faciliter l’effacement de son souvenir. L’idée que les morts puissent avoir vocation à être
rapidement oubliés (sans être pour autant bannis) et que la monumentalité de la sépulture ne
soit pas seulement fonction du prestige de son occupant donne l’occasion d’une réévaluation
générale du rapport entre mort, vestiges et mémoire. Si l’on admet que la sépulture n’est pas
nécessairement le lieu privilégié de célébration de la mémoire du défunt, voire que le souvenir
n’est pas un impératif catégorique du funéraire, il convient alors d’étudier comment mémoire et
oubli se conjuguent aux différents régimes de visibilité des sépultures et des monuments – les
moins visibles n’étant pas nécessairement les moins prestigieux. Dans quelle mesure ces
exemples contemporains peuvent-ils « parler » aux historiens ou aux archéologues, dont les
recherches sont tributaires des traces (écrites ou construites) laissées par les sociétés du passé ?
Rituels, protocoles, manières de faire
Si des sociétés oublient les restes de leurs morts, leur lieu de dépôt, voire les font disparaitre
totalement telles certaines populations de Bali (Sebesteny 2013), en amont, le devenir du corps
et de l’âme n’en est pas moins un sujet central de préocupation (Hertz 1907 ; Thomas 1985).
Prise en charge et traitement du défunt dans toutes ses composantes mobilisent et engagent à
des degrés divers les proches et la communauté autour d’un ensemble de gestes, protocoles et
rituels inscrits dans une durée variable. Quelles relations peut-on établir entre transformation
biologique du cadavre (thanatomorphose), manipulations anthropiques du corps (préparation,
conservation, destruction) et rite de passage ? À quelles conditions peut-on inférer manières de
faire et protocoles de leur résultat, tel qu’il est découvert par l’archéologue à l’issue d’une fouille
de sépulture ? À quelles conditions les témoignages des historiens et anthropologues peuvent-ils
nous informer sur les manières de faire des sociétés du passé lointain ? Dans la perspective
comparative d’une analyse dynamique des traces livrées par les sépultures, on s’interrogera en
particulier sur les interprétations des mises en scène sépulcrales et sur les reconstructions des
séquences de gestes et leur signification.
Espaces de la mort : (dé)placer les restes humains
Le traitement du corps du défunt, ainsi que la forme donnée à la sépulture inscrivent les restes
du défunt dans l’espace, de manière plus ou moins durable et localisée, avant leur oubli total ou
leur inscription dans d’autres systèmes. Au-delà de la question classique de la « place des
morts » à travers les sociétés humaines, que le croisement de perspectives archéologiques,
historiques et anthropologiques permettra néanmoins de poser à nouveaux frais, on portera une
attention particulière aux problèmes posés par des morts déplacés ou mal-placés, et d’une
manière générale aux situations où la place des morts ne va plus de soi. Du déni de sépulture (de
Polynice à Mohamed Merah) au déplacement des restes de personnages déchus ou au contraire
réhabilités (Verdery 1999, Zempleni 2011), en passant par les interventions de l’Etat pour
légiférer sur la dignité ou l’indignité du traitement des défunts et de leurs restes (Esquerre
2011), il s’agira d’apporter un éclairage nouveau sur la question de la spatialisation de la mort.
Les contributions développant des approches interdisciplinaires et les collaborations entre
chercheurs seront privilégiées. Les résumés (200 mots) sont à adresser avant le 20 décembre 2013
à Grégory Delaplace (g.delaplace@yahoo.fr) ou Frederique Valentin (frederique.valentin@mae.u-
paris10.fr).