THEATRE
TCHEKHOV
ONCLE VANIA 2012 AU STUDIO THEATRE d’ALFORTVILLE
“Etre contemporain, c’est fixer le regard sur son temps pour en percevoir non les lumières,
mais l’obscurité. » Giorgio Agamben
Une question se pose au théâtre, doit-on rendre contemporaines des pièces écrites au XIXe
siècle, voire au XVIIe. Christian Benedetti, le metteur en scène y répond et Oncle Vania 1897
devient Oncle Vania 2012 .
Christian Benedetti a décidé de monter l’intégralité du théâtre de Tchékhov au Studio-
Théâtre. Il a commencé par La Mouette et continue avec Oncle Vania.
Comment résout-il la question de la contemporanéité ? Pour le décor « Nous avons gardé ce
qui était strictement nécessaire pour jouer la pièce. Une scénographie juste indicative,
allusive. ». Effectivement, le jardin cher à Tchekhov a disparu, subsistent une table dressée
pour le thé, des bancs, des chaises, une guitare, une balançoire, le dedans et le dehors sont
suggérés.
Trois des personnages, dans cette pièce à huit personnages et quatre actes, parlent très vite,
plus vite même que dans la vie en 2012, ainsi la pièce dure une heure vingt minutes, là où
Tchekhov comptait ½ heure par acte. Cela peut signifier que les longs monologues qui
n’intéressent pas les personnages de la pièce, répercutent leur manque d’intérêt sur le
spectateur qui, ainsi, devient acteur, sans être très attentif au contenu. Ainsi le passage du
docteur Astrov sur les forêts que l’homme détruit, dans l’acte l, correspond tout à fait aux
préoccupations de nos contemporains et vaut la peine d’être souligné, il en va de même du
degré de misère et de saleté des campagnes russes de l’époque, dénoncé encore par Astrov, le
médecin interprété par Christian Benedetti.
Benedetti revendique ‘le théâtre de la distance’ et suit ce que dit Treplev à Sorine dans l’acte l
de La Mouette « Des formes nouvelles, voilà ce qu’il faut, et s’il n’y en a pas, alors tant qu’à
faire, plutôt rien. »
Tchékhov a décrit précisément les lieux, les objets, les gestes, Benedetti laisse au cinéma le
soin de reconstituer ce passé perdu et au théâtre le soin de le réinventer.
Effectivement Christian Benedetti réinvente, tout en restant fidèle au texte et donne aux deux
personnages clés de ONCLE VANIA, Astrov et l’Oncle Vania (Daniel Delabesse) cette
contemporanéité dans leur habillement, leur vitesse d’élocution – plus que contemporaine –
les gestes amoureux suggestifs. Ces deux personnages regrettent ce qu’ils ont fait de leurs
vies, les occasions qu’ils ont laissé passer pour être heureux, alors que Sonia (Judith
Morisseau) l’amoureuse mal aimée d’Astrov, se résigne à la fin de la pièce et pense même
trouver une consolation après la mort où « nous nous reposerons ».
Nous sommes bien dans cette tonalité mi- lourde, mi- légère propre à Tchekhov avec ses
personnages désespérés et passionnés, très changeants.
Sérébriakov (Philippe Crubézy) professeur universitaire à la retraite, remarié à une jeune
femme Elena (Florence Janas) qui s’ennuie et résiste difficilement à la cour d’Astrov, repart
pour la ville, ne supportant plus les reproches d’Oncle Vania qui va tenter d’ailleurs de le tuer
d’un coup de pistolet.
La nourrice, Marina (Isabelle Sadoyan) est heureuse après tous ces bouleversements de
retrouver sa vie bien réglée, elle qui a vécu l’histoire de la famille.