Les rythmes de l’Evolution I Historique et problématique II Les taux d’évolution III Vitesse évolutive IV Le rythme de l’évolution et ses implications I Historique et problématique - Darwin: taux d’apparition des variations constant au cours du temps. Petites modifications qui apparaissent et se maintiennent Évolution gradualiste compléxifiante - Les mutations, mécanismes de petites ampleurs, suffisent elles pour rendre compte de l’évolution ? Notamment Macroévolution - Problème des organes complexes, de l’absence d’intermédiaires entre taxons de niveaux hiérarchiques élevés et du maintient de formes simples Tempo and Mode in Evolution (G. G. Simpson, 1944) apporte une dimension temporelle à la théorie synthétique de l’évolution (en combinant paléontologie, génétique et sélection naturelle) La Microevolution (génétique des populations notamment) est suffisante pour expliquer la Macroévolution (Paléontologie) "Tempo" inclus taux d’évolution (accéleration et déceleration, évolution exceptionnellement lente ou rapide, inertie ou impulsion) “Mode" inclus la manière ou le modèle par laquelle l’évolution se fait - Le tempo informe sur le mode; - Plusieurs Tempo : bradytelique tachytelique (rapide), horotelique (moyen); (lent), - La paléontologie est congruente avec la théorie génétique de sélection naturelle; - L’évolution, dans 90% des cas, est le résultat d’une anagénèse et non d’une cladogénèse comme proposée par Mayr; L’absence d’intermédiaire l’enregistrement fossilifère. est due à Les taux d’évolution décrivent le Tempo et sont donc les indices clés pour argumenter le fonctionnement des processus évolutifs en quantifiant les taux de changements évolutifs en fonction du temps QUESTIONS Certaines lignées évoluent-elles plus vite ? Certains caractères évoluent-ils plus vite ? Les taux d’évolution différent-ils selon les époques ? Qu’elle est l’origine de ces variations ? Qu’est ce que l’analyse du Tempo indique sur le Mode ? II Le taux d’évolution Le taux d’évolution est dépendent de trois taux Taux d’évolution morphologique et/ ou Taux de substitution (= taux de mutation fixé) Taux de sélection (taux de spéciation et d’extinction) Taux de changement environnemental 1) Calcul du Taux d’évolution morphologique Division de l’importance du changement par sa durée effective Pré-requis : - complétude de l’enregistrement fossile - étudier un caractère conservé - grand nombres de spécimens d’époque différentes - Une même lignée évolutive a) Mesurer l’évolution d’un caractère Analyse biométrique des caractères continus (e.g. mesure de l’ hypsodontie chez les chevaux = hauteur couronne/largeur couronne) Valeur arbitraire pour les caractères discrets (e.g. nombre de facettes de l’œil des trilobites, classes ) b) Taux d’évolution de Haldane (1949) Le caractère est mesuré et transformé en logarithme naturel (ln) dans une lignée à des temps différents (t1 et t2 en millions d’années, Dt =t2-t1) Le taux r est : r = (ln(x2) - ln(x1)) / Dt R est mesuré en darwins 1 darwin est le changement morphologique en base exponentielle sur 1 Ma c) Taux d’évolution morphologique de Gingerich (1993) Différence entre les moyennes de 2 échantillons d = y2 − y1; Écart types des échantillons: sp = √(sp)2, où (sp)2 = [(n1−1) (s1)2 + (n2−1) (s2)2 ] / (n1 + n2 − 2), où s1 et s2 écart-types des ln moyennes des deux échantillons; L’interval de temps I = t2 − t1, en génération Le taux s’exprime en haldanes : H = (d/sp) / I Pourquoi le haldane ? « variation is the raw material of evolution » Haldane . L’écart type est une composante de l’intensité sélective et de sa réponse (nécessite un échantillon large) . L’échelle de temps générationnel est celle de l’évolution plutôt que le million d’années (nécessite une connaissance des organismes fossiles avec équivalent actuel). La génération correspondant au temps moyen entre la naissance du parent et la naissance de l’enfant : 25 ans chez l’Homme soit 40 000 générations/Ma Chez Epidinium caudatum (Protozoa) environ 12H soit 73 millions de générations/Ma Rhopalosiphum prunifolia(Hémiptère, puceron) qui réalise son cycle en 4,7 jours à 25°C (mais en 21,3 jours à 10°C) soit entre 52 millions et 17millions de générations /Ma . Les taux en haldanes sont indépendants des mesures liées (car décrit la variation et non la mesure) d) Incohérence des résultats De façon empirique si les taux sont calculés à différentes échelles de temps, le taux baisse avec la longueur du temps écoulé (Gingerich, 1983). Taux d’évolution en Haldane (calculé à différentes échelles de temps) placé en fonction de l’échelle de temps pour comparaison: (A) Expérience de sélection (laboratoire ou terrain) (C) Étude historique sur terrain; Tous prédisent un taux entre 10-1 to 100 (0.1 to 1) écart type par génération pour une génération (100; l’échelle des processus évolutifs). (Gingerich, 2001) (B) 'microevolution'; (D) Enregistrement fossile Une explication : si la direction de l’évolution change à court terme, le taux est supérieur que sur le long terme (taux incluant évolution multidirectionnelle) Le bec des pinsons des Galapagos s’élargit lorsque la nourriture manque et se rétrécit en période d’abondance (inverse chez Geospiza fortis). A long terme le taux est quasiment nul. Les taux à court terme reflètent les taux des processus évolutifs (microévolution) et à long terme l’histoire évolutive (Macroévolution) Ces taux d’évolution doivent donc être comparés pour des périodes similaires au sein de lignées ce qui réduit fortement leur intérêt 2) Taux de substitutions moléculaires L'idée de l'horloge moléculaire se fonde sur le fait que le degré de remplacement des acides aminés dans les hémoglobines animales est a peu près proportionnel au temps absolu, comme le suggèrent les fossiles. L'HORLOGE MOLÉCULAIRE GLOBALE : LE CAS DE L'a-GLOBINE 1.0 Pente = 0.9 / 500.106 = 1,8 . 10-9 0.8 Nombre de substitutions d'acide aminé requin carpe 0.6 ornithorynque poulet 0.4 0.2 vache / homme 0 0 100 200 300 400 Age de l'ancêtre commun (Ma) 500 L'existence de l'horloge moléculaire, c'est-à-dire de taux de substitution - protéique ou nucléotidique - apparemment constants à long terme, n'exclut pas la possibilité de fluctuations à court terme autour d'une valeur moyenne. Le taux de substitution est le produit du taux de mutation par le taux de fixation. K = mutation x fixation = µ x f - Certaines substitutions sont sélectionnées par exemple, dans le cas d'une mutation avantageuse alors le taux de substitution varie K = 2N x µ x f Dépend de l’effectif Par exemple, dans le cas d'une mutation avantageuse : f = 2s x Ne / N D'où : K = 4Ne x µ x s où s est le coefficient de sélection (lui-même lié à la fitness donc au succès de reprodution et Ne l’effectif efficace) - Le taux de substitution neutre en revanche est considéré comme constant au cours du temps, car seulement dépendant du taux de mutation [Kimura 1968, 1983]. = théorie neutraliste K = 2N x µ x f avec f = 1/2N K neutres = µ Le taux de mutation présente une moyenne de 1x 10-6 par gène et par génération ce qui est très lent (environ 0.04 mutation par million d’années par gène pour l’homme) Taux de substitution acides aminés est constant au cours du temps = rythme d'évolution d'une protéine ou d'une séquence d‘ADN donnée varie d’un gène à l’autre si le taux de mutation reste constant, la proportion de mutations neutres peut être différente selon le gène concerné. Dépend de la complexité du gène le rythme d'évolution de ces gènes n’est pas lié au rythme de spéciation le phénomène de spéciation ne dépend pas uniquement du taux de mutation. 3) Taux de sélection La domestication semble indiquer que le taux de sélection est important dans la description du taux d’évolution. Évolution rapide unidirectionnelle car Il semble que les processus microévolutifs proposent les mêmes taux sur une génération que dans l’enregistrement fossile, seulement à long terme d’autre paramètre entre en jeu et notamment la nature stochastique de la sélection. a) Courbes de survivances taxinomiques Durée de vie d’un échantillon de taxons dans l’enregistrement fossile Attention différence entre FAD, FOD, LAD et LOD Nombre de survivants par période. La pente correspond aux taux d’évolution d’un groupe: plus la pente est abrupte plus l’évolution est rapide bivalves carnivores Les carnivores évoluent plus vite que les mollusques bivalves ou du moins plus facile à déceler Simpson (1953) Attention !!! différent des courbes de survivance Nb sp b) Durée de vie des espèces Exemple des Micromammifères des Siwalik Hills (L. Flynn et al., 1995) Durée de vie des espèces de rongeurs en moyenne inférieur aux artiodactyles Effet de génération Durée de vie d’une espèce se raccourcit suite à des changements environnementaux et d’un changement faunique majeur au Miocène supérieur = taux d’évolution plus fort (identique pour rongeurs et artiodactyles Variation de la durée de vie d’une espèce Clarks Fork Basin, Wyoming, durée de vie d’une espèce est de 0.95 Ma en moyenne Et de 2.81 Ma en moyenne pour les Siwaliks 1) Différence intrinsèque entre faunes néogènes et paléogènes 2) Composition faunique 3) Stabilité environnementale 4) Problème de taxonomie 5) Intensité du travail effectué 4) Taux de changement environnemental Stochastique et variable au cours du temps Est sûrement fortement lié avec taux de sélection III Vitesse d’évolution Haldane (1949) a crée le millidarwin pour rendre compte de la lenteur des taux d’évolution dans les lignées fossiles L’évolution est elle lente ? Les calculs de Gingerich également lent indique tout de même des taux très rapide sur une seule génération : congruent avec les essais en laboratoire Lande (1976) explique ces taux même très bas par une mort sélectionnée sur 1 million d’individus par génération Lynch (1990) montre que le taux d’évolution morphologique serait juste en dessous de ce qu’on attend d’une évolution neutre (sans sélection) Ces résultats sont biaisés car ne correspondent pas à des processus microévolutifs et on ne peut les expliquer comme tels. La sélection ne suit pas un cadrage strict et comme nous l’avons vu son taux varie très rapidement Exemple d’évolution morphologique très rapide La présence depuis 36 ans d’un lézard (Podarcis) sur une île de croatie (Pod Mrcaru) 5 couples. Son régime alimentaire a changé en plus de 30 générations, pour un régime alimentaire en grande partie végétarien. Des différences notables sont observés sur son comportement mais aussi sur la forme de son museau, la taille de ces pattes ainsi que la forme de son estomac. Divergence nette avec phénotype de la population souche. Herrel et al . 2008 Taux d’évolution sur caractères discrets Un score est donné arbitrairement 0 au plus dérivés Ici 21 caractères chez Dipneuste Différence importance dans le taux d’évolution morphologique au cours de l’histoire avec un pic de transformation fin carbonifère/début Permien = variation du taux d’évolution Le taux taxonomique d’évolution Nombre d’espèces apparues par millions d’années The road from Santa Rosalia: A faster tempo of evolution in tropical climates Shane Wright, Jeannette Keeling, and Len Gillman (2006) Doublement du taux de substitution nucléotidique dans les tropiques. Polarité latitudinale de l’évolution ? 2 hypothèses: La dérive génétique est plus rapide sous les tropiques due à de plus petites populations ? Les mutations en plus grand nombres sous les tropiques dues à températures et productivité biologique? Toujours pas résolu mais de nombreuses pistes Les stases = Taux d’évolution nul "Stasis is not always present - that is the first thing to stress. Some species show stasis other ones do not. However, when you find stasis - why is it there? That is a real problem. My opinion is that it is most likely due to the phenomenon known as stabilizing selection, whereby in certain environments there are limits to the amount of exploration which the morphology is allowed." Simon Conway Morris Attention au terme « fossiles vivants » Pas de rapport entre taux de substitution moléculaire et évolution morphologique Exemple du Tuatara et importance des substitutions neutres The tuatara of New Zealand is a unique reptile that coexisted with dinosaurs and has changed little morphologically from its Cretaceous relatives. Tuatara have : very slow metabolic and growth rates, long generation times and slow rates of reproduction. Analysis of ancient and modern tuatara DNA shows that tuatara have the highest rate of molecular change recorded in vertebrates. Hay et al. 2008 IV Le rythme de l’évolution et ses implications Si processus évolutif rapide sur peu de génération pourquoi apparaît il stationnaire sur longue période ? A Rate Perspective on Punctuated Equilibria and the Red Queen vs. Stasis Debate? The evolutionary stasis model of Stenseth and Maynard Smith (1984) Nbr génération moyenne pour mammifère durant cénozoïque Pour combler tout l’espace morphologique n’importe quelle lignée de mammifère nécessite 1% de son histoire. Les taux d’évolution sont si élevés au niveau générationnel que l’espace des possibles est rapidement comblé et que l’évolution a atteint ses limites. Une perturbation est nécessaire pour passer à autre chose. 1) Évolution phylétique ou graduelle Lignée évolutive Anagénèse > cladogénèse Variation du taux évolutif pourrait être lié à la quantité d’unicellulaire présent (compétition ?). Il n’empêche qu’aucune divergence n’est observé Protozoaires à reproduction assexuée. Mesure des cotes pygidiales sur 3458 specimens de trilobites ordoviciens de Galles de 8 lignées génériques de 7 niveaux stratigraphiques (représentant 3 Ma). Évolution graduelle pour tous les genres avec toujours des intermédiaires d’une forme à l’autre Sheldon (1987) • Évolution à taux constant ou avec déplacement lent • Une nouvelle espèce apparaît par transformation graduelle d’une espèce ancestrale • Le taux d’évolution durant la spéciation est le même qu’à n’importe quel autre moment. • L’apparition soudaine d’espèce est liée au faible enregistrement fossilifère 2) Évolution par saltation Équilibres ponctués (Gould et Elredge, 1972) Cladogénèse stase et accélération Cheetham (90’) décrit l’évolution du genre Metrarabdotus (Bryozoa) dans les caraïbes où trois espèces vivent toujours. A partir d’un grand nombre de séquence stratigraphique (160 000 ans entre deux échantillons) et une complétude de 63%, il décrit l’évolution de 46 caractères sur 1000 spécimens de 100 populations. Il conclut à de longue période de stase et des spéciations soudaines sans intermédiaire. 2009 Apparition brutale de G. tumida et disparition des formes dextre de G. plesiotumida avec coexistence des deux espèces. Ce résultat est contraire au cas de gradualisme décrit précédemment et mis en évidence par la découverte de formes cryptiques et durant quelques 400 000 ans. 3) Gradualisme ponctué (Malgrem et al. 1983) Évolution par stase et accélération mais sans cladogénèse 4) Les stases et le modèle de la reine rouge Explication des stases • Sélection stabilisante La sélection naturelle préserve les formes et seule de nouvelles conditions provoquent une spéciation rapide • Contraintes Les espèces n’évoluent pas car pas assez de variation génétique Des populations isolées peuvent présentées une nouvelle variation génétique par fixation des mutations ou dérive génétique forte Quelques doutes • En regardant des populations actuelles l’absence de variation génétique n’a jamais empêché des changements de caractères • Une variation géographique ordinaire (parapatrique e.g. cline) peut expliquer une spéciation (pas seulement allopatrie) La sélection stabilisante est documentée et semble plausible au contraire des contraintes qui restent à argumenter. Les stases n’existent pas ce ne sont que des perceptions due à nos méthodes d’analyses ou d’observation (problème du matériel fossile) L ’évolution est constante : modèle de la reine rouge (Van Valen 1973) L'environnement d'un groupe concurrentiel d'organismes (principalement les autres organismes vivants, prédateurs, compétiteurs, ou parasites) se modifierait en permanence, si bien que l'effort d'adaptation serait toujours à recommencer, et l'extinction toujours aussi probable. Outre les pressions biotiques (conserver sa niche écologique) des facteurs abiotiques peuvent bouleversés ce schéma en accord avec équilibre ponctué. Alice demande alors : « Mais, Reine Rouge, c'est étrange, nous courons vite et le paysage autour de nous ne change pas ? » Et la reine répondit : « Nous courons pour rester à la même place. » Courbe de survie de van Valen (1973) Le taux d’extinction est constant dans un taxon et donc la probabilité de s’éteindre toujours la même. L’effort de survie doit donc être constant l’extinction apparaît comme stochastique Importance de la co-évolution et de la course aux armements (prédateur, compétiteur, parasite, migrant…) Évolution constante permet de se mettre en position pour spéciation due à des phénomènes stochastiques "We should not regard everything as either supporting punctuated equilibrium or opposing it. It turns out that there's a whole gradation between pure punctuated equilibrium and pure gradualism." Simon Conway Morris L’évolution se fait au sein de l’espèce ou l’évolution se fait au cours de la spéciation Anagénèse + cladogenèse cladogenèse