Décryptage: L'Amérique qui repart, la zone euro qui patine... Boursorama le 06/06/2013 D’un côté de l’Atlantique, un pays, les Etats-Unis, dont la croissance redémarre. De l’autre, une zone euro empêtrée dans ses problèmes de gouvernance et qui se dirige vers un scénario de stagnation à la japonaise si une impulsion nouvelle n’est pas décidée. Le contraste entre le redémarrage constaté des Etats-Unis et l’atonie de la situation européenne n’a jamais semblé plus saisissant qu’en ce printemps 2013. L’économie américaine devrait croître de 2% cette année et de 2,5% en 2014. Dans le même temps, la zone euro pourrait voir son PIB reculer de 0,5% en 2013 et se reprendre de seulement +0,6% l’an prochain. Une dynamique américaine qui se traduit notamment par la bonne tenue de l’investissement et même par le redémarrage du crédit hypothécaire pourtant à l’origine de la crise des subprimes. Selon les économistes de Dexia AM, la consommation devrait maintenant progresser au rythme de la masse salariale et l’investissement résidentiel continuer à croître à un rythme soutenu, jouant son rôle de moteur de la croissance. « L’économie américaine se rapproche d’une croissance autoentretenue et semble capable de résister à la restriction budgétaire en cours » explique Anton Brender, directeur des études économiques de Dexia Asset Management. Pour autant, malgré cette accélération, le taux de chômage devrait baisser moins rapidement que prévu, repoussant la hausse des taux de la Reserve Federal à mi-2015. Ben Bernanke a annoncé récemment qu’il poursuivrait une politique monétaire « accommodante ». Les dissensions au sein du Comité de politique monétaire (FOMC) laissent toutefois entendre que la prolongation du QE3 ne fait pas l’unanimité au sein de la Reserve Federal, ce qui alimente les inquiétudes des marchés, mais le pragmatisme devrait l’emporter outreAtlantique pour éviter un changement brutal de politique. L’investissement en berne en Europe En Europe, en revanche, le redémarrage se fait attendre. Tous les moteurs domestiques de la croissance (consommation des ménages, investissement etc.) sont en panne. « Après la violente crise de 2008/2009, nous avions constaté un net redémarrage de l’activité en 2010 mais le moteur a calé très vite, dès la mi-2011. Le cycle économique s’est révélé particulièrement court » relève Florence Pisani, économiste chez Dexia AM. Or, les politiques d’austérité portent une responsabilité croissante dans la dégradation de la situation économique. Certes, la Commission européenne a accordé un délai de deux ans à la France pour revenir sous la barre des 3% de déficit public mais les efforts à accomplir sont maintenus et le scénario conjoncturel à venir ne présage rien de bon. A regarder par exemple l’indicateur de l’investissement en équipement (base 100 en 2007, avant le début de la crise), on constate qu’il ressort à nouveau en forte croissance aux Etats-Unis en s’approchant de 110 tandis qu’il ne dépasse pas 85 en zone euro (70 pour l’Espagne !), signe que le moteur européen est bel et bien grippé ! Si les tensions au sein du système bancaire de la zone euro se sont atténuées, les perspectives vont continuer de se dégrader si un changement de politique économique n’est pas mis en oeuvre au niveau européen selon les deux économistes de Dexia AM. Certes, la BCE n’est pas restée inactive et a permis par l’annonce de l’introduction des OMT en septembre 2012 de faire retomber la fièvre en zone euro mais la bonne volonté de Mario Draghi, même dans le cas probable où les taux directeurs continueraient de rester bas, ne suffira pas à réactiver la croissance. « Tant que les mauvais élèves de la classe européenne n’étaient pas vertueux sur le plan budgétaire, ils n’étaient pas en position de force pour imposer leurs vues. Maintenant qu’ils ont fait des efforts, ils sont légitimes pour demander à l’Allemagne d’en faire aussi et de se remettre à investir. Le pays a notamment pris du retard en matière d’investissement dans ses infrastuctures » estime Anton Brender. L’enjeu est de permettre à l’économie européenne de compenser les effets de la politique de rigueur budgétaire par des mesures de soutien aux entreprises et aux ménages.