mélenchon2 - Observatoire citoyen des promesses électorales

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Le coup de grâce
On n’attendait rien, mais surtout pas ça !
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I
l aura suffi de dix jours à 98 grands patrons pour être
entendu et leurs revendications satisfaites. « J’ai été
entendue » plastronne madame Parisot, remerciement
qu’elle ne fit jamais à Sarkozy ! Sous prétexte de
compétitivité, une ponction de vingt milliards
supplémentaires est faite sur la dépense publique, moitié en
dépenses supprimées, moitié en
prélèvements supplémentaires par le biais d’impôts indirects
injustes et violents. J’écris sous le choc. J’ai réparti mon
travail de cette note en trois thèmes qui me semblent utiles
pour comprendre le point de vue que je développe avec non
seulement tous mes amis du Front de Gauche mais un bon
nombre d’économistes de tous bords que cette absurde
saignée permanente alarme au plus haut point. D’abord je
reprends mes arguments pour montrer que c’est le coût du
capital et pas celui du travail qui est en cause en France. Ensuite je fais le point précis sur la
ponction qui vient d’être décidée. Enfin je reviens sur l’absurde mythe du modèle allemand !
Et maintenant voici la consigne : le 14 novembre répliquez aux libéraux et aux sociauxlibéraux en répondant à l’appel de vos syndicats qui dans toute l’Europe appellent à des
marches et mobilisations contre l’austérité. Surtout préoccupez-vous d’y rallier le plus grand
nombre possible des nôtres. Le soir même, dans dix villes en France, le Parti de Gauche
organise un meeting politique de protestation et de propositions. Quant à moi je m’exprimerai
le 16 novembre le soir à Paris au gymnase Japy. Auparavant, le 12, Jacques Généreux et les
camarades de la commission économique du Parti de Gauche proposeront un contre budget.
Ce qui coûte trop cher, c'est le capital
S
i ce plan a un objectif de développement économique, il est bon à jeter intégralement à la
poubelle. C’est une collection de préjugés idéologiques matraqués comme des lois de la nature
elle-même. Le prétendu coût du travail est réputé excessif. Un point c’est tout. La
démonstration n’est jamais faite. Dès lors pas une phrase, pas un argument donné qui ne soit
un escamotage, un trucage. Loin de faire leur métier d’information, les médias ont bêlé en
cadence tous les refrains libéraux sans aucun esprit critique. Une dépêche de l’AFP a même pu
dire que la presse française « salue le plan Gallois et s’inquiète de sa mise en application
réelle ». Tel quel. Le système médiatique entier se donne à voir selon le média central, sans se
cacher, comme un parti politique qui défend une vision économique.
Escamotage ? « Le décrochage français » ! Voyez. « Le Monde » du 6 novembre donne
cet extrait du rapport Gallois pour situer le problème que celui-ci prétend résoudre. « Trois
chiffres illustrent le « décrochage français ». Le recul de la part de l’industrie dans la valeur
ajoutée, de 18% en 2000 à 12,5 % en 2011. Les parts de marché des exportations françaises
passées de 12,7 en 2000 à 9,3% en 2011. Et le solde de la balance commerciale (hors
énergie) de +25 milliards en 2002 à -25 milliards en 2012 » Accablant, non ? Mais c’est un
trucage ! Car pas une fois ne sera mentionné le fait que ces trois paramètres peuvent se
ramener à un seul : l’impact de la délocalisation de la production et celui-ci comme
conséquence du dumping social et fiscal. Pas une fois évoqué ! Que trois Renault sur cinq
vendue en France viennent du Maghreb où les ouvriers sont payés au lance-pierre n’est pas
seulement vaguement mentionné ! Pourquoi ? Cet exemple illustre pourtant parfaitement bien
le mécanisme qui conduit au recul des parts de l’industrie dans la richesse produite en France,
le recul des parts de marché par effet de substitution des sites de production et pour finir la
dégradation de la balance du commerce extérieur. Non ? Et comment est-il imaginable
d’évoquer ces trois « causes » du « décrochage » sans dire non plus un mot, ne serait-ce
qu’un, du taux de change de l’euro maintenu si haut contre toute logique économique au
moment même où les autres blocs économiques, USA et Chine jouent leur monnaie à la
baisse ?
Escamotage : les marges des entreprises seraient trop faibles pour permettre le
bon niveau d’investissement. Voyons cela ! « Les marges des entreprises après
versement des dividendes représentent 6,8% du PIB contre 11,05% en Allemagne et 9,63 %
en zone euro » Nous sommes censés paniquer à cette information tragique. Faute de marges
suffisante les malheureuses entreprises ne pourraient donc pas investir suffisamment. Pourtant
la lecture attentive de cette phrase contient son démenti. Elle l’efface habilement du fait même
qu’elle le mentionne sans s’y arrêter. Les marges des entreprises « après versement des
dividendes » sont en baisse. Si vous ne faites pas attention à ce petit bout de phrase vous ne
comprenez pas l’arnaque. Car le calcul commence par sortir de l’observation un coût
considérable : celui de la « rémunération » du capital, c’est-à-dire ce que l’on donne aux
actionnaires, leurs dividendes. Et après ce tour de passe-passe on en vient à poser le problème
du « coût excessif du travail » comme si l’évidence du problème était là ! Pourtant le coût du
capital augmente deux fois plus vite que celui du travail. De 2007 à 2012, les dividendes ont
augmenté de 27%. La masse salariale totale de 12%. Cette progression continue du coût du
capital est le fait marquant de la période historique qui vient de s’écouler. La part de la
richesse produite prélevée par le capital a triplé depuis trente ans. Elle était de 3,2 % du PIB
en 1980, elle était déjà de 5,6 % en 1999, elle est passée à 9,3% du PIB en 2011. Ainsi, le
prix du capital a coûté 120 milliards supplémentaires aux entreprises !
L’investissement n’est insuffisant que du fait de la rémunération excessive du
capital. Pour le vérifier, cherchons à savoir quelle part de la richesse va à l’investissement
productif et quelle part va au versement des dividendes des actionnaires. En 2010, les
entreprises ont dépensé plus d'argent en dividendes qu'en investissement productif. C'est la
CGT qui avait relevé ces chiffres et les avait publiés il y a un an sans être démentie. Et pour
cause, ils viennent des comptes de la Nation. Les dividendes se sont élevés à 210 milliards
d'euros. Mais il n’a été consacré que 182 milliards d'euros aux investissements. La marge de
financement est large. Nul besoin de s’en prendre aux revenus du travail !
Le discours sur le « coût du travail » concentre les coups sur les « charges
sociales ». Le montant de ce qu’il faut appeler des cotisations serait excessif. Bien sûr, le
versement des dividendes serait de son côté aussi « naturel » que n’importe quel autre
paramètre autonome comme le prix des matières premières ou celui des machines. En dehors
même de la discussion de fond sur l’utilité sociale de la rémunération sans limite du capital de
propriétaires oisifs, on peut d’abord demander des comparaisons entre ce que coûte la
« rémunération » du capital et la part donnée aux travailleurs pour les fameuses « charges
sociales ». Dans les entreprises non financières en 2011, le coût du capital est deux fois plus
élevé que les cotisations patronales ! Il en aura coûté 307 milliards d'euros de dividendes et
intérêts aux banques pour 154 milliards d'euros de cotisations sociales !
Tout le discours officiel est ainsi farci d’affirmations sans preuve que le moindre
examen détricote en quelques instants. Ainsi quand ce cynique de Jean-Marc Ayrault proclame
que les 20 milliards d’allégement du « coût du travail » vont permettre de dégager un bénéfice
de 0,5% de la richesse totale du pays. En 2017, ce qui est bien loin ! Et reste à prouver que ce
bénéfice ne sera pas intégralement récupéré en marges supplémentaires par les mêmes
prédateurs qui ne se gênent pas aujourd’hui pour se gaver au détriment de
l’investissement. Mais surtout ça ne dit pas que le même résultat s’obtiendrait tout de suite
avec une baisse de 10% de la valeur de l’euro ce qui cette fois-ci par contre ne coûterait rien.
Et cela ne dit rien de l’ampleur du prélèvement cumulé que va représenter pour la même
période l’augmentation de TVA sur les revenus salariaux. Car sur ce point il n’y a pas de
doute : ce sera autant de moins sur les salaires.
Jean-Marc Ayrault poursuit une politique qui ne marche pas. Depuis une vingtaine
d'années, les entreprises bénéficient d'aides publiques considérables pour "baisser le coût du
travail". En 2012, les exonérations de cotisations sociales patronales ont atteint 28 milliards
d'euros. C'est vous qui les avez payées par vos impôts puisque l'Etat compense à la Sécurité
sociale les cotisations non perçues. En 2002, les exonérations ne représentaient "que" 19
milliards d'euros. La hausse est de 50% en dix ans. Au total, en 10 ans, les exonérations de
cotisations patronales ont représenté 215 milliards d'euros cumulés ! Pour quel résultat en
matière d'emploi ? Aucun, le chômage ne cesse de grimper.
C'est normal. Le "prix" du travail n'est pas la cause des difficultés de l'économie
française. Il n'y a pas de problème de "coût" du travail contrairement à ce que disent les
porte-parole des actionnaires patrons. Que disent les chiffres ? Selon une enquête de l'INSEE
publié au printemps 2012, une heure de travail industriel en général coûtait 33,37 euros en
Allemagne et 33,16 euros en France. L'heure de travail coûte donc un peu moins cher en
France qu'en Allemagne. Et la France est aussi moins chère que la Belgique, le Danemark et la
Suède. Je le mentionne parce que Jean-Marc Ayrault a vanté les "pays scandinaves" dans son
intervention de mardi. L'écart est encore plus frappant si on regarde uniquement l'industrie
automobile, qui est souvent utilisée pour comparer la France et l'Allemagne. Toujours selon
l'INSEE, « dans l’industrie automobile, le coût horaire allemand est le plus élevé d’Europe. Il
est en particulier supérieur de 29% à celui observé en France ». Il est de 43,14 euros en
Allemagne contre 33,38 euros en France.
François Hollande et Jean-Marc Ayrault traitent comme une évidence
universelle ce qui n’est qu’une hypothèse de travail dans un raisonnement bien particulier. A
La conférence sociale de juillet dernier, Hollande avait déjà affirmé qu'après le
désendettement, « le second défi auquel nous faisons face est la détérioration de notre
compétitivité ». Pourtant la "compétitivité" est un concept qui peut recevoir bien des définitions
et des contenus. Parle-t-on de la compétitivité de la valeur d’usage des marchandises, c’est-àdire de leur utilité, de leur performances techniques, ou bien parle-t-on de la compétitivité de
la valeur d’échange d’un produit c’est-à-dire de son prix ? Et si on parle de la compétitivité de
la valeur d’échange il est évident que le problème se pose complètement différemment selon
que l’on parle du marché intérieur ou du marché mondial. La compétitivité dont il est question
depuis les premières préparations d’artillerie médiatique sur le sujet est celle des produits
français mis en vente sur le marché mondial. Elle n'a d'importance que dans le but d'exporter
nos produits. Or l'essentiel de l'activité économique de la France dépend de la consommation
intérieure et non du commerce extérieur. Les exportations représentent moins de 20% de la
richesse produite chaque année dans le pays. 80% de la richesse du pays n'est pas exportée.
La priorité est donc de ne rien faire pour les 20 % qui nuise aux 80 %. C’est pourtant ce qui
est fait dans l’aveuglement le plus total. Aujourd'hui, de nombreux secteurs liés à la
consommation intérieure sont en difficulté du fait de l'austérité, du chômage, des salaires trop
bas et des impôts indirects qui frappent la consommation populaire. C'est le cas du petit
commerce. Mais le bâtiment et les travaux publics souffrent aussi. Les difficultés de ces
secteurs n'ont rien à voir avec la compétitivité de leurs productions. Elles sont directement
liées à l'austérité budgétaire que défendait Sarkozy et que défend maintenant Hollande. Le
problème de ces entreprises est l'abandon de tous les projets d'investissements par les
collectivités locales asphyxiées financièrement. Elles sont directement liées aux mesures qui
sont prises pourtant au nom de la compétitivité. A quoi bon un allégement de cotisations
sociales si le carnet de commande se vide faute de chantier, faute de client solvable, à cause
d'une TVA excessive ?
L'erreur de diagnostic de Hollande et Ayrault est aussi un contresens
écologique. Ils cherchent à lier encore avantage l'économie française à la mondialisation
capitaliste, c’est-à-dire à l’actuel déménagement permanent du monde. Pourtant l'avenir c'est
la relocalisation des productions. Relocalisation dans l’espace régional européen dont il faut
filtrer les accès. Relocalisation invariante d’échelle au niveau compatible le plus proche. La fuite
en avant permanente dans l’exportation condamne à une politique de l’offre dont la seule
préoccupation ne peut être que d’atteindre le coût de production le plus bas au détriment de
toutes les conquêtes sociales et humaines des producteurs. C’est ce que nous vivons. Mais il
faut finir d’en faire le bilan. La logique de l’économie d’exportation pousse à la spécialisation
des productions dans certaines niches de production. Cela s’opère donc au détriment d’une
activité plus équilibrée et plus auto-suffisante. La suite se décline facilement. Tant qu’à être
dans des niches autant être dans celles qui sont les plus profitables. C’est comme ça, par
exemple, que commence la fascination pour la production des voitures haut de gamme qui
rapportent gros à l’unité. Et ainsi de suite. Ainsi loin d’être consacrée aux besoins du grand
nombre, l’activité la plus riche en contenu technique, à la valeur d’usage la plus élevée, se
concentre sur les besoins du très petit nombre qui est en état de s’offrir le haut de gamme de
tous les domaines. Une économie nationale dont le marché intérieur est étroit et qui a pour
objectif sa seule insertion dans le marché mondial se déforme socialement et techniquement
en s’éloignant de la souveraineté sur les produits de base dont a besoin sa population.
Le bilan exact de la facture
I
l faut faire un bilan précis de ce qui a été annoncé. Il le faut pour faire le compte exact du
coup que vient de recevoir le peuple populaire. Moins de service public et plus d’impôts
indirects. Le commun de mortels paiera deux fois pour compenser les 20 milliards offerts sans
contrepartie aux actionnaires sous prétexte de compétitivité.
Jean-Marc Ayrault a accordé une baisse d'impôt de 20 milliards d'euros pour
"toutes les entreprises". Elle prendra la forme d'un "crédit d'impôt". Ce crédit d'impôt
équivaudra à une baisse des cotisations sociales de 6% sur les salaires compris entre 1 et 2,5
fois le SMIC. C’est d’abord une usine à gaz. Les entreprises payeront leurs cotisations à la
Sécurité sociale. Celle-ci ne sera donc pas concernée directement par ces mesures. L'Etat
compensera ces cotisations par un crédit d'impôt. Ce crédit d'impôt sera applicable à partir de
2014 sur les impôts au titre de 2013. Le cadeau s’élève à 10 milliards d'euros. Puis il montera
en puissance de 5 milliards supplémentaires en 2015 et autant en 2016 où il atteindra un total
de 20 milliards. Selon la forme juridique de l'entreprise, il sera appliqué à l'impôt sur les
sociétés ou à l'impôt sur le revenu.
Le côté gothique du montage de ce dispositif montre que la "compétitivité" n'est qu'un
prétexte pour faire un cadeau aux actionnaires. En effet, le crédit d'impôt Ayrault ne fera pas
la distinction entre les secteurs soumis à concurrence internationale et les autres. Il ne fera
pas non plus de différence entre les banques et l'industrie ni entre l'industrie et les services.
Pas plus qu'il ne distinguera les grandes entreprises des petites. Cette mesure inutile et
aveugle va coûter des milliards d'euros. Et les effets d'aubaine pour les trafiquants seront
énormes. Les grandes entreprises se tailleront la part du lion puisque le crédit d'impôt
dépendra du nombre de salariés. C'est aussi une incitation aux bas salaires puisque le bénéfice
de ce dispositif concernera seulement les salaires inférieurs à 2,5 fois le SMIC. Louis Gallois
lui-même a vendu la mèche. Il a expliqué que le crédit d'impôt Ayrault était "au moins aussi
favorable aux entreprises sinon plus" que sa proposition de transfert de cotisations sociales.
Ce cadeau sera payé par le peuple. Pour compenser les 20 milliards, Ayrault a annoncé
deux types de mesures. D’abord une baisse des dépenses publiques et une hausse des impôts
frappant tous les ménages. La baisse des dépenses publiques sera de 10 milliards d'euros. Le
document du gouvernement précise que « ces économies seront recherchées en n’excluant par
principe aucun pan de la dépense publique : dépenses de l’État, de ses agences, des
collectivités territoriales et de la protection sociale ». Vous êtes prévenus : ce sera du service
public ou de la protection sociale en moins. Cette baisse s'ajoutera à celles déjà prévues par la
loi de programmation budgétaire. Heureusement que nos parlementaires ont voté contre ! Le
document du gouvernement rappelle sans honte que « le gouvernement s’est d’ores et déjà
engagé, dans la loi de programmation des finances publiques en cours d’examen au Parlement,
à réduire le poids de la dépense publique de 2,7 points de PIB sur la législature, ce qui
représente environ 50 milliards d’euros d’économies ». Avec ces 10 milliards, on sera à 60
milliards au total. Soit 3% de la richesse totale du pays. La saignée ! La saignée !
Quand Ayrault annonce que son plan est une « étape majeure et décisive dans la sortie
de crise de notre pays et de son économie », il nous (et se) trompe lourdement. Quand il
annonce que son plan créera 300 à 400 000 emplois et 0,5% de croissance supplémentaires
d'ici à 2017, il ment effrontément. C'est au contraire un tour de vis de plus dans l'austérité.
Donc un pas de plus vers la récession. D'autant que les 10 autres milliards d'euros nécessaires
pour financer ce plan viendront directement de votre poche sous la forme d’impôts indirects.
Le choc contre la dépense publique va se doubler d'un choc négatif sur la consommation
populaire. L'effet sur l'économie sera désastreux.
L'essentiel des recettes nouvelles viendront de la TVA. Sur les 10 milliards d'euros de
recettes, Ayrault a prévu 3 milliards par la "fiscalité écologique" mais en renvoyant sa mise en
place et ses modalités à 2016. L’écologie réduite au rôle de recettes de poche pour le futur,
quel grand bond en avant idéologique ! Bien joué les ministres Verts ! Par contre, dès 2014, les
7 autres milliards viendront de la TVA ! Pour de vrai et tout de suite ! C'est l'essentiel. C'est un
coup de poignard contre le pouvoir d'achat populaire. Hollande et Ayrault donnent raison à
Sarkozy et sa funeste TVA sociale. Comme Sarkozy, ils décident d'augmenter le taux normal de
TVA. Jospin l'avait baissé, Hollande, comme Sarkozy, le remonte. C’est tout un symbole
lamentable. Avec Ayrault, la TVA passera de 19,6% à 20%. Et c'est pire pour le taux
« intermédiaire ». Sarkozy l'avait relevé de 5,5% à 7%. Hollande et Ayrault vont encore plus
loin et le relève à 10% ! Cette hausse concernera la vie quotidienne des citoyens. On entend
beaucoup parler de la restauration et des travaux dans l'habitat. Mais elle frappera aussi les
médicaments, les livres, le bois de chauffage, les abonnements aux transports en commun.
Pour l'affichage compassionnel, le gouvernement annonce une baisse du taux réduit sur les
produits de première nécessité de 5,5% à 5%. A supposer que vous puissiez le constater, cela
devrait coûter moins d'un milliard d'euros. Mais les hausses sur tout le reste, que les mêmes
personnes consomment aussi, leur prendront plus de 7 milliards d'euros !
Ces décisions sont écœurantes. En les faisant, Ayrault y a ajouté des provocations
cyniques. Il a essayé de faire croire qu'il s'agissait de « mesures ambitieuses, résolument de
gauche ». Le mot « gauche » résistera-t-il à ce traitement ? En réalité, il a validé tous les
discours libéraux sur le "coût du travail", le "déclin" et le "décrochage" de l'économie française.
Et il a choisi d'augmenter l'impôt le plus injuste : la TVA. La TVA frappe tous les ménages quels
que soient leurs revenus. Donc il n’y a pas besoin de beaucoup de calculs pour comprendre
que les ménages à bas revenus payent une part de leurs revenus plus importante en TVA que
les ménages riches.
La TVA est un classique des plans d'austérité européens. En France, Fillon avait déjà
relevé le taux réduit en créant un taux intermédiaire à 7% en novembre 2011. Avant lui, en
Allemagne, Angela Merkel avait augmenté le taux principal de trois points. Je le mentionne car
le ministre en charge des finances était alors un social-démocrate. C'était en 2007, au temps
du gouvernement de grande coalition CDU-SPD. Il s'appelait Peer Steinbrück. Celui-là est à
présent le candidat socialiste du SPD au poste de chancelier pour les législatives de l'an
prochain. Hollande a des alliés qui lui ressemblent. Le ralliement des sociaux-libéraux à la TVA
est un cas généralisé en Europe. En Espagne, Zapatero l'avait augmentée aussi en 2010.
Depuis, la droite espagnole l'a encore augmentée. La France n'échappe pas à la règle, les
sociaux-libéraux et les libéraux marchent main dans la main pour taxer la consommation
populaire.
Sur ce point donc François Hollande s'est rallié à la logique de l'UMP. En
campagne, il avait critiqué la TVA sociale Sarkozyste. C'était à Brest, le 30 janvier dernier. Voici
ce qu'en disait celui qui était alors le candidat du PS : « Je la considère inopportune, injuste,
infondée et improvisée. C'est inopportun d'augmenter la TVA au moment même où la
croissance se ralentit, de l'aveu même du premier ministre. C'est infondé : la compétitivité
n'est qu'un faux prétexte. Ce n'est pas en baissant les cotisations patronales de quelques
points qu'il y aura quelque progrès que ce soit dans notre commerce extérieur. Il y a là un
mauvais prétexte pour une mauvaise cause ». Je ne cite ces phrases que pour permettre de
mesurer l’ampleur du virage sur l’aile.
Enfin, voici encore un sujet d’écœurement pour moi. Il concerne la formation
professionnelle des jeunes de notre pays. Jean-Marc Ayrault a indiqué qu'il reprenait « la
quasi-totalité des préconisations » du rapport de Louis Gallois. Il annonce sa volonté de
développer l'apprentissage pour porter le nombre d'apprentis à 500 000 en 2017. Ce n’est pas
malin ! Le gouvernement Jean-Marc Ayrault reprend un mot d’ordre du début de l’ère Sarkozy.
Le chiffre de 500 000 apprentis est d’ailleurs exactement celui annoncé en son temps par
Xavier Bertrand alors tout nouveau ministre du travail. Cinq ans après est repris mot pour mot
un objectif que nous avions tous combattu à l’époque ! Qu’est-ce qui justifie le changement de
bord ? Pourquoi l’objectif du précédent gouvernement n’a pas été atteint ? Quelle réponse faiton au fait que 25% des contrats d’apprentissage sont rompus au bout de trois mois ? Que
fera-t-on des 70 établissements d’enseignement professionnels publics fermés sous Sarkozy.
Jean-Marc Ayrault à vrai dire n’en sait rien. Il sait juste, sans doute, que pour la première fois
depuis très longtemps il a retiré l’apprentissage des compétences du ministère de l’éducation
pour l’agglomérer avec la formation professionnelle et placer le tout au ministère du travail. Le
développement du tout apprentissage au détriment de l'enseignement professionnel public
était un marqueur de l'action de l'UMP. Sur ce sujet, comme sur la TVA, après six mois de
Hollande, c’est le « changement dans la continuité » comme disait l’autre. Le plus consternant
est presque passé inaperçu. C’est dans une interview au « Parisien » : Ayrault a dit qu’il voulait
que les enfants « dès le CP (cours préparatoire) découvrent l’entreprise ». Faire découvrir
l’entreprise à des enfants de six ans… Misérable !
Hollande et Ayrault préfèrent la ligne Siegfried
Q
uand il leur faut trouver une référence pour leur politique, Hollande et Ayrault finissent
dorénavant par se réclamer du soi-disant "modèle allemand". Un mantra efficace pour se
gagner l’affection des médiacrâtes sans imagination qui règnent sur le tout Paris médiatique.
Leur jubilation faisait plaisir à voir à l’annonce du plan Gallois dans son emballage
communicationnel de « pacte » je ne sais quoi. Pourtant, le modèle allemand, quelle
pantalonnade ! Qui va se charger de dire à Hollande et Ayrault que la ligne Maginot et la ligne
Siegfried sont deux erreurs parallèles ?
Fin septembre, dans l'émission « Des paroles et des actes » sur France 2, JeanMarc Ayrault s'était même vanté d'aller « plus vite que Schröder ». Plus vite dans le mur ? Et
François Hollande, dans un lourd clin d’œil de communicant en panne avait parlé de son
« agenda 2014 » pour faire écho à « l’agenda 2010 » du cher Gerhard. La plupart des
téléspectateurs n’ont pas dû mesurer quelle décadence morale et intellectuelle un tel projet
représente dans le mouvement socialiste français. La ligne « Blair-Schröder », du nom des
deux grands liquidateurs de la social-démocratie européenne, a été pendant au moins une
décennie ce dont le socialisme français se tenait publiquement à distance et dont il voulait
incarner la négation positive. Mais j’admets que cet aspect du drame politique que nous
sommes en train de vivre ne puisse intéresser que ceux qui connaissent le prix dans l’histoire
des grands glissements de terrain idéologique. Ici je vais donc en rester à des considérations
concrètes, il en faut pour soutenir un point de vue engagé qui veut faire appel à la raison de
ceux qu’il veut convaincre.
Il suffit de faire le bilan social de la situation allemande pour comprendre qu'une
politique de gauche n'a rien à voir avec ce qui a été entrepris là-bas quand bien même c’est le
chancelier « social-démocrate » Gerhard Schröder qui l’a mise en place. En Allemagne, la
situation des travailleurs et des chômeurs est pire qu'en France. Les réformes des sociauxlibéraux, poursuivies par les libéraux de Merkel ont précarisé l'ensemble des classes
populaires. C'est ce que dit le Bureau international du travail. Dans ce rapport, le Bureau
international du travail explique clairement les données du problème posé : « Le
gouvernement Schröder a engagé une série de réformes du marché du travail à compter de
2003. [...] Cependant, la plupart des réformes ont principalement entraîné une déflation
salariale dans les secteurs des services, où de nouveaux emplois, pour la plupart à bas
salaires, sont apparus. Ces politiques de déflation salariale ont non seulement eu des
conséquences sur la consommation des ménages, qui est restée à la traîne par rapport aux
autres pays de la zone euro [...] mais elles ont aussi provoqué une accentuation des inégalités
de revenu, à un rythme jamais vu. Au niveau européen, les autres pays membres estiment de
plus en plus que seules des politiques de déflation salariale encore plus strictes résoudront leur
problème de compétitivité, ce qui est d’autant plus décourageant qu’on voit mal dans quelle
mesure ces politiques de déflation salariale en Allemagne ont contribué à une hausse de
l’emploi, qui était à peine plus élevé en 2006 qu’en 1991 ».
Tel est, au-delà des mots d’allégresse et des recommandations des
médiacrates, la réalité du modèle proposé en exemple et le bilan social de l’Allemagne.
Pourquoi n’est-il jamais évoqué ? Si le témoignage du BIT peut être déclaré suspect dans la
mesure où son nom pourrait suggérer une tendresse excessive pour les salariés, voyons chez
les libéraux eux-mêmes. Il s’agit de la fondation IFRAP. Très libérale. Que dit-elle ? « En mars
2012, près de 7,29 millions de personnes bénéficiaient d’un contrat à salaire modéré (« minijob »). Parmi eux, seuls 4,76 millions n’avaient pas d’autre salaire que ce mini-job. Près d’un
million de jeunes vivent avec ce revenu, qui est généralement majoré de l’allocation « Hartz
IV » de 375 euros. En Allemagne, la libéralisation du marché du travail s’est faite au détriment
du bas salaire individuel et des parents isolés. En effet, les statistiques de l’Union européenne
sur le revenu et le niveau de vie (EU-SILC) le montrent très clairement : le risque de pauvreté
des travailleurs seuls allemands est de 14% et de près de 30% pour des parents isolés. Il l’est
de 40% si on y inclut les chômeurs. Ces chiffres sont nettement inférieurs en France. » Je
précise que sur les 5 millions de mini-jobbers, 3,5 millions sont des femmes. Evidemment.
Au-delà du coût social, cette politique est un désastre économique. Le Bureau
international du travail insiste aussi sur le fait que les "réformes" allemandes ne peuvent pas
être généralisées à toute l'Europe. Il explique que l'Allemagne est même en grande partie
responsable de la crise actuelle dans la zone euro ! «Comme les coûts unitaires de maind’oeuvre en Allemagne ont baissé par rapport à ceux des concurrents durant la décennie
écoulée, il en est résulté des pressions sur la croissance dans ces économies, avec des
conséquences néfastes pour la viabilité des finances publiques. Et, surtout, les pays en crise ne
pouvaient pas recourir aux exportations pour pallier l’insuffisance de la demande intérieure car
leur secteur manufacturier ne pouvait pas bénéficier de la hausse de la demande globale en
Allemagne ».
La « stratégie allemande » arrive à sa limite. Ces dernières années, l'Allemagne s'est
comportée comme le passager clandestin de l'Union européenne. Elle profitait de la demande
de ses voisins pour exporter. Et pour leur faire la leçon. Mais pendant ce temps la contraction
des salaires allemands empêchaient les autres pays de faire de même. La farce s’épuise.
L’Allemagne s'est prise à son propre piège. A force de vouloir imposer l'austérité salariale et
budgétaire à toute l'Europe, elle a scié la branche sur laquelle elle est assise. L'austérité
généralisée plonge l'Europe dans la récession. L'austérité française, italienne, grecque,
espagnole ou portugaise prive les entreprises allemandes de clients. Et comme les salaires
allemands sont trop bas pour compenser, l'Allemagne s'enfonce à son tour dans le marasme
économique. Le mois dernier, le chômage a progressé en Allemagne pour le septième mois
consécutifs. La hausse du nombre de chômeurs a même été deux fois plus forte que ce
qu'attendaient les principaux économistes. Quelqu’un a prévenu Ayrault ? Et Hollande ?
Le mirage du modèle allemand commence à se disperser. Même dans le sacro-saint
registre financier où parait-il rien n’est plus sûr et fiable que le coupon allemand ! Mais oui :
ces derniers mois, l'Allemagne a aussi rencontré des difficultés sur les marchés financiers. Le 5
septembre dernier, l'Etat allemand a cherché à placer 5 milliards d'euros de titres de dette. A
longue échéance : septembre 2022. Il n'a pas trouvé preneur pour la totalité. Il n'a reçu des
offres qu'à hauteur de 3,93 milliards d'euros. Ainsi donc à horizon de dix ans, l'Allemagne
inquiète les financiers ! C'est normal, elle vieillit et repose sur un modèle archaïque. Quelqu’un
prévient Hollande et Ayrault que la ligne Maginot et la ligne Siegfried sont dépassées ?
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