______________________________________________ Fait religieux, enseignement et laïcité - Pierre Giraud
Il est évident que cette approche objectivée des textes sacrés ne fait pas l’unanimité chez
les religieux. Les travaux du docteur Gerd Rüdiger Puin ont suscité un scandale parmi les
fondamentalistes musulmans comme le relate Xavier Ternisien
. Suite à la découverte d’un
manuscrit antérieur à la version religieusement officielle, ces travaux philologiques remettent
directement en cause le dogme musulman : le Coran ne serait plus la parole « incréée » de
Dieu, une révélation dictée en direct dans un arabe inimitable. Désacraliser ce texte sacré sous
le regard de la démarche scientifique n’est pas une activité neutre : cela nous permet de
comprendre comment ces textes fondateurs structurent nos mentalités actuelles comme le
suggère Daniel Sibony
. C’est aussi une manière de désacraliser les grandes figures
prophétiques désormais recontextualisées dans toute leur dimension historique originelle
.
C’est dans cette optique que les Evangiles peuvent être abordés au-delà de la foi. Ces textes
s’inscrivent dans un contexte original où la figure du Christ est étudiée dans sa dimension
prophétique et historique comme a pu le démontrer l’historienne Marie-Françoise Baslez
.
1.2. Les croyances et les dogmes
passés au jugement critique
de la raison philosophique :
Sous le regard critique de la raison raisonnante la philosophie a, elle aussi, participé à la
sécularisation du fait religieux. Comme pour sa consœur l’histoire, cette critique s’est
progressivement mise en place durant le siècle des Lumières pour prendre son essor au XXe
siècle. Dogmes et doctrines sont ainsi relégués au jugement critique de la raison
philosophique qui n’hésite pas, elle aussi, à remettre en cause les principes tenus pour acquis.
Trois âges se sont succédés : l’âge théologico-métaphysique dont l’esprit est empreint de
dogme, de doctrine, de spiritualité et de foi ; l’âge de la raison populaire (ce à quoi l’on croit
et comment on le pratique) ; l’âge de la raison philosophique où la démarche rigoureuse
l’emporte sur les deux autres âges. C’est bien évidemment à cet âge d’or philosophique
qu’aspire Jacques George à travers le tableau comparatif qu’il nous propose
. Suivant ces
principes, la religion serait un artefact dans le sens où les individus aiment y être pris au sein
d’une identité ontologique solide, sorte de manque-à-être originel qu’il s’agit de combler par
l’idée d’une garantie transcendantale
.
En ce sens, une approche strictement philosophique de l’existence de Dieu et de la quête
de sens chez l’homme est possible en marge de toute référence théologique. L’intérêt tient au
contraire dans le traitement philosophique de la question : s’affranchir de toute approche
théologique est possible si la démarche du philosophe ne se fonde plus sur la foi (adhésion
personnelle à une révélation non démontrable) mais bien sur la raison (examen méthodique et
minutieux de la révélation et des doctrines). Dès lors, la question philosophique que se pose
Ternisien, Xavier, 2001. « Le Coran en question » in Le Monde, 06/09/01.
Sibony, Daniel, 1992. Les trois monothéismes. Juifs, chrétiens, musulmans, entre leurs sources et leurs destins
(Paris : Seuil, La Couleur des Idées).
Blanchot, Maurice, 1986. « La parole prophétique » in Le livre à venir (Paris : Gallimard, Folio Essais).
Baslez, Marie-Françoise, 2004. « Le contexte historique des Evangiles : une époque miraculeuse » in Les
Evangiles face à l’histoire, Notre Histoire n°219, mars 2004.
George, Jacques, 1994. « La religion officielle, la religion populaire, le regard critique » in Enseigner les
religions à l’école laïque – Cahiers Pédagogiques n°323, avril 1994.
Sibony, Daniel, 1992, op.cit.