Rétention aiguë d`urine

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216. Rétention aiguë d'urine
Objectifs principaux
- Diagnostiquer une rétention aiguë d'urine
- Identifier les situations d'urgence et planifier leur prise en charge
Objectifs spécifiques
- Connaître la définition d'une rétention aiguë d'urine
- Savoir la différence entre une rétention aigue et une rétention chronique
- Savoir identifier et expliquer les principaux diagnostics différentiels (anurie,
incontinence)
- Savoir reconnaître un globe vésical à l'examen clinique
- Savoir prescrire les examens complémentaires nécessaires en urgences
- Savoir qu'une rétention d'urine est une urgence thérapeutique
- Pouvoir énumérer les principales causes de rétention d'urines;
- Connaître les indications et les contre indications respectives du drainage
vésical par sondage urétral et par cathéter sus-pubien.
- Connaître les précautions techniques et d'aseptie indispensables lors d'un
drainage vésical, quelle qu'en soit la technique.
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A l’état normal, la vessie se vide complètement à chaque miction. Il
existe deux grands types de rétention :
 La rétention aiguë
 La rétention chronique
RETENTION AIGUE D'URINE
DEFINITION
C’est l’impossibilité totale d’uriner malgré un besoin pressant, elle est
liée à un obstacle à l’évacuation vésicale ou à une obstruction urodynamique.
Elle peut survenir dans un contexte de troubles mictionnels anciens ou
inopinément. Elle est différente de l’anurie ou l’envie d’uriner est absente, la
vessie étant vide.
Elle atteint essentiellement l’homme, elle peut être déclenchée par
toutes situations favorisant la congestion pelvienne (excès de tables, voyages
comportant une station assise prolongée etc…).
SIGNES CLINIQUES
Interrogatoire
Il faut faire préciser
- l’histoire de la maladie : les circonstances d'apparition de la rétention, l'heure
d'arrêt des mictions, l'existence d'épisode identique ( rétention antérieure qui
aurait cédé spontanément, sondage ... ), troubles mictionnels préexistants.
- les antécédents : maladie neurologique, intervention portant sur la prostate,
l'urètre, infection urinaire ou urétrale, lithiase urinaire.
- l’existence de signes associés ; douleurs sus pubiennes, envie d'uriner.
Examen clinique
- Parfois difficile chez un patient algique, anxieux et agité, il met en évidence le
signe principal qui est le globe vésical : matité sus pubienne à convexité
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supérieure et douloureuse; Il peut être parfois visible, de profil, chez le patient
maigre sous l’aspect d'une voussure sus pubienne
- Le toucher rectal, pratiqué , en l'absence de syndrome septique aiguë, pourra
retrouver une pathologie prostatique responsable de la rétention ou qui lui est
associée :
adénome : glande augmentée de volume, souple, de consistance
élastique, à limites nettes avec disparition du sillon médian.
cancer : glande pierreuse, irrégulière, asymétrique
prostatite : glande œdématiée et douloureuse.
mais il pourra être normal
Le toucher rectal sera à refaire après évacuation du globe vésical, car le globe
repousse la prostate vers le rectum et peut faire croire à une hypertrophie.
- L'examen clinique permet d'identifier une étiologie prostatique, son
retentissment par la palpation des fosses lombaires et des organes génitaux
externes, mais d'autres causes possibles par l'examen neurologique sensitivomoteur du périné.
Le diagnostic de globe vésical impose de soulager le malade sans tarder
par drainage vésical, tout en mettant en route les investigations
complémentaires, car c'est une urgence thérapeutique
LES EXAMENS COMPLEMENTAIRES EN URGENCE
Le bilan doit être simple et permettre un diagnostic et une prise en charge
précoce. Il comprend les examens suivants :
ECBU, Créatininémie, Numération sanguine, bilan d'hémostase
Echographie
Lorsque le globe vésical n’est pas facile à mettre en évidence cliniquement
(malade obèse) l'échographie sus pubienne pourra vérifier qu'il existe bien une
vessie pleine. L'échographie rénale permet d'apprécier le retentissement sus
jacent de la rétention (distension des cavités, signes de pyélonéphrite sur le
parenchyme.
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CONDUITE A TENIR EN URGENCE: LE DRAINAGE VESICAL
Il faut d’urgence évacuer la vessie pour soulager le malade.
Le sondage vésical
C’est le mode habituel de drainage de la vessie. Il ne s’agit pas d’un
geste anodin, car 50 % des rétrécissements de l'urètre sont dus à des
sondages traumatiques ou septiques.
Il faut une asepsie rigoureuse. Après désinfection du méat urétral avec
une solution antiseptique on utilisera si possible un champ percé et des gants
stériles.
Le diamètre des sondes est classé selon l'échelle de CHARRIERE ( 6
à 30 ). On choisira une sonde de calibre moyen ( 18 ou 20 CH. ) moins
traumatisante.
La sonde le plus couramment utilisée est la sonde de FOLLEY qui
comporte à son extrémité un ballonnet pouvant être rempli de sérum
physiologique par un canal séparé de la lumière de la sonde. Une fois la sonde
en place dans la vessie, le ballonnet est gonflé avec 5 à 10 cm3 de sérum .
L’extrémité de la sonde peut être droite ou béquillée.
La lubrification de la sonde est importante. Elle sera réalisée avec une
ampoule d’huile de vaseline ou mieux avec un gel lubrifiant contenant un
anesthésique de contact type gel de xylocaïne.
La mise en place est plus délicate chez l'homme, car il faut franchir les
deux courbures de l’urètre ;
 la 1ère courbure s'efface lorsqu'on met la verge au zénith. La
sonde va
alors butter contre la 2ème courbure
 la 2ème courbure s'efface lorsqu'on rabat la verge entre les
jambes du
patient et la sonde va pouvoir pénétrer dans la vessie
Le ballonnet est alors gonflé et le collecteur d’urine mis en place.
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Le sondage urétral est contre indiqué en cas de rétention fébrile (prostatite
aiguë) de sténose urétrale. Il est déconseillé en cas de distension rénale à
urines claires (globe avec cavités rénales dilatées, urines aseptiques) du fait du
risque d'ensemencement du haut appareil lors de cette manœuvre rétrograde)
Le cathétérisme sus pubien
C'est le drainage de la vessie au moyen d'un trocart mise en place par
voie percutanée hypogastrique.
Il faut s'assurer de l'existence du globe vésical, (+++) car si la vessie
est vide le risque est de perforer les anses intestinales avec le trocart.
Après une anesthésie locale cutanée et sous cutanée une courte
incision est réalisé au bistouri à 2 travers de doigt au dessus du pubis. Un
trocart est alors franchement introduit dans le globe vésical puis, par sa
lumière, un cathéter est poussé dans la vessie. Le trocart est alors enlevé, le
cathéter fixé a la peau et raccordé au collecteur d’urines.
Il est contre indiqué en cas de rétention par caillotage vésical, par
tumeur de vessie. Les troubles de l'hémostase, les cicatrices de laparotomie
sont des contre-indications relatives (repérage échographique du globe)
Avantages et inconvénients
Le sondage vésical est simple à réaliser et assure un drainage
efficace, car déclive. En outre la sonde peut, grâce a son ballonnet autostatique, être laissée à demeure.
Cependant le sondage est traumatisant pour l'urètre et comporte le
risque d'infection ascendante.
Le drainage par cystocathéter est toujours possible quand existe un
globe vésical. Il est peu infectant et respecte l'urètre.
Par contre, il s’agit d’un drainage non déclive et qui ne peut rester
longtemps en place.
Dans tous les cas, la levée de la rétention d'urine dot s'accompagner de
mesures de réhydratation en prévision du risque de syndrome de levée
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d'obstacle. il faut noter, d'autre part, le volume du globe et la pression
approximative intravésicale lors de la levée du globe.
En pratique :
 si l’étiologie est un adénome de la prostate, la rétention aiguë
d’urines n’est pas obligatoirement une indication opératoire. Il est bon souvent
de laisser le patient sous sonde à demeure 48 h, d’y associer un traitement
alphabloquant. Les mictions peuvent reprendre spontanément et la rétention
peut quelques fois ne plus jamais se reproduire.
 Si l’étiologie est une sténose urétrale ou un cancer de la
prostate, la mise en place d’un cathéter suspubien sera la
solution la plus élégante et la moins traumatisante.
RETENTIONS CHRONIQUES
Les rétentions chroniques (encore appelées rétentions incomplètes)
correspondent à la persistance d'urine dans la vessie après la miction. Le
reliquat d’urines s’appelle le résidu post-mictionnel.
C'est le stade de décompensation vésicale. Ce stade se produit lorsqu'
apparaît un résidu post-mictionnel. En effet, devant un obstacle chronique à
l'évacuation de la vessie, il va y avoir, au début, un stade de compensation de
la vessie, qui, en hypertrophiant son muscle et grâce à la contraction de celuici, va permettre l'évacuation complète du réservoir. Puis, après quelques
années d'évolution, l'obstacle persistant, le muscle vésical va progressivement
s'épuiser, se laisser distendre et ne pourra plus assurer l'évacuation complète
de la vessie. C'est alors que va s'installer le résidu post-mictionnel marquant
l'entrée dans le stade de la décompensation vésicale et de la rétention
chronique.
La vessie ayant une capacité physiologique maximale de 300 cc, on parlera :
 si le résidu est inférieur à 300 cc de rétention chronique sans
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distension, la vessie conservant sa capacité physiologique
 si le résidu est supérieur à 300 cc de rétention chronique avec
distension, la vessie se laissant distendre.
RETENTION SANS DISTENSION
Signes cliniques
Les signes fonctionnels seront marqués par :une dysurie, traduisant l'effort fait
par la vessie pour franchir l'obstacle, une pollakiurie dont le degré sera fonction
de l'importance du résidu.
Les signes physiques :
- le résidu, s'il est important, pourra être perçu à l'examen sous forme d’une
matité sus-pubienne.
- le toucher rectal pourra retrouver une augmentation de volume prostatique
L'état général n'est pas altéré.
Examens complémentaires
Outre le diagnostic de l'obstacle, ils auront pour but d'apprécier l'existence et
l'importance du résidu :
Urographie intraveineuse avec cliché pris après miction
Echographie vésicale post-mictionnelle
Evolution sans traitement : Si l'obstacle n'est pas levé, des complications,
liées au résidu et à l'épuisement progressif de la vessie, vont survenir :
 Infection urinaire ( toutes urines qui stagnent s'infectent )
 Lithiases vésicales : Le résidu permet en effet aux substances
dissoutes dans l'urine de précipiter pour former un calcul.
 Diverticules vésicaux : Au cours de la phase de compensation
vésicale, l'évacuation complète de la vessie se fait au prix d'une importante
augmentation de la pression intra-vésicale. Celle-ci progressivement va altérer
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la paroi de la vessie en dissociant les fibres musculaires entre lesquelles la
muqueuse viendra faire hernie, créant ainsi des diverticules.
Traitement
C'est le risque de survenue de ces complications qui impose à ce stade
l'intervention chirurgicale pour lever l'obstacle.
RETENTION AVEC DISTENSION
A ce stade la vessie ne peut plus lutter et, sous l'effet de
l'augmentation de la pression, va se laisser distendre en augmentant sa
capacité et en amincissant sa paroi. Cette augmentation de pression va se
répercuter au niveau du haut appareil urinaire, entraînant d'abord sa
distension, puis entravant le fonctionnement rénal.
Distension urinaire simple
Seule la vessie est distendue mais le haut appareil urinaire est respecté.
Les signes cliniques sont dominés par la pollakiurie dont l'importance
sera fonction de la quantité d'urines restant dans la vessie après chaque
miction : de modérée à extrême (besoin presque permanent). Au maximum se
produit une incontinence par regorgement lorsque la pression intra-vésicale
devient supérieure à la pression de fermeture du sphincter. L'urine va alors
s'échapper gouttes à gouttes.
L'indication opératoire est, à ce stade, impérative.
Distension urinaire globale
Vessie, uretère, bassinet et calices sont distendus par l'hyperpression
rétrograde. Cette distension conduit à l'insuffisance rénale.
Les signes
cliniques associent :
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- Des signes généraux de l'insuffisance rénale : altération de l'état général :
pâleur, asthénie, troubles digestifs, signes neurologiques : confusion mentale,
soif intense.
- Des signes physiques : vessie distendue, oedèmes déclives
Conduite à tenir : l'hospitalisation est nécessaire, car il s’agit de patients
fragiles.
En premier lieu réanimation hydro-electrolytiques et suppression de l'obstacle
par sondage ou drainage sus-pubien. Une fois les fonctions rénales rétablies
un geste chirurgical sera nécessaire pour traiter l’obstacle responsable de la
rétention chronique.
POUR EN SAVOIR PLUS
PHYSIO-PATHOLOGIE DE LA RETENTAION AIGUÊ D'URINE
L’étiologie de la rétention des urines peut-être un obstacle à l’évacuation
vésicale : rétrécissement urétral, corps étranger, pathologies prostatiques,
papillome vésical ou calcul également compression pelvienne par fibrome
utérin, grossesse, tumeur pelvienne ou fécalome (y penser chez la femme
âgée)
Ce peut être aussi un phénomène urodynamique.
Sur le plan urodynamique, deux éléments peuvent être en cause et peuvent
aussi être associés :
- une atonie vésicale par interruption de l’innervation sensorielle ou par blocage
médicamenteux de son activité. L’interruption sensorielle se produit par
exemple après des stimulis rectaux douloureux comme les cures chirurgicales
d’hémorroïdes ou de fistules anales. Les médicaments qui peuvent relâcher la
contraction du muscle vésical sont les anti-cholinergiques le plus fréquemment
mais aussi d’autres neuro-transmetteurs tels que la Vasoactive polypeptine
(VIP), la Neuropeptine Y (NYP), la subtance P (SP), l’Enkephaline, la
Stomatostatine et même le Monoxyde d’Azote (NO).
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- une modification du tonus urétral intra-prostatique, ce tonus étant sous la
dépendance des recepteurs alpha-adrénergiques dont on connaît la répartition
importante au niveau cervico-prostatique. La stimulation de ces récepteurs
alpha augmente la tonus urétral intra-prostatique, favorise la rétention d’urines
en resserant le col, ce d’autant que la pression vésicale est basse.
Un tonus excessif apparaît lors des efforts prolongés de retenue vésicale, lors
d’une stimulation des récepteurs alpha par des phénomènes irritatifs locaux ou
loco-régionaux enfin par stimulation directe médicamenteuses des récepteurs
alpha (traitement vaso-constricteurs par exemple).
Etiologie par phénomène ischémique
Spiro et collaborateurs ont évalué deux groupes de 100 prostates : un groupe
de grosses prostates avec rétention d’urines et l’autre groupe de prostates qui
ont été opérées mais qui n’avaient pas eu de rétention.
85 % des patients ayant eu une rétention avait à l’histologie des lésions
d’infarctus prostatique alors qu’il n’y en avait que 3 % dans le deuxième
groupe.
Il serait possible d’associer ce phénomène ischémique à une
stimultation des récepteurs alpha.
Etiologie provenant de la structure adénomateuse de la prostate
Il existe deux grands types d’adénome prostatique :
- Les adénomes à composante glandulaire
- Les adénomes à composante fibromateuse.
Les adénomes à composantes glandulaires donc épithéliale donnent plus
volontiers des prostates augmentées de volume et rénitentes qui se
compliquent plus souvent de rétention d’urines. C’est pour cette raison sans
doute que les inhibiteurs de l’alpharéductase qui agissent sur la composante
glandulaire donc le volume de la prostate peuvent diminuer l’incidence des
rétentions d’urines comme cela a été rapporté dans l’étude PLESS. (4)
Etiologies neurologiques
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Il s’agit de toutes les maladies qui peuvent entraver le bon
fonctionnement de l’innervation vésico-sphinctérienne : Tabes, Méningite,
Sclérose en plaque (xx), Troubles psychologiques
Au total et à titre d’exemple, l’étiologie retrouvée sur un échantillon de 310
patients admis pour rétention aiguë d’urines,
%
ETIOLOGIES
BPH
53
Constipation
7,5
Carcinome prostatique
7
Sténose urétrale
3,5
Rétention sur caillots
3
Pathologie neurologique
2
Pathologie post-opératoire
2
Calcul
2
Rétention due à des médicaments
2
Problèmes infectieux
2
Etiologie inconnue
16
11
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