1. La création du Monde arabe Après la Première Guerre mondiale

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1. La création du Monde arabe
Après la Première Guerre mondiale, les grandes puissances européennes, et plus
particulièrement la France et la Grande-Bretagne, se partagent le Moyen Orient. Les Allemands
sortent perdants du nouveau découpage de ces territoires.
A. l’Empire Ottoman : Un Empire vaste et varié
I. Apogée
L’Empire ottoman fait preuve de diversité ethnique, religieuse et linguistique du 14ème siècle
jusqu’à son apogée, à la fin du 17ème siècle. Il recouvre alors le Proche Orient, l’Afrique du
Nord (sauf le Maroc) et l’Europe centrale, avant d’être arrêté aux portes de Vienne. Il dispose
également d’un pouvoir sacré via le contrôle des lieux saints : La Mecque et Médine pour les
sunnites, Kerbala et Nadjaf pour les chiites ainsi que Jérusalem, ville trois fois sainte.
II. Décadence
L’Empire se réduit pendant que l’Europe progresse via la Révolution industrielle. Les
Britanniques et les Français profitent de la faiblesse des Ottomans pour asseoir leur
influence et leur autorité sur de nouveaux territoires. En 1908, l’Égypte passe sous protectorat
anglais, alors que le nationalisme turc naît à travers la révolution des Jeunes Turcs. Cela donne
lieu au turquisme et au pantouranisme, avec un effet dévastateur sur toutes les provinces arabes
où les nationalistes arabes seront exilés ou tués sur les places publiques.
En 1914, l’Empire perd le Liban et l’Algérie mais il garde toujours la péninsule arabique, la
Syrie et la Turquie, jusqu’à la naissance des États-nations en 1925 et l’émergence de la Syrie,
du Liban, de la Palestine, de l’Irak et de la Transjordanie tels que nous les connaissons encore
aujourd’hui.
B. Les puissances européennes face à l’homme malade
L’implication des diverses puissances européennes dans les territoires du Moyen Orient,
exploitant les difficultés rencontrées par les ottomans, est appelée la « Question d’Orient ».
I. Intérêts
Les intérêts sont d’abord commerciaux : les Anglais voient dans le canal de Suez, reliant la
Mer Méditerranée à la Mer Rouge, une possibilité d’accès rapide aux colonies, tandis que les
Français veulent profiter des capitulations. Ces dernières offraient de nombreux avantages aux
expatriés français en territoire ottoman : le droit d’être jugé par un consul de France,
l’exemption de taxe sur un bateau ou une maison, etc. Les capitulations sont également ouvertes
aux communautés chrétiennes et juives.
Les Russes cherchent à contrôler le Bosphore et les Dardanelles, et à récupérer Constantinople,
symbole de la reconquête de la chrétienté. L’Italie y trouve un intérêt économique et
missionnaire, tandis que les Allemands peuvent de cette façon compenser leur manque de
colonies.
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Il existe également des intérêts économiques communs comme le pétrole ou l’ouverture de
marchés commerciaux. Le capital européen pénètre alors l’économie ottomane, dont la dette
exerce une grande influence sur la situation, comparable à celle de la Grèce aujourd’hui.
II. La Première Guerre mondiale : catalyseur de l’action des Occidentaux
En Europe, la guerre fait rage et affaiblit les grandes puissances coloniales. Les Britanniques
décident alors de soutenir une révolte arabe contre les Ottomans par l’envoi de troupes. Le turc
est imposé à Istanbul tandis que l’Europe encourage le mouvement nationaliste arabe pour
créer un nouveau front contre l’Empire ottoman.
Le monde arabe est riche en antiquités et en pétrole ; les Britanniques cherchent à conclure un
accord avec les Arabes, notamment pour remplir les caisses après la guerre. Henry McMahon,
gouverneur d’Égypte, écrit au chérif (le descendant du prophète) Hussein de la Mecque et
obtient une alliance entre la dynastie hachémite qui gouverne la région du Hedjaz, comprenant
Médine et la Mecque, et la Grande-Bretagne. À travers la correspondance Hussein-McMahon,
la promesse de création d’un califat arabe, après la libération des territoires sous domination
ottomane, est formulée est acceptée par les deux parties.
III. Révolte arabe
Thomas Edward Lawrence, ou Lawrence d’Arabie, auteur des Sept Piliers de la Sagesse, est
un espion britannique qui participa à la Grande Révolte aux côtés des Arabes. En effet, les
Britanniques combattent dès 1915 l’armée ottomane, tout en maintenant leur front européen.
Les tribus locales du Hedjaz s’allient avec eux pour la création du califat arabe, avec l’appui
des chefs nationalistes arabes de Damas, Baghdâd et Beyrouth. Lawrence mène l’insurrection
arabe en opposition aux Turcs ; il enrôle les populations arabes, des bédouins, qu’il croise.
Ces derniers ouvrent volontiers les portes de leurs villes aux Français et aux Britanniques.
Fayçal, fils d’Hussein, joue un rôle important dans la révolte, notamment en remportant la
bataille d’Aqaba en juin 1917, offrant là l’accès à une ville portuaire de la Mer Rouge et donc
au ravitaillement britannique. Les chefs musulmans sont convaincus que les Français et les
Britanniques sont des hommes meilleurs que les Turcs, ce qui témoigne de la confiance et de
l’alliance qui sera brisée plus tard. Damas est prise en septembre 1917, deux mois avant
Jérusalem.
IV. Les accords Sykes-Picot (1916)
Les accords Sykes-Picot sont des accords secrets entre la France et la Grande-Bretagne, signés
à Londres le 16 mai 1916 après un travail préparatoire de Paul Cambon et Sir Edward Grey. Ils
prévoient le démantèlement de l’Empire ottoman à la fin de la guerre et le partage des
territoires en différentes zones d’influence, en totale contradiction avec la promesse de califat
faites aux Arabes. La Palestine y est établie comme une zone internationale, et le pétrole est
promis aux Français, ce qui ne sera cependant pas le cas.
Lors de la Révolution d’Octobre (1917) qui renverse le tsar et met les bolchéviques au pouvoir,
ces derniers transmettent à l’Empire ottoman, toujours possesseur des territoires concernés, les
documents secrets qu’ils ont trouvés. Le gouvernement ottoman communique lui-même le
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contenu des accords aux Arabes ; ceux-ci y voient la violation de la promesse de création
d’un califat. Sentant la situation leur échapper, les Français et les Britanniques parviennent à
fixer les frontières lors de la conférence de San Remo en 1920.
V. Déclaration Balfour (1917)
En 1917, la Grande-Bretagne mit en place une administration britannique en Palestine et
imposa sa suprématie militaire en Syrie. Lord Arthur Balfour adresse alors une lettre à
Lord Rotschild dans laquelle il formule le soutien des Britanniques face à l’établissement
d’un foyer pour les Juifs en Palestine, où les Arabes sont déjà installés. Cette déclaration
est une nouvelle transgression de l’accord conclu avec ces derniers.
La diaspora juive offrait en fait un important soutien financier pour la guerre face à
l’antisémitisme montant en Europe. Théodore Herzl met en place les premiers principes du
sionisme. En 1948, les Britanniques quittent le territoire, laissant derrière eux le problème qu’ils
avaient créé une vingtaine d’années auparavant.
C. Stabilisation : les conférences d’après-guerre
Les Britanniques sortent vainqueurs de l’éclatement de l’Empire ottoman, asseyant leur gloire
sur la révolte arabe menée par Lawrence d’Arabie qui offrira finalement l’Arabie Saoudite à la
dynastie des Saoud, contrairement au projet initial de califat. La France participe également
aux conférences divisant le Proche Orient :
Le Traité de Versailles (28 juin 1919), qui prévoit la création de la Société des Nations,
ancêtre de l’Organisation des Nations Unies.
La Conférence de San Remo (19 au 26 avril 1920), qui met la Palestine sous mandat
britannique et la Syrie et le Liban sous mandat français.
Le Traité de Sèvres (10 août 1920), qui accorde l’autonomie à l’Arménie et au
Kurdistan et entraîne l’affirmation des États-nations.
Le Traité de Lausanne (24 juillet 1923), qui constitue la « revanche » des Turcs par
Kemal Atatürk.
À la suite des traités, en 1920, des pays naissent comme la Lybie, l’Égypte, la Transjordanie, la
Syrie, le Liban, avec, pour la plupart, leurs frontières actuelles.
D. Le cas de la Syrie et du Liban
Les Français possèdent un mandat en Syrie et au Liban. Ils y conçoivent des systèmes
confessionnels, par la division du pays en plusieurs États confessionnels en Syrie, et par la
création d’une nouvelle politique au Liban.
La République parlementaire à démocratie confessionnelle est instaurée dans le nouvel État
libanais en 1926. Le gouvernement est décidé par un unique recensement de la population en
1932, qui conclut 51% de la population est chrétienne, et que le reste est musulman. Les postes
de pouvoir étant répartis en fonction du poids des différentes communautés (le président de la
République est chrétien maronite, le Premier ministre est sunnite et le président de la chambre
est chiite), le système favorise donc les chrétiens libanais et est inévitablement corrompu.
Les Français se posaient en fait comme protecteur des chrétiens.
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Ce système défaillant sera plus tard source de tensions et de la guerre civile. L’indépendance
libanaise est reconnue par un traité signé en 1936 par la France, proclamée officiellement en
1941 et effective en 1943. La souveraineté de la Syrie est également reconnue en 1944, mais
les combats continueront jusqu’en 1946.
2. Le Maghreb colonisé
A. Introduction
I. Héritage précolonial
Le Maghreb est marqué par son héritage précolonial, caractérisé par :
→ une terre faiblement peuplée ;
→ un État faible, disposant de ressources limitées ;
→ une économie rurale et domestique de subsistance ;
→ une société inégale fondée sur le lignage ;
→ une société méditerranéenne marquée par l’Islam ;
→ un monde qui se veut aux marches de l’islam mais ouvert vers la Méditerranée.
II. Formes de domination au Maghreb
Il existe différentes formes de domination au Maghreb :
L’Algérie est considérée comme un département français puisqu’une partie de sa
population est formée par des Européens, qu’ils soient Français, Espagnols ou Italiens.
Au Maroc, le protectorat est une forme de colonisation qui laisse aux autorités locales
une marge d’autonomie et qui les laisse régler les affaires courantes. En Tunisie, le
système de protectorat se rapproche de celui du Maroc.
À part la Lybie italienne, la plupart des pays d’Afrique du Nord sont colonisés par la
France qui voit en eux des opportunités d’exportation de sa démographie débordante et où elle
entend faire prospérer l’économie dans un esprit colonial. L’Algérie, colonisée à partir de 1830,
est un cas particulier et vit une situation totalement différente des États sous mandats français
et britanniques, en tant que colonie de peuplement.
III. L’Afrique du Nord précoloniale
Jusqu’au milieu du 19ème siècle et avant l’installation des Français, l’Afrique du Nord était
occupée par l’Empire ottoman, à l’exception du Maroc, où une dynastie alaouite qui subsiste
encore aujourd’hui s’était installée dès le 17ème siècle.
Les régences d’Alger, de Tunis et de Tripoli se sont construites face aux menaces espagnoles
et portugaises grâce à l’aide de la piraterie. Les corsaires qui les ont fondées font allégeance
au sultan ottoman d’Istanbul, qui confie en retour l’autonomie du pouvoir local aux autorités
locales.
De 1870 à 1914, la France et la Grande-Bretagne se partagent le monde, à l’âge de
l’impérialisme. En 1885, la Conférence de Berlin découpe l’Afrique et dessine les nouvelles
frontières du continent où ces pays pratiquent une politique d’occupation des territoires.
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IV. Facteurs de colonisation au Maghreb
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Commerce : les matières premières puisées en Afrique sont envoyées en Europe, d’où
elles sont manufacturées et renvoyées au Maghreb sous forme de produits finis.
L’intérêt est également de sécuriser les routes commerciales : creuser le canal de Suez
est un enjeu très important pour la Grande-Bretagne puisqu’il sécurise la route vers
l’Inde.
Démographie et politique : l’amélioration des conditions de vie entraîne une
augmentation de la population. La France et la Grande-Bretagne veulent imposer leurs
zones d’influence par l’exportation de leur démographie.
Mission civilisatrice : c’est à l’homme blanc d’éduquer l’homme de couleur
(cf. Rudyard KIPLING, The White Man’s Burden).
C’est une nouvelle conquête du monde qui s’amorce et mènera à une colonisation de l’Algérie
pendant 132 ans (1830-1962) et à la mise sous protectorat du Maroc entre deux parties
espagnole et française (1912-1956) et de la Tunisie (1881-1956). Les statuts de ces deux
derniers pays sont donc bien différents de celui de l’Algérie.
B. L’Algérie
I. Introduction
L’Algérie a été colonisée vers 1830. Le mouvement a donné lieu à beaucoup de déplacements
de populations locales, des déculturations, pour laisser place aux populations européennes et
leur accorder des terres de qualité.
L’émir Abdelkader organisa la résistance algérienne face à la France, mais fut très vite réprimé
par le général Bugeaud, en 1840, et dut faire allégeance à Napoléon III. À ce moment-là,
l’Algérie est dite « pacifiée » par les Français mais l’entreprise coloniale connaît les critiques
des intellectuels anticoloniaux au sein-même de la métropole.
II. Colonisation de peuplement
Pieds-Noirs est le nom donné aux Européens venus s’installer en Algérie. Leur nombre atteint
218 000 en 1866, alors qu’ils n’étaient que 28 000 au début. Les Pieds-Noirs viennent
principalement de France mais également d’Italie et d’Espagne. Ils fuient la sécheresse, les
maladies, la pauvreté et croient au projet algérien qui leur est vendu comme un idéal.
À partir de 1889, l’État français concède des titres fonciers aux nouveaux colons. Entre la fin
de la Première Guerre mondiale et le début de la Guerre d’Algérie en 1954, la population de
colons passe de 833 000 (1926) à presque un million, dont 79% sont nés sur le territoire algérien
: le sentiment d’appartenance à cette terre grandit.
III. Le régime de l’indigénat
Rédigé par Napoléon III en 1870, l’indigénat établit un statut d’exception pour les habitants «
autochtones » d’Algérie. Le système instaure des bureaux arabes pour administrer les affaires
des indigènes et mettre en place un système basé sur les circonscriptions. Ils en jugent les
crimes et décident de la dépossession des propriétés pour les accorder aux nouveaux arrivants
européens.
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Frantz Fanon, martiniquais élève d’Aimé Césaire, est un théoricien de la Révolution et de la
Guerre d’Algérie. Il y est envoyé en tant que médecin-psychiatre et aide les Algériens dans leur
lutte contre la France colonisatrice. Il rédige Les Damnés de la Terre et y explique comment le
colonisateur met en place un système pour « faire suer » le colonisé et l’empêcher de
s’émanciper.
IV. Caractéristique des Pieds-Noirs
Les colons sont propriétaires et disposent de tous les droits du citoyen. Il existe en leur sein une
hiérarchie au sommet de laquelle se trouvent les Français d’origine et qui donne lieu à une
division du travail en fonction de l’appartenance nationale.
Si elle se distingue des indigènes, la population de Pieds-Noirs crée cependant une identité
propre différente de celle de la métropole. Vers la fin de la colonisation, la hiérarchisation de
la structure socioprofessionnelle disparaît avec l’effacement de la distance ethnique entre
Européens.
Généralement, les colons habitent les grandes villes. Ils ont des écoles, des institutions
propres, pas fréquentées par la population indigène. Le même système est instauré dans une
moindre mesure au Maroc puisqu’il subit plutôt une colonisation politique.
À propos de la présence des Juifs en Afrique du Nord,
C. Maroc
Le Maroc sera la dernière zone colonisée de l’Empire français, entre 1912 et 1956.
I. Dynastie chérifienne
Le Maroc est un royaume chérifien depuis le 16ème siècle, c’est-à-dire que sa dynastie descend
du prophète. Le roi représente donc le prophète et a une dimension sacrée : sa souveraineté
et son royaume sont incontestables. Il n’a d’ailleurs jamais été colonisé par les Ottomans.
Dès leur arrivée, des Français ont réalisé l’importance de cette autorité et ont décidé de
conserver le système en place. Cependant, ils ont envoyé un gouverneur de Paris pour
administrer indirectement les affaires du pays en travaillant avec les élites locales et les
associant au pouvoir.
II. Bled Makhzen et bled Siba
Le Makhzen est l’institution de l’État, dépendant directement du roi. Il a un pouvoir suprême
et sacré fondé sur la force (Sulta) et représentant Dieu sur terre (Khilafa). La religion
musulmane est très importante au Maroc et joue un rôle unificateur pour administrer les
populations (Umma). Après l’indépendance du Maroc, Hassan II fonde un pouvoir répressif,
coercitif, fondé sur la peur et sur la menace. Par opposition au « bled el makhzen », soit
l’espace où l’État exerce son autorité, le « bled Siba » désigne l’espace non soumis à
l’autorité centrale du pays.
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III. Processus de colonisation
Le Maroc connaît deux colonisations : l’une espagnole et l’autre française. Les Français
instaurent un contrôle des douanes, administrent les terres et mettent en place les voies de
communication. Le processus se fait à coup de traités, pour concéder des territoires et des
droits de douanes ou de construction aux Français. En contrepartie, le sultan pouvait faire appel
aux troupes françaises et espagnoles pour calmer les éventuelles émeutes dans le pays.
D’autre part, il est important de noter que ce sont des sociétés belges, françaises ou britanniques
qui relient les grandes villes d’Afrique du Nord les unes aux autres par les chemins de fer et par
les services de télécommunication et de poste. Or, le contrôle des communications permet le
contrôle global du territoire et facilite fatalement le mouvement de colonisation européen sur
l’Afrique du Nord.
IV. Expansion coloniale
En 1912, le traité franco-marocain du protectorat est signé avec le Moulay Hafid. Le Maroc
est alors dépecé, divisé entre l’Espagne au Nord et la France au Sud. Le Siba, à l’intérieur du
pays, reste à conquérir mais tombera entre les mains des Européens après 25 ans de guerre.
Dans le Rif, la conquête se joue aussi : Albelkrim El Khattabi y est considéré comme le Che
Guevara marocain. Il met en place des tactiques de guérilla et de résistance plus tard
transmises aux Indochinois et aux Algériens pour renverser la domination française.
Abelkrim el Khattabi (1882-1963) est l’unificateur des luttes maghrébines et le fondateur
de la lutte anticoloniale au 20ème siècle. Il est le premier à défaire une armée impériale, l’armée
espagnole en 1921. Cette victoire aura d’énormes répercussions dans le monde arabe et colonisé
mais lui coûtera une répression française et espagnole très sévère : 17 000 personnes sont tuées
par du gaz moutarde. Avant son exil en 1926 et sa mort en 1963, il aura le temps d’inspirer
beaucoup de révolutions anticoloniales et de participer à la fondation de l’Étoile nord-africaine.
Le Maroc prospère économiquement grâce à un système d’exploitation agricole créé par les
colons et la mise en plus des usines par les Français principalement. L’activité économique est
contrôlée par les banques de Paris et des Pays-Bas ainsi que par l’O.N.A., l’Omnium NordAfricain.
V. Maroc de Lyautey
Hubert Lyautey, pour la France, a toujours voulu discuter d’égal à égal avec les Marocains,
au contraire de la politique adoptée dans d’autres colonies. Une collaboration existe avec l’élite
locale pour éviter les erreurs commises en Algérie : la religion musulmane est respectée, le
décor est conservé et le pouvoir du sultan est renforcé puisqu’il est un allié de taille
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3. Nationalismes, éveils et réformismes
A. Le nationalisme turc
Le nationalisme turc a émergé à la fin de la Première Guerre mondiale, avec la chute de
l’Empire ottoman. Il se défait d’un certain conservatisme et se replie sur lui-même, aux
frontières de la république turque. En parallèle, le pantouranisme (une idéologie nationaliste
basée sur une culture et sur une langue) se développe ; Ziya Gökalp parle de pureté ethnique.
Le nationalisme turc s’ancre surtout après la révolution de 1908 à travers le kémalisme,
séparant dès le début la religion de l’État et tenant un discours populiste. L’espace national
est défini : un territoire et une population bien identifiés. Après la déclaration Balfour pour les
Juifs, l’Anatolie constitue le nouveau foyer national des Turcs.
B. La Nahda et l’Islâh
I. La Nahda
Au même moment, dans le monde arabe, a lieu une révolution culturelle, un éveil nationaliste
arabe et une reformulation de l’Islam.
La Nahda est ce mouvement intellectuel et culturel arabe né au Moyen Orient, au Machrek,
au Liban, en Syrie. Les écoles des missionnaires, religieuses ou laïques, avaient alors pour rôle
de développer et d’éduquer une élite, s’appuyant sur la langue arabe et diffusant une culture
arabe.
Le mouvement s’étend et fait circuler ses idées dans tout le monde arabe via la presse, écrite
en arabe donc lue par tous. Les éditeurs et les journalistes se professionnalisent : les frères Takla
fondent Al Ahram, Jurgi Zeidani crée le magazine al-Hilal.
Tous contribuent au bouillonnement de culture et à la circulation des idées du nationalisme
arabe à la fin du 19ème siècle. En même temps, des boursiers égyptiens et syriens voyagent en
Europe, alors que la France et la Grande Bretagne s’installent en Orient.
II. Les réformistes musulmans
Les réformateurs de l’Islam considèrent que la religion musulmane, dont l’autorité officielle en
Égypte est représentée par les oulémas d’Al Azhar, est corrompue. Ils estiment qu’il faut
retourner vers l’âge d’or de l’Islam et enrayer l’éloignement du message originel, le Coran.
L’Islâh (réforme, réparation), la réparation de la société via la religion, est leur objectif.
Pendant les années 1900-1930, une « trinité » composée de Al Afghani, Muhammad Abduh
et Rashid Rida, reformule l’Islam. Les deux premiers modernisent l’Islam notamment en
introduisant l’étude des matières profanes comme les mathématiques ou la chimie, tandis que
l’autre se tourne vers l’Arabie Saoudite et adopte un Islam radical, le wahhabisme.
En résumé, les réformistes prônent un retour aux écritures et reformulation du dogme en vue
de répondre aux exigences de la modernité et créent un mouvement social et politique en
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réaction à l’impérialisme européen. Pendant cette période, les fondements de l’Islam actuel sont
posés.
III. La montée des Frères musulmans et l’Islam politique
Hassan el-Banna conteste aussi l’autorité d’Al Azhar et souhaite l’établissement d’un régime
politique à référent religieux. En 1928, il fonde les Frères musulmans qui ont le Coran pour
Constitution. Le message est double : politique d’abord, car il veut un nationalisme araboislamique, social ensuite, car il y a une grande disparité entre la masse populaire très pauvre
des paysans et l’autre monde très riche. Hassan el-Banna intègre l’armée et y organise un réseau
solide, les premiers Frères musulmans.
Les Britanniques, s’ils avaient bien eu écho du mouvement, avaient cependant laissé faire,
appliquant par là leur politique du « diviser pour mieux régner ». Ils comprirent cependant que
le mouvement allait au-delà de leurs attentes après son développement énorme grâce à la
multiplication des écoles ouvertes par Hassan el-Banna dans les régions délaissées par l’État et
le système de dispensaires, comblant le vide sociétal que l’État n’arrivait pas à assumer.
Il allait dans les mosquées présentes dans tous les villages et prêchait, de sorte que de plus en
plus de personnes adhéraient à son message. Hassan el-Banna et les Frères musulmans
représentent donc un contre-pouvoir, devenant populaires au sein de la population
égyptienne.
Les Frères musulmans s’engagent dans la Guerre de Palestine en 1948 aux côtés du Grand
Mufti de Jérusalem Hadj Amine al-Husseini. Ils s’y rendent compte que l’armée n’est pas
organisée ni solidaire. Ils manifestent leur colère dans les rues, contre les États et les chefs
arabes corrompus, rencontrant la répression pour la première fois.
En 1952, Gamal Abdel Nasser fomente un coup d’État avec les officiers libres aux côtés des
Frères musulmans. Une fois au pouvoir, il persécute cependant ceux-ci et les emprisonne.
Sayyid Qutb radicalise alors la pensée du mouvement suite aux frustrations d’un voyage aux
États-Unis, dégoûté de l’occidentalisme dont il veut se débarrasser. Il est emprisonné et torturé
par Nasser avant d’être exécuté en 1966. Cette exécution est également la racine de la
radicalisation de certains de ses compagnons de cellule comme Ayman al Zawahiri, l’actuel
chef d’Al-Qaeda.
C. Les États Nationalistes Arabes
I. L’Égypte nassérienne
Après le coup d’État des officiers libres et le renversement de la monarchie en 1952, une
politique autoritaire à la rhétorique populiste est mise en place. Un tribunal révolutionnaire,
présidé par Anwar Saddat, est créé pour juger les ennemis de l’État, dont les Frères musulmans
qui ont pourtant contribué à l’établissement du pouvoir nouveau. En 1954, Muhammad
Neguib est écarté du pouvoir et Nasser devient président.
Ce dernier a voulu fonder une idéologie, marquer l’Égypte, le monde arabe, mais aussi le reste
du monde. Son empreinte est basée sur son livre La philosophie de la Révolution, qui prône la
théorie des trois cercles, selon laquelle l’Égypte appartiendrait à un cercle arabe, un cercle
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africain et un cercle musulman. Il est par ailleurs l’un des fondateurs de la théorie des nonalignés qui ne disent appartenir ni à l’Occident ni au bloc soviétique ; ses discours antiimpérialistes sont écoutés partout. Il endosse le rôle de leader panarabe.
En 1958, Nasser fonda avec la Syrie la République arabe unie, qui se révèlera être un échec
et ne durera que jusqu’en 1961. Il eut des actions positives pendant son mandat comme
l’extension de l’accès à la scolarisation à tous et fit face à une augmentation démographique
importante en mettant en place un planning familial et un plan de réforme agricole.
Il nationalisa toutes les propriétés qui n’appartenaient pas à des Égyptiens, provoquant là la
fuite d’une grande partie de la bourgeoisie cosmopolite. L’idée était en fait d’instaurer une
démocratie différente du modèle occidental : dans sa pensée, les paysans, les artisans, les
intellectuels, les petits commerçants et les ouvriers devaient être associés à l’exercice du
pouvoir pour empêcher l’exploitation.
Malgré ses efforts, le bilan n’est pas celui attendu. Une bureaucratie s’instaure, encadrant un
chef autoritaire et surveillant la population, le parti au pouvoir est hégémonique. Par ailleurs,
l’économie est en crise et s’essouffle vers 1965 ; le FMI propose un plan de restructuration pour
sauver l’Égypte.
Le charisme de Nasser subit un coup après la Guerre des Six Jours qui marque l’échec de sa
politique. Cela n’empêche un enterrement de pharaon à sa mort, devant une foule immense.
II. La Syrie
La Syrie a traversé une période d’instabilité politique entre 1943 et 1970. Le parti Baath (« la
résurrection arabe et socialiste ») est créé à Damas en 1947 par Michel Aflak, chrétien
orthodoxe, et Salah Al Din Bitar, musulman sunnite, tous les deux influencés par les thèses
nationalistes arabes. Le parti est profondément laïc, en cela il s’oppose au nassérisme qui dit
faire partie d’un cercle musulman. Influencé par les idées marxistes socialistes, il critique dès
1958 la République arabe unie et est en conséquence marginalisé et interdit jusqu’à 1961. Il
prend brièvement le pouvoir en 1963, avant que Hafez al-Assad (1930-2000) n’arrive au
pouvoir en 1970, instaurant le Baath comme parti unique et favorisant la minorité dont il est
issu, les Alaouites (12-13% de la population).
Le projet de nation arabe échoue parce que le parti se divise en deux moitiés (irakienne et
syrienne) qui se font la guerre. Al-Assad parvient par contre à instaurer un régime autoritaire
grâce à la transformation profonde du parti par laquelle il met au pouvoir sa famille, son clan,
verrouillant petit à petit toutes les institutions de l’État. Il crée également un service de
surveillance, le service des moukhabarat, des agents surveillant la population.
C’est un régime de terreur et de peur, et Assad n’hésite pas à écraser dans le sang toute
opposition. En 1982, à Hama, entre 20 000 et 40 000 personnes sont tuées ; les Frères
musulmans auraient fomenté un coup d’État dans cette ville sunnite. Le massacre n’a cependant
pas été médiatisé parce qu’il a eu lieu en même temps que celui de Sabra et Chatila.
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III. L’Irak
L’Irak a une histoire similaire à la Syrie puisqu’il a également connu une période de grand
trouble et d’instabilité politique. En 1952, un soulèvement populaire (on parlait déjà d’intifada)
a lieu contre la monarchie et met le gouvernement de Nouri al Saîd à la tête du pays.
La Crise de Suez fait sentir son impact dans tout le monde arabe puisqu’elle déstabilise le
pouvoir en place, ce dont profite le général Qassim pour y monter en 1958 et nationaliser le
pétrole, au grand dam des Américains. Il se lance dans un plan agricole finalement inadapté au
pays, parce qu’il est inspiré par l’Union soviétique.
En 1963, un coup d’État met le parti Baath au pouvoir en Irak : Ahmad Hassan al-Bakr
devient président en 1968 avec Saddam Hussein (1937-2006) comme Premier ministre. En
1979, ce dernier écarte al-Bakr et prend les rênes du pouvoir.
Dès son accession au pouvoir, il purge le parti de ceux qu’il considère comme des obstacles à
son pouvoir, de manière aléatoire mais stratégique, favorisant les sunnites (son clan) au pouvoir,
et montrant ainsi à tout le monde qui est le chef. Le régime est instauré par la peur.
D. Médias et nationalisme arabe : la presse écrite arabe
I. Naissance du métier de journaliste en Orient
La nouvelle profession de journaliste s’instaure. Elle est remplie par des intellectuels
cosmopolites imprégnés à la fois de la philosophie des lumières et de la philosophie arabe.
Dans les années ’50, les radios portatives se répandent et la Voix des Arabes diffuse les
discours de Nasser et les chansons d’Oum Kalthoum « de sorte que la voix de Nasser, émise
depuis le Caire, puisse être entendue jusque dans les Aurès en Algérie » (Elias Khoury) ; cela
forme une génération de nationalistes arabes.
II. Exemples de presse panarabe
Al Hayat est un journal fondé en 1946 au Liban. Fermé suite à la guerre civile libanaise, il est
relancé dans les années ’80 grâce à l’argent des pays du Golfe. Sa diffusion est estimée à 100
000 exemplaires par jour et il est de tendance pro-américaine pro-saoudienne.
Fondé en 1989, Al Quds al-arabi est un journal de propriétaires palestiniens. Il critique tous
les régimes autoritaires qui ont émaillé la fin du 20ème siècle, et plus particulièrement les
monarchies saoudienne et jordanienne ainsi que l’Égypte de Moubarak, notamment pour leur
soutien à Israël ou leurs relations avec les États-Unis. Le journal refuse la mainmise
occidentale et est très prisé par les intellectuels arabes.
Al Sharq al awsat est imprimé simultanément dans douze villes sur quatre continents et a été
fondé à Londres en 1978, sur financement saoudien. Il est distribué à la fois au Moyen-Orient
et en Afrique du Nord et est le journal international des arabes.
11
III. Liberté de la presse
D’après un sondage, 79% de la presse du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord est totalement
contrôlée. En Syrie par exemple, Teshreen est à la botte du régime d’Al Assad, comme la
Presse tunisienne l’était sous Ben Ali. Cela reflète l’état politique des pays autoritaires.
Créée en 1996 et basée au Qatar, la chaîne Al Jazeera propose un journalisme s’intéressant à
la politique arabe sans regard biaisé, la véritable voix de l’actualité avec une opinion
objective. La chaîne recrute des journalistes de la BBC, de CNN mais aussi de nombreux
journalistes locaux. Elle est devenue célèbre en 2001 lorsque Ben Laden y a lancé son message
et propose depuis 2006 une version anglaise.
E. Conclusion et questionnements
Avec l’instauration des régimes autoritaires, les Arabes ont échoué dans leur projet
nationaliste. Les États postcoloniaux sont marqués par ces régimes autoritaires et posent de
nombreuses questions :
Sommes-nous dans un dérèglement d’ordre international qui questionne les Étatsnations ?
Doivent-ils être reformulés ?
Avec la montée de l’Islamisme, sommes-nous dans un retour du religieux parce que le
projet d’État arabe a échoué ?
Le phénomène de l’État islamique est-il la conséquence de cet échec ?
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4. La guerre libanaise : paradigme de la guerre civile dans le monde arabe ?
A. Le Liban sous mandat français et le système confessionnel
En 1920, c’est la naissance de l’état libanais qui est placé sous mandat français jusqu’en 1943.
Ces derniers avaient pour « mission » de mettre en place les institutions de l’état. En 1926, on
met en place une république parlementaire à démocratie confessionnelle avec une assemblée
générale basée sur le recensement effectué par les français en 1932. Les français avaient le désir
de créer un état majoritairement chrétien. Les résultats du recensement donneront une
proportion de 5 sièges musulmans pour 6 sièges chrétiens. Ce recensement de 1932 définira
également les députés régionaux, il sera alors demandé aux libanais de retourner dans leur
région d’origine pour aller voter.
Au même moment, dans le sud du Liban, on voit apparaitre la création d’un foyer national Juif.
En 1936, l’indépendance de la République libanaise est reconnue par un traité signé avec les
Français, elle sera proclamée officiellement en 1941 et effective en 1943 → indépendance qui
se passe en douceur avec Bichara El Khoury (le président d’origine maronite) et Riad El Solh
(1er ministre sunnite). Les français voulait se débarrasser de cette « colonie » car elle leur coutait
cher et ne le rapportait que très peu, ils partent donc en laissant derrière eux un système
confessionnel vicieux.
B. Le pacte national de 1943
Ce pacte oral fera référence de constitution, il est prononcé par les dirigeants politiques qui
décide de partager le pouvoir entre chrétiens et musulman avec comme intérêt commun la
libération du Liban de la présence française.
C’est la conclusion d’un accord non signé entre le président de la République Béchara alKhoury (maronite) et le Premier ministre Riad al-Solh (sunnite). Les portefeuilles ministériels
seront aussi divisés en fonction des appartenances confessionnelles.
N.B. : c’est que les USA tenteront par la suite d’instaurer aussi en Irak mais sans succès
C. La première guerre israélo-arabe et ses conséquences
La première guerre israélo-palestinienne place la région dans une situation sensible. La
première influence de ce conflit sur l’état libanais sera l’arrivée massive de réfugiés palestiniens
(plus de 100 000) en 1948 qui vont commencer à s’entasser à la frontière en attendant la
résolution du conflit. C’est la naissance du problème des réfugiés palestiniens, ce que l’on
appelle la Nakba palestinienne.
Cette crise se passe 5 ans seulement après la constitution → l’arrivée massive de musulman
sunnite met en péril l’équilibre fragile de ce système confessionnel, c’est pourquoi les réfugiés
vont se voir refuser la nationalité libanaise. On va donc créer des camps de misère le long de la
frontière et dans les villes.
Les réfugiés palestiniens chrétiens se verront quant à eux attribué la nationalité → traitement
sélectif dans l’octroi des statuts.
On voit se consolider l’identité nationale libanaise face à cette crainte du problème palestinien,
de l’ennemi palestinien.
13
D. La crise de 1958
On assiste à la montée des tensions et à partir de mai 1958, insurrection des masses urbaines
pronassériennes. Les discours de Nasser circulent dans la rue et sont entendues par les
populations libanaises arabes. Mais une grande partie de la population chrétienne qui se sent
quant à elle libanaise phéniciennes et non arabe va venir affronter les musulmans de Beyrouth.
C’est le déclenchement de la guerre civile entre les libanistes (chrétiens) et les arabistes
(pronasser). Chamoun obtient le débarquement de 15 000 marines américains à Beyrouth pour
contrer l’insurrection.
Entre 1958 et 1975, le Liban va connaitre deux décennies de période économique glorieuse
grâce notamment au secret bancaire → reçoit de l’argent du golfe → blanchissement d’argent,
clientélisme,...
En 1967, une nouvelle vague de réfugiés arrivent → naissance du mouvement de Fédayins avec
la division du Liban entre pro et anti palestinien
F. Des partis à tendance confessionnelle
• Les formations chrétiennes :
- Phalanges ou Kataëb : Pierre Gemayel (maronite) en 1936 → influence du modèle nazi
quant à la discipline mais pas quant à l’antisémitisme
- Parti National Libéral : Camille Chamoun en 1958.
→ Les deux formeront le Front Libanais (1976) puis Forces libanaises qui s’opposent
aux formations musulmanes et gauchistes mais ne sont pas réellement militairement unifiés
• Les formations musulmanes et de la gauche :
Quinzaine d’organisations politiques → Mouvement National Libanais
• L’Armée libanaise :
A toujours tenté de pacifier le conflit interne et ne s’impliquera pas avant été 1983
(Guerre de la Montagne) et le détachement d’une branche pro palestinienne
G. Les causes de la guerre civile :
I. La question palestinienne
La présence des réfugiés palestiniens a fortement déstabilisé le pays mais pas de façon
volontaire. La réelle cause de cette déstabilisation est la mauvaise gestion du problème
II. L’ambigüité de l’arabisme (laïque ou musulman ?)
Conflit qui porte sur la définition même du Liban
III.
L’ambigüité
du
Pacte
National
(confessionnalisation
du
système)
IV. La diversification des allégeances (des communautés tournées vers des régimes
« amis »)
Sunnites sont de tendances pro saoudienne
Les chrétiens sont plus pro israélien, pro français et fortement tourné vers l’Occident
Les chiites sont plus pro iranien
G. Arabisme musulman VS Libanisme chrétien ?
Entre 1975/76, on assiste au premier épisode de la guerre civile, les chiites se sentent
marginaliser, proche des palestiniens dans leurs malheurs et leur « non espoir » de futur face à
des populations sunnites et chrétiennes riches. C’est en quelque sorte la revanche du paysan
face au bourgeois.
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H. La guerre civile libanaise : une guerre des minorités
Elle oppose :
Musulmans : se perçoivent dans le cadre de l’arabité et l’Islam.
Chrétiens : affirmeraient une identité libanaise, mythifiée tirant ses origines des
Phéniciens.
Les chiites vont s’armer et vont commencer à former des milices
En 1976, il y a une ingérence arabe et syrienne dans le conflit avec Hafez El-Assad au nom de
la pacification du territoire. La guerre se transforme peu à peu en guerre confessionnelle et
sociale.
En 1978, on glisse dans le chaos total → fragmentation du territoire, déplacement de population,
ingérence nationale et internationale
Cette guerre sera très médiatisée, très vite Beyrouth devient le symbole du chaos
I. L’invasion israélienne de 1982
« Opération paix en Galilée » : Collaboration de l’Armée du Liban Sud (israélienne) et du Front
Libanais (avec à sa tête avec l’Israël Defense Forces (avec à leur tête Ariel Sharon).
Beyrouth est piloné et après un siège de plusieurs mois on assiste à la Défaite de l’Organisation
pour la Libération de la Palestine qui sera évacuée en août 1982 sous la protection des Forces
multinationales, de Beyrouth vers l’Iran où sera créé en Juin 1982 le Hezbollah (soutenu par
l’Iran).
J. Sabra et Chatila 1982
Au mois de septembre 1982, Béchir Gemayel (chef de la milice chrétienne) est élu président de
manière non démocratique → la gauche libanaise et les partis pro palestiniens sont très amère
→ le 16 septembre, l’immeuble de son quartier général et bombardé et il meurt dans l’attaque.
Au même moment, les troupes israéliennes pénètrent à Beyrouth-ouest et encerclent les camps
de Sabra et Chatila et laissent les unités des Forces libanaises, massacrer la population
palestinienne (16-18 septembre). Durant 3 jours, ils massacreront, ainsi, femmes, enfants et
vieillards puisque les combattants avaient été évacués en aout. Ces massacres seront fortement
couverts médiatiquement et déclenchent des manifestations même au sein d’Israël.
« Sans doute j’étais seul, je veux dire seul Européen avec quelques vieilles femmes
palestiniennes s’accrochant encore à un chiffon blanc déchiré, avec quelques jeunes fedayyin
sans armes,. Mais si ces cinq ou six êtres humains n’avaient pas été là, et que j’ai découvert
cefe ville abafue, les Palestiniens horizontaux noirs et gonflés, je serais devenu fou » → Jean
Genet Quatre heures à Cha,la
K. La guerre de la Montagne 1983 : druzes vs maronites
Après cet évènement et le départ des troupes israéliennes, on assiste à la revanche des druzes
sur les maronites durant la guerre de la Montagne. C’est une réelle épuration ethnique de la
population chrétienne qui vivait dans les montagnes.
L. Les accords de Taëf
La guerre se termine officiellement le 22 octobre 1989 avec la réunion de 62 députés à Taëf
(Arabie Saoudite). C’est un projet en 4 parties :
- principes généraux et les réformes : que doit-on faire pour que le Liban survive
- extension de la souveraineté de l’État libanais sur la totalité de son territoire
- libération du Liban de l’occupation israélienne
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- relations libano-syriennes : légitimation de la présence syrienne sur le territoire
libanais
Cet accord prévoit :
- Rééquilibrage du pouvoir exécutif au profit du Conseil des ministres sous la présidence
d'un sunnite
- Élargissement du Parlement sur une base paritaire entre chrétiens et musulmans
- Abolition du confessionnalisme politique progressivement.
M. Conclusion
Une guerre toujours présente sur la scène politique : le passé reste très présent
Polarisation du Liban avec les mouvements du 14 mars (pro Hakiri) et du 8 mars (pro
Hezbollah)
Impact de la guerre syrienne
Liban paradigme de la guerre civile? Pouvons-nous dire que la guerre civile libanaise est le
modèle pouvant nous aider à comprendre les guerres civiles du monde arabe comme celle de
Syrie ?
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5. L’Arabie Saoudite
A. Introduction
À l’origine, la péninsule arabique n’était pas contrôlée en son centre par les Britanniques, qui
ne s’intéressaient alors qu’aux chemins menant aux Indes. Ils découvrirent les premiers puits
de pétrole au début du 20ème siècle sur les côtes iranienne et irakienne, puis sur l’ensemble
du pourtour du Golfe persique. La Grande-Bretagne y imposa des concessions tandis que le
pétrole gagnait en importance et remplaçait petit à petit le charbon, jusqu’à la Seconde Guerre
mondiale. Dans la péninsule arabique, le regroupement des compagnies pétrolières (qui seront
plus tard nationalisées) était appelé « les Sept Sœurs ».
B. Émergence de l’État saoudien
I. Passé britannique et arrivée des États-Unis
Jeune nation en cours d’industrialisation au contraire de la Grande-Bretagne, les États-Unis
avaient hérité de l’exploitation de l’Arabie Saoudite de la part des Britanniques qui n’y
avaient pas trouvé de pétrole. Il était en fait enfoui très profondément et les États-Unis
découvrirent plus tard le plus grand gisement de pétrole du monde ; l’Arabie Saoudite détient
en effet le quart des ressources pétrolières mondiales.
II. Famille royale
Le pays porte le nom de la famille Al Saoud, une tribu du Najd. Alors que la péninsule arabique
n’était pas encore organisée en États, les Al Saoud régnaient déjà sur plusieurs territoires selon
les alliances. En 1744, la famille s’allie avec le réformiste musulman Abdelwahhab pour
asseoir et légitimer son autorité. Ce dernier est le fondateur du wahhabisme.
L’Islam est en effet divisé en de multiples branches : le sunnisme, le chiisme et le soufisme.
Chiites et soufites sont duodécimains, tandis que les sunnites sont dotés de quatre écoles de
jurisprudence :
→ L’école hanbalite est la plus rigoriste et la plus traditionaliste.
→ L’école chaféite (Inde et Indonésie).
→ L’école malikite (Maghreb, Afrique de l’Ouest).
→ L’école hanafite est la plus ancienne et se retrouve surtout chez les musulmans non
arabophones.
Le wahhabisme est de l’école hanbalite : il prône le retour aux sources et une lecture
littéraliste des écrits religieux.
III. Structure politique et religieuse
L’alliance peut donc être qualifiée d’alliance entre le livre et le sabre. Les Al Saoud tenteront
à trois reprises de reprendre les lieux saints de l’Islam : en 1744, en 1815, et, avec succès, en
1932.
Les Britanniques interviennent alors dans le jeu politique en leur venant en aide jusqu’à la
création de l’état saoudien à travers deux pouvoirs :
Un pôle exécutif incarné par la famille régnante et son premier roi, Ibn Saoud. Il
décide d’arrêter la conquête au grand dam de ses alliés, qu’il éliminera pour réduire au
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silence leur contestation. Pour canaliser les tribus conquises et pacifier ses relations, Ibn
Saoud eut énormément de femmes (une trentaine). En conséquence, la famille royale
saoudienne est aujourd’hui composée de 15 000 membres, ce qui donne lieu à un jeu
politique très développé.
Un pôle religieux, primordial en Arabie Saoudite. Il est incarné par le Conseil des
Oulémas, composé des cent Oulémas les plus instruits du pays, désignés par le roi. Les
Al Saoud composent donc avec ce conseil qui doit appuyer les décisions prises par le
pouvoir.
C. Une légitimité économique
I. L’importance du pétrole
Le fondement de la légitimité des Al Saoud au pouvoir reste cependant la matière économique.
Ibn Saoud réalise un coup de maître en s’alliant avec les Américains et mettant ainsi en place
une concession pétrolière américaine en Arabie Saoudite avant même la création de l’État,
de sorte que les dividendes rentreront plus tard en son sein. Il faut cependant noter que le pétrole
n’avait à l’époque qu’une valeur minime avant d’exploser à la fin des années ’30.
L’autre source de revenus pour le pays était la taxe qu’il imposait aux pèlerins qui se rendaient
à la Mecque et à Médine.
En 1973 éclate la Guerre du Kippour, l’offensive des pays arabes en Israël le jour du Yom
Kippour, jour de jeun. C’était là la réponse des arabes à la Guerre de Six Jours, la pénétration
israélienne en Égypte. La question de la Palestine émerge alors dans le contexte international,
l’O.P.E.P. (Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole) crée un embargo en limitant ses
quantités d’exportations, provoquant ainsi la montée des prix et donc le gonflement du budget
étatique saoudien.
Le « trop-plein » d’argent sera placé dans des fonds souverains, des fonds de placements
détenus par de l’État. Les pays du Golfe détiennent aujourd’hui environ 2000 milliards de
dollars, ce qui leur permet de fixer le prix du baril aussi bas.
II. Un État rentier
En 1973, l’Arabie Saoudite devient un véritablement État rentier, soit un État qui se passe de
toute taxation et dépend de l’exportation d’une seule ressource : ici, le pétrole ; pour le Qatar,
le gaz de schiste. Elle doit donc en fixer le prix et dépend énormément de la demande mondiale
; la demande de la Chine qui a explosé ces dernières années a donc permis une rentrée
importante pour les budgets des pays du Golfe. Ces pays réinvestissent l’argent dans des
constructions urbanistiques ou des zones franches où aucune taxe n’est en vigueur.
Des théoriciens parlent du pacte social saoudien, soit le processus qui désigne l’échange de la
dépolitisation des nationaux contre un État qui ne les impose pas et prend soin d’eux, un État
paternaliste qui leur offre par exemple l’accès gratuit à la santé, des loyers prohibitifs, des
bourses d’études, etc. Les Saoudiens n’ont dont pas voix au chapitre : il n’y a ni élections, ni
partis.
Les États du Golfe sont le premier employeur dans leur pays : le Qatar, par exemple, emploie
80% de ses 300 000 travailleurs. L’Arabie Saoudite a tenté de s’émanciper du commerce
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exclusif du pétrole en industrialisant son pays, sans réel succès cependant puisqu’il n’y a
toujours pas de taxe pour les nationaux (mais bien pour les étrangers).
D. Conclusion
La construction nationale saoudienne s’est donc faite avec la religion mais le pétrole reste un
facteur important ; les Al Saoud ne disposent toujours pas de l’assise qu’ils souhaiteraient avoir.
L’Arabie Saoudite est le seul pays du Golfe à ne pas disposer de Constitution, elle base toute
sa loi sur le Coran. La famille royale est aujourd’hui fortement critiquée, souvent à l’intérieur
du pays, mais aussi à l’extérieur, par Al-Qaeda notamment : Ben Laden s’opposait à eux
puisqu’ils s’étaient alliés aux États-Unis lors de la Première Guerre du Golfe pour combattre
Saddam Hussein, rejetant là sa proposition d’alliance.
19
6. La question de la Palestine
La question palestinienne dure depuis 1948 et n’est toujours pas résolue. Ce conflit soulève
beaucoup de réactions et d’émotion dans le monde entier.
A. Chronologie
I. La période ottomane (1882-1916)
II. Le mandat britannique (1917-1948)
III. Le mouvement national palestinien (1949-1959)
IV. L’organisation de libération de la Palestine (1964)
V. Le Hamas (2001)
B. L’ère ottomane
I. La politique des familles
Sous l’Empire ottoman, la Palestine est dominée par des grandes familles qui disposent du
pouvoir et collectent les taxes. Les Nashashibis, Khalidis et al-Husseinis puisent leur autorité
dans des liens religieux, économiques et intellectuels et l’appliquent dans les grandes villes et
dans les régions. Cette élite, formée dans des écoles de missionnaires et présente quasiment
depuis la fin des croisades, détient les capitaux : ce sont des commerçants, des hauts
fonctionnaires et des propriétaires descendants du prophète et sunnites. Ils disposent donc d’un
background intellectuel, d’un statut économique et accordent une certaine importance à
l’aspect religieux.
II. Politique ottomane
L’Empire ottoman ne possède pas de colonies mais plutôt des délégations. L’autorité
impériale supérieure compose avec l’élite locale qui dispose d’un pouvoir équivalent dans
ses propres terres. En réalité, les frontières actuelles n’existent pas et le territoire est divisé en
provinces et sous-provinces dans lesquelles il est facile de circuler. Malgré tout, des identités
naissent et l’Empire se divise à la fin de la Première Guerre mondiale entre Palestiniens,
Libanais, Syriens, etc.
III. Déclaration Balfour
En 1917, le Lord Balfour adresse une lettre contradictoire au Lord Rotschild. En effet, il y
promet d’une part aux sionistes la fondation d’un État national juif en Palestine mais d’autre
part, il écrit que rien ne portera atteinte aux populations non juives déjà installées. Or, il est
impossible d’accorder un État territorial à une nouvelle population alors qu’une autre y est déjà
installée. Les tensions naissent ainsi entre les indigènes chrétiens, musulmans et juifs et les
Juifs qui font leur allia, leur retour à la terre promise.
C. Mandat britannique
La période du mandat britannique peut être découpée en trois périodes : 1917-1930, 1931-1939
et 1940-1948.
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I. Première période : de 1917 à 1930
Alors que la Déclaration Balfour a eu lieu en 1917, le premier Livre Blanc, dit « de Churchill
», est rédigé en 1922. Ce livre contient des recommandations destinées aux Arabes palestiniens
pour améliorer la situation et éviter les soulèvements contre l’établissement du nouveau foyer
national juif.
Après de nouvelles émeutes et conflits entre Arabes et Juifs en 1929, un deuxième Livre Blanc
sort en 1930. Les Britanniques y émettent des doutes quant à la poursuite de l’implantation juive
en Palestine et souhaitent offrir du travail aux Arabes pour les calmer. Cependant, les Juifs font
pression sur les Britanniques et obtiennent l’annulation du deuxième Livre Blanc en 1931.
II. Deuxième période : de 1931 à 1939
Au début des années ’30, l’Europe connaît une montée du nazisme, de la xénophobie et de
l’antisémitisme. Du côté de la Palestine, les tensions reprennent entre Arabes, Juifs et autorités
mandataires ; les premières révoltes ont lieu en novembre 1935 et entraînent la mort de l’imam
Izz A-Din al-Kassam. Une Grande Révolte arabe s’amorce alors en 1936.
Celle-ci n’a d’abord pas lieu dans les grandes villes ; elle ne concerne pas les familles mais est
plutôt une révolte de paysans. Ils sont cependant soutenus par beaucoup et par des notables
notamment qui portent le keffieh, la coiffe traditionnelle des paysans arabes devenue symbole
du combattant, pour démontrer leur appui. Les Arabes boycottent les produits juifs et
britanniques, organisent des grèves générales et n’utilisent plus les transports appartenant à des
sociétés britanniques. Le nationalisme palestinien grandit.
Pourtant, les grandes familles demeurent aux côtés de la Grande-Bretagne et collaborent
avec :
→ Les Nashashibis remplissent des fonctions politiques et sont des leaders économiques.
Raghib al-Nashashibi a été maire de Jérusalem à partir de 1920.
→ Les al-Husseinis exercent une grande influence politique sur Jérusalem et sur Jénin. De
plus, ils forment l’élite religieuse via leur fondation pieuse et les imams. Hajj Amin alHusseini a été Grand mufti de Jérusalem entre 1921 et 1937.
→ Les Khalidis forment l’élite politique et intellectuelle. Rashid Khalidi, un descendant,
est professeur à l’Université de Columbia ; sa lignée est spécialiste de l’étude de la
Palestine.
III. Troisième période : de 1940 à 1948
Lors de la Seconde Guerre mondiale, les Anglais perdent beaucoup d’hommes : ils sont affaiblis
et posent la question de leur mandat au Proche-Orient. De plus, les Français libèrent en 1943
les Libanais après avoir réalisé que leur colonie leur coûtait trop cher. Dévastée après la guerre,
la France divisée se transcrit dans ses colonies et de Gaulle encourage les Libanais à prendre
leur indépendance. Dans le même temps, le nationalisme arabe et ses idées progressent ;
plusieurs groupes opposés au projet sioniste déclarent l’arabité de la Palestine.
La communauté internationale joue un rôle important pendant cette période. L’Organisation des
Nations Unies fraîchement formée fait progressivement reconnaître la naissance de l’État
israélien. En 1947, elle propose le partage de la Palestine en deux États aux territoires
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morcelés. La nouvelle Palestine arabe compterait la Galilée occidentale (et son accès à la mer),
la Cisjordanie (sauf Jérusalem), et la Bande de Gaza. Les Arabes refusent le plan et des
violences éclatent.
Les Britanniques se retirent de la Palestine et la fin de leur mandat, le 5 mai 1948, correspond
au début d’une première guerre israélo-arabe jusque janvier 1949 qui verra la défaite des
Arabes et la signature d’armistices. La Palestine est alors engloutie, entre 750 000 et 900 000
habitants fuient leur pays dans un exode qui sera baptisé Nakba (catastrophe). Le territoire est
à nouveau découpé et les Palestiniens passent sous dominations étrangères diverses
(israélienne, égyptienne, jordanienne). Le mythe de « la terre sans peuple pour un peuple sans
terre » et la vision des Israéliens comme David face au Goliath arabe s’effondrent et s’inversent.
Les Israéliens deviennent de plus en plus sécuritaires et s’enferment dans une véritable
bulle.
Des camps, notamment au Nord du Liban, sont créés pour accueillir les réfugiés de la Nakba.
À Deyr Yassin, en Galilée, une population est massacrée par les sionistes en 1948. L’évènement
est diffusé ; les départs sont précipités et donnent lieu à une escalade du conflit. L’UNRWA,
l’association d’aide aux réfugiés palestiniens, tente de remplacer dès 1949 l’État inexistant au
Liban, en Jordanie et en Syrie.
D. Mouvement national palestinien
I. Formation
Le mouvement national palestinien se forme dans l’exil, il est un mouvement de lutte pour la
libération de la Palestine. Le M.N.A. (Mouvement national arabe) naît à l’Université
américaine de Beyrouth, sous la domination de chefs arabes. George Habache fonde le
F.P.L.P. (Front populaire pour la libération de la Palestine), un mouvement bien plus radical et
armé dont les guérilleros sont appelés les fidayyins. Dans les années ’50, Nasser crée des
camps à Gaza, alors administrée par l’Égypte, pour y former des combattants palestiniens ;
cette jeunesse révolutionnaire part également à Cuba et au Viêt-Nam.
II. Deuxième guerre israélo-arabe ou Crise du canal de Suez
Le canal de Suez appartenait aux Français et aux Britanniques et leur rapportait d’énormes
revenus alors que l’Égypte nassérienne était un pays divisé entre de très riches propriétaires et
des populations très pauvres. Pour pallier aux problèmes financiers égyptiens, Nasser
entreprend de construire le barrage d’Assouan. Il fait appel à la banque mondiale pour lui
fournir les fonds nécessaires ; celle-ci accepte avant de se rétracter à cause de la guerre froide
et de la méfiance envers les positions de l’Égypte dans le conflit.
En 1956, Nasser donne un discours et annonce la nationalisation du canal de Suez. Le 26
juillet, il déclare la guerre à la France et à la Grande-Bretagne, impliquant là les combattants
palestiniens sous son égide. En octobre, Anthony Eden (Premier ministre britannique), Guy
Mollet (président du Conseil en France) et Ben Gourion (Premier ministre israélien) signent
des accords secrets à Sèvres et planifient une offensive aérienne d’Israël en Égypte appuyée par
un débarquement au sol de la France et la Grande-Bretagne. Cependant, Dwight Eisenhower
et Nikita Krouchtchev s’opposent à cette opération, ce dernier étant exaspéré par l’attitude
omnipotente européenne.
22
III. Conséquences
Le Tiers-Monde émerge et le monde se divise en deux blocs. La crise de Suez est le signe du
déclin définitif de l’époque colonial car elle marque l’échec des Européens alors qu’a également
lieu la guerre d’Algérie. Nasser en sort comme héros et leader du monde arabe après avoir tenu
tête aux puissances coloniales malgré sa défaite sur le champ de bataille. Le concept de
nassérisme, de nation arabe, africaine, musulmane, se développe.
E. L’organisation pour la libération de la Palestine
I. Création
Le Fatah (la conquête), avec Yasser Arafat à sa tête, est fondé clandestinement au Koweït en
1959 et donne lieu à la création de l’OLP en 1964. Il ne s’agit pas d’un parti politique, mais
l’organisation présente une volonté de trouver une terre de substitution à celle qui leur a été
enlevée, un territoire recomposé créé dans l’exil. L’OLP se sent investi de la mission d’unir le
peuple éclaté et de se réapproprier la cause palestinienne.
II. Guerre des Six Jours
Le 6 juin 1967, les Arabes se préparent à attaquer Israël qui, bien préparée, frappe des aéroports
jordaniens et égyptiens. Nasser démissionne et les Syriens résistants vaincus se replient vers
Damas. En six jours, Israël annexe beaucoup de territoires et double sa superficie. 10 000
Égyptiens, 6000 Jordaniens et 300 Palestiniens meurent au cours de ce qui sera appelé la Naksa
(humiliation). L’O.N.U. réclame le retrait d’Israël des territoires occupés, tandis que les ÉtatsUnis ne réagissent pas. La défaite donne lieu à une nouvelle vague de réfugiés et à une
radicalisation de la résistance palestinienne. Le nassérisme s’éteint et le terrorisme se justifie
par la libération.
En 1968, l’armée israélienne est attaquée et voit ses chars détruits. Cette petite victoire devient
le mythe de la révolution palestinienne : les corps des martyrs palestiniens sont transportés dans
des convois et l’évènement a beaucoup de répercussions dans la presse arabe.
La quatrième guerre israélo-arabe d’octobre 1973 est la guerre du Kippour, le jour de pardon
pour les Juifs pendant lequel une attaque par surprise est orchestrée par les Égyptiens et les
Syriens. Elle donne lieu à un embargo des Arabes sur les livraisons aux pays qui soutiennent
Isräel et à la démission de Golda Meir, Premier ministre israélien.
III. Années révolutionnaires
Les combattants arabes de l’OLP et du FLN empruntaient des procédés de prises d’otages ou
de détournements d’avions avec des guérilleros étrangers comme les Irlandais de l’IRA, les
Brigades rouges italiennes ou la Fraction Armée Rouge d’Allemagne.
Aux Jeux Olympiques de Munich, en 1972, le groupe Septembre Noir prend en otage des
athlètes israéliens. Il se compose de Palestiniens et d’un Allemand, symboles des libérations
palestinienne et allemande. En 1976, quatre terroristes palestiniens et allemands détournent un
avion d’Air France de Tel Aviv vers la Lybie puis vers l’Ouganda, à Entebbe. Là-bas, les
23
soldats israéliens interviennent et parviennent à sauver les otages, tuant les ravisseurs et 45
soldats ougandais.
La première Intifada a lieu en 1987. Pour la première fois, la résistance palestinienne se
montre
à l’intérieur des terres occupées pour refuser la vie sous administration israélienne. Ce
soulèvement populaire prône la désobéissance civile et coïncide avec la naissance du Hamas,
une résistance islamique qui vise l’anéantissement d’Israël avec la participation des femmes et
des enfants, alors que l’OLP commençait à accepter les négociations.
Après la Conférence de Madrid, réunissant Palestiniens et Israéliens en 1991, l’Intifada se
termine en 1993, avec les Accords d’Oslo. Lors de ces négociations pour la paix, Yasser Arafat
renonce à l’Intifada et Yitzhak Rabin reconnaît l’autonomie du territoire palestinien à créer
sous cinq ans. Bill Clinton fait signer des accords de paix qui seront finalement un échec : la
guerre est maintenant vécue au quotidien.
IV. Hamas
Le Hamas est mouvement créé en 1976 par Sheykh Ahmad Yassin dont la branche militaire
naît en 1988. En 1996, le Hamas s’oppose à Yasser Arafat : la lutte d’influence contre le Fatah
commence. Il participe activement à la seconde Intifada, à partir de 2000 et remporte finalement
les élections en 2006 pour prendre le pouvoir à Gaza.
24
7. La fin des Empires et la Guerre d’Algérie
A. Le contexte favorable de la décolonisation au 20ème siècle
Le monde arabe gagna progressivement son indépendance au 20ème siècle. L’acteur américain
fut le premier à entrer en jeu : juste après la Première Guerre mondiale, il voit d’un mauvais
œil l’entreprise coloniale. En 1918, le président Wilson prononce son discours reprenant les
quatorze points, dans lequel il souligne l’importance du respect de l’intérêt des peuples.
Pendant l’entre-deux guerres, les nationalismes s’affirment. La Seconde Guerre mondiale
accélère ensuite la décolonisation puisqu’elle affaiblit les grandes puissances coloniales comme
la France et la Grande-Bretagne ; ces empires autrefois respectées y perdent de leur prestige.
L’après-guerre (1945-1975) est marqué par la libération successive des territoires coloniaux.
Les colonisés se mobilisent pour cette libération : en Inde par exemple, l’impôt du sang naît.
B. Modèles de décolonisation
I. Décolonisation non violente (Lybie, Syrie)
Ces indépendances sont obtenues assez facilement parce que les possessions coûtaient plus
qu’elles ne rapportaient au pays colonisateur.
II. Décolonisation violente avec troubles (Tunisie, Maroc)
Les colonisateurs emprisonnent les chefs indépendantistes, comme Bourguiba en Tunisie. Ce
dernier accéda au pouvoir un an après l’indépendance et ne le quitta pas pendant 30 ans,
témoignage de l’affirmation des autoritarismes qui suivirent l’époque coloniale.
III. Décolonisation par guerre d’indépendance (Algérie)
Pas réellement nommée (« guerre sans nom, « les évènements), la guerre d’Algérie est niée et
minimisée par la France, alors qu’elle est considérée par les Algériens comme la révolution
suprême pour bouter le colonisateur hors du territoire colonisé.
IV. Décolonisation voulue par le colonisateur (Palestine)
En Palestine où ils sont mandataires, les Britanniques s’en vont suite à l’échec de la création
d’un État arabe.
C. L’étape des indépendances
I. Mouvement progressif
Le mouvement de décolonisation est né en Asie, dans les Indes néerlandaises avec le retrait
du Japon, dans les Indes britanniques avec l’impôt du sang et en Indochine. Il s’est poursuivi
en Afrique du Nord, en Égypte, avant d’atteindre le reste du continent.
25
II. Émancipation du monde arabe
La fin de la Seconde Guerre mondiale marque l’émancipation des pays arabes et
l’indépendance des États-nations : en Syrie et au Liban en 1943 puis en Lybie en 1951. En
Égypte, une république progressiste laïque est mise en place en 1952, avant que le Maroc et la
Tunisie n’obtiennent leur indépendance en 1956. L’Algérie y parvient en 1962.
La période est marquée par des conflits comme la Guerre de Palestine, la Crise de Suez et la
Guerre d’Algérie.
III. La crise de Suez : dernier sursaut impérial
La Crise de Suez est amorcée en 1952 lors du renversement de la monarchie de Farouk Ier
par un groupe d’officiers dont faisait partie Gamal Abdel Nasser (1918-1970). Ce dernier
accède au pouvoir en 1954 et présente un projet pharaonique pour sortir l’Égypte de sa misère
et la rendre au peuple. Élu président en 1956, il veut développer le pays et réclame un prêt à la
banque mondiale pour construire le barrage d’Assouan. Héros panarabe, ses discours sont
entendus partout et il est l’un des fondateurs de la conférence de Bandung en 1955 qui marque
l’entrée sur la scène des pays décolonisés.
Le barrage d’Assouan sortirait, dans son idée, l’Égypte de la pauvreté. Dans un premier temps,
les Américains accordent à Nasser le prêt qu’il réclame avant de refuser, prétextant qu’il serait
allié de l’U.R.S.S. Déçu, le président égyptien annonce le 26 juillet 1956 la nationalisation du
Canal de Suez pour financer la construction et rencontre la liesse populaire. En fait, la
nationalisation a deux objectifs : faire de cette ancienne compagnie privée une compagnie
nationale, mais aussi interdire le passage aux navires israéliens.
Les Français et Britanniques voient ça d’un très mauvais œil. Ils réagissent via les accords de
Sèvres et entérinent la décision d’attaquer l’Égypte, avec la promesse de soutien de l’aviation
israélienne. L’armée égyptienne est vaincue mais la communauté internationale est
mécontente à cause de la volonté de domination mondiale des anciennes puissances coloniales
; ils les obligent à se retirer du canal et Nasser obtient son prêt. Il se positionne dorénavant
comme le héros panarabe par excellence.
D. La Guerre d’Algérie
I. Déroulement
La Guerre d’Algérie s’étend de 1954 à 1962 et a pour but de libérer le pays de 132 ans de
colonisation. Les revendications des indigènes font face à la solide implantation des pieds-noirs,
installés depuis une centaine d’années dans le pays. Ces derniers voient le conflit comme une
guerre civile.
La guerre transforme une société inégalitaire en une société libertaire et oppose une armée
officielle, l’armée française, et une milice, armée irrégulière formée de groupes d’hommes aux
armes légères qui commettent des attentats terroristes pour se libérer : le F.L.N. (Front de
Libération National) et son équivalent en campagne, l’A.L.N. (Armée de Libération
Nationale).
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Le conflit se déroule pendant le développement des Nations Unies et l’Algérie rencontre le
soutien de l’O.N.U. et des États-Unis.
Le F.L.N. a divisé l’Algérie en six provinces pour organiser sa résistance contre l’occupant
qui
était dépassé à cause de la grandeur du territoire que les guérillas connaissaient extrêmement
bien.
II. Opinions
Lorsque la guerre commence, la population en France métropolitaine n’est pas concernée par
le conflit et offre plutôt du soutien aux revendications indépendantistes. Certains rêvent encore
de grandeur et souhaitent garder l’Algérie comme département. L’opinion est divisée entre
progressistes et colonialistes et un référendum est lancé par le Général de Gaulle. Les piedsnoirs se révoltent contre les musulmans et le gouvernement français.
Frantz Fanon, psychiatre et élève d’Aimé Césaire, fait (dans son livre Les Damnés de la Terre)
l’apologie de la violence pour la libération des peuples, alors que Sartre fait quant à lui
l’apologie du terrorisme. Fanon est le théoricien du F.L.N., qui propose un cessez-le-feu à la
France si elle rencontre ses revendications d’indépendance, d’indivisibilité, de libération et
de reconnaissance du statut de représentant du peuple algérien.
III. La torture en Algérie
La torture ne peut être séparée d’une logique de domination en contexte colonial. Elle tire
notamment son origine du désastre et de l’humiliation de Dîen Bîen Phu, en Indochine, et de
la Seconde Guerre mondiale ; certaines techniques seront d’ailleurs inspirées des Nazis. De
plus, le F.L.N. est vu comme une dérive du communisme et la rébellion rappelle la guerre
révolutionnaire indochinoise. La torture est donc utilisée pour extorquer des informations et
rappeler qui est au pouvoir.
En 1955, des textes cautionnent l’usage de la violence sous prétexte d’une « guerre totale »,
les rares plaintes pour violence sont découragées et classées sans suite. Certaines techniques
sont exportées par la France en Amérique du Sud, en Argentine par exemple. Vers 1957, la
torture devient un élément central du conflit : elle est au cœur du système répressif (même si
les actes de torture commis sur les Algériens ne sont pas exceptionnels avant et après 1957).
Les Français sont mis au courant de cette problématique par Henri Alleg, un professeur
communiste favorable à la révolution algérienne et auteur du livre La Question, rédigé et édité
clandestinement. Soupçonné de collaboration, il a fait l’expérience de la torture qu’il décrit
dans son livre dans toutes ses techniques :
les coups ;
la baignoire, en maintenant la tête sous l’eau ou en mettant un tuyau dans la bouche
jusqu’à l’étouffement ;
l’électricité ou gégène ;
la pendaison, où l’interrogé était suspendu en l’air avec les poignets au dos ;
le viol, une pratique longtemps tue mais qui met en évidence la domination coloniale.
Le colonisé est violé, humilié, par le colonisateur, viril. La victime est par là plusieurs
fois torturée :
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→ la victime musulmane est humiliée ;
→ l’entourage et la famille ont honte ;
→ elle subit la torture physique et mentale des soldats mais aussi de son propre
clan.
Par ces techniques, les Français ont pu démanteler des réseaux mais ils n’ont finalement pas
réussi à empêcher l’indépendance.
IV. Indépendance de l’Algérie
En 1962, la décolonisation de l’Algérie marque pour la France la chute de sa domination
coloniale. Humiliée, elle voit le retour de ses combattants vaincus et des centaines de milliers
de pieds-noirs. Elle est marginalisée dans les relations internationales puisqu’elle n’a obtenu
que très peu voire pas de soutien international dans sa lutte. L’O.A.S. (Organisation Armée
Secrète) reprend les techniques du F.L.N. pour les pieds-noirs réticents à s’en aller avant que
les accords d’Évian ne reconnaissent enfin l’indépendance de l’Algérie.
V. Vision actuelle, histoire et mémoire
La torture en contexte colonial est occultée : malgré le déploiement de travaux et de
témoignages de tortionnaires et d’anciens torturés, elle doit toujours faire l’objet d’études
croisées franco-algériennes. La commémoration de l’indépendance inquiète en effet les
autorités françaises et le dépôt des cendres du général Bigeard, qui est accusé d’avoir eu recours
à la torture pendant la guerre, suscite des polémiques.
Tout est remis en question, l’action du F.L.N. notamment puisqu’elle a organisé la mainmise
de l’armée sur le politique, l’économique, etc. et a en effet libéré l’Algérie, mais elle a échoué
dans l’instauration d’un État démocratique respectueux des libertés de tous.
L’écrivain Rachid Mimouni pose la question de l’espoir pour un juste milieu après
l’obéissance à l’ancien colonisateur et face à soumission à une nouvelle « administration ».
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9. Autoritarisme dans le monde arabe : la Tunisie
A. La Tunisie sous Bourguiba
I. Introduction
En Tunisie, l’autoritarisme politique s’installe avec Habib Bourguiba, père de l’indépendance
tunisienne, au pouvoir en 1957, et se poursuit avec son ancien Premier ministre et futur
président de la République tunisienne, Zine el-Abidine Ben Ali, de 1987 à 2010.
Située sur la côte nord-africaine entre l’Algérie et la Lybie, la Tunisie sera le paradis des
voyagistes tout au long de sa période autoritaire puisqu’elle était un pays arabe au visage
européen.
Habib Bourguiba (1907-2000) est un militant nationaliste, indépendantiste et anticolonial qui
lutte contre la présence française en Tunisie. Il est très politisé et adhère très tôt au parti du
Destour, parti constitutionnel tunisien avant de s’en défaire et de rejoindre en 1934 le néoDestour, plus moderne.
II. Lutte pour l’indépendance et constitution de la République
Habib Bourguiba s’impose comme le seul leader du mouvement nationaliste tunisien et se
distingue des autres chefs arabes par le fait qu’il pense pour son pays uniquement et ne tombe
pas dans la rhétorique panarabique et anti-occidentale, comme Nasser par exemple. Après
l’indépendance du 20 mars 1956, il ne rejette pas l’ancien colon français et ne tient aucun
discours de haine contre le protectorat français.
Le 25 juillet 1957, Bourguiba évince le souverain Lamine Bey et proclame la république puis
se fait élire président deux ans plus tard. Il a une stratégie à long terme pour la Tunisie, il pense
toujours à l’avenir, ne s’attarde pas sur le passé et a une approche pragmatique de la politique.
III. Le renouveau tunisien : réformes et politique étrangère
La politique de Bourguiba est une politique de modernisation. D’abord, il développe le
système éducatif en construisant des écoles publiques et gratuites ainsi que des universités où
l’accent est mis sur la formation des enseignants pour permettre une éducation de haut
niveau aux Tunisiens. Ensuite, il réduit le pouvoir des chefs religieux et améliore le Code du
statut personnel en abolissant la polygamie. Les nouvelles réformes autorisent le divorce par
la femme et légalisent l’avortement tout en créant un planning familial où la pilule
contraceptive est distribuée gratuitement. Ces décisions progressistes sont révolutionnaires non
seulement dans mais également hors du monde arabe. La Tunisie devient un pays laïc où le port
du voile est interdit dans les écoles et dans les endroits publics.
En termes de politique étrangère, le président tunisien choque le monde arabe de Nasser en
prônant le dialogue avec Israël ; il propose même à l’ONU la création d’une fédération entre
les États arabes de la région et Israël. Cette politique de normalisation des rapports avec
l’ennemi est très critiquée par l’Égypte et d’autres pays arabes qui font exclure la Tunisie de
29
la Ligue arabe. En 1974, une collaboration avec Kadhafi naît avec le projet de créer une
république lybio-tunisienne mais elle n’aboutit pas.
IV. La bataille contre le sous-développement
Bourguiba met en œuvre des stratégies collectivistes pour combattre le sous-développement.
Il nationalise beaucoup de propriétés et met en place un système de coopératives pour remplacer
les circuits commerciaux traditionnels : il n’y a de cette manière plus de concurrence ni de
différences marquées de classes. Dans les années 1970, l’État tunisien dirige jusqu’à 80% de
l’économie du pays.
V. Mise en place du régime autoritaire
Habib Bourguiba a mis en place un régime autoritaire dès 1975. Il réforme la Constitution pour
recevoir le titre de président à vie et proclame le Premier ministre comme seul successeur
possible pour éviter toute opposition. En 1976, l’U.G.T.T. (Union générale tunisienne du
travail), syndicat important qui constituait un contrepouvoir au régime et à son parti unique, est
coopté et devient collaborateur du régime.
VI. Le temps des crises et la fin du règne autoritaire
Dès les années ’80, le régime Bourguiba entre dans une période de crises politiques, sociales
mais également économiques malgré la libéralisation. Si la crise et l’inflation est générale dans
tout le monde arabe, elle déstabilise particulièrement le pouvoir en Tunisie et est due au
clientélisme (le fait de nommer des partisans, des clients, aux postes importants du pays, soit
d’acheter des voix), à l’âge avancé de Bourguiba, son état de santé instable et les conflits
qu’ils entraînent à propos de sa succession
En effet, après près de trente ans de pouvoir, le président vieillit et devient sénile. En 1987, Zine
el-Abidine Ben Ali profite de la Constitution qui prévoit la transmission du pouvoir au Premier
ministre en faisant un coup d’État médical. Il ne fait pas appel à l’armée pour destituer le chef
d’État mais utilise son médecin personnel pour l’écarter du pouvoir grâce à un certificat de noncapacité de gouverner.
VII. Bilan
Si son programme politique a commencé avec le libéralisme et la laïcisation de la société
tunisienne, Habib Bourguiba a connu une fin de règne marquée par des crises profondes et par
la montée de l’islamisme, également observée en Algérie, en Égypte ou au Maroc. L’État a
cependant été modernisé et urbanisé, les prêts à 0% fournis aux Tunisiens leur ont d’ailleurs
permis de devenir propriétaire et d’ainsi créer une solide classe moyenne. L’analphabétisme
a été effacé par la scolarisation et le statut de la femme a été amélioré.
Pour affirmer son autorité, Bourguiba a mis en prison tous les opposants à sa loi et a écarté
tous les partis qui ne répondaient pas à ses valeurs, comme le parti communiste. À l’instar de
Saddam, il a développé le culte de la personnalité en rebaptisant des rues à son nom, érigeant
des statues à son effigie et se faisant construire un immense mausolée en marbre blanc.
30
B. La seconde phase de l’autoritarisme tunisien : Ben Ali
I. La prise de pouvoir
Le 7 novembre 1987, Ben Ali profite de la Constitution pour prendre le pouvoir et se faire le
fils du fondateur de la Tunisie indépendante de manière à ce que personne ne conteste son
autorité.
Sa prise de pouvoir, appelée « la Révolution au Jasmin » offre à certains l’espoir d’une période
nouvelle et démocratique pour la Tunisie. En effet, Ben Ali tient un discours d’ouverture, de
renouveau, dit vouloir instaurer le multipartisme. Il promet des réformes et la lutte contre la
corruption, l’instauration de l’état de droit, l’octroi de libertés publiques et transforme le nom
du Parti socialiste destourien en Rassemblement constitutionnel démocratique.
Dans les années ’80, les mouvements à référent religieux prennent de l’ampleur et parmi eux
le MTI, Mouvement de la tendance islamique, aussi connu sous le nom d’Al-Nadha, avec à sa
tête Rached Ghannouchi. Pour ces partis islamistes, l’Islam est source d’inspiration et de fierté
; leurs interventions commencent par « au nom de Dieu le Clément et le Miséricordieux ».
II. L’affirmation du pouvoir : répression, torture et censure
À la fin des années ’80, Ben Ali laisse une fenêtre d’ouverture aux partis religieux et réactive
le conseil islamique supérieur avant d’avoir des réflexes autoritaires. D’abord, il commet des
fraudes lors de l’élection présidentielle de 1989 qu’il remporte à 99,27%. La porte était
littéralement ouverte à l’intimidation parce qu’il n’y avait pas d’isoloir ni de carte d’électeur
obligatoire.
Les militants islamistes sont alors réprimés, torturés et interdits d’accès à certains emplois.
Rached Ghanouchi, chef d’Al-Nahda, est convoqué puis exilé. En 1989, la mobilisation des
jeunes de la mosquée de la Zitouna (qui rassemble des membres d’Al-Nahda) est cassée par
Ben Ali pour les empêcher d’aller voter.
Un an plus tard, le futur parti unique RCD remporte une victoire totale aux élections
municipales. La chasse aux islamistes se poursuit et plus de 7000 militants sont arrêtés et
emprisonnés entre 1990 et 1991. L’épouvantail islamiste est en fait brandi par plusieurs pays
autoritaires qui, au nom de la lutte contre celui-ci, musellent l’opposition et s’attirent les faveurs
de l’opinion publique via la diffamation dans la presse, la torture. Ben Ali fait ainsi en sorte de
mettre la main sur le pouvoir, anéantissant l’opposition islamiste socialiste, mais il crée des
partis fantoches pour simuler une démocratie et plaire à l’Occident.
Ben Ali obtient deux mandats supplémentaires en 1994 et en 1999, toujours avec plus de 99%
des voix. En 2002, il abroge la loi qui limite le président à trois mandats et allonge l’âge
maximal à 75 ans. Deux ans plus tard, il rempile pour un quatrième mandat en remportant près
de 95% des voix face à trois opposants. En 2005, il promulgue une loi pour l’immunité
permanente au chef de l’État pour tout acte lié à des obligations professionnelles ainsi que
l’immunité judiciaire totale à sa famille après le mandat. En effet, la famille Trabelsi était
considérée comme kleptocrate, c’est-à-dire qu’elle volait à l’État. En 2009, il remporte une
nouvelle fois les élections avec près de 90% des voix.
31
C. La Tunisie sous Ben Ali
Sous Ben Ali, la Tunisie bénéficiait du soutien de la politique européenne, du FMI et de la
banque mondiale. Elle était considérée comme le bon élève grâce à son tourisme développé, sa
laïcité et son combat contre l’islamisme. La politique d’appropriation initiée sous Bourguiba a
été poursuivie sous Ben Ali et a permis à 80% des Tunisiens de devenir propriétaires, 99% de
la population est alphabétisée et le nombre d’internautes passe de 150 000 en 1999 à 3 millions
en 2007. C’est également le premier pays de la région méditerranéenne à signer un accord
d’association avec l’Union européenne qui le considère comme un partenaire privilégié.
Cependant, le clientélisme explose sous Ben Ali et le taux de chômage grimpe à 14,2% en
2008. La population, jeune et éduqué, ne parvient pas à trouver d’emploi et cherche à s’en aller
si l’occasion se présente.
I. Affirmation de l’autoritarisme
Ben Ali réaffirme le système autoritaire, marqué par :
→ la longévité de son mandat
→ le monopartisme du RCD
→ l’absence d’opposition
→ le culte de la personnalité
→ le clientélisme
→ la censure et la surveillance
→ la torture et le harcèlement
→ l’absence de contre-pouvoir
II. Culte de la personnalité
Lors de sa prise de pouvoir, Ben Ali débaptise les rues au nom de Bourguiba et remplace les
portraits de ce dernier par les siens. Pourtant, au contraire de son prédécesseur, il n’a pas de
charisme, de cursus ou de formation universitaire et ne présente aucun véritable projet
politique : c’est l’autocratie brute. Il fait croire que tout l’intéresse, qu’il est moderne et montre
une image dynamique, à l’américaine.
III. Clientélisme
Il développe le clientélisme via et au profit son parti. Aucun non-adhérent du parti ne peut
accéder à un poste de fonctionnaire et les membres, soit un neuvième de la population sont
également protégés des décisions arbitraires de police.
Ben Ali a véritablement pillé l’État tunisien au profit de sa famille et de celle de sa femme,
Leïla Trabelsi, coiffeuse de profession aussi appelée Reine de Carthage. Au côté de son mari,
elle domine un clan mafieux qui s’approprie les richesses de la Tunisie.
IV. Censure, surveillance, torture et harcèlement
La censure et la surveillance doublent sous Ben Ali. Tous les journaux officiels le mettent en
scène et la presse étrangère est contrôlée : le Monde a été censuré en Tunisie et chaque
journaliste étranger était suivi par le régime. La télévision nationale reproduisait 40% des
activités du président.
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France 2 était diffusée dans le pays mais s’arrêtait à l’heure du journal télévisé tandis qu’Al
Jazeera était totalement censurée. Les antennes satellites étaient interdites pour des raisons
d’esthétique car elles « enlaidissaient l’environnement urbain ». Le téléphone et internet étaient
également sous haute surveillance : toute personne soupçonnée d’opposition était espionnée.
Ces abus ont donné lieu à de vives réactions d’Amnesty International, de Human Rights Watch
et du comité contre la torture de l’ONU. Il s’avère en effet que le régime a eu recours à la
torture des milliers de fois, tuant même des dizaines de personnes alors que les tortionnaires
bénéficiaient d’une totale impunité.
V. Absence d’opposition
Toute personne de l’opposition qui pouvait potentiellement retourner sa veste était recrutée
dans le clan du pouvoir. Anciens membres de la Ligue tunisienne des droits de l’homme,
Mohamed Charfi et Saâdeddine Zmerli sont ainsi devenus des ministres de Ben Ali. Dans le
cas contraire, comme Moncef Marzouki, ils étaient arrêtés et exilés.
VI. La Tunisie correspond-elle au modèle autoritaire ?
Philippe Droz-Vincent caractérise l’autoritarisme par la limitation du pluralisme politique,
l’absence d’idéologie politique englobante, de mobilisation politique et de limite claire au
pouvoir du dirigeant. Le système tunisien correspond bien à cette description.
Les possibilités de contestation sont en effet quasi nulles et l’opposition n’est que symbolique.
Ben Ali n’est pas un homme d’idéologie, il applique juste un régime incarné par lui-même et
sa famille. Le gouffre est profond entre les discours du gouvernement et la réalité : Ben
Ali travaille beaucoup ses dehors pour plaire aux occidentaux, en présentant son pays comme
celui des droits de l’homme, de la liberté de la femme et de la laïcité. Le siège de l’Institut arabe
des droits de l’homme se trouve d’ailleurs à Tunis. Il a donc réussi à construire une façade de
politique européenne jusqu’en décembre 2010.
33
10. Contestations, soulèvements et transitions : Les révolutions arabes et
les islamistes à l’épreuve du pouvoir
A. Indicateurs
I. Censure de la presse
La censure de la presse est un indicateur assez pertinent d’un système autoritaire. Dans le
Moyen-Orient et en Afrique du Nord, seulement 5% de la presse ne serait réellement considérée
comme « libre ».
II. Indicateurs économiques et démographies
En 2007, Emmanuel Todd et Youssef Courbage publient Le rendez-vous des civilisations.
Selon eux, il n’y a dans le monde arabe et en Iran aucune autre issue que la révolution. En tant
que démographes, ils y étudient les critères qui justifient leur vision de l’évolution à venir.
→ Une population jeune qui tend à rejeter l’autoritarisme. Plus de la moitié de la
population a moins de 25 ans. Ces jeunes, qui ont suivi un parcours scolaire et
universitaire, ne parviennent néanmoins pas à trouver du travail dans leur secteur et sont
obligés d’accepter des emplois dévalorisants ; il arrive que des ingénieurs travaillent
pour des call center. Ils ne croient plus en ce pouvoir en place depuis des années,
parfois même avant leur naissance : Ben Ali est au pouvoir depuis 1987, Moubarak
depuis 1981 et Kadhafi depuis 1969 ! La jeunesse ne se retrouve pas dans ses dirigeants.
→ Le développement des réseaux sociaux. Internet se développe et offre une voix à tous,
notamment à travers les réseaux sociaux.
→ Le rôle des médias transnationaux. Les médias comme al-Jazeera transmettent les
images de révolution et les diffusent dans le monde entier et dans le reste du monde
arabe plus particulièrement. Ces images de soulèvement incitent les autres qui incitent
les autres populations à faire de même
B. Tunisie
I. Déclenchement
Le 17 décembre 2010, Mohamed Bouazizi s’immole par désespoir. Cet ingénieur obligé de
vendre des légumes pour gagner sa vie se fait arrêter et gifler par une femme policière parce
qu’il n’a pas le permis de vente. Humilié, il s’enflamme de désespoir et devient symbole de la
révolution tunisienne et de toutes les révolutions arabes. Si cette version de l’histoire n’était
peut pas totalement vraie, le monde l’a quand-même retenue comme mythe fondateur.
Zine el-Abidine Ben Ali met en scène une visite à Bouazizi, alors que celui-ci était déjà mort.
Le « geste » a l’effet inverse que celui souhaité par le président : les révoltes s’amorcent d’abord
à Sidi Bouzid, fin décembre, puis dans d’autres villes comme Tunis en janvier. Très vite, les
généraux de l’armée fraternisent avec la population et forcent le départ de Ben Ali en janvier.
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II. Le rôle d’internet
Les hackers d’Anonymous ont joué un rôle important dans la révolution tunisienne, attaquant
des sites du gouvernement et contournant les lois d’internet et les censures de celui-ci. Slim
Amamou, plus connu sous le nom de « slim404 », est un bloggeur tunisien ayant participé à
ces opérations.
La moitié des internautes tunisiens alors inscrits sur des réseaux sociaux en ont profité pour y
faire circuler des informations sur les manifestations, des revendications, des critiques
contournant la censure.
En 2010, Julian Assange se procure des câbles diplomatiques grâce au Sergent Manning et les
diffuse via WikiLeaks. Parmi ces documents, certains proviennent de l’ambassade américaine
à Tunis qui compte parmi ses membres des « rapporteurs » pour le secrétaire d’État américain.
Ces derniers décrivent Ben Ali comme un dictateur corrompu et avide de pouvoir laissant le
pays sous la coupe de sa famille et du clan Trabelsi que l’ambassade américaine qualifie de
mafieux. Wikileaks ouvre les yeux aux Tunisiens en offrant la preuve américaine de ce qu’ils
soupçonnaient.
C. Égypte
I. Chronologie
Depuis la montée au pouvoir de Hosni Moubarak en 1981, l’Égypte connaît une période de
crise économique et une mauvaise éducation, particulièrement dans les campagnes où
l’alphabétisme n’est pas effacé, contrairement à la Tunisie.
Après la destitution de Ben Ali, une journée de la colère s’organise en Égypte le 25 janvier
2011 ; elle marque le point de départ des contestations. Sur avis de ses conseillers, le 29 janvier,
Moubarak concède des changements politiques et promet de ne pas se représenter aux
prochaines élections, alors que le peuple veut un départ immédiat. Les Égyptiens n’ont en effet
plus confiance en lui ni en sa femme Suzanne, qui a pour projet de mettre son fils Gamal au
pouvoir comme cela a eu lieu en Syrie.
Le 31 janvier, l’armée se range du côté du peuple et Moubarak démissionne 11 jours plus
tard ; le pouvoir est remis au maréchal Hussein Tantaoui. Les forces armées font remplacer le
Premier ministre Chafik, nommé par Moubarak, par Essam Charaf.
Un référendum sur la révision de la Constitution a lieu le 19 mars. En juillet, de nouvelles
manifestations ont lieu, peu avant le procès de Moubarak le 3 août. Fin septembre, le calendrier
des élections législatives est annoncé.
II. La place Tharîr
Au Caire, la place Tahrîr (place de la Libération en arabe) fût occupée pendant plus de 20
jours. Sur cette place, des bloggeurs relayaient « les nouvelles du front » en direct. Sur le mur
des martyrs, le portrait des morts étaient affichés, entre autres celui de Khaled Saïd, un jeune
molesté, violé et laissé pour mort par la police en 2010, symbole de la révolte. Il y avait
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également sur la place des tentes pour dormir, une garderie, un hôpital, des points d’eau, etc. ;
toute la vie y était organisée grâce à la solidarité du peuple.
D. Syrie : entre guerre civile et révolution
I. Une minorité au pouvoir, une majorité réprimée
Depuis la mort de son père en 2000, Bachar al-Assad est au pouvoir en Syrie. Le pays est dirigé
par la minorité alaouite qui ne compose pourtant pas plus de 15% de la population, face aux
74% de sunnites et aux 10% de chrétiens. La garde républicaine est dirigée par le frère du
président et n’est composé que d’Alaouite et le parti Baath au pouvoir n’accepte aucune
opposition.
Les premières manifestations en Syrie ont lieu dans le village de Deraa entre la Jordanie et le
Liban en mars 2011. Ces populations frontalières sont en général contre le pouvoir central qui,
en réaction, envoie dans leurs régions des gouverneurs durs pour mater les réfractaires. Le
peuple a vu les révolutions tunisienne et égyptienne à la télévision et veut la fin du régime.
Les protestations sont nées suite à l’enfermement et à la torture de trois enfants qui auraient
écrit un message favorable à la révolution sur un mur. Les manifestations et les slogans à Deraa
sont filmés et diffusés par les manifestants de sorte qu’à Homs ou à Alep, le message
pacifique est partagé. Le régime étant très méfiant et répressif face à ces contestations.
II. L’opposition
Le Conseil national syrien (CNS) coordonne tous les opposants pour mener des
opérations contre le régime d’al-Assad. Cependant, beaucoup de ses membres sont
exilés et le mouvement est donc quelque peu égaré.
L’Armée de libération syrienne (ALS) est une unité associée au CNS. Elle se compose
notamment de soldats ayant déserté l’armée régulière et compterait jusqu’à 20 000
membres.
Le Comité national de coordination se compose de personnes issues de la société
civile qui relaient le mot d’ordre pour les manifestations.
III. L’échec des révolutions ?
Les révolutions amorcées n’ont pas spécialement abouti.
En Syrie, la révolution a échoué parce que l’armée a retourné ses armes contre la population
au lieu de fraterniser.
En Égypte, le général Abdel Fattah al-Sissi est en train de réinstaurer un régime
autoritaire. En Tunisie, la révolution toujours en marche est menacée par le terrorisme
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E. La montée des islamistes
I. Exemples
En Tunisie, le 23 octobre 2011, le parti Ennahda, affilié aux Frères musulmans, obtient 40%
des suffrages.
En Égypte, les Frères musulmans du Parti de la Liberté et de la Justice et Al-Nour, le Parti
de la Lumière, à l’idéologie salafiste, se partagent deux tiers des sièges dans la nouvelle
Assemblée du Peuple suite aux élections du 8 décembre 2011.
Au Maroc, le Parti de la Justice et du Développement, islamiste, remporte 107 sièges sur
395 à la chambre des représentants lors des élections législatives de novembre 2011.
II. Les causes de la réussite des formations religieuses
→ Ancienneté du mouvement : le groupe des Frères musulmans date de 1928 et est
solidement ancré dans les vies politiques égyptienne et marocaine.
→ Répression sous les autoritarismes politiques : pendant toute la période autoritaire
dans le monde arabe, les mouvements religieux et leurs représentants furent réprimés,
exilés, exécutés. Ils sont devenus des martyrs, des héros pour une partie de la
population.
→ Utilisation d’un lexique religieux : leur communication est basée sur un lexique
religieux séduisant puisqu’il oppose le pur à l’impur, le bien au mal. Leur vocabulaire
efficace promeut la pureté face à la corruption politique, la tradition religieuse face à la
corruption des mœurs.
→ Propagande par la mosquée : ils n’ont pas besoin des réseaux sociaux parce que leur
propagande passe par les prédicateurs des mosquées et atteint de ce fait une population
beaucoup plus large.
→ Religion des campagnes et des villes : la mosquée rassemble et la religion a toujours
été présente dans les villes et surtout dans les campagnes.
→ Opposition déstructurée : en face, l’opposition est éclatée et mal organisée puisque
le peuple qui manifeste dans la rue n’appartient à aucun parti politique.
F. L’Égypte à l’épreuve du pouvoir islamiste
I. L’élection de Mohamed Morsi
Après la démission de Hosni Moubarak le 11 février 2011, Mohamed Morsi se présente aux
élections présidentielles de mai 2012 en tant que candidat pour le Parti de la Liberté et de la
Justice des Frères musulmans. Cet ingénieur qui a adhéré depuis 1979 à la confrérie se présente
comme le sauveur de l’Égypte. En face de lui, Ahmed Shafiq, dernier Premier ministre sous
Moubarak, veut faire revenir l’Égypte à un régime plutôt autoritaire avec une armée très
présente.
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Morsi remporte les élections notamment grâce à un taux de participation très bas de 51%. Il
veut créer un État islamiste où s’applique la loi de la charia. Cependant, comme les Frères
musulmans ont toujours été dans l’opposition, ils commettent des erreurs lors de leur première
expérience du pouvoir. Le président destitue le maréchal Tantaoui et perd le soutien de
l’armée. Il est d’autant plus impopulaire qu’il est parfois comparé à Moubarak puisqu’il détient
les pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire.
II. Contestations
Mohamed Morsi veut revoir la Constitution, ce que la communauté internationale, les ÉtatsUnis principalement, refuse. Pour ce faire, il consulte la population via référendum en
décembre 2012. Son projet divise : certains manifestent pour le nouveau projet de Constitution
tandis que d’autres protestent contre celui-ci.
Les premiers sont les partisans des Frères musulmans et les salafistes : ils soutiennent Morsi
en faveur de l’application des principes de la charia et de la doctrine sunnite et voient dans cette
nouvelle Constitution une possibilité de mettre fin à la transition politique. Face à eux, les
membres du Front du Salut national et des ONG, l’opposition laïque, militent contre
l’islamisation de la législation et pour plus de libertés fondamentales.
III. La fragilité politique et économique actuelle
Situation politique
Le pays est donc divisé entre les islamistes d’une part, les laïcs et les libéraux d’autre part. Le
président est accusé d’avoir trahi l’esprit de la révolution caractérisée par l’unité nationale et
la coexistence de partis politiques. C’est l’armée qui remplit le rôle d’équilibre entre les
groupes religieux et entre les groupes politiques.
Situation économique
La situation économique est désastreuse. Le chômage chez les jeunes atteint 25%, la croissance
est lente, les investissements rares et la production s’en trouve ralentie. Le tourisme est en chute
libre et le pays connaît une certaine inflation. L’État essaie de subventionner le pain et
l’électricité mais connaît une hausse des prix de toutes les autres denrées.
IV. Le coup d’État du 3 juillet
Dans le climat de mécontentement et de manifestations contre Mohamed Morsi, l’armée
s’implique et destitue le pouvoir en place par un coup d’État le 3 juillet 2013. Morsi est
emprisonné et le général al-Sissi prend la tête du pays avant de se faire élire comme président
en mai 2014. Les Frères musulmans n’ont désormais plus le droit de se présenter aux élections
: fait-on face à un retour vers l’autoritarisme?
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11. Art, culture, médias et révolution
A. L’accession à la normalité
Les mobilisations arabes sont, pour reprendre les termes de l’historien Henry Laurens, « une
révolution de la normalité », la motivation des manifestants étant « d’accéder à la normalité
démocratique et d’en finir avec l’état d’exception (…). Ce n’est donc pas une révolution qui
s’articule vers un projet utopique, mais, au contraire, c’est la normalité qui est l’objectif
proclamé. »
Les pays arabes se sentent des exceptions parce qu’ils n’ont pas bénéficié de la même évolution
que les pays d’occident suite à la chute du mur de Berlin. Ils veulent accéder à la démocratie,
comme tout le monde.
B. Le printemps arabe : qu’est-ce que c’est ?
I. Un évènement et un « évènement médiatique »
L’évènement marque une rupture, il « surgit ainsi de manière imprévue, et par sa capacité de
désordre distribue un avant et un après (…). Les causes d’un évènement ne se découvrent qu’à
posteriori, aussi n’est-il pas déductible de son passé, mais il le fait émerger. »
La médiatisation de l’évènement lui apporte toujours plus de visibilité et l’effet en est
multiplicateur : par mimétisme, tous les peuples arabes descendent dans la rue. L’évènement
hautement politique qui nous intéresse pousse chacun à se positionner.
II. Un scénario
Les populations souhaitent s’affranchir de leurs dictateurs avec en toile de fond le spectre
d’autres révolutions, la Révolution française plus particulièrement. Le printemps arabe est un
récit réfractaire aux nuances, à la manière d’un scénario à la structure ternaire et dont
chacun ignorait pourtant l’issue ; il entraîne l’engouement des opinions publiques arabes et
occidentales pour les acteurs que sont le peuple, l’armée, et le pouvoir.
Plusieurs facteurs ont contribué à l’intelligibilité de ce scénario. Des jeunes et moins jeunes
scandaient des discours clairs en arabe mais aussi en anglais et en français (comme « le peuple
veut la chute du régime », « Ben Ali, dégage !)) à l’adresse des télévisions et des journalistes
du monde entier. L’art, la caricature, les nouveaux médias (internet dernière génération, les
réseaux sociaux et les smartphones) ont participé à la diffusion du discours. Ils étaient
également des preuves de l’intégration des jeunes « révolutionnaires » dans la société de
l’information
C. Art et révolution
I. Tammam Azzam
La peinture de Tammam Azzam reprend une œuvre de Goya représentant les révolutionnaires
espagnols massacrés par l’armée, El tres de Mayo. L’auteur utilise une peinture connue de tous
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pour montrer que le « 3 mai » est vécu tous les jours en Syrie, sur les décombres de Homs.
Ainsi, il confronte le présent à l’histoire.
Le baiser de Klimt est repris sur un mur détruit. L’image fusionnelle de l’amour est exposée
sur les ruines de Damas. Pour l’auteur, le baiser est pour le monde entier et les traces de balle
et d’obus font partie de l’œuvre : la souffrance est également transmise. Ces détournements
d’œuvres classiques sont adressés à l’Europe et la confronte à sa passivité.
II. VJ Um Amel
VJ Um Amel est une artiste égyptienne-américaine qui cherche à mettre en avant l’importance
des femmes pendant les révolutions, descendues dans les rues grâce au message véhiculé par
les médias. La musique de Women & Youth of the Arab Revolutions est très occidentale,
numérique, synthétique et s’adresse à tous, elle s’inscrit dans l’universel.
III. Les graffitis en Tunisie
En Tunisie, ce sont surtout les graffitis qui colorent les murs de la ville. Des pochoirs de pistolet,
de Ben Ali caricaturé, de « Dégage »… L’ancienne demeure d’Houssem Trabelsi, gendre de
Leïla Trabelsi, a été saccagée et graffée avec des messages divers alors que le graffiti était
interdit auparavant. Ces artistes mêlent la calligraphie à la peinture murale, etc.
D. L’art comme vecteur de la révolution
Les artistes tunisiens, égyptiens, utilisent des symboles locaux combinés à d’autres symboles
globaux ou occidentaux. Le français et l’anglais sont utilisés pour communiquer les objectifs
et les revendications de la révolution à un public assez large. Ainsi, les messages que l’art veut
transmettre atteignent non seulement une audience locale mais aussi un public national, voire
international.
I. Caricature et révolution
Ali Ferzat est un caricaturiste syrien qui évoque notamment la pauvreté, la famine, l’amour ou
la liberté à travers ses dessins, restant toujours critique envers la situation politique et le
gouvernement de son pays. En juillet 2011, il est arrêté et ses doigts sont brisés pour qu’il ne
puisse plus dessiner. Plantu, caricaturiste du Monde, défend Ali Ferzat et le représente le crayon
dans la bouche pour montrer que son message ne s’arrêtera pas.
Le chat Willis from Tunis est également un symbole de la révolution depuis janvier 2011.
Nadia Khari, sa créatrice, est enseignante dans un collège et critique la politique de Ben Ali
avec la révolution, du début à la fin. Elle publiait ses caricatures via internet, représentant la
révolution en marche.
Dilem est un caricaturiste algérien. Il s’exprime contre le pouvoir en place et les militaires,
malgré qu’il ait été emprisonné pendant 9 ans.
La caricature offre la possibilité de communiquer au-delà des frontières linguistiques et
culturelles. La nature satirique du dessin porte un message universel et politique contre le
pouvoir établi à travers des symboles et des images.
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II. Les espaces numériques de la contestation
Les espaces numériques comme internet ou les blogs rassemblent une avant-garde de cyberacteurs qui se représentent dont l’idéaltype est un(e) arabe de l’élite urbaine de Beyrouth,
Tunis, Rabat ou du Caire. Cette première génération d’activistes est constituée des bloggeurs
qui ont la quarantaine au moment du déclenchement des révolutions. Ils se sont multipliés au
milieu des années 2000 en Égypte, au Maroc, en Irak, en Tunisie, au Liban, dans les monarchies
du Golfe, etc.
Les espaces numériques promeuvent un journalisme citoyen et militant qui libéralise la parole
et permet l’expression libre dans des pays de censure. Les jeunes innovent et détournent des
messages pour montrer leur insoumission, devenant ainsi le reflet des sociétés desquelles ils
sont issus. Les réseaux sociaux représentent la révolution mais en constituent une en euxmêmes, une révolution numérique.
La révolution reprend des slogans utilisés à d’autres endroits, comme avec #OccupyWallStreet,
qui s’inspire de l’occupation de la place Tahrir.
III. Thèmes des médias sociaux
La jeunesse joue un rôle important dans l’organisation de la révolution. Par exemple, la page
We are all Khaled Saïd, en référence au jeune homme battu à mort, a mobilisé énormément de
gens et fourni des informations à propos de la structure des protestations. Les groupes locaux
peuvent ainsi communiquer aux mouvements globaux du monde occidental et arabe (globallocal => glocal). Twitter, Facebook et les autres réseaux sociaux sont utilisés comme catalyseur,
récipients et diffuseurs des évènements.
Cependant, la révolution est toujours en cours. Actuellement, le monde arabe traverse une
période difficile et chaotique, particulièrement en Syrie. Selon Antonio Gramsci cette période
serait nécessaire pour retrouver un monde saint
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