CHI 013A – Mars 2006 – La transition Ming-Qing
de la date de ralliement au régime : Mongols, semuren, Chinois du Nord, Chinois du Sud). Il y
a un « noyau dur » d’hommes de confiance, la confiance accordée étant fonction de
l’ancienneté du service de la cause mandchous. On trouve donc en haut les Mandchous, puis
les Mongols et les Chinois qui ont participé à la conquête avant 1644, puis les sujets conquis
après 1644.
Dorgon rabaisse tout de suite (fin 1644) le co-régent, son cousin Jirgalang (qu’il
congédiera en 1647), et centralise la gestion de l’empire. Il sanctionne les nombreux princes
mandchous qui s’opposent à lui et prend le contrôle de deux autres bannières que la sienne (en
la confiant à ses deux frères, Ajige et Dodo). Son régime, militaire et corrompu, n’échappe
pas aux luttes entre factions au sein même du clan Aisin Gioro et, plus largement, entre
aristocrates mandchous
. Luttes entre Bannières (qui appartiennent pour certaines au clan
impérial mais pour d’autres à des chefs nobles). Il faut bien voir que les Qing, qui moquaient
le factionnalisme Ming (jugé responsable de la chute de la dynastie) ont, dès le départ, eux
aussi succombé à des luttes familiales (cela rappelle les querelles de succession permanentes
entre les descendants de Gengis Khan). Il faudra que l’empereur Kangxi mette de l’ordre !
Même si jusqu’à sa mort, Dorgon se considère comme un simple régent, il nourrit bien
vite des ambitions personnelles. Il est de facto empereur. Il possède le sceau impérial, se
conduit comme un empereur, cesse de se prosterner devant Shunzhi, se fait donner des
prérogatives d’empereur, envoyer des concubines par la Corée, projette de se faire construire
un palais pour sa retraite. A-t-il voulu devenir empereur ? On ne le sait pas. Quoi qu’il en ait
été, son comportement attisera les jalousies dans la noblesse mandchoue, et il sera défait de
tous ses titres après sa mort.
La mise en place des institutions. Rappelons que les Mandchous avaient déjà mis en
place leur bureaucratie avant 1644. Cette bureaucratie comportait des emprunts chinois,
comme les six ministères (institués dès 1631) ou les Trois Académies (équivalent de
l’Académie Hanlin et du Grand Secrétariat chinois), créées en 1636, mais aussi des
institutions nouvelles comme le Bureau chargé des relations avec les Mongols (1636) ou le
Conseil délibératif des Princes et des Hauts Fonctionnaires. Ce type d’organes-là, stratégiques,
étaient remplis uniquement de Mandchous.
Une fois en Chine, il a fallu, et dans l’urgence, adapter cette bureaucratie aux
institutions chinoises existantes et surtout à des missions nouvelles (fiscalité, gestion du
Grand Canal, etc.). Les Mandchous n’ont en vérité pas modifié grand-chose. Ils n’ont pas
touché à la structure de la bureaucratie provinciale et locale. Ils ont adopté les rituels
impériaux chinois (Dorgon a fait enterrer le dernier empereur des Ming selon le rite chinois).
Ils ont lancé la compilation de l’histoire dynastique des Ming (1645), comme aurait fait
n’importe quelle dynastie chinoise qui aurait succédé aux Ming. Les Mandchous ont fait appel
aux lettrés chinois, et ils ont d’ailleurs vite organisé les concours (1646, 1647, 1649, puis tous
les trois ans), ce qui fut approuvé par les lettrés chinois. D’autres lettrés chinois furent
recrutés par recommandation.
Officiellement, les postes sont détenus à moitié par les Chinois, à moitié par les
Mandchous : les historiens ont appelé ce gouvernement mixte « dyarchie sino-mandchoue ».
En réalité, la situation dépend des organes. Par exemple, Dorgon confie les six postes de
ministres uniquement à des Mandchous (car il juge ces postes stratégiques). À l’inverse, au
Censorat, les Mandchous ne sont là que pour la forme : le Censorat est un organe typiquement
chinois, et censeur est un métier qui ne s’improvise pas. Les censeurs sont donc presque tous
Ces querelles avaient éclaté dès la mort de Nurhaci en 1626. Il n’y avait pas eu consensus autour de sa
succession, et Abahai avait pris la succession par la force, puis s’était approprié le contrôle de deux autres
Bannières que la sienne.