Les réactions nucléaires

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Les réactions nucléaires
Introduction.
La radioactivité constitue en fait un cas particulier de réaction nucléaire ; il s’agit d’une
réaction spontanée.
On abordera ici l’étude de réactions nucléaires provoquées : la fission et la fusion nucléaires.
On s’intéressera également à l’aspect énergétique des réactions nucléaires, ce qui nous
permettra d’expliquer l’énergie considérable libérée par les réactions de fission et de fusion.
I.
Energie de masse et perte de masse.
1. Etude d’une désintégration radioactive.
On considère la désintégration α d’un noyau de radium 226 ; le noyau fils est un noyau de
radon 222. On a l’équation de désintégration :
226
88
Ra → 24 He +
222
86
Rn
Les masses de ces différents noyaux sont connues avec une grande précision ; on a :
222
4
Rn ) = 221,9703 u
m ( 226
m ( 86
88 Ra ) = 225,9770 u ; m ( 2 He ) = 4,00015 u ;
On compare la masse totale avant et après désintégration ; on :
mavant = m ( 226
88 Ra ) = 225,9770 u
222
Rn ) = 4,00015 + 221,9703 = 225,9718 u
maprès = m ( 24 He ) + m ( 86
On constate que maprès < mavant
La réaction de désintégration s’est traduite par une perte de masse ; la masse n’est pas
conservée au cours d’une réaction nucléaire !
mavant - maprès
est appelé la perte de masse du système.
2. La relation d’Einstein : Equivalence masse – énergie.
Lors de ses travaux sur la relativité restreinte, Einstein a montré que la masse constituait une
« réserve énergétique » (similaire à de l’énergie potentielle), et que cette énergie « en
réserve » était reliée à la masse par la fameuse relation :
E = m c²
(J)
(kg)
où c est la célérité de la lumière dans le vide.
( m.s-1)
1
Dans la réaction de désintégration étudiée, le système perd de la masse (m avant - maprès), cette
masse perdue s’est convertie en une énergie Q telle que :
Q = (mavant - maprès) c²
Energie libérée
perte de masse
L’énergie libérée par la réaction de désintégration est emportée sous forme d’énergie
cinétique par la particule α formée (si il y a simultanément émission d’un rayonnement γ ,
l’énergie Q « se partage » entre l’énergie cinétique de la particule α et l’énergie du
rayonnement γ).
3. Généralisation : perte de masse et énergie libérée par une réaction nucléaire.
Toute réaction nucléaire libère une énergie Q telle que :
Q = (mavant - maprès) c²
Cette relation est une relation algébrique (Q peut être positif, négatif ou nul).
-
Si Q > 0, la réaction nucléaire libère effectivement de l’énergie ; il s’agit d’une
réaction exoénergétique.
-
Si Q < 0, la réaction absorbe de l’énergie (il faut fournir de l’énergie au système pour
que la réaction se produise) ; il s’agit d’une réaction endoénergétique.
4. Exemple d’application.
Soit la réaction d’absorption d’un neutron par un noyau d’uranium 235 :
U + 01 n →
235
92
236
92
U
Remarque importante :
Les lois de conservation de la charge totale et du nombre total de nucléons, énoncées à
l’occasion de l’étude de la radioactivité, sont valables quelque soit le type de réaction
nucléaire étudiée.
Soit Q l’énergie libérée par cette réaction ; on a :
Q = (mavant - maprès) c²
Avec mavant = m ( 235
92 U ) + mn
et
maprès = m ( 236
92 U )
Soit la perte de masse du système:
236
mavant - maprès = m ( 235
92 U ) + mn - m ( 92 U )
236
On donne par ailleurs : m ( 235
92 U ) = 234,99332 u ; m ( 92 U ) = 235,99496 u ; mn = 1,00866u
D’où : mavant - maprès = 234,99332 + 1,00866 - 235,99496 = 0,00702
2
Or, 1 u = 1,66055 10-27 kg ; On en déduit :
Q = (mavant - maprès) c² = 0,00702 x 1,66055 10-27 x (2,9979 108)2 = 1,0477 10-12 J
Cette énergie est récupérée sous forme d’énergie cinétique par le noyau d’uranium 236.
5. L’électron Volt.
L’exemple numérique précédent montre que le joule est une unité d’énergie mal adaptée à
l’échelle nucléaire (ou atomique), on préfère utiliser l’électron Volt :
1 eV = 1,602 10-19 J
On a alors pour le résultat précédent exprimé en électron Volt :
1,0477 10 12
Q = 1,049 10-12 J =
= 6,54 106 eV = 6,54 MeV
19
1,602 10
6
Avec 1 MeV = 10 eV
Les réactions nucléaires mettent toujours en jeu des énergies de l’ordre du MeV.
Remarque :
Il est commode, pour effectuer les calculs, de donner l’énergie libérée par une perte de masse
d’une unité de masse atomique ; cette énergie valant 931,5 MeV.
On a alors en effet, d’après les calculs précédents :
mavant - maprès = 0,00702 u
et on obtient directement :
Q = 0,00702 x 931,5 = 6,54 MeV
6. Energie chimique et énergie nucléaire.
Les réactions nucléaires mettent en jeu des énergies de l’ordre du MeV, alors que les réactions
chimiques (réactions de combustion par exemple) libèrent des énergies de l’ordre de l’eV.
Cela signifie concrètement qu’à « masses de réactifs » égales, une réaction nucléaire
libère environ un million de fois plus d’énergie qu’une réaction chimique !
II.
Défaut de masse et énergie de liaison.
On reprendra ici des considérations énergétiques en s’intéressant à la formation et à la
cohésion d’un noyau.
3
1. Défaut de masse du noyau.
On constate que la masse d’un noyau est toujours inférieure à la somme des masses des
protons ( Z mp) et des neutrons ( (A-Z) mn) qui le constituent.
m ( ZA A ) < Z mp + (A-Z) mn
Cette différence de masse : [Z mp + (A-Z) mn] - m ( ZA A )
du noyau ; le défaut de masse est toujours positif.
est appelée le défaut de masse
2. Origine du défaut de masse : énergie de liaison du noyau.
On suppose que l’on « décompose » totalement un noyau en l’ensemble de ses nucléons
constitutifs, en éloignant ceux-ci à l’infini les uns des autres.
Ce processus correspond à la réaction nucléaire :
A
Z
A → Z mp + (A-Z) mn
L’énergie mise en jeu par cette réaction a pour expression :
Q = (mavant - maprès) c² = {m ( ZA A ) - [Z mp + (A-Z) mn]} c²
Q est donc l’opposé du défaut de masse multiplié par c² ; le défaut de masse étant positif, Q
est donc négative.
Il faut en effet fournir de l’énergie au noyau pour briser l’interaction forte existant entre les
nucléons afin de les éloigner à l’infini les uns des autres.
L’énergie de liaison d’un noyau, notée εl, est l’énergie, comptée positivement, qu’il faut
fournir à un noyau pour amener ses nucléons constitutifs à l’infini les uns des autres,
avec une vitesse nulle.
On a donc :
εl = {[Z mp + (A-Z) mn] - m ( ZA A )} c²
III.
Courbe d’Aston et réactions nucléaires exoénergétiques.
1. Energie de liaison par nucléon.
Si l’on considère respectivement les énergies de liaison des noyaux de fer 56 et d’uranium
238, on a les valeurs :
εl ( 56 Fe ) = 492 MeV
et
εl ( 238U ) = 1802 MeV
Or le fer 56 est plus stable que l’uranium 238 !
4
En fait la cohésion d’un noyau est d’autant plus importante que chaque nucléon est
fortement lié aux autres ; pour comparer la force de cohésion de deux noyaux, il faut donc
ramener l’énergie de liaison du noyau à chacun de ses nucléons. On définie ainsi l’énergie de
liaison par nucléon, notée ε.
ε=
l
A
où εl est l’énergie de liaison du noyau et A son nombre total de nucléons.
ε s’exprime en MeV par nucléon.
Exemples :
492
= 8,79 MeV par nucléon.
56
ε ( 238U ) = 1802 = 7,57 MeV par nucléon.
238
ε ( 56 Fe ) =
Un noyau est d’autant plus stable que son énergie de liaison par nucléon ε est élevée.
(On retrouve ici que le fer 56 est plus stable que l’uranium 238).
2. Courbe d’Aston.
La courbe d’Aston est obtenue en portant en ordonnée pour chaque noyau l’opposé de son
énergie de liaison par nucléon (-ε) et en abscisse le nombre de nucléons (A) constituants le
noyau.
On obtient la courbe suivante :
Les noyaux situés dans le creux de la courbe d’Aston ont une énergie de liaison par nucléon
élevée ; ceux sont les noyaux les plus stables.
5
On constate que les noyaux très légers (faible valeur de A) et très lourds (forte valeur de A)
sont moins stables que les noyaux de la zone centrale
3. Exploitation de la courbe d’Aston : Fission et fusion nucléaire.
3.a. Fission nucléaire.
La fission nucléaire consiste à briser un noyau lourd en deux noyaux plus légers.
Les noyaux ainsi formés étant plus stables que le noyau de départ, il y a libération d’énergie
nucléaire lors de la fission d’un noyau lourd.
3.b. Fusion nucléaire.
La fusion nucléaire consiste à fusionner deux noyaux légers pour obtenir un noyau plus
lourd.
Le noyau formé étant plus stable que les noyaux de départ, il y a libération d’énergie nucléaire
lors de la fusion de deux noyaux légers.
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IV.
Les réactions nucléaires provoquées.
1. La fission nucléaire.
1.a. Diagramme énergétique.
On construit un diagramme énergétique en positionnant sur une échelle d’énergie de liaison
par nucléon (-ε) le noyau lourd de départ et les noyaux formés par la fission.
-ε
0
-ε1
-ε2
Sur ce diagramme une énergie de liaison par nucléon nulle correspond à des nucléons
éloignés à l’infini les uns des autres.
On peut alors décomposer la réaction de fission en deux étapes.
1ère étape :
Le noyau lourd est scindé en ses nucléons constitutifs éloignés à l’infini les uns des autres.
Pour réaliser cette étape il faut fournir une énergie ε1 par nucléon.
2ème étape :
Les noyaux issus de la fission sont constitués à partir des nucléons qui ont été éloignés à
l’infini les uns des autres.
Dans cette étape on récupère une énergie ε2 par nucléon.
Le nombre total de nucléons restant inchangé au cours de la fission, le bilan d’énergie des
deux étapes précédentes fait apparaître un gain d’énergie de (ε2 - ε1) par nucléon : c’est
l’énergie nucléaire libérée par la réaction de fission.
La fission libère une énergie de l’ordre de 1 MeV par nucléon.
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1.b. Exemple de la fission de l’uranium 235.
L’une des réactions possibles de fission de l’uranium 235 est la suivante :
1
0
n +
U →
235
92
94
38
Sr +
139
54
Xe + 3 01 n + γ
On connaît par ailleurs :
139
94
mn = 1,0086 u ; m ( 235
92 U ) = 234,99342 u ; m ( 54 Xe ) = 138,89700 u ; m ( 38 Sr ) = 93,89014 u.
L’énergie libérée par la réaction de fission a pour expression :
Q = (mavant - maprès) c²
94
139
Avec (mavant - maprès) = (mn + m ( 235
92 U )) – (m ( 38 Sr ) + m ( 54 Xe ) + 3 mn) = 0,18908 u ;
L’énergie correpondant à une perte de masse de 1 u étant de 931,5 MeV, on en déduit :
Q = 0,18908 x 931,5 = 176,1 MeV.
Cette énergie est essentiellement emportée par les neutrons sous forme d’énergie cinétique et
par le rayonnement γ sous forme d’énergie électromagnétique.
1.c. Remarques.
-
Pour que la réaction de fission se produise il faut que le noyau d’uranium 235 soit
heurté par un neutron : La réaction de fission doit être initiée (ou provoquée).
-
La réaction de fission produit trois neutrons qui peuvent à leur tour provoquer trois
réactions de fission et ainsi de suite : il se produit des réactions en chaîne.
1.d. Applications.
Application militaire : Bombe A.
On laisse ici la réaction en chaîne se dérouler sans contrôle ; il se produit un énorme
dégagement d’énergie en une durée très brève.
Application civile : centrale nucléaire à fission.
On contrôle la réaction nucléaire en la maintenant au seuil de la réaction en chaîne : un
neutron efficace produit pour un neutron absorbé. La puissance de la centrale reste ainsi
constante.
2. La fusion nucléaire.
2.a. Diagramme énergétique.
8
On construit un diagramme énergétique en positionnant sur une échelle d’énergie de liaison
par nucléon (-ε) les noyaux légers de départ et le noyau formé par fusion.
-ε
0
-ε1
-ε2
On peut alors décomposer la réaction de fusion en deux étapes.
1ère étape :
Les noyaux légers sont scindés en leurs nucléons constitutifs éloignés à l’infini les uns des
autres.
Pour réaliser cette étape il faut fournir une énergie ε1 par nucléon.
2ème étape :
Le noyau issu de la fusion est constitué à partir des nucléons qui ont été éloignés à l’infini les
uns des autres.
Dans cette étape on récupère une énergie ε2 par nucléon.
Le nombre total de nucléons restant inchangé au cours de la fusion, le bilan d’énergie des
deux étapes précédentes fait apparaître un gain d’énergie de (ε2 - ε1) par nucléon : c’est
l’énergie nucléaire libérée par la réaction de fusion.
La fission libère une énergie de l’ordre de 4 à 6 MeV par nucléon, soit une énergie plus
importante que celle libérée par la fission nucléaire.
2.b. Exemple de la fusion deutérium – tritium.
Les noyaux de deutérium (ou hydrogène 2) et de tritium (ou hydrogène 3) peuvent fusionner
suivant la réaction nucléaire :
2
1
H + 13 H → 24 He + 01 n
On connaît par ailleurs :
m ( 12 H ) = 2,01355 u ; m ( 13 H ) = 3,01550 u ; m ( 24 He ) = 4,00150 u ; mn = 1,00866 u
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L’énergie libérée par cette réaction de fusion a pour expression :
Q = (mavant - maprès) c²
Avec (mavant - maprès) = [m ( 12 H ) + m ( 13 H )] – [m ( 24 He ) + mn] = 0,01889 u
L’énergie correpondant à une perte de masse de 1 u étant de 931,5 MeV, on en déduit :
Q = 0,01889 x 931,5 = 17,6 MeV.
Cette énergie est emportée par le noyau d’hélium et le neutron formés sous forme d’énergie
cinétique.
2.c. Remarque.
Pour que la fusion puisse se produire il faut très fortement rapprochée les noyaux de
deutérium et de tritium (on dit qu’il faut confiner les noyaux), et donc apporter dans un
premier temps un énergie importante pour vaincre la répulsion électrostatique des noyaux
(tous chargés positivement).
La fusion ne se produit pas spontanément, c’est une réaction nucléaire provoquée.
2.d. Applications.
Application militaire : Bombe H.
Pour assurer le confinement nécessaire à « l’allumage » de la bombe H, on fait d’abord
exploser une Bombe A.
Application civile : Réalisation d’un réacteur nucléaire à fusion contrôlée.
Projet ITER.
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