de régulation. Dans l’action de mise en conformité de l’entreprise avec les valeurs, les normes
et les lois de la société, deux conceptions sont en présence : Celle de la régulation des normes
sociales par les pouvoirs publics, éventuellement en s’appuyant sur les acteurs privés et celle de
la responsabilité sociale. Cette dernière véhicule une vision très normative, dans la mesure où
elle suppose que les entreprises ont un devoir de responsabilité morale. Pour les partisans les
plus radicaux de l’Etat libéral, tel Milton Friedman, l’entreprise ne devrait être responsable que
devant ses actionnaires. Pour les libéraux plus modérés, la mise en oeuvre de certaines règles
sociales est un minimum nécessaire à la pérennité à long terme du système capitaliste.
L’entreprise doit ainsi anticiper les besoins de la société et tenter d’y répondre de sa propre
initiative, sans qu’elle y ait systématiquement un intérêt économique, à court ou long terme.
Dans cet esprit “paternaliste libéral”, les actions sociales des entreprises sont relativement
désintéressées, elles ne visent pas directement à améliorer leur image ou à calmer les pressions
syndicales.
La notion de responsabilité sociale d’entreprise (l’éthique d’entreprise) se fonde sur
l’hypothèse que la dynamique interne, la régulation par les acteurs privés, si elles sont
suffisamment développées, peuvent supplanter la dynamique externe, la régulation publique (le
respect des valeurs et des normes par la loi) (Capron 2000
). Les partisans de l’Etat social, de la
régulation à dominante publique, n’adhèrent pas à cette approche. Ils estiment que, bien que la
RSE puisse être bénéfique, il paraît très insuffisant de laisser à la seule responsabilité des
entreprises, la résolution des problèmes sociaux (Gendron, 2002
; Faber, 1993
; Salmon,
2000). En effet, il est indispensable, selon eux, qu’un acteur indépendant et disposant de la
capacité de sanction, puisse en limiter les infractions. Dans cette perspective, l’idée d’une RSE
peut s’avérer néfaste, dans la mesure où elle véhicule l’idée que dans le domaine des droits
sociaux, une autorégulation des acteurs économiques privés est possible. Or, nous verrons par
la suite, à travers des exemples concrets, que les tentatives actuelles d'autorégulation, via les
codes de conduite dans le domaine des normes fondamentales du travail, s’avèrent relativement
inopérantes. Il y a donc, au moins deux sens au mot éthique : régulation des normes sociales
par les acteurs privés ou un renforcement du respect des normes sociales par les pouvoirs
publics (droits sociaux, droits du travail, lutte contre la corruption). Cette ambiguïté ne permet
pas un débat très clair. Comme dans le débat sur le sens et le rôle de la société civile, les acteurs
politiques mondiaux dominants, en particulier les néo-libéraux jouent de cette ambiguïté, pour
tenter de faire appliquer discrètement leurs propres idées. C’est à dire une privatisation de la
régulation des entreprises.
CAPRON Michel, “Vous avez dit “éthique” ?”, Ethique et économie, Revue du Mauss, Paris, La Découverte /
MAUSS, 1er semestre 2000.
GENDRON Corinne, “Envisager la responsabilité sociale dans le cadre des régulations portées par les nouveaux
mouvements sociaux économiques”, Les cahiers de la Chaire Economie et Humanisme, Université du Québec à
Montréal (UQUAM), N° 01-2002,.
FABER Emmanuel, Main basse sur la cité, Ethique et entreprise, Pluriel Intervention, 1993.