introduction : qu`est-ce qu`une dissertation philosophique

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INTRODUCTION : QU'EST-CE QU'UNE DISSERTATION PHILOSOPHIQUE ?
1) Fonction
On peut la définir par sa fonction : vous devez montrer que :
- vous êtes capable de raisonner
- d'utiliser vos connaissances
Je précise que tout élève de Terminale se doit d'avoir lu le début des "Instructions
concernant l'enseignement philosophique" d'Anatole de Monzie (2 septembre 1925), afin
de comprendre ce qu'on attend de lui; voici un extrait de ces instructions :
D'abord, voyons ce qui caractérise selon A. de Monzie l'enseignement philosophique
Français :
"Un des traits les plus importants qui caractérisent l'enseignement secondaire français
est l'établissement, au terme des études, d'un enseignement philosophique élémentaire,
mais ample et distinct, auquel une année est spécialement consacrée. Nous n'avons pas
à justifier ici une institution : elle n'est plus discutée aujourd'hui et n'a jamais été battue
en brèche que par les gouvernements hostiles à toute conception libérale. Nous nous
contenterons de rappeler le double service qu'on peut en attendre.
D'une part, il permet aux jeunes gens de mieux saisir, par cet effort intellectuel d'un
genre nouveau, la portée et la valeur des études mêmes, scientifiques et littéraires, qui
les ont occupés jusque-là, et d'en opérer en quelque sorte la synthèse.
D'autre part, au moment où ils vont quitter le lycée pour entrer dans la vie, et, d'abord,
se préparer par des études spéciales à des professions diverses, il est bon qu'ils soient
armés d'une méthode de réflexion, et de quelques principes généraux de vie intellectuelle
et morale qui les soutiennent dans cette existence nouvelle, qui fassent d'eux des
hommes de métier capables de voir au-delà du métier, des citoyens capables d'exercer le
jugement éclairé et indépendant que requiert une société démocratique."
Quel doit être, par conséquent, l'esprit de la dissertation? Voici ce qu'en dit le ministre,
dans le même texte :
"Les sujets en sont choisis de manière à permettre une utilisation du cours sous son
aspect nouveau, mais à en exclure une reproduction littérale. Si, même au baccalauréat,
on tend de plus en plus à éviter la simple "question de cours" trop favorable à la pure
mémoire et à poser de préférence un "problème" philosophique nouveau qui exige
l'intervention de la réflexion personnelle et en donne la mesure, à plus forte raison doit-il
en êtreainsi dans la classe. Ici, plus évidemment encore, la dissertation ne saurait se
réduire à vérifier les connaissances acquises : elle doit exercer les jeunes gens à élaborer
les idées, à les exposer avec ordre, à composer et à rédiger."
2) Qu'est-ce qu'un texte philosophique ?
Vous devez écrire un texte à teneur philosophique ; mieux vaut donc savoir ce qu'est un
texte philosophique !
a) Il se distingue aussi bien du texte littéraire et ou/ poétique que scientifique.
Les premiers s'adressent à l'imagination et à la sensibilité ; leur but est de créer une
fiction ; le troisième s'efface derrière les vérités qu'il expose. Le philosophe se situe entre
les deux : il s'adresse en effet d'abord à l'intelligence : il récuse en ceci le prestige de
l'imaginaire, se méfie de l'attrait des mots ; mais, contrairement au savant qui a pour but
exclusif la connaissance, il donne à penser plus qu'il ne prétend à nous apporter une
vérité établie , i.e., il suscite la réflexion, l'interrogation, voire la critique, du lecteur .
b) Il a trois caractéristiques :
- sa volonté de vérité : le texte philosophique s'adresse à l'intelligence au moyen de
raisonnements, il n'est ni poème ni prophétie, il ne revendique aucune illumination, ni
inspiration ; il est caractérisé par la volonté de saisir le vrai par la pensée
- son refus de l'anecdote, de l'inessentiel
- son caractère systématique : idées logiquement solidaires
I- ANALYSER LE SUJET
Rudimentaire : il faut toujours commencer par définir tous les termes du sujet et par
souligner les concepts centraux; c'est le seul moyen pour éviter le hors sujet.
II- DE LA QUESTION AU PROBLÈME
A partir de là, il va falloir questionner la question, la transformer en problème.
1) Le problème(comparaison avec le problème de physique)
Vous n'allez pas répondre à la question qui vous est posée de façon immédiate, tout
comme vous ne répondez pas immédiatement si on vous demande de résoudre un
problème de physique ou de mathématiques.
Exemple : supposons que l'on vous demande : " quelle est la vitesse à l'arrivée au sol
d'un corps qui tombe du premier étage de la Tour Eiffel ? "
Pour y répondre, vous devez connaître certains éléments : la hauteur du premier étage,
la nature de la chute, la valeur de l'accélération de la pesanteur à Paris.
Vous disposez de plus de certaines formules mettant en relation l'espace parcouru, le
temps mis à le parcourir, la vitesse. Ici, il s'agit non pas d'une question, mais d'un
problème (de physique).
Le problème requiert pour sa solution une technique appropriée, et suppose la
possession de tout un savoir préalable.
La solution du problème passe par plusieurs étapes et on considérera la réponse
insuffisante, même exacte, si les raisonnements qui vous permettent d'y aboutir ne sont
pas donnés.
Différence avec la philosophie : le problème scientifique peut être étudié de façon
objective, en ce qu'il ne nous concerne pas nous-mêmes, alors que la question
philosophie n'est jamais tout à fait détachée de celui qui la pose, car elle concerne ce qui
est essentiel pour l'homme ; de plus, le problème scientifique requiert une solution, la
question philosophie, une prise de position
NB : le problème est avant tout une difficulté, en science comme en philosophie ; mais
ce qui caractérise plus précisément le problème de philosophie, c'est que cette difficulté
prend la forme d'une alternative
2) Pourquoi cette obligation de transformer la question en problème?
Cf. fonction de la dissertation philosophique, la nature d'un texte de philosophie. En effet,
nous avons dit que la philosophie s'adresse à l'intelligence, ou à la raison.
Or, raisonner, c'est essentiellement mettre à distance ses préjugés, les opinions
communes ; pour ce faire, vous devez saisir ce qui fait problème dans la question. Vous
y répondez médiatement, en parcourant un certain nombre d'étapes.
Ces étapes consisteront (nous ne sommes pas en physique ou en math) à critiquer ou
discuter les solutions écartées. I.e. : vous devez justifier votre pensée (argumenter).
NB : Bien sûr, plusieurs questions peuvent être posées.
III- L'UTILISATION DES EXEMPLES
Défaut majeur de la plupart des copies : à partir d'une question, juxtaposer un grand
nombre d'exemples, sans dégager l'idée, l'essentiel ; rien n'est plus anti-philosophique
que cela !
1) Un défaut majeur des copies : l'accumulation d'exemples, le raisonnement à partir
d'exemples
A ne pas faire :
A la question : " Qu'est-ce que l'expérience ? ", répondre que, d'abord, il y a l'expérience
quotidienne ; ensuite, scientifique ; ensuite, morale ; ensuite, religieuse, etc.
Ou encore, raconter une suite d'exemples empruntés à des lieux communs : on parle de
l'homme préhistorique ; de l'enfant ; du primitif ; Hitler, Mussolini, Staline
2) La fonction de l'exemple est seulement illustratrice (Socrate : "qu'est-ce que le
beau?")
Tout ces exemples, en effet, n'éclairent pas beaucoup ! Il ne faut pas que l'exemple se
substitue à la pensée, il doit seulement l'illustrer. I.e. : un exemple n'est pas une idée.
Vous devez cherchez ce qu'il y a d'essentiel, comme le faisait Socrate, celui qui a
inauguré la réflexion philosophique et en a donc donné le critère majeur :
Platon, Hippias majeur : " Qu'est-ce que le beau ? " :
Socrate interroge ici le sophiste Hippias, qui fait profession d'enseigner ce qu'est le
beau. " Qu'est-ce que le beau, alors ? ", lui demande Socrate. Hippias répond à côté de
la plaque, en énumérant les belles choses : belles femmes, belles juments, bel
enterrement. A quoi Socrate répond : " belle marmite, aussi ! ". Hippias est victime de ce
qu'il a ouï dire, de ses expériences vagues, et il les raconte en guise de réponse. Pour
répondre correctement à la question, il faut poser la question : " qu'est-ce que ? " , i.e. :
pourquoi puis-je appeler belles ces choses si différentes ?
On veut des définitions, pas des images qui reflètent votre caractère, vos peurs, les
valeurs de votre société, etc.
Cela, parce que la philosophie :
- cherche à interroger nos préjugés (tout ce que nous prenons faussement, ou du moins
sans savoir pourquoi, pour des évidences, des faits)
- s'adresse avant tout à l'intelligence
3) L'induction, raisonnement logiquement non valide
Réfléchissons tout simplement sur le raisonnement implicitement à l'œuvre ici : n'est-ce
pas ce que nous nommons "l'induction"?
Le raisonnement inductif s'oppose au raisonnement déductif.
a) L'induction
Raisonnement qui consiste à partir des cas particuliers et à généraliser à partir d'eux.
Exemple :
(1) t1 est (y), t2 aussi, t3 aussi, … tx (y)
(2) donc tous les t sont verts.
b) La déduction
Raisonnement qui part du général pour aller vers le particulier. Et plus précisément, qui
part de propositions tenues pour vraies pour en tirer des inférences.
Exemple :
(1) tous les hommes sont mortels
(2) or, Socrate est un homme
(3) donc Socrate est mortel
NB : ce serait un raisonnement non valide si on avait dit " nombreux " au lieu de " tous
les ".
En général, on dit que la déduction est un raisonnement seulement formel, i.e., qui n'a
rien à voir avec le réel ; il est l'objet de la " logique ", science du raisonnement. Ce que
ne permet aucunement de savoir la déduction, c'est si les prémisses sont vraies ou non.
Tout ce qu'elle nous permet de dire, c'est que si elles sont vraies, alors, la conclusion
l'est aussi (i.e., de déduire des énoncés à partir d'autres énoncés).
Exemple :
(1) tous les chats ont cinq pattes
(2) Gromatou est mon chat
(3) Gromatou a cinq pattes
Est un raisonnement valide, car si (1) et (2) sont vraies, alors, (3) l'est aussi.
En raisonnant à partir d'exemples, donc, de cas particuliers, vous les considérez comme
valables pour tous les autres cas se présentant à l'avenir. Or, ce procédé de
raisonnement, qui est après tout employé dans la vie quotidienne, n'est pas valide
logiquement (ie : il ne tient pas debout).
Exemple : la dinde inductiviste de Russell (philosophe anglo-saxon du XXe) :
Dès le matin de son arrivée dans la ferme pour dindes, une dinde s'aperçut qu'on la
nourrissait à 9h00 du matin. Toutefois, en bonne inductiviste, elle ne s'empressa pas
d'en conclure quoi que ce soit. Elle attendit donc d'avoir observé de nombreuses fois
qu'elle était nourrie à 9h00 du matin, et elle recueillit ces observations dans des
circonstances fort différentes, les mercredis et jeudis, les jours chauds et les jours froids,
les jours de pluie et les jours sans pluie. Chaque jour, elle ajoutait un nouvel énoncé
d'observation à sa liste.
Elle recourut donc à un raisonnement inductif pour conclure : " je suis toujours nourrie à
9h00 du matin ". Or, cette conclusion se révéla fausse quand, un jour de Noël, à la
même heure, on lui tordit le cou.
Leçon de l'histoire : le raisonnement inductif se caractérise donc par le fait que toutes
les prémisses peuvent être vraies et pourtant mener à une conclusion fausse. Si à tel
moment la dinde a constaté qu'elle a été nourrie, il se peut toujours que le moment
d'après, elle ne le soit pas. L'induction est un raisonnement non fondé logiquement .
IV- L'UTILISATION DES RÉFÉRENCES PHILOSOPHIQUES
- Il est pratiquement nécessaire de recourir à vos connaissances philosophiques : sans
culture philosophique, vous ne faites pas de dissertation philosophique, mais vous
bavardez ; souvent, vous ne pouvez même pas trouver le problème (cf. exercice 1 :
essayez de le faire !)
Moi qui suis prof de philosophie, quand j'entends l'énoncé suivant : " on n'apprend pas la
philosophie ", je pense tout de suite à la fin de la citation de Kant, qui est " on apprend
seulement à philosopher " ; alors, je pense à la question classique des rapports entre la
science et la philosophie ; je pense aussi à la conception antique selon laquelle le
philosophie est la première des sciences, et je vois alors le " problème ". Inutile de
préciser que pour le novice, c'est plus difficile.
- La difficulté, c'est la manière dont vous allez invoquer ce bagage philosophique. Une
référence ne doit en aucun cas être un exposé, sinon, on est dans le domaine de
l'énumération, de l'exemple.
Le pire, ce serait donc de faire ce genre de plan : I- (pour) Platon ; II- (pour) Spinoza ;
III- (pour) Rousseau en réponse à la question : " On a défini la démocratie comme un
système tout autant moral que politique ". Qu'est-ce à dire ? ".
- Ce qu'il faut, c'est que les auteurs ou les doctrines, les références, etc., soient conviées
par votre questionnement ; posez donc d'abord une question, pourquoi pas celle-là
même que s'est posée l'auteur, et répondez-y alors à l'aide de cet auteur
- Autre difficulté : plutôt que de résumer la doctrine de l'auteur, ce qui restera toujours
trop général et vague, il vaut mieux vous référer à un texte ou argument précis; pour ce
faire, je vous conseille de faire des fiches portant sur de petits textes (si possible étudiés
en classe) et d'y marquer, tout au long de l'année, tous les " thèmes " qu'ils permettent
de traiter.
Bref, le maître-mot, ici, est le suivant : la référence à l'histoire de la philosophie ne doit
pas exclure la réflexion personnelle -autrement dit, elle doit être philosophique, et non
historique, sinon, votre dissertation est de l'histoire des doctrines
Exemple (commenté) de ce qu'il ne faut pas faire :
Voici le plan d'une élève. Son sujet : "Est-il nécessaire d'avoir une religion ?"
I- Oui, il est nécessaire d'avoir une religion
A- Bergson (religion statique et dynamique)
B- Hegel (Dieu=immannet à l'histoire)
C- Pascal (foi supérieure à la raison)
D- Kierkegaard (retour aux sources évangéliques)
II- Non, il ne faut pas de religion
A-Feuerbach
B-Marx (opium du peuple)
C-Nietzsche ("Dieu est mort")
D-Comte (la loi des 3 états)
Commentaire : attention, il ne faut jamais faire de catalogue de doctrines ou d'auteurs !
C'est une dissertation, pas un exposé ! Ici, le sujet sert de prétexte à la récitation de
thèses d'auteurs, au lieu de donner lieu à la recherche de résolution d'un problème réel.
Donc, il faut partir d'un problème, de questions personnelles, de concepts, pas des
auteurs !(Pour l'utilisation des auteurs, cf. question 169 sur le forum). Les auteurs
devront être conviés en réponse à tes questions, parce que, par exemple, ils utilisent
telle définition de la religion. Je conseille de ne pas utiliser plus de deux auteurs par
partie, et, le cas échéant, de ne mettre "ensemble" que des auteurs ayant suffisamment
de points communs (par exemple, une même définition de la religion, mais aussi, et
surtout, un présupposé similaire). Il faut faire varier les réponses, selon les définitions de
la religion, et du mot " nécessaire ". Tu devrais ainsi facilement trouver trois parties. Cf.
question 164 sur le forum, pour une idée de plan sur ce sujet.
Note sur l'utilisation des concepts : elle me paraît encore plus impérative que
l'utilisation des références aux auteurs ou mouvements de pensée. Vous devez non
seulement utiliser des définitions précises, en cherchant toutes les caractéristiques des
notions en jeu dans l'intitulé, mais encore, vous référer à ce à quoi elles s'opposent.
Exemple : le concept de passion renvoie à la fois à la dimension sensible de l'homme, à
ses sentiments, à son rapport au monde, et à quelque chose qui le déséquilibre (cf.
l'amour-fou). C'est le sentiment ou bien le sentiment dans sa dimension excessive. A
quoi s'oppose-t-il ? A la pensée, dans ses deux dimensions; à la raison, mais seulement
dans sa seconde dimension...
V- L'INTRODUCTION
1) Enoncé de l'opinion commune
2) Opposer un contre-exemple
3) Enoncé du problème (alternative)
4) Dire que pour y répondre, il va falloir (cf. Socrate !) se demander ce qu'est (le terme
essentiel du sujet)
Tout l'art consiste à insérer une analyse des termes du sujet…
Exemple : "l'histoire n'est-elle qu'un roman?"
1) Opinion commune : L'histoire relève davantage de l'œuvre de fiction, d'imagination,
que de la connaissance scientifique. Il n'est nul moyen de vérifier expérimentalement la
reconstruction du passé à laquelle procède l'historien dont on soupçonne que la
subjectivité joue un rôle déterminant dans le choix des faits et leur explication.
2) Cette opinion ne permet pas, cependant, de rendre compte de tous les cas possibles;
on peut donc lui opposer son caractère partiel : Cette identification de l'histoire à une
fiction réduit l'histoire à une imagerie d'Epinal. Mais l'histoire en tant que discipline
scientifique ne se réduit pas au récit plus ou moins romancé de la vie des grands
hommes : cette histoire événementielle n'est que la surface, l'écume" (selon l'expression
de l'historien Fernand Braudel) de vagues beaucoup plus profondes (mouvements
démographiques, économiques) qui ne peuvent être connus qu'au terme d'une recherche
et par un ensemble de méthodes qui ne diffèrent pas dans leur principe de celles qui
valent dans les sciences de la nature.
3) A partir de la juxtaposition de l'opinion commune et de l'objection, vous convertissez
la question en alternative (c'est le problème) : L'histoire n'est-elle qu'un roman ou peutelle prétendre à l'objectivité d'une science de la nature?
VI- LA CONCLUSION
1) Bilan (qu'avez-vous fait ? Qu'est-ce que votre développement a apporté pour résoudre
le problème ?)
2) Donnez une réponse claire
3) Conseil : il faut éviter d'élargir car alors, à quoi vous aurait-il servi de circonscrire tel
problème ?
EXERCICES
1) Des textes suivants, lesquels sont philosophiques? Pourquoi?
1- "Ivan Illitch voyait qu'il mourait et qu'il était désespéré. Dans le fond de son âme, il
savait bien qu'il mourait, mais non seulement il ne parvenait pas à s'habituer à cette
pensée, il ne la comprenait même pas, il était incapable de la comprendre.Cet exemple
de syllogisme qu'il avait pris dans un manuel de logique de Kieseweter : "Caïus est un
homme, les hommes son mortels, donc, Caïus est mortel", ce raisonnement lui paraissait
exact s'il s'agissait de Caïus, mais pas de sa propre personne. C'était Caïus, un homme
en général, et il devait mourir. Mais lui n'est pas Caïus, il n'est pas un homme en
général; il est à part, tout à fait à part des autres êtres : il était Vania avec sa maman et
son papa, avec Mitia et Volodia, avec sa bonne, (…) Caïus connaissait-il l'odeur de cette
balle en cuir bariolé qu'aimait tant Vania? "
2- "Que sont tous les objets sensibles, et surtout ceux qui nous séduisent par l'attrait de
la volupté, ou nous effraient par l'image de la douleur; ceux enfin dont le faste nous
arrache des cris d'admiration? Que tout cela est frivole, digne de mépris! C'est un
dégoût, une corruption, c'est la mort. Voilà ce que doit comprendre la raison. Songe à ce
que sont ceux-là même dont les opinions et les voix nous donnent la gloire.
Qu'est-ce que la mort? Si on la considère en elle seule; si, par une abstraction de la
pensée, on la sépare des images dont nous la revêtons, on verra que la mort n'est rien
qu'une opération de la nature; or, quiconque a peur d'une opération de la nature est un
enfant."
3- "L'analyse du "on meurt" nous dévoile sans équivoque la manière d'être, dans sa
banalité quotidienne, de l'être-pour-la-mort. Celle-ci est comprise, dans une semblable
façon de parler, comme quelque chose d'indéterminé qui, pour vous-même en attendant,
est une réalité non encore donnée, dont par conséquent la menace n'est pas à craindre.
Le "on meurt" propage cette opinion que la mort concerne pour ainsi dire le "on".
L'explication de la réalité humaine qui a cours dans les propos des gens, déclare : "on
meurt"; parce qu'en disant "on meurt", chacun des autres et soi-même en même temps
peut s'en faire accroire ; oui, on meurt, mais, chaque fois, ce n'est justement pas moi le
"on", ce n'est personne. Le "fait de mourir" est ainsi ramené au niveau d'un événement
qui concerne bien la réalité humaine, mais ne touche personne en propre. Si jamais
l'équivoque a été faite des parleries quotidiennes, c'est bien ainsi dans le parler sur la
mort. Cette mort qui, sans suppléance possible, est essentiellement la mienne, la voici
convertie en un événement qui relève du domaine public ; c'est à "on" qu'elle arrive… Par
une telle ambiguïté, la réalité humaine … se met en état de se perdre dans le "On". Le
"On" justifie et aggrave la tentation de se dissimuler à soi-même l'être-pour-la-mort, cet
être possédé absolument en propre."
2) Définissez les termes et soulignez les concepts centraux des énoncés de dissertation
suivants
Pourquoi oppose-t-on les actes aux paroles ?
Une expérience de la liberté est-elle possible ?
Peut-on s'affranchir de la subjectivité?
La beauté peut-elle être naturelle?
3) Transformez les questions suivantes en problèmes
L'œuvre d'art et l'objet quelconque
L'œuvre d'art et l'objet technique
Les mathématiques et le réel
Objet réel, objet scientifique
Le pardon
Produire et créer
Loi physique, morale, juridique
Les rapports du langage et de la pensée
4) Comment trouver le problème à partir de vos propres opinions (ce qui a priori n'est
pas philosophique) ?
Vous pouvez tirer un grand parti du défaut majeur de l'élève apprenti-philosophe, à
savoir de la tentation de la réponse immédiate (non fondée, non interrogée) : par
exemple, si aux questions suivantes :
1- Etre libre, est-ce accepter la nécessité ?
2- L'homme est-il prisonnier de son passé ?
Vous répondez : non, oui, peut-être, oui et non, faites ceci :
- si votre réponse est " oui " ou " non " : demandez-vous pourquoi, et efforcez-vous
d'imaginer les arguments que pourrait donner un interlocuteur qui aurait répondu
différemment
Exemples :
1- Etre libre, est-ce accepter la nécessité?
Je réponds " non " parce que je pense qu'être libre c'est être indépendant, agir, ne pas
accepter passivement ce qui advient, pouvoir choisir. Je suis libre quand et parce que
j'agis comme je veux.
Mais on pourrait répondre " oui " : l'homme est soumis aux lois naturelles, vit dans une
société, dépend des autres. Plus il devient conscient de sa place réelle, plus il découvre
que ce qu'il prenait pour un libre choix est déterminé par des éléments indépendants de
sa volonté. Il cesse peu à peu de vouloir, il finit par accepter ce qui est. Il est libre dans
la mesure où il connaît.
Ici, vous avez le problème : " la liberté est-elle affaire de volonté ou de connaissance ? "
- si votre réponse est mitigée, radicalisez votre réponse, imaginez ce qu'il en serait de la
question si la réponse est oui ou non
2- L'homme est-il prisonnier de son passé?
Plutôt que de dire " parfois, il est prisonnier de son passé ", " parfois, il réussit à s'en
détacher ; radicalisez comme suit :
a) il est prisonnier de son passé car tout ce qu'il est et tout ce qu'il fait est lié à ce qui a
précédé, ce qui a précédé est donc cause de ce qui suit. Cela veut dire : l'homme est un
objet soumis au déterminisme universel. C'est ce qui justifie la thèse selon laquelle on ne
peut échapper à son passé, si vous pensez ça, alors, inconsciemment, vous pensez
l'autre thèse aussi.
b) Il peut se libérer du passé parce qu'en étant libre, il peut à tout instant recommencer,
choisir une autre voie, et donc si on n'est pas.. c'est qu'on n'est pas responsable
5) Comment éviter le style anecdotique ? A l'aide des exemples suivants, complétez le
tableau :
N'écrivez pas, par exemple ;
Qu'est-ce que le
travail ?
Mais écrivez plutôt, par exemple :
"Zola décrit la vie misérable des "Le travail à la chaîne est le sujet de
ouvriers au 19e siècle."
nombreux films.Germinal offre une
description saisissante des conditions
de travail dans les mines au 19e"
"Chaplin, dans Les Temps modernes,
fait percevoir le caractère inhumain
du travail à la chaîne"
Faut-il vouloir la
paix à tout prix ?
L'histoire nous apprend que
renoncer à se battre n'aboutit
pas toujours à sauver la paix.
Les " accords de Munich en 1938 "
sont un parfait exemple, l'histoire
ultérieure nous le montre, de ce à
quoi peut aboutir un pacifisme à tout
prix
Quel usage le
poète fait-il du
langage ?
Le poète utilise les mots d'une
façon personnelle.
" Le ciel est par-dessus le toit si bleu,
si calme " : comment distinguer cet
emploi du langage de la phrase
banale : il fait beau, le ciel est bleu ?
La mort est
naturelle. Est-ce
évident ?
Le pardon.
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