PRESENTATION DE LA PHILO-THERAPIE S’il on admet que tout ce qui nous interpelle sur la condition humaine est philosophique, nous dirons que par le biais du questionnement, par une approche de textes, chacun peut trouver des réponses aux maux quotidiens qui le touchent, chacun peut fabriquer du sens pour appréhender son vécu. La philosophie n’est pas réservée aux « penseurs de profession », pour reprendre les mots de Kant, mais à tout homme. Elle s’affirme comme une voie menant à un travail sur soi, qui nous permet d’acquérir une maîtrise de soi afin d’agir sur les évènements, de ne pas être ballotés au grès des évènements, comme le disent les stoïciens, de ne pas se laisser submerger par eux. En ce sens, la philosophie est un art de vivre, de mieux vivre. Elle amène à plus de conscience de soi, plus de discernement pour devenir à la fois sujet et objet de sa recherche, afin de se réconcilier avec « soi-même ». Dans cette perspective, la philo-thérapie s’adresse à tous à l’exception de ceux qui relèvent de pathologie complexe. Le philo-thérapeute ne doit en aucun cas se substituer au psychiatre et au psychologue. Ainsi, elle s’adresse à tous ceux qui ne sont pas malades, mais qui se posent des questions sur le sens de la vie et de leur vie, à ceux qui ne peuvent dépasser seuls les difficultés engendrées par les maux quotidiens. Le philo-thérapeute a pour vocation de montrer à chacun un chemin afin qu'’il trouve ses propres solutions face aux problèmes de la vie qui le touchent : le couple, le travail, la gestion du quotidien, l’image de soi, le problème d’identité. C’est par le biais du dialogue fondé sur les expériences de vie de l’intéressé, et parfois complété par des textes que s’effectuera ce travail. Une analyse d’un texte précis, comme une initiation à un ou plusieurs systèmes de pensée permet d’adapter les enjeux du texte à son propre vécu. En effet, la philosophie travaille sur la cohérence du raisonnement et amène à plus de conscience de soi, elle participe ainsi à l’exercice de la faculté de penser, de discernement. La difficulté de gérer le quotidien, l’effondrement des valeurs auxquelles on croyait, la destruction des modèles à partir desquels on avait construit sa vie, engendrent chez chacun une perte de la faculté de discernement. L’émotion, le sentiment prennent le pas sur raison, au point que dans nombre de cas, nos actions ne sont plus l’aboutissement d’une réflexion, mais une réponse immédiate ou une défense à un ressenti, un mal de vivre, une peur ou une angoisse devant notre devenir. Cependant, pour que l’homme investisse de sens les situations de sa vie, il faut qu'’il ait pleinement conscience de soi, c’est – à – dire qu'’il se pense comme un être responsable et non comme une victime. Le philo-thérapeute a pour rôle d’aider l’accompagné à sortir de la victimisation, il doit amener son client à comprendre que ce n’est que lorsque la pensée s’est arrêtée sur les questions fondamentales qui sont au cœur de notre existence, que nous sommes capables d’interprétations, et interpréter c’est s’approprier son devenir. En d’autres termes, le philo-thérapeute amène son client à un niveau de conscience tel, qu’’il soit capable de réaliser sa liberté et d’assumer sa responsabilité. En effet, le philo-thérapeute s’inscrit dans la tradition socratique, en pratiquant l’art de la maïeutique. Socrate a consacré sa vie à la philosophie, pourtant Socrate n’a rien écrit, mais il nous a appris à travailler sur la cohérence du raisonnement, il nous a fait prendre conscience que le questionnement est le point de départ de la pensée. Ainsi, il nous a fourni des outils qui nous permettent d’investir de sens les situations de notre vie, afin d’acquérir une plus grande maîtrise et de soi, et d’aiguiser notre faculté de penser. Socrate, en ce sens nous apprend à mieux vivre. La philosophie par là même, n’est pas, de par sa nature, une discipline académique comme l’on a coutume de la définir. Mais en s’interrogeant sur les questions fondamentales qui sont inhérentes à la condition humaine, elle est aussi concrète. Interroger, questionner, mettre en forme, expliciter des idées, mais sans jamais s’enfermer dans des réponses trop claires, trop nettes, trop définies, tel est l’héritage socratique que le philo-thérapeute exploite. Il guide son client dans sa recherche en le questionnant et en déduisant par une série de questions le véritable enjeu ou la vraie problématique qui se cache derrière un malaise. Il ne peut et ne doit en aucun cas donner des réponses comme des recettes qui nous permettraient de mieux vivre ou de répondre à la pseudo question « qu’est – ce – que le bonheur ? ». Il doit au contraire amener son client à comprendre que les réponses à ses questions, sont en lui. Chacun a sa propre philosophie, et chacun est doté d’une faculté de penser ; or exercer sa faculté de penser, c’est accéder à sa propre liberté, c’est, pour reprendre une fois de plus les mots de Kant, sortir d’un «état de minorité »pour atteindre un « état de majorité » En d’autres termes, c’est apprendre à penser par soi – même, refuser de se soumettre aux évidences du donné sensible. Mais si l’expérience de la pensée est celle de la communicabilité avec soi- même, c’est également celle de la communicabilité avec autrui. L’idée est donc de confronter l’accompagné avec les idées de nos pères, afin que ce dernier s’approprie une perspective philosophique et dépasse souvent des interprétations souvent confuses. L’enjeu n’est pas d’adopter les idées de Platon, Descartes, Kant ou Nietzsche, mais de les analyser, de les évaluer afin de les digérer et de les adapter à soi. Ainsi, le philothérapeute propose un cadre d’exploration permettant d’identifier et d’interpréter le problème en jeu. L’initiation et l’invitation aux textes philosophiques permet d’adopter une perspective philosophique et de venir à bout du problème posé. C’est la plupart du temps une démarche qui s’inscrit à court terme. Déceler des idées à partir d’un texte philosophique avec lesquelles on a des affinités permet de s’ouvrir à d’autres directions, de prendre conscience qu'’il n’y a pas un sens à une chose, mais une infinité d’interprétations pour une même chose, et que c’est cette multiplicité d’interprétations qui prêtent à une situation donnée, son intelligibilité. Ce travail sur soi, par le biais de la philosophie permet non seulement de résoudre certaines de ses questions, mais nous apprend à nous éduquer pour dépasser des situations à venir qui pourraient nous déstabiliser. Il est vrai que les situations nous sont imposées : la maladie, la perte d’un proche, le sentiment d’être trahi, car victime de l’infidélité de son conjoint, l’impossibilité d’établir une communication avec ses enfants, le manque de reconnaissance dans son travail. Pourtant, chaque situation, bien qu' ‘elle me soit la plupart du temps imposée, est la condition même de ma liberté. Nous choisirons le thème du travail pour expliciter notre propos. Qu'est-ce que le travail ?, le travail est –il la seule reconnaissance sociale ?, pourquoi la société culpabilise-t-elle ceux qui ne travaillent pas ?quelle est la nature des relations sociales : professionnelle ou autre ? Harcèlement : Comment le définir ? Comment en sortir ? C’est autour de ces questions que nous tenterons d’analyser comment la philosophie peut nous aider à mieux vivre en nous libérant du regard culpabilisateur de la société, à s’identifier comme « harcelé » et à se battre contre toute forme de domination qui chosifie l’homme. Brigitte AIACHE