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J. FOURNET
La dysphagie est un signe fonctionnel qui a une forte valeur discriminative et oriente vers
une pathologie organique. La dysphagie est un symptôme grave :
- elle peut entraîner rapidement dénutrition, voire déshydratation
- elle peut être grave par l'affection sous-jacente qui la provoque (ex : sténose peptique, voire
cancer)
- elle peut occasionner par régurgitation du contenu œsophagien : toux nocturne, infection
broncho-pulmonaire (enfants et personnes âgées notamment).
1. SEMEIOLOGIE DE LA DYSPHAGIE :
C'est une gêne à la progression de la bouchée alimentaire avec sensation d'arrêt dans
l'œsophage ou au creux épigastrique. Il est indispensable de faire préciser le siège exact de l'arrêt
(cervical, rétrosternal ou épigastrique).
1.1.LA DYSPHAGIE PEUT ETRE :
- incomplète (sujet pouvant s'alimenter) ou totale (sujet incapable de s'alimenter)
- elle est habituellement d'installation progressive apparaissant d'abord pour les aliments solides,
puis pâteux, puis liquides. Elle peut être brutale (corps étranger)
- elle peut être sélective habituellement pour les solides, plus rarement pour les liquides (troubles
moteurs à évoquer)
- elle peut être intermittente ou permanente
- elle peut être associée à des douleurs thoraciques à la glutition (odynophagie) et à des
régurgitations du contenu œsophagien.
La dysphagie constitue un symptôme grave responsable en lui-même de lourdes
conséquences ; dénutrition+++, déshydratation+++
1.2.LA DYSPHAGIE OESOPHAGIENNE DOIT ETRE DISTINGUEE :
- des dysphagies oropharyngées secondaires à des lésions inflammatoires ou tumorales oropha-
ryngées ou à une atteinte neurologique ou musculaire (trouble de la déglutition).
- de l'anorexie : le sujet inappétent peut traduire son trouble par la formule "ça ne passe pas"
- sensation de "boule dans la gorge" des sujets anxieux : cette sensation de gêne est indépendante de
toute déglutition.
DYSPHAGIES
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1.3.L'EXAMEN CLINIQUE EST SOUVENT NEGATIF :
On recherchera une tumeur cervicale, une tumeur épigastrique, des ganglions métastatiques sus-
claviculaires (ganglions de Troisier à gauche).
1.4.DE TOUTE FAÇON AU MOINDRE DOUTE, DEVANT UNE SUSPICION DE DYSPHAGIE MEME
FUGACE MAIS RECIDIVANTE, il faut imposer la pratique d'examens complémentaires : la
dysphagie est un signe corrélé de façon quasi constante avec une lésion organique +++ :
examen ORL endoscopie - vidéoradiographie de la déglutition - manométrie œsophagienne
selon les orientations cliniques.
2. FAITS PATHOLOGIQUES :
On englobe sous le terme de dysphagie des FAITS PATHOLOGIQUES très divers l'on peut
distinguer deux types de situation :1) Les dysphagies oropharyngées, 2) : Les dysphagies
œsophagiennes.
2.1.DYSPHAGIES OROPHARYNGEES :
2.1.1. Les lésions inflammatoires ou tumorales oropharyngées peuvent provoquer ces
signes, de même des séquelles de radiothérapie ou compressions extrinsèques. Le traitement se
confond avec celui de la lésion causale (examen ORL).
2.1.2. Dans les autres cas la dysphagie est en relation avec une maladie neurologique ou
musculaire. L'atteinte neurologique intéressant la partie basse du tronc cérébral ou les dernières
paires crâniennes. Les dysphagies hautes, d'origine neurologique, sont généralement faciles à
reconnaître : électives pour les liquides, elles s'accompagnent de régurgitations dans les fosses
nasales et de toux de déglutition (par fausse route). Souvent la dysphagie vient s'ajouter à un
tableau neurologique évident (ramollissements cérébraux, sclérose latérale amyotrophique,
poliomyélite antérieure aiguë, polyradiculonévrite). Les troubles de la déglutition aggravent le
pronostic immédiat par le risque de fausse route. Dans les formes graves, le seul moyen d'éviter les
bronchopneumopathies d'inhalation est le recours à l'alimentation entérale par sonde de
gastrostomie (mise en place par méthode endoscopique actuellement).
Parfois la dysphagie oropharyngée est apparemment isolée, éventuellement révélatrice d'une
affection neurologique débutante ++.
Le déficit de la motricité d'origine neurologique a pu être nettement déterminé dans
certaines situations. Il possède par lui-même une certaine spécificité étiologique par la clinique :
- Apraxie bucco-lingo-faciale
- Amyptrophie - fasciculations, dyskinésie
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- Déficit moteur, sensitif ou sensoriel
- Déficit au niveau des paires crâniennes (V, VII, IX, X, XI, XII)
- Ophtalmoplégie ptosis
- Etude de la phonation = dysarthrie, dysphonie
- Examen neurologique général
Tableau I :
EXEMPLES DE TROUBLES MOTEURS RESPONSABLES DE DYSPHAGIES ORO-PAHRYNGEES
Causes
Anomalies motrices de la jonction pharyngo-œsophagienne
Ramollissement du tronc cérébral (AVC)
(thrombose de l’artère cérébelleuse
postérieure et inférieure)
Tumeurs cérébrales
Absence de relaxation du sphincter cricopharyngé
Poliomyélite
Sclérose latérale amyotrophique
S.E.P
Polyradiculoneurites
Atteinte des nerfs crâniens (V, VI, IX, X,
XI, XII)
Absence de contraction pharyngée
Absence de contraction propagée sur l’œsophage cervical
Myasthénie
Myosites Polymyosityes
Myopahties
Hypotonie du sphincter cricopharyngé : mouvements faibles à la
base de la faiblesse des contractions (anomalies partiellement
corrigées par la Prostigmine)
2.1.3. Chez le sujet normal :
Chez le sujet normal ,la déglutition entraîne une contraction intense et rapide du pharynx
en même temps qu'une relaxation complète du sphincter cricopharyngé, la contraction
propagée de l'œsophage cervical lui fait suite.
L'analyse précise de ces mécanismes par la prise de pressions à la jonction pharyngo-
œsophagienne au cours de la MANOMETRIE OESOPHAGIENNE, possède dans quelques cas un
intérêt physiopathologique parfois à visée thérapeutique.
2.1.3.1. Ainsi certaines dysphagies cervicales hautes, isolées, sont en relation avec un
spasme isolé du sphincter supérieur de l'œsophage. La prise de pression dans le sphincter
cricopharyngien (ou sphincter supérieur de l'œsophage) permet de l'affirmer.
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2.1.3.2. Ces investigations ont aussi permis de montrer que le diverticule de
Zenker (poche pharyngée développée à partir de la paroi postérieure du pharynx) est probablement
la conséquence d'une maladie motrice de la jonction pharyngo-œsophagienne. Le sphincter crico-
pharyngé se relaxe de façon légèrement anticipée sur la contraction œsophagienne de sorte que la
contraction du pharynx persiste après la fermeture du sphincter. L'hyperpression renouvelée après
chaque déglutition provoque le développement progressif du diverticule postérieur. Outre la
dissection et la résection du diverticule, le traitement chirurgical doit logiquement comporter la
sphinctérotomie cricopharyngée. Le diverticule de Zenker est diagnostiqué par le transit
œsophagien baryté ou l'endoscopie. L'endoscopie peut être dangereuse car la paroi du diverticule
est extrêmement mince (risque de perforation).
2.1.4. Diagnostic étiologique :
L’orientation doit être basée sur un examen clinique rigoureux
Il permet d’orienter d’emblée :
- sur une affection neurologique Avec explorations adaptées
- sur une affection musculaire
- un trouble iatrogène (neuroleptique par exemple)
- un examen ORL
En l’absence d’orientation évidente :
- vidéoradiographie de la déglutition +++
- examen ORL
- endoscopie digestive
- manométrie œsophagienne
2.2.DYSPHAGIE OESOPHAGIENNE :
C'est une gêne à la progression de la bouchée dans l'œsophage ou au creux épigastrique. Il
est utile de faire préciser le siège de l'arrêt, la nature des aliments déclenchants, ne serait-ce que
pour préciser avec netteté le symptôme et permettre dans certains cas de distinguer la dysphagie
d'une anorexie.
2.2.1. L'interrogatoire : Il est nécessaire pour établir l'allure évolutive de la dysphagie et
pour la replacer éventuellement dans un contexte pathologique. On s'informera des habitudes
(tabac ou boissons alcoolisées) ; on recherchera des symptômes de reflux gastro-œsophagien ;
on envisagera la possibilité d'une maladie générale (sclérodermie). Des particularités
sémiologiques sont parfois observées dans les maladies de la motricité œsophagienne :
déclenchement paradoxal de la dysphagie par certains aliments liquides, majoration ou sédation
nette de la dysphagie par les boissons froides. Ces précisions sémiologiques ne peuvent pas être
considérées comme des arguments fidèles du diagnostic étiologique cependant.
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2.2.2. Les investigations complémentaires : Elles sont toujours nécessaires.
2.2.2.1. Examen ORL si dysphagie haute
2.2.2.2. Radiographie :
L'examen du thorax sans préparation permet d'étudier le médiastin postérieur et
de rechercher une compression extrinsèque.
Le transit baryté œsophagien ou surtout la vidéoradiographie peuvent permettre
une étude dynamique
2.2.3. Endoscopie :
Examen essentiel du diagnostic, il est effectué en première intention habituellement.
L'usage du fibroscope a fait de l'endoscopie œsophagienne une méthode de routine
remarquablement efficace. Parfois l'existence d'une sténose infranchissable par l'appareil standard
rend nécessaire l'usage d'un appareil de faible calibre de type pédiatrique (diamètre = 7 mm). On
peut ainsi étudier les parois de la zone sténosée et examiner l'estomac. En cas de lésions
œsophagiennes tumorales, l'endoscopie œsophagienne doit être complétée par une endoscopie
bronchique afin de rechercher une extension à l'arbre respiratoire. Les indications thérapeutiques en
dépendant pour une large part. Dans d'autres cas, c'est la suspicion d'une fistule broncho-
oesophagienne qui justifie l'endoscopie trachéo-bronchique.
En cas de sténose œsophagienne infranchissable, la pratique des biopsies sous endoscopie
n'est pas toujours satisfaisante alors qu'elles sont faites, bien entendu, systématiquement dans tous
les cas. Les prises intéressent la paroi située au-dessus de la lésion, à moins qu'elles ne soient faites
à l'aveugle dans la sténose. Le cytodiagnostic par brossage, à travers la sténose est alors d'un grand
intérêt. Il est également aussi possible d'effectuer des biopsies secondairement après dilatation
œsophagienne conduite sous contrôle radio-endoscopique.
2.2.4. Manométrie œsophagienne :
L'enregistrement des variations de pression intra-œsophagienne peut être utilisé pour
déceler les anomalies du temps œsophagien de la déglutition (étude de la motricité).
La sonde de mesure de pression permet l'enregistrement continu simultanément en plusieurs points
de l'œsophage. a) On enregistre à la partie supérieure la pression du sphincter supérieur de
l'œsophage et sa relaxation lors de la déglutition. b) En l'absence d'anomalie de la motricité
œsophagienne, on enregistre dans le corps de l'œsophage une pression de repos légèrement
inférieure à la pression atmosphérique. La déglutition est suivie d'une onde positive (contraction)
qui se propage régulièrement le long du corps de l'œsophage (péristaltisme primaire). c) Le
sphincter inférieur de l'œsophage est situé à la jonction oesogastrique. Il se caractérise par une
zone d'élévation permanente de la pression de repos (tonus de base).
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