5
mesure de prévoir, et d’empêcher le mal ? La chose reste un mystère pour les religions
révélées. La critique sadienne, peut-être la meilleure jamais faite, est systématique, et
qui démontre, avec une connaissance approfondie de la Bible, l’absurdité de la croyance
en un Dieu ou aux dogmes de la religion. Quant aux déistes, ils continuent à trouver des
vertus au mal, et, tout en affirmant que tout est pour le mieux dans le meilleur des
mondes,
à confondre l’ordre naturel avec l’ordre social
. On serait sans doute en droit
de s’attendre à plus de rigorisme de la part des penseurs matérialistes, mais à
l’exception de La Mettrie, et seulement jusqu’à un point,
ce n’est guère le cas des autres.
Malgré bien des mérites, il est décevant de voir qu’on retrouve encore chez eux la même
naïveté intellectuelle et la même fausse perspective que chez les déistes. Ils n’osent le
matérialisme que jusqu’au point où la morale ou la bienséance l’autorisent et s’inclinent
ensuite devant le préjugé. Aucun n’ose en tout cas comme Sade « aller au grand », ou
oser savoir (au sens où l’entendait Kant
), au-delà des barrières culturellement
acceptables et de la bienséance. Seul Sade ose aller au-delà et passer outre aux mœurs et
à la tradition, culturelle autant que sociale, pour exposer et développer une vision
cohérente et exacte de ce que peut être le matérialisme quand on le conçoit sans a priori
Y-compris Voltaire, malgré Candide, qui écrit dans le Dictionnaire philosophique que la Monadologie
« ne laisse pas d’avoir son bon », et que « Ce système en vaut bien un autre ; je l’aime bien… ». Paris :
GF-Flammarion, article « Corps », p. 150).
L’ange Jesrad de Zadig pense que les « méchants » ont été mis sur la terre pour « éprouver un petit
nombre de justes ». Voltaire, Zadig. Paris : Classiques Larousse, 1973, p. 138.
Moraliste quand même, comme le souligne Jean Deprun. Voir la note 1 à la p. 815 (III, 1513).
Sapere aude. Oser savoir : définition des Lumières donnée par Kant dans « Was ist Aufklärung? ».
Hamburg : Felix Meiner, 1999.