La consommation responsable : un acte individualiste ?
Novethic - Anne Farthouat - 01/04/2011
Chaque année, le cabinet Ethicity publie un baromètre de la consommation responsable.
L'édition 2011 confirme une tendance amorcée l'année dernière : les consommateurs
privilégient de plus en plus la qualité sanitaire des produits et leur proximité géographique.
51 % des Français qualifient aujourd’hui leur consommation de « responsable ».
Effectivement, l’achat de produits issus du commerce équitable, de l’agriculture biologique ou
à faible empreinte carbone tend à se démocratiser, notamment depuis qu’ils sont accessibles
dans les rayons des hypermarchés. D’après l’Ademe, les ventes de produits labellisés AB ont
ainsi progressé de 43% dans les grandes surfaces entre 2009 et 2010. Une croissance qui
pousse les industriels de l’agroalimentaire, des cosmétiques et de l’électroménager à rivaliser
aujourd’hui d’initiatives marketing pour attirer une clientèle toujours plus exigeante, allant
même jusqu’à anticiper la future réglementation sur l’affichage environnemental. Mais au-
delà d’un packaging efficace, quelles sont les motivations réelles à « consommer mieux » ?
En 2006, plus de 35% des sondés sollicités par Ethicity affirmaient relier leurs actes d’achats
à leurs convictions. Motivés par la protection de l’environnement et l’amélioration des
conditions sociales des travailleurs, ces consom’acteurs se disaient alors prêts « à payer un
peu plus cher » leurs produits.
Privilégier avant tout sa santé et celle de son entourage
Les convictions sociales et environnementales n’ont certes pas disparu, mais elles sont
quelque peu éclipsées par une nouvelle exigence : celle de la qualité sanitaire des produits.
Les récentes alertes et décisions réglementaires sur le BpA dans les biberons, les pollutions et
impacts sanitaires des pesticides, le danger éventuel des OGM sur la santé, ou encore le récent
scandale du Mediator ont semé le doute sur l’innocuité des produits chimiques utilisés par les
industriels. D’après le baromètre d’Ethicity, la pollution est aujourd’hui la préoccupation
environnementale majeure des Français (elle arrivait en quatrième place l’année dernière),
devant la pénurie d’eau dans le monde et le changement climatique. Conscients des impacts
potentiels d’un environnement pollué sur leur santé, 63% des sondés placent de fait le bien-
être et la santé de leurs proches parmi leurs trois principales préoccupations.
L’affichage environnemental bientôt expérimenté
L’affichage environnemental des produits de consommation courante, annoncé par le
gouvernement comme une mesure phare du Grenelle de l’environnement, et initialement
prévu pour être obligatoire dès le 1er janvier 2011, sera finalement expérimenté à partir du 1er
juillet prochain par 168 entreprises (voir article lié). Multicritères, il informera le
consommateur de la quantité de gaz à effet de serre émise pour la fabrication et le transport du
produit, de la consommation d’eau nécessaire, ou encore de la quantité de matériaux recyclés
utilisée. L’évaluation de cette expérimentation est attendue pour le deuxième semestre 2012.
Désormais, le mode d’alimentation est donc perçu comme un moyen de prévention sanitaire.
De sorte que l’argument « bon pour la santé » est aujourd’hui le premier levier d’achat de
produits responsables (pour 36% des sondés), devant la préservation de la planète (27%).
« L’idée que l’on peut prendre sa santé en main en adoptant une alimentation saine fait son
chemin. Face aux dangers de la pollution, les consommateurs ressentent le besoin de se
protéger du monde extérieur », analyse Elizabeth Pastore-Reiss, directrice d’Ethicity. « Ce
qui explique également leur attirance de plus en plus prononcée vers les produits locaux. »
Retour au local
Fait inédit depuis l’existence du baromètre Ethicity, plus d’un Français sur deux estime
effectivement qu’un produit durable doit « être fabriqué localement afin de favoriser le
développement de l’emploi local et les économies de transport. » Un constat que partage le
site mescoursespourlaplanete.com, qui vient également de publier son étude annuelle « Les
chiffres de la consommation responsable », et d’après qui « 57 % des Français trouvent qu’il
est préférable d’acheter des produits locaux plutôt que des produits bio. » En temps de crise
économique et écologique mondiales, faut-il voir dans ce « retour au local » une propension
globale au repli sur soi ? « On peut aussi se dire que cet individualisme est un vecteur de
dynamisme », répond Elizabeth Pastore-Reiss. « En achetant local, les consommateurs ont le
sentiment de participer à l’émergence d’une nouvelle société, dans laquelle le lien social
retrouve une place de choix. Ils apprécient d’acheter directement aux producteurs, en qui ils
ont confiance. »
Alter Eco et Ethiquable ne s’y sont pas trompés, puisqu’ils commercialisent désormais les
premiers produits équitables issus de fermes françaises (voir article lié). Un commerce
équitable « Nord Nord » qui répond à cette demande grandissante.
Cet attrait pour le local et les circuits courts, incarné par le succès que connaissent les Amap*
- 50 000 familles françaises adhèrent à l’une des 1200 Amap recensées - est à mettre en regard
avec une autre tendance observée par Ethicity : la défiance des consommateurs vis-à-vis des
labels, certifications, et plus globalement, de l’affichage nutritionnel et environnemental des
produits. 60% des Français seraient ainsi davantage convaincus d’acheter des produits
durables, s’ils avaient « des preuves concrètes de leur meilleure quali. » Défiance confirmée
par l’étude de mescoursespourlaplanete.com, d’après laquelle « 54 % des Français ne croient
pas les marques lorsqu’elles s’engagent en matière de développement durable, 65% trouvent
qu’il existe trop de labels et 43 % ne supportent carrément plus les messages des marques sur
l’environnement. »
Rejet des pratiques marketing, besoin de recréer un lien social de proximité, inquiétude à
l’égard des conséquences sanitaires des pollutions environnementales… Le consom’acteur
français est de plus en plus conscient des crises économiques et écologiques. Mais il semble
aussi avoir adopté un nouveau slogan : « penser local, agir local. »
*Association pour le maintien de l’agriculture paysanne
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