Les réseaux sociaux : médias d’information et de vente à distance?
Émission proposée par Myriam Lemaire
Francis Balle est spécialiste des médias. Professeur de science politique à
l’Université Paris 2, il y dirige l’Institut de recherches et d’études sur la
communication (IREC). Ancien membre du Conseil supérieur de l’audiovisuel, il est
cofondateur de la Revue européenne des médias.
Extrait : 2’39
Myriam Lemaire : Vous évoquez aussi d’autres
événements marquants, quels sont ceux que vous
pointez* plus particulièrement dans cette
édition ?
Francis Balle : Plus particulièrement, c’est tout
ce qu’on a appelé le Web 2.0, c’est-à-dire la
possibilité pour n’importe quel internaute* de
mettre sur Internet ce qu’il a envie d’y mettre,
fût-ce son journal intime pour ses propres amis.
Ça, ce sont les blogs. Les blogs après tout, ce ne
sont que des journaux intimes. Vous racontez
votre vie à tous ceux qui sont sur le même site
que vous et à qui vous avez donné l’adresse de
votre blog.
Ensuite, il y a eu les réseaux sociaux. C’est
beaucoup plus large, Facebook, par exemple, où
l’on a commencé à faire autre chose qu’à
raconter au fond sa vie, ce qui ne présente pas
forcément toujours des avantages. On a
commencé à dire que l’on vient d’acheter une
voiture qu’on a trouvée extraordinaire, etc.
Et aujourd’hui les grandes marques, qu’il s’agisse
des grandes marques de boissons ou des grandes
marques d’automobiles, sont extrêmement
attentives et ils ont des observateurs pour ça. Ils
sont extrêmement attentifs pour savoir
exactement ce que l’on dit d’eux dans un climat
de confiance. Car, évidemment, quand vous avez
une brochure vous vantant* les mérites d’une
voiture, quand cette brochure émane* du
constructeur, vous êtes tenté de ne pas la croire
sur parole. En revanche, quand un de vos amis ou
quand quelqu’un dont vous avez l’habitude de
suivre la vie quotidienne, vous dit qu’il a acheté
une voiture et qu’il la trouve extraordinaire ou,
qu’à l’inverse, il la trouve tout à fait
défaillante*, évidemment, ça a un impact
considérable.
Aujourd’hui, les grandes marques, comme les
petites d’ailleurs, font très attention à ce que
l’on dit d’elles sur Internet à travers notamment
ces réseaux sociaux. C’est quand même un
bouleversement considérable.
On peut dire qu’en 2005-2006, lorsque Facebook
a fait beaucoup parler de lui, Internet n’était
guère, pour les grandes marques, qu’un moyen
de promotion, de publicité ou un moyen
commercial. À partir de 2005-2006, Internet n’a
pas été seulement un moyen de promotion, donc
de publicité, ou un moyen commercial qui
s’ajoutait aux autres, évidemment, mais qui
renouvelait considérablement la vente à
distance.
Désormais, Internet, pour les grandes marques,
est devenu un moyen d’information parfaitement
crédible* pour ceux qui le suivent et les réseaux
sociaux sont surveillés en permanence par ces
grandes marques qui espèrent bien contrecarrer*
tout ce que l’on risque de dire de mal d’elles.
Lexique
Contrecarrer : s’opposer directement à
quelqu’un ou à quelque chose.
Crédible (adj) : qu’on peut croire, qui est
vraisemblable.
Défaillant (adj) : ici, qui ne correspond pas à
toutes les attentes.
Émaner : provenir de.
Internaute (m/f) : utilisateur d’Internet.
Pointer : mettre en évidence.
Vanter : parler très favorablement de
quelque chose ou de quelqu’un, louer
publiquement et avec excès.