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c’est enfin cette terre où progresse une Eglise qui suscite admiration et espoir, puisque dans presque
toutes les régions, la foi chrétienne s’est bien établie, elle est en plein essor
; et presque partout
l’Eglise est guidée par des évêques, des prêtres et des pasteurs autochtones, et depuis cinquante ans,
le continent propose sa propre théologie
. Au-delà des thématiques traditionnelles de nature plus
dogmatique, la théologie africaine, surtout en milieu francophone, veut inventer du nouveau
; elle
s’ouvre aux problèmes de la mission et de l’évangélisation
, avec intérêt pour les défis de
l’inculturation
. Elle se préoccupe de la promotion humaine et sociale
et de la reconstruction de
l’Afrique
tout en plaidant pour une Eglise missionnaire plus prophétique et plus engagée. Mais dans
tout cela, la théologie africaine respire aussi de la communion pour avancer «sur la voie d’une théologie
de la Fraternité»
et pour «penser l’universel»
d’où pourrait prendre le départ une théologie morale
communautaire
. Voilà pourquoi, en abordant la communion missionnaire à partir de l’esprit de famille
et de la spiritualité africaine de «l’être avec»
, la présente contribution ne risque ni d’en escamoter la
portée universelle qui lui est propre et qui tient au fondement trinitaire de la communion entre chrétiens,
ni d’en occulter la dimension ecclésiale qui en est l’expression visible, encore moins d’en atténuer la
référence christologique dans laquelle s’enracinent aussi bien sa valeur sotériologique que son intérêt
missionnaire. Bien au contraire, la référence culturelle et le départ anthropologique à partir de la
situation africaine se présentent comme la paraphrase d’une théologie devenue attentive à ce que
l’Esprit dit aux Eglises. De ce fait elle approfondit les multiples déterminations de la communion
grands progrès. J’ai même l’impression qu’au cours du XXI siècle, l’Afrique s’acquittera de sa dette d’évangélisation en envoyant des
missionnaires aux pays d’Europe et d’Amérique qui lui ont apporté l’Evangile à l’origine » : cité par LUNEAU, R.., «Et vous, que dites-vous
de Jésus Christ ?», in Chemins de Christologie africaine, Paris, 1986, p. 25. Ce présentement et ce processus sont confirmés par les
statistiques actuelles. Cf. CAVALLOTTO, op.cit., p. 20-34.
L’Eglise d’Afrique compte un bon nombre de figures prophétiques bien connues, comme le Cardinal Joseph Malula, l’évêque anglican
Desmond Tutu, l’abbé Jean- Marc Ela avec Baba Simon, le père Engelbert Mveng, et d’autres, peu connues, qui, sur la base d’une visée
évangélique se traduisant dans un témoignage de vie ont payé, parfois de leur sang le zèle pour la justice et la paix. Cela, sans compter
l’énorme tribut de vies humaines que les Eglises d’Afrique ont payé en subissant les violences des luttes armés qui dans le silence des
consciences résonnent comme un cris contre les injustices et les oppressions de toute sorte et une invocation innocente en faveur de la
paix (pensons aux Martyrs d’Ouganda, à la Bienheureuse Anuarite Nengapeta Clémentine et au Bienheureux Isidore Bakanja, ainsi qu’au
cortège nombreux, parmi le peuple de Dieu, de victimes innocentes de la violence en situation de conflit armé. Cf. Les saints d’Afrique,
Kinshasa, 2002 ; CONTRAN, N., Ils vous ont guettées. 230 Religieuses tuées en Afrique, Kinshasa, 2004.
“…le ‘magnifique mouvement’ se trouve confirmé au-delà de toutes les espérances. Plus de soixante millions de baptêmes par an : un
africain sur quatre, toutes confessions confondues, est chrétien ! Et comme le continent noir connaît aujourd’hui le taux de croissance
démographique le plus élevé du monde, pas besoin d’être grand clerc pour pressentir que l’Afrique chrétienne représentera dans une
génération, une part essentielle de l’avenir du christianisme»: LUNEAU, op.cit., p. 25.
Cf. BUJO, B. - ILUNGA, M. J., (éd.), Théologie africaine au XXI siècle. Quelques figures, Fribourg, 2002.
«L’Eglise d’Afrique est à la recherche d’elle-même. Cette quête d’identité n’aboutira que si elle consent à renoncer aux schèmes, aux
clichés et aux recettes d’antan pour inventer et créer du neuf sous la poussée des événements, fidèle à l’Evangile et aux liens qui
l’unissent à l’Eglise universelle, libre dans l’accueil et le don de la Miséricorde manifestée en toute circonstance par Celui qui dit :’ Voici
que je fais toutes choses nouvelles’(Ap 21, 5)»: Propos de S. Semporé: cité par MAWUTO Afan, R.,«Sibe Semporé. Itinéraire Spirituel
d’un Théologien Africain», in Ibidem, p. 87.
Une évangélisation qui serait le corollaire d’une théologie de l’invention et donc prophétique, sapientielle et poétique (Cf. SANTEDI
Kinkupu, L., «Quelle théologie pour quelle évangélisation en Afrique», in TSHIBANGU, op.cit.., p. 419-422.
Voir ici l’abondante bibliographie in : MAGESA, L., Anatomy of Inculturation. Transforming the Church in Africa, Nairobi, 2004, p. 292-
301.
Cf. ELA, J.M., Repenser la théologie africaine. Le Dieu qui libère, Paris 2003; HITIMANA, J., «Evangile et libération. La pensée de Jean-
Marc Ela», in Chemins …, p. 257.
Cf. KA MANA, Théologie pour un temps de crise. Christianisme et reconstruction de l’Afrique, Paris, 1993.
S. Semporé cité par: MAWUTO, op.cit., p. 80
«Réaffirmer la centralité de la notion de communauté dans la vision africaine de l’homme et du monde, ne revient certainement pas à
encourager le tribalisme, mais bien au contraire à poser les bases à partir desquelles on peut penser l’universel. En effet, la communauté
au sens africain ouvre à l’universel…On peut parler ici d’une ouverture de la relation clanique ou tribale sur l’universel. La relation à l’autre
et au cosmos est contemplée à partir de la transcendance, dans l’esprit de Dieu…Ces précisions sont utiles pour mettre en garde tous
ceux qui pensent que poser le lien familial au fondement de l’anthropologie africaine, voir de son ecclésiologie, serait une manière
d’encourager le tribalisme. La perspective vise ici tout le contraire : partir du lien familial pour monter comment de son intérieur même, la
culture africaine est ouverte sur l’universel»: ILUNGA Muya, J., «Bénézet Bujo. Eveil d’une pansée systématique et authentiquement
africaine», in BUIO - ILUNGA, op.cit., p. 120.
Cf. Ibidem, p. 115.
Cf. MATUNGULU Otene, Etre avec. Heurts et lueurs d’une communion. Une spiritualité bantu de l’être avec, Lubumbashi, 1981.