1. La création du Monde arabe Après la Première Guerre mondiale

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1. La création du Monde arabe
Après la Première Guerre mondiale, les grandes puissances européennes, et plus
particulièrement la France et la Grande-Bretagne, se partagent le Moyen Orient. Les Allemands
sortent perdants du nouveau découpage de ces territoires.
A. l’Empire Ottoman : Un Empire vaste et varié
I. Apogée
L’Empire ottoman fait preuve de diversité ethnique, religieuse et linguistique du 14ème siècle
jusqu’à son apogée, à la fin du 17ème siècle. Il recouvre alors le Proche Orient, l’Afrique du
Nord (sauf le Maroc) et l’Europe centrale, avant d’être arrêté aux portes de Vienne. Il dispose
également d’un pouvoir sacré via le contrôle des lieux saints : La Mecque et Médine pour les
sunnites, Kerbala et Nadjaf pour les chiites ainsi que Jérusalem, ville trois fois sainte.
II. Décadence
L’Empire se réduit pendant que l’Europe progresse via la Révolution industrielle. Les
Britanniques et les Français profitent de la faiblesse des Ottomans pour asseoir leur
influence et leur autorité sur de nouveaux territoires. En 1908, l’Égypte passe sous protectorat
anglais, alors que le nationalisme turc naît à travers la révolution des Jeunes Turcs. Cela donne
lieu au turquisme et au pantouranisme, avec un effet dévastateur sur toutes les provinces arabes
où les nationalistes arabes seront exilés ou tués sur les places publiques.
En 1914, l’Empire perd le Liban et l’Algérie mais il garde toujours la péninsule arabique, la
Syrie et la Turquie, jusqu’à la naissance des États-nations en 1925 et l’émergence de la Syrie,
du Liban, de la Palestine, de l’Irak et de la Transjordanie tels que nous les connaissons encore
aujourd’hui.
B. Les puissances européennes face à l’homme malade
L’implication des diverses puissances européennes dans les territoires du Moyen Orient,
exploitant les difficultés rencontrées par les ottomans, est appelée la « Question d’Orient ».
I. Intérêts
Les intérêts sont d’abord commerciaux : les Anglais voient dans le canal de Suez, reliant la
Mer Méditerranée à la Mer Rouge, une possibilité d’accès rapide aux colonies, tandis que les
Français veulent profiter des capitulations. Ces dernières offraient de nombreux avantages aux
expatriés français en territoire ottoman : le droit d’être jugé par un consul de France,
l’exemption de taxe sur un bateau ou une maison, etc. Les capitulations sont également ouvertes
aux communautés chrétiennes et juives.
Les Russes cherchent à contrôler le Bosphore et les Dardanelles, et à récupérer Constantinople,
symbole de la reconquête de la chrétienté. L’Italie y trouve un intérêt économique et
missionnaire, tandis que les Allemands peuvent de cette façon compenser leur manque de
colonies.
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Il existe également des intérêts économiques communs comme le pétrole ou l’ouverture de
marchés commerciaux. Le capital européen pénètre alors l’économie ottomane, dont la dette
exerce une grande influence sur la situation, comparable à celle de la Grèce aujourd’hui.
II. La Première Guerre mondiale : catalyseur de l’action des Occidentaux
En Europe, la guerre fait rage et affaiblit les grandes puissances coloniales. Les Britanniques
décident alors de soutenir une révolte arabe contre les Ottomans par l’envoi de troupes. Le turc
est imposé à Istanbul tandis que l’Europe encourage le mouvement nationaliste arabe pour
créer un nouveau front contre l’Empire ottoman.
Le monde arabe est riche en antiquités et en pétrole ; les Britanniques cherchent à conclure un
accord avec les Arabes, notamment pour remplir les caisses après la guerre. Henry McMahon,
gouverneur d’Égypte, écrit au chérif (le descendant du prophète) Hussein de la Mecque et
obtient une alliance entre la dynastie hachémite qui gouverne la région du Hedjaz, comprenant
Médine et la Mecque, et la Grande-Bretagne. À travers la correspondance Hussein-McMahon,
la promesse de création d’un califat arabe, après la libération des territoires sous domination
ottomane, est formulée est acceptée par les deux parties.
III. Révolte arabe
Thomas Edward Lawrence, ou Lawrence d’Arabie, auteur des Sept Piliers de la Sagesse, est
un espion britannique qui participa à la Grande Révolte aux côtés des Arabes. En effet, les
Britanniques combattent dès 1915 l’armée ottomane, tout en maintenant leur front européen.
Les tribus locales du Hedjaz s’allient avec eux pour la création du califat arabe, avec l’appui
des chefs nationalistes arabes de Damas, Baghdâd et Beyrouth. Lawrence mène l’insurrection
arabe en opposition aux Turcs ; il enrôle les populations arabes, des bédouins, qu’il croise.
Ces derniers ouvrent volontiers les portes de leurs villes aux Français et aux Britanniques.
Fayçal, fils d’Hussein, joue un rôle important dans la révolte, notamment en remportant la
bataille d’Aqaba en juin 1917, offrant là l’accès à une ville portuaire de la Mer Rouge et donc
au ravitaillement britannique. Les chefs musulmans sont convaincus que les Français et les
Britanniques sont des hommes meilleurs que les Turcs, ce qui témoigne de la confiance et de
l’alliance qui sera brisée plus tard. Damas est prise en septembre 1917, deux mois avant
Jérusalem.
IV. Les accords Sykes-Picot (1916)
Les accords Sykes-Picot sont des accords secrets entre la France et la Grande-Bretagne, signés
à Londres le 16 mai 1916 après un travail préparatoire de Paul Cambon et Sir Edward Grey. Ils
prévoient le démantèlement de l’Empire ottoman à la fin de la guerre et le partage des
territoires en différentes zones d’influence, en totale contradiction avec la promesse de califat
faites aux Arabes. La Palestine y est établie comme une zone internationale, et le pétrole est
promis aux Français, ce qui ne sera cependant pas le cas.
Lors de la Révolution d’Octobre (1917) qui renverse le tsar et met les bolchéviques au pouvoir,
ces derniers transmettent à l’Empire ottoman, toujours possesseur des territoires concernés, les
documents secrets qu’ils ont trouvés. Le gouvernement ottoman communique lui-même le
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contenu des accords aux Arabes ; ceux-ci y voient la violation de la promesse de création
d’un califat. Sentant la situation leur échapper, les Français et les Britanniques parviennent à
fixer les frontières lors de la conférence de San Remo en 1920.
V. Déclaration Balfour (1917)
En 1917, la Grande-Bretagne mit en place une administration britannique en Palestine et
imposa sa suprématie militaire en Syrie. Lord Arthur Balfour adresse alors une lettre à
Lord Rotschild dans laquelle il formule le soutien des Britanniques face à l’établissement
d’un foyer pour les Juifs en Palestine, où les Arabes sont déjà installés. Cette déclaration
est une nouvelle transgression de l’accord conclu avec ces derniers.
La diaspora juive offrait en fait un important soutien financier pour la guerre face à
l’antisémitisme montant en Europe. Théodore Herzl met en place les premiers principes du
sionisme. En 1948, les Britanniques quittent le territoire, laissant derrière eux le problème qu’ils
avaient créé une vingtaine d’années auparavant.
C. Stabilisation : les conférences d’après-guerre
Les Britanniques sortent vainqueurs de l’éclatement de l’Empire ottoman, asseyant leur gloire
sur la révolte arabe menée par Lawrence d’Arabie qui offrira finalement l’Arabie Saoudite à la
dynastie des Saoud, contrairement au projet initial de califat. La France participe également
aux conférences divisant le Proche Orient :
Le Traité de Versailles (28 juin 1919), qui prévoit la création de la Société des Nations,
ancêtre de l’Organisation des Nations Unies.
La Conférence de San Remo (19 au 26 avril 1920), qui met la Palestine sous mandat
britannique et la Syrie et le Liban sous mandat français.
Le Traité de Sèvres (10 août 1920), qui accorde l’autonomie à l’Arménie et au
Kurdistan et entraîne l’affirmation des États-nations.
Le Traité de Lausanne (24 juillet 1923), qui constitue la « revanche » des Turcs par
Kemal Atatürk.
À la suite des traités, en 1920, des pays naissent comme la Lybie, l’Égypte, la Transjordanie, la
Syrie, le Liban, avec, pour la plupart, leurs frontières actuelles.
D. Le cas de la Syrie et du Liban
Les Français possèdent un mandat en Syrie et au Liban. Ils y conçoivent des systèmes
confessionnels, par la division du pays en plusieurs États confessionnels en Syrie, et par la
création d’une nouvelle politique au Liban.
La République parlementaire à démocratie confessionnelle est instaurée dans le nouvel État
libanais en 1926. Le gouvernement est décidé par un unique recensement de la population en
1932, qui conclut 51% de la population est chrétienne, et que le reste est musulman. Les postes
de pouvoir étant répartis en fonction du poids des différentes communautés (le président de la
République est chrétien maronite, le Premier ministre est sunnite et le président de la chambre
est chiite), le système favorise donc les chrétiens libanais et est inévitablement corrompu.
Les Français se posaient en fait comme protecteur des chrétiens.
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Ce système défaillant sera plus tard source de tensions et de la guerre civile. L’indépendance
libanaise est reconnue par un traité signé en 1936 par la France, proclamée officiellement en
1941 et effective en 1943. La souveraineté de la Syrie est également reconnue en 1944, mais
les combats continueront jusqu’en 1946.
2. Le Maghreb colonisé
A. Introduction
I. Héritage précolonial
Le Maghreb est marqué par son héritage précolonial, caractérisé par :
une terre faiblement peuplée ;
un État faible, disposant de ressources limitées ;
une économie rurale et domestique de subsistance ;
une société inégale fondée sur le lignage ;
une société méditerranéenne marquée par l’Islam ;
un monde qui se veut aux marches de l’islam mais ouvert vers la Méditerranée.
II. Formes de domination au Maghreb
Il existe différentes formes de domination au Maghreb :
L’Algérie est considérée comme un département français puisqu’une partie de sa
population est formée par des Européens, qu’ils soient Français, Espagnols ou Italiens.
Au Maroc, le protectorat est une forme de colonisation qui laisse aux autorités locales
une marge d’autonomie et qui les laisse régler les affaires courantes. En Tunisie, le
système de protectorat se rapproche de celui du Maroc.
À part la Lybie italienne, la plupart des pays d’Afrique du Nord sont colonisés par la
France qui voit en eux des opportunités d’exportation de sa démographie débordante et où elle
entend faire prospérer l’économie dans un esprit colonial. L’Algérie, colonisée à partir de 1830,
est un cas particulier et vit une situation totalement différente des États sous mandats français
et britanniques, en tant que colonie de peuplement.
III. L’Afrique du Nord précoloniale
Jusqu’au milieu du 19ème siècle et avant l’installation des Français, l’Afrique du Nord était
occupée par l’Empire ottoman, à l’exception du Maroc, où une dynastie alaouite qui subsiste
encore aujourd’hui s’était installée dès le 17ème siècle.
Les régences d’Alger, de Tunis et de Tripoli se sont construites face aux menaces espagnoles
et portugaises grâce à l’aide de la piraterie. Les corsaires qui les ont fondées font allégeance
au sultan ottoman d’Istanbul, qui confie en retour l’autonomie du pouvoir local aux autorités
locales.
De 1870 à 1914, la France et la Grande-Bretagne se partagent le monde, à l’âge de
l’impérialisme. En 1885, la Conférence de Berlin découpe l’Afrique et dessine les nouvelles
frontières du continent où ces pays pratiquent une politique d’occupation des territoires.
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IV. Facteurs de colonisation au Maghreb
Commerce : les matières premières puisées en Afrique sont envoyées en Europe, d’où
elles sont manufacturées et renvoyées au Maghreb sous forme de produits finis.
L’intérêt est également de sécuriser les routes commerciales : creuser le canal de Suez
est un enjeu très important pour la Grande-Bretagne puisqu’il sécurise la route vers
l’Inde.
Démographie et politique : l’amélioration des conditions de vie entraîne une
augmentation de la population. La France et la Grande-Bretagne veulent imposer leurs
zones d’influence par l’exportation de leur démographie.
Mission civilisatrice : c’est à l’homme blanc d’éduquer l’homme de couleur
(cf. Rudyard KIPLING, The White Man’s Burden).
C’est une nouvelle conquête du monde qui s’amorce et mènera à une colonisation de l’Algérie
pendant 132 ans (1830-1962) et à la mise sous protectorat du Maroc entre deux parties
espagnole et française (1912-1956) et de la Tunisie (1881-1956). Les statuts de ces deux
derniers pays sont donc bien différents de celui de l’Algérie.
B. L’Algérie
I. Introduction
L’Algérie a été colonisée vers 1830. Le mouvement a donné lieu à beaucoup de déplacements
de populations locales, des déculturations, pour laisser place aux populations européennes et
leur accorder des terres de qualité.
L’émir Abdelkader organisa la résistance algérienne face à la France, mais fut très vite réprimé
par le général Bugeaud, en 1840, et dut faire allégeance à Napoléon III. À ce moment-là,
l’Algérie est dite « pacifiée » par les Français mais l’entreprise coloniale connaît les critiques
des intellectuels anticoloniaux au sein-même de la métropole.
II. Colonisation de peuplement
Pieds-Noirs est le nom donné aux Européens venus s’installer en Algérie. Leur nombre atteint
218 000 en 1866, alors qu’ils n’étaient que 28 000 au début. Les Pieds-Noirs viennent
principalement de France mais également d’Italie et d’Espagne. Ils fuient la sécheresse, les
maladies, la pauvreté et croient au projet algérien qui leur est vendu comme un idéal.
À partir de 1889, l’État français concède des titres fonciers aux nouveaux colons. Entre la fin
de la Première Guerre mondiale et le début de la Guerre d’Algérie en 1954, la population de
colons passe de 833 000 (1926) à presque un million, dont 79% sont nés sur le territoire algérien
: le sentiment d’appartenance à cette terre grandit.
III. Le régime de l’indigénat
Rédigé par Napoléon III en 1870, l’indigénat établit un statut d’exception pour les habitants «
autochtones » d’Algérie. Le système instaure des bureaux arabes pour administrer les affaires
des indigènes et mettre en place un système basé sur les circonscriptions. Ils en jugent les
crimes et décident de la dépossession des propriétés pour les accorder aux nouveaux arrivants
européens.
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