Psychologie sociale Mme L. Dewaele I Introduction 1. Qu’est ce que la psychologie sociale ? Réflexion sur les différences entre les différentes psychologies. - La psychologie générale étudie le comportement d’un individu. (2ème Quadri) - La psychologie commerciale étudie le comportement d’un individu dans un milieu commercial. (2ème année) - La psychologie sociale étudie l’individu en tant qu’acteur, sujet de l’action en relation avec un autre, individu ou groupe. Pour expliquer les comportements et les relations interpersonnelles, la psychologie sociale se base sur les processus internes à l’individu (pensées, émotions, attitudes). S’appuie sur des méthodes expérimentales (manipule un facteur). - La sociologie se préoccupe de la structure et du fonctionnement des grandes institutions ou des grands groupes. Appartenant au domaine des sciences sociales, la sociologie fournit des explications sociologiques, en cherchant les causes proprement sociales des phénomènes étudiés. Trouve des relations entre des phénomènes sociaux, comprend le fonctionnement et l’organisation des sociétés. Etudie des phénomènes difficilement manipulables. !!! Psychologie sociale ≠ Sociologie !!! 2. Définition de la psychologie sociale Pour Allport (1954), elle « tend à comprendre et à expliquer comment les pensées, les sentiments, les comportements moteurs des êtres humains sont influencés par un autrui réel, imaginaire ou implicite ». Et Valland (1994) ajoute qu’il ne faut pas oublier l'influence des stimuli sociaux et l'influence de nos propres composantes psychologiques et personnelles sur notre comportement. 1 II Statuts et rôles sociaux 1. Le concept d’identité - Concept d’identité : en fonction du lieu nous avons des comportements et des perceptions de soi qui diffèrent. (Prof qui se sent jeune a la salle des profs mais qui se sent plus âgée en class). - Le statut (ou la position) est la place qu'un individu occupe dans un système à un moment donné (Linton, 1959). - Le rôle est l'ensemble des modèles associés à un statut donné. Il englobe les attitudes, les valeurs et les comportements que la société assigne à un individu et à tous ceux qui occupent ce même statut. Le rôle prescrit (prescribed role) d'un individu est l'ensemble des conduites attendues de lui à un moment donné du fait de son statut, du contexte social et de la situation. Le rôle subjectif (subjective role) d'un individu correspond à ses attentes vis-à-vis de ses propres conduites lorsqu'il interagit avec d'autres individus de statut(s) différent(s) du sien. Le rôle peut être considéré comme une mise en actes du statut. - Le changement du concept d’identité s’opère grâce aux interactions avec autrui. - Le schéma de soi est une manière d’être, c’est le rôle que l’on doit jouer. - La désindividuation est un concept étudié en premier lieu par Festinger, Pepitone et Newcomb (1952) et qui correspond à toute situation de groupe qui entraîne chez les individus une perte de la conscience de soi, de leur identité personnelle et du sens de leur individualité. 2. Représentations 3. Agents socialisateurs Groupe, organisations éducatives et professionnelles, … Religion Média, TV, Internet, … Groupe familliale Comportements implicites dus à la culture, a l’éducation. 2 4. Complément : le pouvoir des rôles sociaux Zimbardo étudie en 1973 les effets des rôles et statuts sociaux à l'aide de jeux de rôle entre gardiens et détenus. Ils montrent ainsi le pouvoir de ces rôles, ainsi que le poids de la désindividuation (deindividuation). Expérience de Zimbardo : Les caves de l'université de Stanford sont aménagées en prison. Une semaine avant l'expérience, les rôles de « prisonniers » et de « gardiens » sont assignés au hasard aux participants (des étudiants payés pour participer à une étude sur « la vie en prison »). Les gardiens reçoivent de l'information par rapport à la prison, ses lois, etc., ainsi que quelques vagues instructions (« maintenir un degré d'ordre raisonnable dans la prison »). Il leur est en outre précisé l'interdiction d'utiliser des sanctions et des agressions phy siques à l'égard des détenus. Les conduites des deux groupes, notamment les transactions dans et entre les groupes et les réactions individuelles sont observées. Pour accroître l'anonymat, l'identité de groupe est marquée par l'utilisation de symboles (détenus : numéro et bracelets de métal ; gardiens : uniformes kaki, lunettes-miroir, matraques). Au petit matin du premier jour, des véhicules de police arrivent chez les futurs détenus qui sont emmenés au poste de police, menottes aux poignets, puis conduits en « prison ». L’expérience– devant durer deux semaines – fut stoppée au bout de six jours. La situation généra un fort impact sur les membres des deux groupes : augmentation des affects négatifs, autodépréciation chez les détenus, hostilité, affrontements, déshumanisation. Des signes de passivité, d'anxiété, de rage, des pleurs parfois, apparurent chez les détenus qui perdirent très vite le sens de leur identité personnelle, perçurent le contrôle comme arbitraire et se sentirent dépendants et opprimés. Chez les gardiens, il y eut très vite aussi des interactions sous forme exclusive de commandement, des échanges verbaux impersonnels, des agressions verbales, des injures. Un rôle est vite appris, voire intériorisé (par exemple durant la messe, les prisonniers ne répondaient plus à leur nom mais à leur numéro de détenus). Les conversations des détenus portèrent pour 90 % du temps sur leurs préoccupations immédiates et internes à la prison (absence de projets, vision floue de l'avenir). Expérience qui de nos jours serai irréalisable du fait de son manque de déontologie et son manque d’éthique. 3 III La perception sociale 1. Le phénomène/processus psychosocial « Rien n'est plus difficile que de savoir au juste ce que nous voyons » (Merleau-Ponty, 1945). 2. Définitions Selon le Larousse, la perception sociale est « l'ensemble des processus par lesquels nous nous donnons une connaissance des autres et de nous-mêmes ». Un individu se forme une impression : - À partir d’informations qu'il reçoit (apparence physique, genre, âge, émotions) - En fonction de ses caractéristiques propres (théories implicites de personnalité, émotions, opinions, etc.), - De la manière dont il les organise (catégorisation sociale) - Et de la manière dont il les traite (jugements, attributions). Selon Taglieri, la perception sociale s’intéresse à la façon dont un percevant se forme une impression d’une cible. 3. Structure en cause dans la perception sociale A. Les schémas : Organisations d'informations étroitement inter-reliées et pertinentes pour différents concepts » (Fiske et Linville, 1980). 4 schémas : - Schéma de soi = Manière d’être, rôle à jouer - Schéma sur autrui = Attente envers l’autre - Schéma sur évènement = un script - Schéma sur statuts/rôles et groupes sociaux Les schémas nous permettent de traiter et organiser l’information et ils créent des attentes par rapport aux comportements qui devraient être attendus dans une situation donnée. B. L’attention sélective : - Mémorisation et rappel d'informations - Limitation cognitive - Limitation des sens Sensations perçues grâce - à des stimulus et à l’intensité de ceux-ci - aux objectifs, au schéma et à la motivation du percevant. 4 4. Caractéristique de la perception La perception est : - Subjective - Stable ou difficilement modifiable - Active Le percevant participe à l’action et se construit une impression. La cible est dynamique et complexe Il/elle évolue dans le temps 5. La formation d’impression A. La catégorisation sociale Définitions Nous ne classons pas uniquement les objets mais aussi les personnes. Il s'agit alors de catégorisation sociale. L'activité de catégorisation consiste à classer les informations ou les individus dans des catégories (boites mentales, schémas) sur base d'éléments suffisants (si X est présent = catégorie A) et nécessaires (si X est absent ≠ catégorie A). Selon Tajfel (1981), la catégorisation sociale est un « processus mettant ensemble des objets sociaux ou des événements qui sont équivalents en regard des actions individuelles, des intentions individuelles et des systèmes de croyances ». Le fonctionnement et les biais associés au processus de catégorisation favorisent l'expression de ces stéréotypes, ainsi que les préjugés et les comportements discriminatoires. Utilités : - simplifier la réalité sociale - maintenir les apprentissages - guider nos actions Fonctionnement et caractéristiques a L’induction et la déduction Lunettes, grande, peu souriante Déduction Une secrétaire Avec de nombreuse caractéristique on va déduire le nom de la catégorie, c’est une impression sur autrui. Marqueteur Parleur, imaginatif, adroit Induction A partir d’élément on pourra inférer d’autres éléments répondant à l’élément de départ. 5 b Effet de contraste et d'assimilation (accentuation) La catégorisation « cimente » les similitudes et accentue les différences. - Si un individu regarde un autre groupe il accentuera les différences de ce groupe. effet de contraste Si un individu regarde son groupe il accentuera les ressemblances de son groupe. effet d’assimilation Valable sur un critère uniquement, Si plusieurs critères entrent en compte l’effet s’estompe. c Biais de la catégorisation sociale Biais d’homogénéité Expérience de Tajfel et Wilkes (1963) Ils présentent plusieurs fois de suite à des sujets 8 lignes de longueur variable (entre 16,2 et 22,8 cm). Ces lignes sont présentées de 3 manières différentes. -soit chaque ligne est accompagnée aléatoirement d'une étiquette (A ou B), - soit les quatre lignes les plus courtes portent l'étiquette A et les quatre lignes les plus longues, l'étiquette B, -soit aucune étiquette n'est donnée. La tâche des sujets est d'estimer la longueur de chacune des lignes en les comparant 2 à 2. L'estimation de la longueur des lignes est différente selon la présence ou l'absence d'étiquette. En particulier, lorsque les lignes se trouvent regroupées sous un label basé sur un critère concret (les plus courtes versus les plus longues), les sujets tendent à réunir les lignes par rapport a leur appartenance à un groupe. Biais de favoritisme à l’égard de l’endogroupe Expérience de Tajfel (1971) Peinture de Klee et Kandinski Les sujets sont invités à comparer deux séries de diapositives de peinture abstraite et doivent inscrire à chaque fois quelle peinture ils préfèrent. Ils savent que pour chaque diapositive un peintre est Klee et l’autre Kandinsky., mais ne savent pas quelle peinture est de quel peintre. Une fois le jugement terminé l’expérimentateur fait mine de corriger et individuellement murmure à l’oreille qu’il est dans le groupe de Klee. Dans un second temps on leur demande d’attribuer des sommes d’argent à deux personnes anonymes qui appartiennent soit à l’endogroupe (Klee) soit à l’exogroupe (Kandinsky). Pour répartir cet argent on leur propose plusieurs matrices (de Tajfel ou Flament) présentant des rangées de 13 nombres. Chaque rangée correspond à une récompense d’une personne, et les sujets doivent choisir l’une des 13 paires de valeurs. 6 Exemple de matrice proposée : 1 3 5 7 9 11 13 15 17 19 21 23 25 Endogroupe 19 18 17 16 15 14 13 12 11 10 9 8 7 Exogroupe Chaque matrice représente une répartition d'argent différente. Par exemple, pour la matrice ci-dessus, les gains de la rangée du haut diminuent, alors que ceux de la rangée du bas augmentent. Ainsi, plus la récompense de l'une des personnes est élevée, plus celle de l'autre est faible. Les sujets mettent en œuvre diverses stratégies - Stratégie d'équité : attribuent autant d'argent à chaque personne - Stratégie du profit maximum joint : cherchent à maximiser les gains des 2 personnes - Stratégie du profit maximum endogroupe : ils cherchent à maximiser les gains des personnes appartenant à leur propre groupe Stratégie de la différence maximum : ils cherchent à obtenir un écart de gain maximum entre les deux personnes, avec un gain plus important pour le membre de l'endogroupe. d La théorie de l’identité sociale Ainsi est née la théorie de l'identité sociale dont les principes de base sont les suivants. Les individus s'efforcent de créer et de préserver une identité sociale positive. Possibilité de mobilité de groupe pour entrer nos propres valeurs Leader L’identité sociale se construit par rapport aux ressemblances de l’endogroupe par rapport aux différences de l’exogroupe. Une identité sociale positive résulte principalement de comparaisons favorables faites entre les membres de l'endogroupe et les membres d'exogroupes pertinents, on va toujours favoriser son groupe car pour se valoriser soi-même il faut être fier du groupe auquel on appartient. Stratégies pour rehausser leur identité sociale : - - La mobilité individuelle : les individus peuvent quitter leur groupe et s'intégrer à un groupe plus valorisé socialement. La compétitivité s'exprime par une lutte avec le groupe de haut statut et, contrairement à la mobilité individuelle, est une stratégie collective nécessitant la mobilisation de l'ensemble du groupe (les grèves, les manifs, etc.) La créativité sociale consiste à faire en sorte que leur groupe devienne plus positivement distinct. 7 e L’organisation des catégories sociales en mémoire Schéma : Selon Fiske et Taylor (1991), un schéma est « une structure cognitive qui représente la connaissance relative à un concept ou un type de stimulus et qui inclut les attributs de ce concept ainsi que les relations entre ses attributs ». Les théories centrées sur la similitude : Les catégories sont construites sur la base de la similitude des objets. La catégorie est constituée de différents éléments : modèle par prototype : la catégorie est constituée de l'ensemble de ses attributs les plus caractéristiques, formant une sorte de profil du membre typique de la catégorie. Un individu est catégorisé selon son degré de ressemblance avec le prototype. modèle par exemplaires : la catégorie est constituée des différents exemplaires que l'individu a eu l'occasion d'observer et de rencontrer. On décide si une personne appartient à une catégorie selon son degré de similitude au sous-ensemble d'exemplaires en mémoire. modèle mixte : ce modèle combine les propriétés des deux précédents pour décider si une personne appartient à une catégorie, on peut utiliser soit le prototype, soit les différents exemplaires activés. Les théories basées sur la similitude ont été critiquées, notamment à cause du flou de la notion de similitude. B. La formation d’impression selon Asche (1946) De l'ensemble de ses travaux et de ceux qui lui ont succédé, il résulte que les individus sont capables de se forger une impression cohérente sur la base d'éléments disparates de la personnalité d'autrui (populaire, sage, honnête, etc.). Ces impressions s'organisent selon un principe de cohérence qui est à " la fois logique et émotionnel - tous les traits n'ont pas la même influence, les premiers traits présentés organisent l'impression : principe de primauté ; - certains traits sont plus importants que d'autres et peuvent changer l'impression d'ensemble que l'on se fait d'une personne : ces traits sont dits traits centraux. Expérience 1 Asch (1946) donne à ses participants une liste de traits de personnalité décrivant une personne fictive. La tâche est de décrire cette personne en quelques phrases puis de remplir un questionnaire de personnalité. Cette personne est décrite soit comme étant intelligente, adroite, travailleuse, froide, déterminée, pratique, prudente », soit comme étant « intelligente, adroite, travailleuse, chaleureuse, déterminée, pratique, prudente ». 8 Ces deux listes ne diffèrent donc que par un seul trait : chaleureux/froid. L'impression que donne le premier profil est plus positive que celle donnée par le second : les traits « chaleureux » et « froid » sont des traits centraux, c'est-à-dire capables à eux seuls de modifier l'impression globale d'une personne. Expérience 2 Asch reprend deux portraits (A et B) composés des mêmes caractéristiques mais dont les traits sont inversés : A est décrit comme « intelligent, travailleur, impulsif, critique, entêté, envieux », B comme « envieux, entêté, critique, impulsif, travailleur, intelligent ». Les deux portraits ne donnent pas la même impression. Ici A est jugé plus positivement que B : les premières informations ont guidé l'impression et ont servi à interpréter les suivantes (effet de primauté). C. Théorie implicite de la personnalité Une théorie implicite de la personnalité est une structure mentale qui relie les traits les uns aux autres, et les organise autour de quelques dimensions significatives. Elles forment des « croyances générales à propos de la fréquence d'un trait, de sa variabilité et de sa liaison à d'autres traits » (Leyens et Yzerbyt, 1997). Ces liens peuvent être faits sur la base des catégories sociales (on parle alors de stéréotypes) mais aussi et surtout sur la base des caractéristiques de la cible, comme par exemple : - l'apparence physique : - la voix - le comportement : En plus d'organiser l'information qu'il reçoit, il va aussi inférer de nouveaux éléments qu'il n'a pas directement observés. D. Le modèle du continuum Fieske et Neuberg, 1990- nous pouvons nous former une impression sur autrui sur la base de l’appartenance catégorielle de la personne cible ou sur les informations individualisantes de cette personne. Ce qui détermine l’une ou l’autre information est : - la saillance perceptive - les objectifs du percevant - la charge cognitive (utilisation d’heuristiques si élevée) 9 IV Stéréotypes, préjugés et discrimination 1. Problématique Les filles pleurent Les garçons se battent Les jeunes sont cons Les vieux sont désagréables Les gens de la ville sont pressés. Ce sont des préjugés/clichés tout fait. 2. Définition Un stéréotype est « un ensemble de croyances à propos des caractéristiques que partagent les membres d’un groupe sociale (aspect cognitif) » Leyens (1983) définit les stéréotypes comme des « théories implicites de la personnalité que partage l'ensemble des membres d'un groupe à propos de l'ensemble des membres d'un autre groupe et du sien propre ». Un préjugé c’est une évaluation positive ou négative à l’égard des membres d’un groupe (aspect affectif). La discrimination est un comportement négatif à l'égard des membres d'un groupe envers lequel nous entretenons des préjugés. C'est donc un passage à l'acte (aspect comportemental). Ethnocentrisme : être centré sur son propre groupe que l’on considère comme supérieur aux autres groupes : - Préférence pour ce que l’on connaît, - peur de la différence, - racisme, - sexisme. 3. Mécanismes et origine cognitive des préjugés 2 mécanismes : - La simplification : sélection des caractéristiques les plus marquantes qui permettent le mieux de différencier un groupe par rapport à un autre - L’exagération : accentuation des caractéristiques par rapport à la réalité 10 2 origines : - La catégorisation sociale (voir plus loin) - L'illusion de corrélation lorsque deux événements sont rares, nous aurions tendance à les associer et à établir une relation de cause à effet. Par exemple, les membres des minorités sont statistiquement plus rares que les membres des majorités. En outre, les conduites négatives ou indésirables sont dans la société, en général, moins fréquentes que les conduites positives ou louables. Dès lors, ces deux aspects saillants seraient perçus comme liés entre eux : ce sont les minorités qui émettent les comportements négatifs. 4. Fonction des stéréotypes Les stéréotypes permettent - la simplification, - l'organisation de la réalité sociale. De même, ils ont des fonctions - explicative - anticipatrice - justificatrice - de reconnaissance sociale - d'inférer un certain nombre de traits et de conduites possibles - peuvent aussi amener à des erreurs de jugement sur les personnes et aussi avoir des conséquences négatives L’expérimentateur présente à une personne une série d’images. L’une d’elles représente une rame de métro dans laquelle on distingue plusieurs personnages dont deux qui semblent avoir une conversation animée : un Noir en costume et un ouvrier blanc tenant un rasoir en main. La personne informée de cette scène a ensuite pour objectif de transmettre l’information à une deuxième personne. Cette deuxième personne communique l’information qu’elle a reçue de la première à un troisième individu et ainsi de suite jusqu'à la sixième personne. Lorsque la sixième personne est interrogée par les chercheurs, le rasoir, dans son compte-rendu, est passé de la main de l’ouvrier blanc à la main du Noir environ une fois sur deux. Ce résultat qui semble étonnant à première vue l’est moins si l’on considère qu’il manifeste l’influence des croyances stéréotypiques sur la saisie d’informations touchant notre environnement. Le stéréotype du Noir aux Etats-Unis (violent, agressif, querelleur) a, ici, affecté la perception et le jugement de la scène chez les sujets et leur a imposé une autre image de la réalité. Les stéréotypes sont utiles lorsque l’on doit se faire rapidement une opinion sur quelqu’un, mais ils nous indiquent également comment nous comporter dans les situations où l’on ne dispose que peu d’informations. 11 5. Les prophéties qui s’auto réalisent (biais de la confirmation des attentes et effet pygmalion) Le phénomène de prophétie qui s’auto réalise repose sur l'idée selon laquelle, lorsqu'un individu (un percevant) s'attend à un comportement particulier ou à certains traits de personnalité chez une cible, il a tendance à : - percevoir chez elle des indices qui confirment ses attentes (biais de la confirmation des attentes : tendance à chercher ou à interpréter toute preuve comme étant en faveur d'une croyance préexistante, et d'ignorer ou de réinterpréter tout élément qui n'est pas favorable à ses croyances) Dans une étude de 1989, les psychologues Bonnie Sherman et Ziva Kunda ont présenté à des étudiants des éléments entrant en contradiction avec une croyance qu'ils tenaient fermement pour vraie, et des éléments de preuve supportant ces même croyances; les étudiants tendaient à atténuer la validité du premier ensemble de preuves et à accentuer la valeur du second. L e biais de confirmation n'est pas seulement envahissant, ses effets peuvent aussi influencer fortement la vie des gens. - provoquer un comportement conforme à ses attentes de la part de cette cible (Merton, 1948 ; Snyder, 1984) = on appelle cela l’effet Pygmalion : adoption de comportements qui favorisent la prédiction de départ (créer chez les autres ce que l’on attend d’eux) Par exemple, dans une conversation téléphonique, si un homme croit qu’une femme est très attirante, il aura tendance à se comporter de manière amicale avec elle. Ce comportement amènera peut-être la femme à être calme et assurée, confirmant ainsi le stéréotype selon lequel les femmes attirantes sont socialement compétentes (Snyder, Tanke & Berscheid, 1977). Les deux groupes ont cherché dans la personne la personnalité qu'ils voulaient y trouver (Snyder, 1981). Bien entendu, le biais de confirmation marche aussi dans les deux sens dans cette expérience. Les sujets dont les personnalités étaient évaluées, tendaient à donner des réponses confirmant l'hypothèse que l'interrogateur cherchait. 6. La menace par le stéréotype Lorsqu'un membre d'une catégorie dévalorisée se trouve menacé de confirmer par son comportement, une dimension du stéréotype associée à son groupe d'appartenance dans un domaine par ailleurs important pour lui, il se trouve dans une situation de « menace par le stéréotype » 12 V L’attribution causale 1. Définition L'attribution consiste à donner une explication à des événements pour lesquels nous n'avons pas d'explication immédiate et évidente Auto attribution >< hétéro attribution. L’attribution peut être : Interne/ externe : lieu de causalité, d’origine de l’action Stable/instable : stabilité de la cause dans le temps Contrôlable / incontrôlable : contrôlabilité de l’action Je révise beaucoup pour mes examens : Interne, stable, contrôlable Je suis fort dans ce domaine : Interne, stable, incontrôlable Pour une fois, j'ai bien révisé : Interne, instable, contrôlable Tout me réussit en ce moment : Interne, instable, incontrôlable Le prof m'a donné des cours particuliers : Externe, stable, contrôlable Le sujet était vraiment simple ce semestre : Externe, stable, contrôlable J'ai demandé qu'on m'offre des cours de rattrapage : Externe, instable, contrôlable J'ai eu de la chance : Externe, instable, incontrôlable Les explications quotidiennes répondent essentiellement à un souci d’économie cognitive et se basent surtout sur des schémas causaux 2. Erreurs et biais d’attribution A. L’erreur fondamentale d'attribution Elle est une tendance à surestimer, dans nos explications, les facteurs dispositionnels et à sous-estimer la part des facteurs situationnels. Elle concerne autant les hétéro attributions que les auto attributions. Cette erreur peut s'expliquer par - le besoin de contrôle et de prédiction de l'environnement - le respect d'une norme sociale valorisant l'internalité - le besoin d’une justice sociale B. Biais égocentrique/ d’auto complaisance C’est la tendance à attribuer nos succès (ou actes valorisés) à des causes qui nous sont propres, et nos échecs (ou actes dévalorisés) à des causes extérieures à nous 13 Ce biais peut s'expliquer par - la motivation à protéger son estime de soi - l'influence des attentes C. Biais de modestie C’est le contraire du biais d’auto complaisance D. Biais acteur observateur C’est la tendance importante chez l'acteur à attribuer ses actions à des causes externes, alors que chez les observateurs, il y a une tendance à attribuer ces mêmes comportements à des dispositions internes Les explications de ces différences sont - la perception des individus qui n'observent observent que le comportement - la justification – pour soi (l'individu cherche à expliquer ses actes) – versus les déterminants de l'action – pour autrui (l'individu cherche les causes des actes d'autrui). 3. Impuissance acquise et styles attributionnels A. Impuissance acquise Le brochet et le petit poisson : Un chercheur place un brochet dans un aquarium. Cet aquarium est divisé en deux parties par une vitre, invisible pour le brochet, De l’autre côté de la vitre, le chercheur place, dans le même aquarium, un petit poisson dont le brochet est friand Dès que le brochet a faim, il se précipite de toute sa puissance sur le petit poisson et s'écrase contre la vitre de séparation. A demi assommé, il se remet de ses émotions, et au bout d'un moment, se, précipite à nouveau sur le petit poisson pour aboutir, bien sûr, au même résultat que la première fois. Après un certain nombre d’essais infructueux, tous, sanctionnés de la même manière, le brochet ne cherche plus à attraper le petit poisson. Si l'expérimentateur enlève alors la vitre de séparation, le brochet, malgré sa faim, ne fait aucune tentative pour se saisir de la proie qui est pourtant à sa portée, il a appris l'impuissance. Seligman (1984) remarque que les attributions que l'on fait de nos échecs et de nos réussites sont plus ou moins stables selon les individus. Certains, notamment suite à une succession d'échecs dans laquelle ils n'avaient que peu ou pas de contrôle, finissent par ne plus faire de lien entre leurs actes et les conséquences de ces actes, d'où une perception d'absence de contrôle sur les événements = impuissance acquise, il s’en suit une tendance à mettre fin à ses efforts à la suite d'échecs alors que de nouvelles tentatives mèneraient au succès. 14 VI Le groupe social 1. Définition On pourrait dire qu'un groupe existe à partir du moment où deux personnes sont présentes. Mais deux personnes ne font pas forcément un groupe : encore faut-il qu'il se passe certaines choses, comme un but commun. Les membres du groupe doivent interagir entre eux et s'influencer mutuellement », ils sont donc interdépendants. Ils se perçoivent comme faisant partie du groupe (identification au groupe) 2. Variétés des groupes sociaux Le groupe d'appartenance Le groupe de référence : Notre idole Le groupe de travail Dans chaque groupe il existe des normes, des rôles et des statuts. Certains groupes sont plus structurés que d’autres (armée >< amis) 3. Les fonctions du groupe - La survie, les rencontres, la sécurité. La socialisation et l'apprentissage L'identité sociale : par comparaison sociale latérale, descendante, ascendante). La réalisation d'objectifs Mais nous permet aussi de réaliser de s’amuser, se divertir. 4. L’efficacité du travail en groupe On remarque que la cohésion au sein d’un groupe (degré d’attraction que les membres ressentent entre eux et envers leur groupe) sera d’autant plus importante que : - La poursuite de buts communs - Le succès - La compétition entre les groupes 15 5. La facilitation sociale A. Définition Selon Cottrell (1972), elle est une forme d'influence sociale (…) On peut donc appeler facilitation sociale toute modification des conduites humaines liée au simple regard ou à la simple présence d'autrui. Par modification on entend amélioration ou détérioration des performances. Sportif, Gérald court chaque dimanche. Curieusement, et même quand il pense avoir atteint ses limites, il est capable de courir plus vite quand il croise un autre coureur ou quand une jolie fille le regarde passer. Ces améliorations de sa performance, liées à la présence d'autrui, sont un effet de la facilitation sociale. L'effet d'audience Il s'agit de la façon dont des spectateurs passifs affectent la performance d'un individu qui travaille à une tâche quelconque ; Bergum et Lehr (1963) demandent à des recrues de la garde nationale américaine de surveiller deux heures durant l'ordre d'allumage de lampes sous deux conditions : -soit un officier supérieur passe de temps en temps voir si tout se passe bien, -soit personne ne passe (les recrues étant alors en autonomie totale). Les performances diminuent normalement dans les deux conditions (fatigue, etc.) néanmoins, les participants « surveillés » conservent encore après deux heures un taux de détection de 80 % contre 40 % pour les participants autonomes. Ici, la présence d'autrui a donc eu une incidence bénéfique sur les performances. L’effet de coaction Il s'agit de la façon dont la performance d'un individu effectuant une tâche donnée est influencée par le fait que, près de lui, d'autres individus effectuent la même tâche. Selon Allport, deux facteurs entrent en jeu - la vue des mouvements d'autrui accroît les nôtres et - un phénomène de rivalité intervient. La coaction aussi aurait un effet bénéfique sur les performances. Bien que, dans les exemples précédemment cités la présence d'autrui soit bénéfique, Ce n'est pas toujours le cas. 16 B. Comment expliquer que parfois, autrui améliore nos performances et, parfois, il les détériore ? L’hypothèse de Zajonc La présence d’autrui facilite la performance dans le cas d’une réponse dominante ; dans le cas contraire (réponses subordonnées), la présence d’autrui inhibe la performance. L'activation physiologique liée à la présence d'autrui accroît la motivation des individus et augmente la probabilité d'apparition de la réponse dominante dans leur répertoire comportemental. L’hypothèse de Cotrell Cottrell avance que la présence d'autrui est initialement neutre mais qu'elle perd graduellement de sa neutralité en raison de l'expérience que les individus acquièrent par leurs interactions avec diverses personnes dans des situations variées. Autrui peut ainsi être/devenir - évaluateur en situation d'audience - compétiteur en situation de coaction. Par conséquent, la facilitation est un phénomène appris. 6. La paresse sociale La paresse sociale est le fait que la performance d'un individu affecté à une tâche est meilleure lorsqu'il réalise cette tâche seul que lorsqu'il la réalise en coopération avec d'autres individus Ringelman demande à des sujets de tirer de toutes leurs forces sur une corde de 5 mètres, soit seuls, soit par groupes de sept puis de quatorze. La traction exercée est mesurée par un dynamomètre. Traction sur une corde : 1 personne : 63kg, 2 personnes : 118 kg, 3 personnes : 160 kg, 8 personnes : 248 kg De l'ensemble de ces expériences, il ressort qu'il ne s'agit pas là d'un simple problème de coordination des efforts de chacun mais plutôt : - D’un phénomène de diffusion de responsabilité - de l'incidence de l'impact social que peut avoir un expérimentateur sur les performances à une tâche de coopération - d'un calcul de la rentabilité des efforts collectifs - du rôle de l'identifiabilité des individus 17 VII Les déterminants de l’attraction interpersonnelle 1. Définition Elle est l'expression d'attitudes positives à l'égard d'une personne et qu'elle s'exprime par des conduites d'approche vis-à-vis d'elle. 2. Principes A. Proximité : Elle permet avant toute chose l’attraction B. Quantité de contacts : La fréquence des occurrences de cette proximité Festinger, Schachter et Back (1950) étudient la qualité des relations sociales d'un quartier créé pour d'anciens Gls qui, après la guerre, reprennent des études. Ce quartier regroupe 250 familles. La probabilité d'avoir des amis varie au sein d'un même immeuble, du simple au double ,selon que l'on est voisins immédiats (41 %), qu'un appartement sépare deux familles (22,5 %) ou que l'on habite des étages différents (10 %). Elle est plus élevée pour ceux qui habitent près des cages d'escalier ou des boîtes aux lettres. Enfin, elle est moins grande pour ceux qui peuvent échapper aux contacts, par exemple parce que leur maison donne directement sur la rue et non sur une cour intérieure. C. Similarité interpersonnelle physique et d’opinions La similarité, les ressemblances entre individus, tant physiques que d'opinions et de comportements, accroissent l'appréciation interpersonnelle et les affiliations réciproques = proximité/similarité socioculturelle Nous préférons des situations cognitivement équilibrées Newcomb (1961) loge gratuitement un groupe d'étudiants, à condition qu'ils acceptent de répondre régulièrement à des questionnaires. Si, en début d'année, ils ont tendance à croire que ceux qu'ils apprécient partagent leurs opinions, en fin d'année, ils apprécient ceux qui les partagent vraiment. Réciprocité de considération En général, nous aimons... ceux qui nous aiment. Si considération élevée, l’attractivité est élevée. Autres facteurs Il y a attraction envers une personne lorsque les bénéfices de la relation dépassent les coûts 18 VIII L’influence sociale : la normalisation 1. Délimitation du champ Le processus d’influence sociale se rapporte aux modifications que subissent jugements, perceptions, ressentis émotionnels, comportement et mémoire quand ses modifications apparaissent comme étant les effets des interactions (réelles ou symboliques) de deux individus ou groupes vis-à-vis d’un objet physique ou social quelconque. Stimulis Problème Question Individu P Réponse R Innovation Stimulis Problème Question Autre(s) personne(s) Réponses autre(s) personne(s) Individu P Indépendance (R non modifiée) Conformisation Communication Schéma descriptif d’une situation d’influence sociale (D’après G. de Montmollin, 1977) 2. Définition La normalisation, est le processus par lequel s'acquièrent les normes. Ainsi, les normes sociales sont des manières socialement déterminées, partagées et acceptées de ressentir, percevoir, penser, juger et agir. 3. Principes Sherif (1936) utilise l'illusion d'optique appelée « effet autocinétique » (en raison d'un phénomène adaptatif, un point lumineux fixe projeté sur le mur d'une pièce totalement noire paraît se déplacer de façon erratique). Parce que chacun perçoit un déplacement différent, on peut dire qu'aucune norme préalable n'existe dans cette situation. 19 Série de recherches 1 : les sujets isolés ont à estimer à plusieurs reprises « l'ampleur du déplacement du point lumineux ». Au fur et à mesure, les écarts de réponses diminuent et les estimations convergent vers une valeur moyenne : ils se créent une norme personnelle. Série de recherches 2: les sujets sont en situation de groupe. Les estimations individuelles disparaissent au profit d'une valeur moyenne du groupe : une norme collective apparaît au détriment des normes personnelles des sujets. Série de recherches 3: les sujets ont à estimer le déplacement du point lumineux en situation de groupe puis en situation isolée. Dans la première phase, les estimations convergent vers une valeur moyenne du groupe (norme collective). Dans la seconde phase, en dépit du fait qu'ils sont cette fois seuls, les sujets conservent cette valeur moyenne : ils ont intégré la norme collective et y demeurent fidèles même en l'absence du groupe. 4. Caractéristique des normes Les normes collectives peuvent émerger de plusieurs façons. Elles peuvent ainsi provenir : - d'une convergence vers la moyenne des normes individuelles - d'une influence prépondérante d'un membre du groupe. - Elles peuvent aussi être des normes parfaitement originales. C’est un processus essentiellement intrapsychique Les normes peuvent : - être personnelles ou de groupe - être plus ou moins explicites - comporter une marge de manoeuvre ou fonctionner en tout ou rien - comporter ou non des sanctions en cas de transgression - être plus ou moins arbitraires - être les normes du groupe d'appartenance ou celles d'un groupe de référence 5. Conséquence de la normalisation - Elle réduit les différences interpersonnelles en engendrant une certaine uniformité. Elle apporte ordre et stabilité. Elle entraîne une convergence des opinions et une adhésion à un compromis. Elle apporte une certaine prédictibilité. De plus, la norme est très résistante au changement 20 IX Le conformisme 1. Définition Le conformisme peut apparaître comme - une soumission purement externe et instrumentale ou - une véritable adhésion de l'individu à la norme collective : influence majoritaire. 2. Principes Asch (1951) demande à des individus de participer à une expérience ayant trait aux capacités perceptives. Lorsque le sujet arrive au laboratoire, il est « le dernier » à arriver, et sept autres sujets (des comparses) sont déjà installés. La tâche consiste à montrer neuf fois deux cartons. Sur le premier est dessinée une ligne (ligne étalon), sur le second, trois autres lignes (A, B, C) de grandeurs différentes (lignes de comparaison). Ligne étalon Ligne A Ligne B Ligne C Les sujets doivent indiquer quelle ligne est identique en taille à la ligne étalon. Le matériel utilisé n'est pas ambigu, donc au moins 90 % des réponses devraient être correctes. Un groupe témoin composé de huit sujets naïfs montre 93 % de bonnes réponses. Toutefois, Asch manipule la pression sociale : les sept comparses donnent oralement une réponse fausse, puis le participant doit indiquer la sienne. Les compères du groupe expérimental font 12 erreurs sur 18 sur des différences allant de 0,5 à 5 cm. Le groupe témoin montre 93 % de bonnes réponses contre 67 dans le groupe expérimental (33 % d'erreurs= Les sujets se sont donc conformés à l’avis de la majorité dans 33% du temps, or la réalité était pourtant évidente !). Le sujet est pris entre sa propre perception et l'unanimité de la réponse – erronée – des autres « sujets ». Il y a un conflit au : - niveau cognitif : dépendance informationnelle - niveau normatif : dépendance normative 3. Kelman et les niveaux de conformisme Kelman (1958) détermine trois niveaux de conformisme en fonction de la durée et de la profondeur des changements d'opinion : - l'acquiescement (suivisme ou complaisance) l'intériorisation l'identification 21 Un cas d’identification : le syndrome de Stockholm Le 23 août 1973, un évadé de prison, Jan Erik Olsson tente de commettre un hold-up dans l'agence de la Kreditbanken du quartier de Norrmalmstorg à Stockholm. Lors de l'intervention des forces de l'ordre, il se retranche dans la banque où il prend en otage quatre employés. Il obtient la libération de son compagnon de cellule, Clark Olofsson, qui peut le rejoindre. Six jours de négociation aboutissent finalement à la libération des otages. Curieusement, ceux-ci s'interposeront entre leurs ravisseurs et les forces de l'ordre. Par la suite, ils refuseront de témoigner à charge, contribueront à leur défense et iront leur rendre visite en prison. Une relation amoureuse se développa même entre Jan Erik Olsson et Kristin, une des otages. Le syndrome de Stockholm désigne la propension des otages en isolement total partageant longtemps la vie de leurs geôliers à adopter peu ou prou le point de vue de ceux-ci. 4. Facteurs du conformisme Berry (1967) réalise une expérience de type Asch avec trois cultures différentes : - une culture basée sur la pêche et la chasse (individualisme) : des Esquimaux ; - une culture basée sur la culture du riz (collectivisme) : des Temnes de la Sierra Leone ; - un groupe contrôle : des Écossais. Chaque participant doit évaluer les lignes. L'expérimentateur leur dit : « la majorité des personnes de votre culture a répondu... » Induisant en cela un éventuel conformisme. Les Temnes ont un taux de conformisme de 8.9 contre 2.6 chez les Esquimaux et 3.9 chez les Écossais. Chez les Temnes, quand quelqu'un choisit quelque chose, tout le monde doit choisir la même chose. Des cultures collectivistes génèrent ainsi plus de conformisme que des cultures individualistes. Le conformisme se juge par rapport à la norme, mais est également une norme pour une culture donnée. 22 X L’influence minoritaire 1. Définition Basée sur une relation dissymétrique, une minorité active, à condition de présenter une certaine cohérence et consistance, peut influencer une majorité. Il en résulte alors un changement social, appelé innovation, qui devient « importante lorsque l'attention est localisée sur le changement social et l'action des minorités par rapport aux normes ou codes sociaux établis » (Moscovici et coll., 1971). Moscovici, Lage et Naffrechoux (1969) Les sujets réunis en groupe de 6, croyaient participer à une étude sur la perception des couleurs. Après un test de vision, ils se voyaient présenter 36 dispositives, toutes manifestement bleues et différant uniquement en terme d’intensité lumineuse. Tâche : nommer à haute voix la couleur de chaque diapositive en utilisant un label simple. 2 sujets assis en première et seconde position ou en première et quatrième position étaient des comparses de l’expérimentateur. 3 conditions : 1-Dans la condition expérimentale dite consistante – les 2 comparses qualifiaient toutes les diapositives de « vert ». 2-Dans la condition inconsistante – les complices annonçaient « vert » à 24 reprises et « bleu » le reste du temps. 3-Une condition de contrôle mettait en scène 6 sujets naïfs Résultats : 3-contrôle : les réponses « vert » représentent 0.25% des réponses (mauvaises réponses), les sujets ne commettaient pratiquement pas d’erreur, le stimulus n’est donc pas ambigu. 2-minorité inconsistante : 1.25% de mauvaises réponses de la majorité - à peine plus que dans la condition contrôle 3- minorité consistante : 32% des sujets donnent au moins une réponse « vert », donc suivent la minorité à au moins une occasion- au total – 8.42% de réponses « vert », donc 8% des réponses de la majorité ont été dans le sens de la minorité , une proportion significativement plus grande que dans les 2 autres conditions 23 2. Caractéristiques et déterminants Une minorité doit rester cohérente, flexible et logique et posséder une argumentation articulée Nemeth, Swedlund et Kanki (1974) reproduisent l'expérience en utilisant des diapositives bleues de forte ou faible intensité lumineuse avec : (1) une minorité qui est consistante dans son comportement : les individus répondent systématiquement vert, quelle que soit l'intensité lumineuse de la diapositive, ils sont donc rigides, ou (2) une minorité qui est inconsistante (2a) aléatoirement ou (2b) selon l'intensité lumineuse, c'est-à-dire sur un critère concret, objectif. Si la consistance génère plus d'influence que l'inconsistance aléatoire, c'est la situation d'inconsistance selon l'intensité lumineuse qui produit le plus d'influence. Autrement dit, mieux vaut se ménager des positions de repli et une façade de négociation que de rester rigide sur ses positions. Le principal mérite de la minorité serait donc de faire réfléchir (Nemeth). On a demandé à des sujets de la majorité de juger en privé des nuances allant d’une couleur nettement bleue à une couleur nettement verte. Un nombre important de sujets qui pendant l’expérience c’étaient tenus à des réponses conformes à la majorité (bleues), se sont mis à voir des diapositives tirant sur le vert. 3. L’innovation L’innovation est un processus d'influence sociale qui a généralement pour source une minorité ou un individu qui s'efforce d'introduire ou de créer des idées nouvelles, de nouveaux modes de comportements, ou encore de modifier des idées reçues, d'anciens modes de se comporter ou de penser. 4. La résistance à l’influence Crédit idiosyncrasique (Hollander): pouvoir q’un individu possède pour infléchir les normes de son groupe. 24 XI La soumission a l’autorité 1. Définition Elle est l'un des éléments fondamentaux de l'édifice social et est socialement encouragée et valorisée. L'obéissance est une modification des conduites à travers laquelle nous répondons par la soumission à un ordre, une injonction qui vient d'une autorité (individu ou groupe) que nous jugeons ou pensons légitime. Elle peut être comparée à l’influence majoritaire (conformisme) – mais celle-ci serait qualitative Il y a donc une assymétrie de pouvoir dans laquelle c'est la source d'influence qui domine. Dans les recherches sur l'autorité, la pression sociale est explicite : il y a une injonction à obéir. D’autres différences entre l'obéissance et le conformisme peuvent être mises en évidence : - la hiérarchie : - l'imitation : - le volontarisme : 2. Principes essentiels A. Les travaux de Milgram Milgram était un juif américain qui fut bouleversé par la découverte des camps de concentration et leurs conséquences. Suite aux grands procès des nazis, durant lesquels certains accusés, dont Eichman, se défendirent en disant qu'ils n'étaient pas en cause dans ce massacre, qu'ils n'avaient fait que signer des documents et n'avaient tué personne, Milgram se pencha sur les déterminants des conduites obéissantes. Des sujets sont recrutés par petite annonce pour participer à une étude, rétribuée 4 dollars, au très réputé laboratoire de psychologie de l'université de Yale. L'expérience à laquelle ils participent est annoncée comme pour tester l'effet de chocs électriques sur la mémoire (« apprendon mieux lorsqu'on sait que nos erreurs seront punies ? »). Un tirage au sort, truqué, désigne le sujet comme « professeur », et un comparse d'une quarantaine d'années, présenté comme un autre sujet naïf, comme < élève ». En présence du professeur, l'élève est attaché sur un fauteuil, des électrodes lui- sont fixées sur les bras, et l'expérimentateur lui donne des listes de mots à apprendre. Dans une autre pièce, le professeur est ensuite installé face à un tableau de commandes présentant 30 boutons poussoirs gradués de 15 en 15 volts, allant de 15 à 450 volts avec 25 les indications suivantes : choc léger, choc modéré, choc fort, choc très fort, choc extrêmement intense, attention choc dangereux et enfin XXX. Le professeur a une liste de 30 mots associés à des adjectifs. Il lit les 30 couples à l'élève, puis il lui présente l'un de ces mots pour qu'il retrouve dans une liste l'adjectif associé. À chaque erreur commise, le professeur doit sanctionner l'élève par un choc électrique en augmentant d'intensité à chaque fois. À 75 volts, l'élève gémit ; à 120 volts, il crie que les chocs sont douloureux ; à 150 volts, il refuse de continuer ; à 270 volts, il pousse un cri d'agonie ; à partir de 300 volts, il râle une dernière fois et cesse de répondre. À chaque fois que le professeur hésite, l'expérimentateur lui dit de continuer. Si après quatre incitations successives, le professeur hésite encore, l'expérience est stoppée. L'expérimentateur prend alors en compte comme variable dépendante le dernier choc administré à l'élève. Dans cette expérimentation, deux sujets sur trois vont jusqu'au bout et délivrent 450 volts à leur élève. Milgram réalisa 18 variantes de cette recherche pour tester l'incidence de divers facteurs sur la soumission à une autorité. Un problème déontologique se posait avec ces recherches, et Milgram fit suivre les sujets en psychothérapie afin de prévenir les troubles éventuels liés à ses expérimentations. De longs entretiens post-expérimentaux suivaient, en outre, chaque passation. Pourtant, même dans les conditions extrêmes, il n'y eut pas de problèmes chez les sujets mais plutôt des changements positifs dans leur façon de voir les choses. Les résultats principaux sont résumés dans le tableau ci-dessous. Variantes Feed-back à distance (l'élève ne peut que frapper contre la cloison) Feed-back vocal (on peut juste entendre l'élève parler et crier) Proximité (l'élève est juste à côté) Contact physique (l'élève et le professeur sont en contact physique) Local peu avenant Expérimentateur part ; un compère dit de continuer Autorité divisée (désaccord entre expérimentateurs) Instructions par téléphone Trois professeurs un naïf et deux compères dont un arrête à 150 et l'autre Trois professeurs un naïf et deux compères qui obéissent à 210 volts Un pair donne les chocs % d'obéissance 65 62,5 40 30 47,5 20 0 20,5 10 72,5 92,5 26 B. Les facteurs de soumission à l’autorité Proximité de la victime (derrière un mur, une cloison, en proximité directe,…) Proximité sociale (ouvriers, employés, profession libérales,…) Proximité de l'autorité (face à face, 10m, 100m, longue distance,…) Unanimité des ordres et ordres d'une autorité (un ou plusieurs donneurs d’ordre) Choix de la punition (sévère ou pas) Le niveau d’instruction (ferme ou pas) 3. Interprétations théoriques A. Facteurs de personnalité Ils mettent en place des mécanismes de défense Remarque : les personnes qui ont une forte tendance à l’autoritarisme On peut dire que ce n’est pas vraiment une question de personnalité mais une question de pression sociale !!! L'explication se trouve ainsi plutôt dans le contexte que chez les individus eux-mêmes. B. Etat agentique et dilution de responsabilité Condition de l'individu qui se considère comme l'agent exécutif d'une volonté étrangère, par opposition à l'état autonome dans lequel il estime être l'auteur de ses actes. Déresponsabilisation. Deux facteurs favorisent le passage du premier au second état. Le premier facteur est la socialisation Le second est la perception que l'on a de la science C. Autres formes d’obéissance Meeus et Raaijmakers (1986) testent le concept d'obéissance administrative. Cette fois, il s'agit pour les sujets de « torturer » mentalement un individu prétendument chômeur ayant passé avec succès tous les autres tests mais qui n'accédera à l'emploi qu'en cas de réussite au dernier test. Or, la tâche des sujets est, durant ce dernier test, de faire des remarques erronées et stressantes au candidat chômeur (le faisant en cela échouer à ce test). Ce type de violence étant d'actualité et étant plus indirect que l'envoi de chocs électriques, 92 % des sujets acceptent de torturer mentalement le candidat. 27 4. Interprétations théoriques Les expériences de Stanley Milgram montrent : Que des gens ordinaires peuvent facilement se transformer en bourreaux du fait qu'ils se soumettent à ce qu'ils considèrent être une autorité, et qu'ils abandonnent à cette occasion leur propre conscience ; ainsi on peut transformer une personne ordinaire en tueuse, indépendamment de ses propres valeurs. que chacun peut être inconsciemment et simultanément victime et bourreau de la manipulation Que la solidarité est le meilleur rempart aux excès d'autorité. «Quand un individu veut se dresser contre l'autorité, le meilleur moyen pour lui d'y parvenir est de s'appuyer sur le groupe auquel il appartient: la solidarité reste notre rempart le plus efficace contre les excès de l'autorité. » « Restons responsables de nos actes ! » 28