Coût du travail : encore un effort, Etienne Lefebvre, Rédacteur en chef "International, Politique
et Économie générale" Les Échos
Le thème de la compétitivité est peu présent dans la campagne présidentielle, débordé notamment
par les propositions des candidats visant à accroître le pouvoir d'achat. Celui du Parti socialiste,
Benoît Hamon, propose même de taxer davantage la valeur ajoutée des entreprises et de raboter le
crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE), qui fut pourtant la pierre angulaire de la politique
économique de François Hollande. Le pacte de responsabilité est considéré comme un repoussoir
par cette gauche frondeuse devenue majoritaire dans ce qu'il reste du PS, et qui affirme que le projet
de revenu universel ne coûterait pas plus cher que les baisses de charges accordées récemment aux
entreprises. Autant en reprendre une partie, donc. Sauf que ces baisses de charges n'ont fait que
compenser les hausses de prélèvements précédentes. Et que les dernières statistiques publiées ce
lundi par Eurostat viennent opportunément rappeler que la France a encore du chemin à faire pour
abaisser son coût du travail et redevenir compétitive. En 2016, le coût horaire de la main-d’œuvre a
progressé de 1,5 % sur un an dans l'Hexagone, soit nettement moins qu'en Allemagne (+ 2,5 %),
mais plus vite que les trois années précédentes. C'est une constante depuis l'engagement du pacte de
responsabilité : l'économie française, après avoir décroché dans les années 2000, voit sa
compétitivité coût se redresser, car l'impact des hausses de salaires est amorti par les baisses de
charges. Ainsi, le coût de l'heure de travail dans l'industrie est-il redevenu inférieur de plus de
2 euros par rapport à l'Allemagne, alors que les courbes s'étaient inversées suite aux politiques de
modération salariale menées outre-Rhin. Mais malgré cela, le coût du travail en France reste l'un
des plus élevés en Europe. Surtout, l'économie française a mangé son pain blanc : pour l'essentiel,
les effets du pacte Hollande sont déjà derrière nous. En 2016, pour la première fois depuis quatre
ans, le coût horaire du travail a d'ailleurs progressé légèrement plus vite en France qu'en moyenne
dans la zone euro (+1,4 %). Faute de mesures supplémentaires, le mouvement de remise à niveau
devrait donc s'interrompre, sauf vis-à-vis de l'Allemagne, où le rattrapage des salaires n'en est sans
doute qu'à ses débuts. L'écart risque notamment de se creuser avec les pays du sud de l'Europe,
Espagne en tête. Voilà une perspective qui a de quoi inquiéter, alors que les résultats du commerce
extérieur sont médiocres, les biens des exportateurs français étant toujours considérés comme chers.
La baisse du coût du travail n'est pas une condition suffisante au redressement de nos parts de
marché, mais c'est une condition nécessaire.