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« Là où deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis au milieu d’eux », dit Jésus (Mt 18,
20) : il affirme que sa présence sacramentelle tient à la communion et au rassemblement
de ceux qui prétendent croire en lui. L’Eglise sera présente à notre monde aujourd’hui en
manifestant la communion des chrétiens, en la montrant, en montrant leur préoccupation
les uns pour les autres, leur souci les uns des autres. Voilà pourquoi la réduction du
nombre de messes dans un doyenné comme le nôtre ne tient pas seulement à la réduction
du nombre de prêtres, mais à ce qu’est l’Eglise : plus modeste en nombre, elle doit se
recentrer sur son identité, la communion. Voilà pourquoi les communautés paroissiales
locales, tout en préservant le plus loin possible leur identité originelle, sont appelées à se
rassembler davantage, à faire mieux connaissance les unes avec les autres et à aimer
vivre ensemble, dans tous les domaines de la sacramentalité de l’Eglise, que je rappelle
donc : enseigner, célébrer, servir.
L’Eglise n’est pas là pour elle-même, mais pour le monde. C’est au monde, aux gens,
donc, qu’elle fait signe. En annonçant l’amour de Dieu : de la catéchèse à la prédication en
passant par les conférences de carême, les échanges et les débats, les conversations et les
lectures, le partage de la Parole de Dieu, etc., l’Eglise enseigne – et « enseigner » n’est-il
pas un mot qui, précisément, veut dire « faire signe » ? Mais elle célèbre aussi et peut-
être même d’abord : la Bonne Nouvelle qu’elle a reçue, celle de la Résurrection du Christ,
de sa victoire sur la mort et sur toute forme de mort, elle la célèbre dans liturgie qu’elle a
également reçue. Pâques n’est pas d’abord une réalité sur laquelle on raisonne, mais une
nuit que l’on traverse vers la lumière, au travers là encore de signes partagés dans la foi :
la lumière du cierge de Pâques, la puissance de l’eau baptismale, le repas eucharistique
partagé dans la joie. Toute prière chrétienne, même la prière la plus personnelle,
s’enracine toujours dans celle de la communauté, dans la liturgie. Mais aussi, l’Eglise se
met au service du monde – non pas pour se substituer aux pouvoirs publics, mais pour,
comme Jésus, manifester ainsi que les plus petits, les plus pauvres, sont pour elle les plus
importants. Là où elle se trouve, elle s’inquiète de leur nourriture et de leur logement, de
leur éducation, de leur santé, de leur bien-être, de leur accueil, de leur écoute (car il n’y a
pas que les pauvretés matérielles, il y a les pauvretés affectives et psychologiques : voir la
mise en place, chez nous, d’un service d’accueil). On ne saurait isoler ces trois tâches
communautaires l’une de l’autre, sans dénaturer profondément le signe que l’Eglise doit
donner au monde : les raisonnements quelquefois entendus, du genre : « Moi, mon
dimanche se passer à donner mon temps pour les pauvres, mais la messe m’indiffère »,
etc., pour sympathiques qu’ils soient, ne reflètent pas ce qu’est et doit être l’Eglise, et
risquent de la réduire soit, si l’on ne privilégie que le social, à une association
philanthropique de plus ; soit, si l’on ne privilégie que l’enseignement, à une idéologie de
plus ; soit, si l’on ne privilégie que la liturgie, à une ritualisme facilement stérile.