Les traumatismes obstétricaux et les lésions cérébrales du
nouveau-
E. Mireau, T. Roujeau, M.Zérah
Les traumatismes
Tout accouchement par voie basse entraîne par la déformation de la boîte crânienne qu’il
provoque un traumatisme crânien. Ce traumatisme est en règle mineur et n’entraîne aucun
signe clinique, ni aucun retentissement sur la vie future de l’enfant. Cependant, des études
IRM systématiques ont montré l’existence de saignements asymptomatiques (le plus souvent
sous-duraux et postérieurs). Dans les pays où l’accouchement est médicalisé, on estime à 1‰
la fréquence des traumatismes obstétricaux. Cinquante pour cent de ces derniers intéressent le
cerveau et ses enveloppes.Leur survenue est directement corrélée à la taille de la tête et/ou à
l’existence d’une souffrance fœtale aiguë. Ils surviennent le plus souvent chez le garçon né à
terme. Tous les types de traumatismes peuvent se rencontrer, des simples lésions cutanées,
jusqu’aux lésions intracérébrales gravissimes.
Les céphalhématomes
Il s’agit de la lésion obstétricale la plus fréquente. Elle concerne 0,( à 1,5% de toutes les
naissances). Une extraction instrumentale est retrouvée dans 1/3 des cas (on retrouve 35% de
céphalhématome en cas de forceps de descente contre moins de 5% en cas de forceps de
dégagement).
La topographie élective est temporale droite (65%). Les céphalhématomes occipitaux sont
rares et doivent faire craindre une lésion sous-jacente. Dix pour cent des céphalhématomes
sont bilatéraux
La guérison est pratiquement toujours obtenue spontanément.
Trois complications sont possibles :
- l’ ictère associée à la résorption sanguine est fréquent, mais l’anémie est rare
- la calcification avec déformation de la voûte se voit dans 1 à 5% des cas
- l’infection de la poche est devenue exceptionnelle
La ponction parfois proposée est en fait peu utile et favorise le resaignement dans l’espace
mort laissé vide. Par contre le risque d’infection post-ponction, souvent invoqué, est
certainement surestimé.
Les lésions osseuses
Les fractures de la voûte
Les fractures isolées de la voûte du nouveau-né sont rares. En raison de la plasticité crânienne
et de la très riche vascularisation de l’os, elles accompagnent le plus souvent des embarrures
ou des hématomes extraduraux qu’il faudra rechercher systématiquement. Elles sont le témoin
d’un accouchement traumatique et conduisent à rechercher des lésions sous jacentes. Les
formes avec déchirure durale associée sont exceptionnelles et ne se voit qu’en cas
d’accouchement très traumatique avec souffrance néonatale grave et lésions
cérébrales.Lorsqu’elles sont isolées, elles vont consolider en quelques jours et guériront sans
séquelles. Elles ne nécessitent pas de contrôle radiologique.
Les fracas crâniens
Parfois, l’accouchement va se dérouler dans des conditions très difficiles et le traumatisme
crânien nécessaire pour le sauvetage de l’enfant peut conduire à un véritable fracas crânien.
Les lésions sous-jacentes sont la règle et ce sont ces dernières associées aux conséquence de
la souffrance fœtale aiguë qui fixent le pronostic.
Les embarrures en “balle de ping-pong”
La finesse et la fragilité de la voûte
crânienne d’un nouveau-né la rend
facilement déformable.Toute pression
localisée peut conduire à un enfoncement
osseux identique à celui réalisable sur une
balle de ping-pong. La cause la plus
fréquente est l’utilisation de forceps, mais
elle est parfois uniquement liée à une
simple compression digitale.En dehors
d’un volumineux céphalothorax associé, le
diagnostic est un diagnostic d’inspection et
de palpation clinique. Ils ne
s’accompagnent qu’exceptionnellement de
lésions sous-jacentes (le scanner sera
cependant systématiquement réalisé).
Considérées il y a encore quelques années
comme chirurgicales, elles conduisent
maintenant le plus souvent à une
abstention thérapeutique, la poussée
encéphalique remodelant la voûte
crânienne en 6semaines à 3 mois.
L’indication chirurgicale ne se discute en
urgence, que dans les formes très
déprimées ou siégeant dans une région
découverte (front), ou de façon différée
lorsque la réduction spontanée semble
insuffisante. Le traitement consiste en une
découpe du fragment embarré qui sera
inversé (intérieur vers extérieur) et reposé.
Le pronostic est excellent et ne nécessite
pas de surveillance à moyen et long terme
Embarrure en balle de ping pong
Scanner cérébral. Embarrure en balle de
ping-pong
.
Les fractures de la base
Elles sont rares et ne se voient que dans les accouchements très traumatiques La plasticité de
la base du crâne du nouveau-né, lui permet une déformabilité sans fracture importante.
Elles peuvent s’accompagner de paralysie faciale périphérique (que l’on peut voir sans
fracture) dont l’évolution se fera le plus souvent vers la récupération spontanée.
Les hématomes extraduraux
Il présentent des caractéristiques qui les différencient des autres hématomes extraduraux.
Toujours consécutifs à un accouchement traumatique (forceps), ils sont secondaires à une
fracture de la voûte qui va saigner dans l’espace extradural. En règle peu symptomatiques, ils
ne se manifestent le plus souvent que par un nouveau-né, hypertonique, douloureux. En raison
de leur caractère souvent volumineux, les signes de déglobulisation clinique au biologique
sont au premier plan. Parfois le diagnostic est fait à retardement vers le 5 8ème jour.
L’hématome devenu liquide, poussé par la pression cérébrale va s’évacuer de lui même à
travers le trait de fracture. Il se produit alors un hématome sous-cutané (bosse) souvent
volumineux qui conduit au diagnostic. Le diagnostic sera confirmer par le scanner qui
recherchera des lésions intracérébrales associées (rares). Ces hématomes ne nécessitent pas
d’intervention neurochirurgicale le plus souvent. Il se résorberont spontanément ou
s’évacueront à travers le trait de fracture . Lorsqu’ils sont volumineux et mal supportés, une
simple ponction percutanée à l’aide d’une grosse aiguille au travers du trait de fracture
permettra l’aspiration de l’hématome. En dehors de lésions intracérébrales associées, le
pronostic est excellent , il se fait vers la guérison sans séquelles.
Les hématomes sous-duraux
Moins fréquents mais beaucoup plus
graves que les lésions précédentes, ces
hématomes sont secondaires à des
arrachements veineux secondaires à la
déformation crânienne au cours de
l’accouchement. Ce sont en règle les
veines contiguës à la tente du cervelet qui
sont arrachés et ces hématomes sont
pratiquement toujours postérieurs.
Diverses classifications ont été proposées
basées sur la topographie, l’étendue et
l’existence de lésions cérébrales associées.
S’ils ne sont pas diagnostiqués lors d’un
bilan systématique secondaire à un
accouchement traumatique, ils ne se
manifestent le plus souvent qu’après
quelques heures de vie (6 à 48h) par une
aggravation neurologique brutale (troubles
de conscience, hypotonie majeure,
épilepsie). Leur pronostic est grave et leur
prise en charge nécessite un hospitalisation
en réanimation néonatale.
TDM cérébral sans injection. Hématome
sous-dural aigu le long de la tente du
cervelet.
Le diagnostic échographique est souvent
difficile en raison de la topographie de
l’hématome et repose sur le scanner.
L’IRM (en particulier les séquences en
FLAIR et de diffusion) sont d’un intérêt
pronostique majeur. Les indications
thérapeutiques sont difficiles et visent à
prendre en charge l’hydrocéphalie souvent
associée (par blocage de l’écoulement du
LCS), à protéger le cerveau, et à lutter
contre l’hypertension intracrânienne. On
pourra mettre en place une dérivation
ventriculaire, le plus souvent transitoire, et
l’on préfèrera la ponction de l’hématome à
son évacuation chirurgicale en raison du
risque hémorragique majeur de l’abord de
la fosse postérieure chez le nouveau-né.
Les lésions anoxiques
Elles peuvent se produire pendant la
période de souffrance fœtale qui a précédé
l’accouchement. En cas d’accouchement
traumatique, il est difficile de faire la part
entre ce qui revient au traumatisme et à
l’anoxie. L’IRM (perfusion et diffusion)
est devenue e d’une grande aide dans
l’analyse et le pronostic de ces lésions
IRM cérébrale. Coupe axiale. Séquence de
diffusion. Souffrance hémisphérique
gauche
.
Les traumatismes médullaires
Ils sont liés à des mécanismes d’étirement et de rotation au cours de l’extraction. Il siègent au
niveau du rachis cervical. Ils se manifestent par des tétraparésies ou des tétraplégies
néonatales et sont parfois associés à des paralysies périphériques du plexus brachial.
L’echographie médullaire est le meilleur examen en période néonatale, montrant les lésions
plus précocément et souvent plus précisément que l’IRM.
Le pronostic est mauvais, laissant le plus souvent des séquelles définitives
Les autres lésions
Les hémorragies intracérébrales
Elles sont rares, surviennent le plus souvent en dehors de tout contexte traumatique chez le
nouveau-né à terme. Leur expression clinique est souvent retardée (5ème-10ème jour). Crise
d’épilepsie, trouble du tonus, vomissement ou refus du biberon sont les signes les plus
souvent retrouvés. Ces hématomes sont volumineux, siègent le plus souvent dans la région
frontale. Le diagnostic est échographique. L’IRM permet d’évaluer la souffrance cérébrale
associée et d’en rechercher la cause (pratiquement jamais retrouvée). L’évolution se fait en
règle vers la résorption spontanée. La ponction neurochirurgicale par la fontanelle ou une
suture est parfois indiquée en cas d’hématome mal toléré cliniquement. La résorption de cet
hématome, laisse souvent place à une cavité porencéphalique. Si les séquelles neurocognitives
sont rares, ces hématomes peuvent conduire à une épilepsie parfois résistante au traitement
médical.
Les abcès intra-cérébraux
De pronostic très sombre, ils sont devenus rares grace à leur prévention, ils sont toujours
consécutifs à une contamination maternofoetale parfois passée inaperçue. Leur manifestation
clinique est souvent décalée (de 15j à 2 mois après la naissance). Elle associe signes généraux
(stagnation pondérale, mauvais éveil, mais rarement fièvre) et des signes neurologiques
(macrocranie contrastant avec la mauvaise prise de poids, tension de la fontanelle, hypotonie,
épilepsie). Le diagnostic sera fait par l’échographie et confirmé par le scanner (sans et avec
injection).La ponction lombaire en dehors de la rupture ventriculaire est souvent normale. Le
germe peut par contre être retrouvé dans les hémocultures.Ils sont très différents des abcès de
l’enfant et de l’adulte, car il s’agit de véritables encéphalites septiques conduisant à une
destruction cérébrale d’autant plus importante que ces abcès sont dans la moitié des cas
multiples. L’imagerie retrouvera en fonction de la phase évolutive de la lésion, soient des
grandes plages oedémateuses (hyperéchogène et hypodense), soient des abcès collectés
parfois géants. Ces abcès peuvent se rompre dans les ventricules entraînant une ventriculite et
une méningite. Parfois le germe est connu (infection maternofoetale diagnostiquée). Dans les
autres cas, la ponction de l’abcès (par la fontanelle ou une suture sous repérage
échographique) permettra de retrouver le plus souvent un bacille Gramm négatif (protéus, E.
Coli, Klebsielle). Cette ponction permet de plus l’évacuation de l’abcès et l’injection
d’antibiotiques. Il peut être nécessaire de la renouveler à plusieurs reprises ou de laisser en
place un drainage externe. L’hydrocéphalie est une complication redoutable de ces abcès.
L’infection va souvent entraîner un cloisonnement ventriculaire, nécessitant des drainages
multiples et/ou des effondrements endoscopiques des membranes. Les dysfonctionnements de
valve à court et long terme sont fréquents et de traitement toujours difficiles. Le pronostic est
sombre. Si le diagnostic précoce et le traitement antibiotique a permis de réduire la mortalité
de 70 à 20 % au cours des 20 dernières années, les séquelles neurocognitives et épileptiques
graves se retrouvent dans plus de 50 % des cas.
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