O N C L E V A N I A / O S A B A V A N I A
D’après Anton Tchekhov
Théâtre des Chimères
www.theatre-des-chimeres.com
"Oncle Vania" porte en sous-titre "Scènes de la vie de campagne en quatre actes". L’action
se passe dans la propriété de Sérébriakov.
Acte I - Le professeur Sérébriakov et sa jeune épouse Elena sont arrivés depuis un mois dans
leur domaine à la campagne. Là, vivent Vania et Sonia, le frère et la fille de la première
épouse de Sérébriakov.
Depuis qu’ils sont là, tout s'est déréglé dans la propriété. Les horaires des repas sont boule-
versés et tout le monde est tombé dans une grande oisiveté.
Vania conçoit une forte animosité contre le professeur. Mais il est amoureux de sa femme.
Alors qu’il se déclare, elle le repousse.
Acte II - C'est la nuit. Sérébriakov, insomniaque et hypocondriaque, tyrannise son entoura-
ge en se posant en victime. Il finit par aller se coucher.
Elena éconduit Vania une nouvelle fois.
Sonia, la jeune nièce de Vania, tente de déclarer au docteur Astrov son amour. Il ne com-
prend pas.
Sonia, jusque là distante, se rapproche d’Elena.
Acte III - Sonia demande à Elena de tester Astrov sur ses sentiments. Elena interroge Astrov,
et sa réponse est négative.
Le docteur, attiré sexuellement par Elena, l'embrasse au moment où entre Vania. Celui-ci
est bouleversé.
Le professeur fait connaître à sa famille sa décision de vendre le domaine peu rentable. Fou
de rage, Vania dit toute sa haine à Sérébriakov, tire sur lui plusieurs coups de révolver mais
le manque.
Acte IV - Sérébriakov et Elena partent définitivement pour la ville. Le professeur a renoncé
à vendre.
Vania, qui veut se suicider, a dérobé à Astrov de la morphine qu’il finit par lui rendre.
Astrov s'en va à son tour.
Téléguine, Maria, Marina, Vania et Sonia restent seuls.
Alors que l’oncle et la nièce se remettent aux comptes de la propriété, Vania, désespéré,
éclate en pleurs. Sonia le console, lui laissant espérer le repos et le bonheur dans l’autre
monde.
ONCLE VANIA / OSABA VANIA
d’après Anton Tchekhov
Résumé de la pièce
Tchekhov avait écrit en 1889 une première pièce, "Le Sauvage ou l'Esprit de la forêt" qui fut
comme le brouillon de "Oncle Vania".
"Oncle Vania" paraît en 1897, dans un recueil de pièces.
D’abord jouée en province, la pièce connaîtra son véritable début le 26 octobre 1899 au
Théâtre d'Art de Moscou, avec Olga Knipper, la future femme de Tchekov, dans le rôle
d'Elena et Stanislavski dans celui d’Astrov.
La pièce mit quelque temps à s’imposer. Elle est aujourd’hui une des plus jouées de
Tchekhov.
Histoire de la pièce
1 - Le rafistolage
"Rafistoler : Raccommoder, réparer grossièrement avec des moyens de fortune" (Le Robert).
Un univers de rafistolage.
Les objets, les choses, les terres, les êtres se cassent et on les répare comme on peut, avec
ce que l’on a sous la main. Cela les dégrade mais les fait durer. Grâce à ce rafistolage, qui
est comme une blessure mal cicatrisée, la vie continue, avec les restes de ce qui fut et
l’espoir de ce qui vient.
2 - Le centre
Table à pied bancal mal rééquilibré par un bout de carton instable, chaises aux barreaux
branlants et scotchés qui tombent à l’occasion, vase recollé, assiettes et verres dépareillés,
dallage indélébilement tâché et ébréché, aux carreaux sommairement rejointés. Dans un
coin, d’anciennes revues sont empilées et, peut-être, à côté, sous une lampe à pied dont
l’abat-jour cabossé penche, un vieux relax sur lequel on a posé un tissu, qui en cache mal
l’usure.
Ce décor ne reconstitue pas un intérieur réaliste, mais juxtapose divers éléments signifiants.
Il occupe le centre du plateau.
3 - L’entour
Tout autour de cette aire de jeu centrale sont provisoirement installées quelques personnes,
que l’apparence et la manière d’être désignent comme des marginaux d’aujourd’hui. Ce
sont eux qui vont jouer la pièce de Tchekhov.
Dans leur semblant de coulisses à découvert (la scène est dépendrillonnée), ils attendent
d’entrer en scène, au sens théâtral et social du terme.
Ils entretiennent avec les héros tchékhoviens de "Oncle Vania" une secrète et étroite frater-
nité. Au point qu’il est difficile, par moments, de faire la différence, tant ils se ressemblent,
entre eux et les personnages. Ils sont frères et sœurs et peut-être n’y a-t-il aucune différen-
ce entre eux, qu’un simple jeu de miroir… Peut-être est-ce Vania qui vient s’asseoir et boire
en attendant sa prochaine scène, son espoir de vie ou sa débâcle, à moins que ce ne soit
un de nos marginaux contemporains qui endosse les rêves et les échecs de Vania…
Entre la fiction et la réalité, entre le pourtour d’attente et le décor central de la fable, la
frontière est si ténue que naissent un trouble et une ambiguïté. Nos temps sont tchékho-
viens…
4 - L’écart
Il s’agit ici d’une humanité moins pitoyable qu’étrange, moins misérable qu’excentrique, au
sens premier d’"écartée du centre".
On aura compris que c’est dans cet écart que nous allons jouer "Oncle Vania", entre la
page et la marge, entre la réalité et l’imaginaire, entre le centre et la périphérie, entre le
désir et la frustration, entre résignation et projets, entre fatigue et vitalité. Entre s’asseoir et
se lever, de la coulisse à la scène.
Nos anti-héros sont pris entre un naufrage et la quête d’une terre promise, entre un aban-
don et un espoir, entre une accablante réalité et un imaginaire radieux.
Notes pour une mise en scène de "Oncle Vania"
5 - L’autodestruction et la vitalité
Dans le monde d"Oncle Vania", on s’autodétruit. Par l’alcool, par l’amour, par l’ennui, par la
maladie, les personnages entament et compromettent leur capital de vie.
Mais, et c’est cela qui captive et émeut, ils ne se résignent pas pour autant et leurs rêves
amoureux, écologiques ou littéraires les animent, les bouleversent et offrent une scène pas-
sionnelle, un théâtre, à leurs vies.
Faire, jouer, malgré tout, en boitant, en bégayant !
Ils veulent encore vivre et avancer. Et, s’ils sont plus vieux que leurs personnages, c’est qu’ils
font un théâtre de fortune en aménageant les restes : un corps usé et des rêves intacts et
incandescents.
C’est également au nom de cette vitalité rafistolée que nous n’oublierons pas l’humour.
Tchekhov voulait que l’on rie aussi de leurs ridicules, parfois dérisoires et grotesques.
Coincé entre sa volonté de vie saine et son alcoolisme, prisonnier de son voeu de culture et
de son isolement, ballotté entre son désir d’aimer, d’être aimé et son rejet des autres, le per-
sonnage tchékhovien, comme l’homme d’aujourd’hui, s’épuise, au centre de ses contradic-
tions.
6 - Les deux origines et les deux langues
La pièce met également en jeu une relation entre la ville et la campagne, illustrée par deux
groupes de personnages : d’un côté les citadins (le professeur et sa femme, Elena) et de l’au-
tre, les gens de la terre (Vania, Sonia, Marina, Téléguine et la vieille Maria). Ces deux origines
se sont côtoyées à l’occasion du premier mariage du professeur et doivent aujourd’hui coha-
biter.
Le Pays Basque, notre lieu d’implantation, connaît bien ce dialogue-là à travers la coexisten-
ce, sur un même terrain, de deux cultures et de deux langues, le basque (langue d’origine
essentiellement rurale) et le français. C’est là un aspect que nous souhaitons souligner nette-
ment, en utilisant les deux langues dans le spectacle. Les natifs parleront basque lorsqu’ils sont
entre eux et français lorsqu’ils s’adressent aux citadins. Elena, elle, ne parle ni n’entend un mot
de la langue du pays, alors que le professeur ne connaît que les quelques mots qu’il a appris
du temps de son premier mariage. Reste le docteur Astrov, sorte d’entre-deux. Ayant un passé
citadin et exerçant, depuis plusieurs années, la médecine dans cette campagne, il alterne les
deux langues, selon les circonstances.
Des sur titrages projetés durant la représentation traduiront les passages basques en français
et les passages français en basque.
8 - La Croix-Rouge et l’Armée du Salut
Les costumes, s’ils témoignent d’un ancien souci de soin (ici, une montre, là, un bijou, des lunet-
tes de soleil...) évoquent Emmaüs, la Croix-Rouge, le Secours Catholique et le raccommoda-
ge.
Certains, ceux du professeur Sérébriakov ou de la vieille Maria Vassilievna, paraissent le fait d’o-
riginaux théâtraux.
Dans leur ensemble, ils sont actuels et sans mode.
Une musique, composée pour l’occasion, rappelle les petites fanfares du coin des rues de
l’Armée du Salut et accompagne les cantiques basques qu’entonne, par moments, le choeur
des personnages, recomposant ainsi une choralité d’espèce et une commune aspiration
naïve à un monde meilleur. Religiosité primitive, à l’image de la dernière tirade de Sonia,
comme une enluminure sur un papier froissé.
Jean-Marie Broucaret.
Juin 2010.
1 - La vie
Anton Pavlovitch Tchekhov est né le 29 janvier 1860 (calendrier grégorien), à Taganrog, au
bord de la mer d'Azov, en Russie. Ses parents sont des petits commerçants. D’une religiosi-
té excessive, son père est un homme violent.
Anton Tchekhov étudie la médecine à l'université de Moscou et commence à exercer à
partir de 1884.
Se sentant responsable de sa famille, venue s’installer à Moscou après la faillite du père, il
cherche à augmenter ses revenus en publiant des nouvelles dans divers journaux. Le suc-
cès arrive assez vite.
Il ressent très tôt les premiers effets de la tuberculose, qui l’obligera à de nombreux dépla-
cements au cours de sa vie pour tenter de trouver un climat qui lui convienne mieux que
celui de Moscou.
Bien que répugnant à tout engagement politique, il sera toujours extrêmement sensible à
la misère d’autrui. En 1890, en dépit de sa maladie, il entreprend un séjour d'un an au
bagne de Sakhaline afin de porter témoignage sur les conditions d’existence des
bagnards. "L'île de Sakhaline" paraîtra à partir de 1893. Toute sa vie, il multipliera ainsi les
actions de bienfaisance (construction d’écoles, exercice gratuit de la médecine...).
Ses nouvelles d’abord, son théâtre ensuite, le font reconnaître de son vivant comme une
des gloires nationales russes, à l’égal d’un Dostoievski ou d’un Tolstoï.
Après avoir longtemps repoussé toute perspective de mariage, il se décide, en 1901, à
épouser Olga Leonardovna Knipper (1870-1959), actrice au Théâtre d’Art de Moscou.
Lors d’une ultime tentative de cure, Anton Tchekhov meurt le 2 juillet 1904 à Badenweiler en
Allemagne. Au médecin qui se précipite à son chevet, il dit poliment en allemand : "Ich ster-
be" (je meurs). Ayant refusé de l’oxygène, on lui apporte… du champagne, et ses derniers
mots seraient : "Cela fait longtemps que je n’ai plus bu de champagne". Ayant bu, il se cou-
che sur le côté et meurt.
Le 9 juillet, il est enterré à Moscou, au cimetière de Novodevitchi.
2 - L’oeuvre
Théâtre :
Platonov (v. 1878), dont le texte a été découvert en 1921, première adaptation en français
sous le titre Ce fou de Platonov. Première traduction intégrale en français par André
Markowicz et Françoise Morvan, aux Editions les Solitaires Intempestifs.
Ivanov (1887), pièce en quatre actes, un nouvel Hamlet mélancolique L'Homme des bois
ou Le Sauvage ou Le Génie des forêts ou Le Sylvain (1889), comédie en quatre actes.
La Mouette (1896)
Oncle Vania (1899-1900) inspiré de L'Homme des bois
Les Trois Sœurs (1901)
La Cerisaie (1904).
Anton Tchekhov
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