et son vassal le duc de Bourgogne. En Angleterre, c’est la guerre des Deux Roses. Louis XI, arrivé sur le trône en 1461 est l’allié d’Henri VI, son cousin ; Charles le Téméraire a épousé (1468) Marguerite d’York sœur d’Edouard IV, le prince de la branche d’York qui a détrôné Henri VI en 1461. En 1474, le traité de Londres entre Charles le Téméraire et Edouard IV scelle un nouvel accord : Charles aidera Edouard à obtenir la couronne de France. En contrepartie, Edouard devenu roi de France cédera à son beau-frère la Champagne et d’autres territoires limitrophes. Ce traité ne sera jamais appliqué. Edouard débarque effectivement en France en 1475. Son but est de se faire couronner à Reims. Il est arrêté en Picardie et négocie avec Louis XI. Une trêve de 7 ans est conclue à Picquigny. La Guerre de Cent ans est terminée. En 1476, Philippe le Téméraire subit deux cuisantes défaites contre les troupes suisses (Morat et Grandson), puis trouve la mort en 1477 au cours du siège de Nancy. 20 Cette disposition est contraire aux usages de France dans la mesure où la couronne n’est pas la propriété du roi. 10 La liquidation de la succession de Charles le Téméraire. Dès la mort de Charles le Téméraire, Louis XI prend possession du duché de Bourgogne et du comté de Bourgogne. Il considère, à tort, que ces domaines avaient été attribués à Philippe le Hardi en tant qu’apanage. Ils lui reviennent car il n’y a pas d’héritiers mâles. Marie de Bourgogne épouse Maximilien d’Autriche, le futur empereur du Saint Empire. Ce dernier engage aussitôt une guerre contre Louis XI afin de récupérer l’héritage de sa femme. Cette guerre va durer 5 ans et se termine par la paix d’Arras en 1482. Marie se tue accidentellement la même année. Le duché de Bourgogne est cédé à Louis XI ainsi que des villes de la Somme. La fille de Marie, Marguerite doit épouser le Dauphin. Ce mariage ne se fera pas. Un mot sur la capture de Jeanne d’Arc. En 1429, la situation n’est pas brillante pour le roi Charles VII. Des doutes planent sur sa légitimité. Le pays est divisé. Le gouverneur anglais, le duc de Bedford frère du défunt Henri V et beau-frère du duc de Bourgogne entreprend une descente de la Normandie vers l’Aquitaine pour assurer une jonction, avec les troupes anglaises stationnées à Bordeaux et prendre les armées du roi par revers. Pour cela il faut traverser la Loire à Orléans. Le siège est mis, mais mollement. Jeanne qui a reconnu et s’est fait reconnaître par le roi remporte son premier succès. Il est suivi par d’autres dans la région de la Loire. Ensuite c’est le sacre à Reims. On parle de négociations avec les Bourguignons. Jeanne n’est pas d’accord. Elle apparait comme le porte étendard des bellicistes, donc des Armagnacs. Les échecs commencent. L’armée du roi va assiéger Paris défendue par les Bourguignons. Le roi renonce. L’hiver passe. En mai 1430, les Bourguignons mettent le siège devant Compiègne. Jeanne va au secours des assiégés. Elle se fait prendre le 23 mai par un archer relevant de Jean de Luxembourg capitaine des troupes bourguignonnes. Celui-ci vend la prisonnière aux Anglais pour 10000 livres. Personne du côté français ne cherche à la racheter. En fait elle devenait gênante. Gênante pour les capitaines, car ses succès jetaient le doute sur leurs capacités ; gênante pour le roi, car son intransigeance empêchait le début de négociations. Pour les Anglais, il fallait non pas faire disparaitre Jeanne mais la faire condamner par l’Eglise. Elle avait trop fait peur ; son action devait apparaitre comme celle d’une sorcière. Donc un procès d’hérésie était nécessaire. Pierre Cauchon évêque de Beauvais réfugié à Rouen est là pour cela. Il déteste tout ce qui vient des Armagnacs. Il a défendu au concile de Constance la thèse du tyrannicide de Petit21 et s’est ainsi montré fidèle bourguignon. Le procès tourne autour des voix : elles viennent du Diable. Egalement le port de vêtements masculins. Elle ne veut pas les ôter. C’est un acte d’insoumission à Pour justifier le meurtre de Louis d’Orléans, Jean sans Peur a fait développer une argumentation montrant que Louis était un tyran et que son meurtre était juste. Un dénommé Petit se chargea de mettre en forme cette argumentation. 21 11 l’Eglise. Il lui sera fatal. La Bourgogne aux temps modernes A la période moderne, la Bourgogne n’a plus un destin autonome. Son devenir est celui du royaume de France. C’est une province comme bien d’autres. Elle dispose toutefois d’institutions particulières, notamment d’un Parlement qui juge en dernier ressort – cour souveraine - et d’Etats qui négocient avec le roi le montant des impôts. Le gouverneur est en général le prince de Condé. La Bourgogne sur le chemin du Grand Tour ; l’hospitalité de la « société ». Au XVIIIe siècle, les relations franco-anglaises sont pleines de contradictions. Les deux pays se livrent à des combats sans fin : guerre de Succession d’Espagne, Guerre de Succession d’Autriche, Guerre de 7 ans, Indépendance des Etats-Unis. En fait c’est sous des formes variées la première guerre de l’Atlantique dont l’enjeu est la domination de l’Atlantique Nord, clé des Antilles avec leurs richesses sucrières et de l’Amérique du Nord avec la Nouvelle France et la Nouvelle Angleterre. En même temps, c’est une période d’anglomanie intense. Les Français ou tout au moins les plus instruits admirent : un régime politique marqué par l’équilibre des pouvoirs22, une société relativement tolérante, où s’expriment librement des esprits exceptionnels comme Newton, Locke et Hume une économie prospère grâce à l’amélioration des techniques agricoles, et l’apparition d’un secteur industriel exploitant des innovations qui vont changer le monde : la métallurgie au coke et la machine à vapeur. Pour les objets, « anglais » est alors synonyme de qualité. Le terme est souvent utilisé dans le journal local, les Affiches de Dijon, pour vanter les produits les plus divers. Les Britanniques visitent volontiers la France à l’occasion de leur grand tour qui les amène généralement en Italie. Ils s’attardent en France et s’y installent parfois. C’est notamment le cas de la Bourgogne dont ils apprécient la qualité de l’air, la propreté des villes, les trottoirs de Dijon, l’hospitalité des habitants et la possibilité d’y vivre à bon marché. Remarquons que c’est un peu ce que l’on cherche dans un pays sous développé ! Voici une citation du Gentleman’s Guide in his tour through France (1770) : au sujet de Dijon :« C’est une ville parlementaire, toujours propre et bien tenue ; située dans une plaine très agréable salubre et vaste, elle offre de charmantes promenades tant à l’intérieur qu’à l’extérieur des remparts. …. Moyennant six cents livres, vous pouvez prendre pension de manière très convenable chez les conseillers du Parlement. …. Les jeunes gentilshommes de la ville sont très complaisants envers les étrangers et pratiquent d’agréables distractions qui ne coûtent pas cher. Bref, tous les habitants font preuve d’une générosité et d’une hospitalité que je n’ai rencontré nulle 22 Le régime anglais est souvent, mais à tort, caractérisé par la séparation des pouvoirs. 12 part ailleurs en France23 ». De nombreux Britanniques fréquentent la société dijonnaise. En 1739, Lady Montague observe « qu’il y a au moins 16 familles anglaises de condition » à Dijon. En 1787, le prince de Condé arrive à Dijon et sur 15 dames qui lui ont été présentées, dix sont anglaises. Mais les dames françaises plaisent également ; elles parlent les langues étrangères et ne manquent pas d’instruction. Arthur Young24 vante les mérites de Mme Picarlet, égérie des savants dijonnais « elle est aussi agréable en conversation qu’elle est instruite dans le cabinet de travail ». Que n’a-t-il rencontré Mme du Châtelet ; mais c’était une Bourguignonne d’adoption ! Les relations techniques et les transferts de technologie Au XIXe siècle, les relations entre la Bourgogne et l’Angleterre concernent les techniques et conduisent à des transferts de technologies dans le domaine de la métallurgie et des chemins de fer. La métallurgie Les Anglais sont à l’origine de trois innovations qui ont transformé la métallurgie du fer et donné naissance aux forges anglaises. Celles-ci ont rapidement supplanté les forges traditionnelles25: L’utilisation du coke issu du charbon à la place du charbon de bois dans les hauts fourneaux (Abraham Darby, 1709) La construction de fours dits à réverbère dont la partie supérieure était arrondie afin de mieux réfléchir la chaleur ; de plus, ce four permet de séparer le combustible du produit à traiter par chauffage La technique du puddlage qui consiste à agiter la fonte en fusion avec de longs crochets (ringards) pour faciliter l’oxydation du carbone en excès au contact de l’air (Henry Cort 1740-1800) Ces trois innovations seront progressivement exploitées en France à la fin du XVIIIe et au début du XIXe siècle, notamment en Bourgogne. William Wilkinson à l’origine de la sidérurgie du Creusot. En 1781, en pleine guerre d’Indépendance des Etats-Unis, le maître de forges William Wilkinson émigre en France. Il installe avec Ignace de Wendel des hauts fourneaux au coke au Creusot. Jusqu’en 1818, c’est la seule forge française fonctionnant au 23 Cité par Bernard Chevillard, « Dijon au 18e siècle une ville anglophile », Pays de Bourgogne, n° 209, nov. 2005, p. 43 à 48. 24 Arthur Young (1741-1820) économiste et agronome anglais à qui l’on doit un Voyage en France qui dresse l’état de la France rurale à la veille de la Révolution. 25 Rappelons que la fonte est un alliage de fer et de carbone (concentration de carbone comprise entre 2,1 et 6,67%). Elle est obtenue par réduction du minerai de fer (oxyde de fer) par le carbone du charbon de bois ou du coke. L’acier est un alliage de fer et de carbone dont la concentration de carbone est comprise entre 0,2 et 1,7%. La méthode ancienne de transformation de fonte en acier – affinage, c'est-à-dire diminution de la concentration de carbone – consistait à marteler une pièce de fonte chauffée au rouge. 13 coke. En 1784, Wendel installe la première machine à vapeur au Creusot26. En 1826, la famille Wendel doit vendre les usines du Creusot. Deux ingénieurs anglais, Manby et Wilson achètent les installations. Ils mettent en place une forge anglaise (affinage de la fonte au coke dans un four à réverbère) et se lancent dans la fabrication de rails pour le chemin de fer St Etienne Andrézieux. En 1833, la société fait faillite, en 1836 les frères Schneider la rachètent. Le Creusot devient alors un fleuron de l’industrie française. Les forges de Châtillon. La paix revenue en Europe avec le retour des Bourbons sur le trône de France, le maréchal Marmont emploie son énergie et ses compétences, moyennes pour ne pas dire médiocres, de gestionnaire à développer l’industrie dans sa ville natale, Châtillon-sur-Seine. Son père avait installé à Sainte-Colombe un haut fourneau et une forge. Le maréchal va transformer ces installations en construisant 3 hauts fourneaux et une forge à l’anglaise comprenant huit fours à réverbères pour le puddlage. Les capitaux lui sont avancés par le marquis d’Aligre et par un Anglais sir Samuel Farmer. Les investissements sont considérables : quelque 800.000 francs. Un autre Anglais dénommé Hollcroft, assisté d’une équipe de compatriotes confortablement rémunérés, est chargé d’installer et de mettre en route les équipements. Au cours de l’hiver 1823-1824 les premières fontes et les premiers fers sont livrés. Mais c’est fut un échec commercial : le charbon vient de loin (les mines du Centre) et son transport grève le prix de revient. Faute de fonds de roulement suffisants, le maréchal - qui a lancé d’autres entreprises, toutes peu profitables - doit se décider à vendre ses usines de Sainte-Colombe à des maîtres des forges locaux, dont Joseph Maître et Jean-Baptiste Louis-Basile. Ces derniers sauront profiter du développement du marché des rails de chemin de fer pour créer un groupe sidérurgique de dimension nationale, Châtillon-Commentry. Les chemins de fer Sans doute peut-on considérer Marc Seguin (1786-1875) comme Bourguignon, d’adoption à tout le moins. En effet la famille de sa mère, les Montgolfier, avait installé une papeterie à Fontenay. En 1838, Marc Seguin achète les bâtiments de l’abbaye et s’y installe. Marc Seguin est le premier constructeur français de locomotives. Il inventa les chaudières tubulaires en même temps de Stephenson, avec qui il entretenait des relations étroites. Il lui avait acheté plusieurs locomotives qu’il améliora. Le chemin de fer PLM qui passe par Dijon fut financé en partie par des capitaux britanniques par l’intermédiaire de la banque Laffitte, Blount. 26 En France en 1806, 2% de la fonte est fabriquée au coke contre 97% en Angleterre. En 1810, 200 machines à vapeur en France contre 5000 en Angleterre. Ces chiffres mesurent le retard technologique accumulé par la France durant les années de la Révolution et de l’Empire. 14 Et maintenant Sur les 145600 Britanniques résidant en France27 (recensement de 2007), 2134 résidents en Bourgogne. Les résidents britanniques « bourguignons » représentent 1,47% des Britanniques installés en France. Or les Bourguignons représentent 2,57% de la population française (1,6 million d’habitants). La Bourgogne ne constitue pas une destination privilégiée pour les Britanniques. Des régions plus proches de la Manche (Normandie) ou plus ensoleillées présentent plus d’attraits28. La Bourgogne est une région exportatrice. En 2008, les exportations représentaient 23,4% du PIB contre 20,8% pour l’ensemble de la France. Les principaux postes d’exportations sont la métallurgie, la mécanique et les industries agro-alimentaires. Les importations, moins importantes que les exportations (2008 : exportations 10Md euros ; importations 7,6Md euros) concernent les produits métallurgiques et métalliques, les équipements mécaniques, électriques et informatiques et les produits chimiques. Le Royaume Uni tient une place à part. C’est le 4ème pays d’exportation, après l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne et le 8ème pays d’importation. Les exportations sont de l’ordre de 500M euros et les importations de l’ordre de 210 millions. Les principaux postes d’exportation sont les boissons (vin), les équipements pour automobiles et les produits chimiques. Le principal poste d’importation est représenté par les produits chimiques. La Bourgogne va jouer un rôle important dans l’accord franco-britannique de défense commune signé en novembre 2010. Un centre de recherche visant à tester la performance des ogives nucléaires et la sécurité des arsenaux des deux pays, sera installé à Valduc. Il devrait être achevé en 2014. Annexes Carte des possessions des ducs de Bourgogne Généalogies des dynasties de France, Angleterre, Bourgogne 27 A titre de comparaison, résident en France : 130000 Espagnols, 175000 Italiens et 490000 Portugais (Recensement 2007). 28 Les chiffres sont donnés par l’INSEE (Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques). 15 16