Niveau de contamination par les pesticides des chaînes trophiques

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Niveau de contamination par les pesticides des chaînes trophiques
des milieux marins côtiers de la Guadeloupe
et
recherche de biomarqueurs de génotoxicité
par
Claude BOUCHON et Soazig LEMOINE
Université des Antilles et de la Guyane
Laboratoire de Biologie Marine
B.P. 592, 97159 Pointe-à-Pitre (Guadeloupe)
Résumé
Le présent travail avait pour but d’évaluer le niveau de contamination par les
pesticides d’origine agricole des principaux écosystèmes marins côtiers en Guadeloupe. La
zone étudiée était la côte sud-est de la Basse-Terre qui représente une zone d’agriculture
intensive de la banane, activité fortement consommatrice de produits phytosanitaires.
Les écosystèmes marins côtiers présents sur cette côte sont les mangroves, les herbiers
de Phanérogames marines et les récifs coralliens. Dix-sept espèces d’animaux provenant de
ces trois écosystèmes ont fait l’objet d’analyses en vue d’établir leur taux de contamination
éventuel par les pesticides. Ces organismes ont été sélectionnés en fonction de leur position
dans les chaînes alimentaires, de leur fonction écologique, ainsi que pour certains d’entre eux,
de leur importance sur le plan de la consommation humaine.
Pour chacune des espèces, plusieurs animaux ont été récoltés dans les différents
habitats. Sur chacun d’entre eux la chair et/ou les gonades ont été prélevées et rassemblées
pour former des lots homogènes. Ces échantillons ont été envoyés pour analyse au
Laboratoire d’Analyse de la Drôme (LDA 26), homologué pour l’analyse des pesticides. La
recherche a porté sur 41 molécules appartenant aux familles des organochlorés, des
organophosphorés, des pyréthrinoïdes et des carbamates.
Sur les 17 espèces testées sept d’entre elles présentaient un niveau de contamination
notable par les pesticides (environ 40 % des espèces). Ces espèces étaient réparties en 27 lots
d’échantillons. Treize de ces lots étaient contaminés. Ces animaux n’ont pas été sélectionnés
comme étant écologiquement les plus exposés aux polluants et on peut donc considérer ces
résultats comme représentatifs de l’état de contamination des écosystèmes. De plus, dans la
mesure où les analyses ont porté, en général, sur des échantillons de plusieurs individus, les
valeurs trouvées peuvent être considérées comme minimales pour un lot donné.
Les principaux contaminants sont le chlordécone, le DDT et ses dérivés, ainsi que le
HCH. Les concentrations trouvées apparaissent alarmantes pour la consommation humaine,
sans préjuger de leur impact sur le plan écologique. La présente étude montre également
l’absence de molécules organophosphorées, de carbamates et de pyréthrinoïdes dans les
organismes étudiés, à des doses décelables. Ces molécules sont connues pour avoir une faible
rémanence dans le milieu. Les molécules détectées sont toutes des molécules « anciennes »,
c’est-à-dire des organochlorés, à l’exception de la vinchlozoline. Ces organochlorés peuvent
provenir de molécules stockées par le passé dans les sols et progressivement exportées vers le
milieu marin lors de leur lessivage par les pluies.
Les organismes testés sont situés à différents niveaux de la chaîne trophique. Aucun
phénomène de bioaccumulation n’apparaît de façon évidente, à partir de cette étude.
En conclusion, Cette partie de l’étude a mis en évidence une contamination
d’organismes marins par des pesticides d’origine phytosanitaire. La contamination par le
chlordécone de certains organismes d’intérêt alimentaire est inquiétante, sans préjuger de
l’impact de ces molécules sur la biologie des espèces et le fonctionnement des écosystèmes.
L’exposition des organismes aux polluants de l’environnement peut entraîner des
modifications diverses, dont des dommages sur leur ADN. Les molécules de pesticides, par
exemple, peuvent, après avoir pénétré dans les cellules, entraîner des cassures au niveau de
l’ADN. Ces dommages causés à l’ADN persistent après la disparition du polluant des
cellules. Ce phénomène permet de détecter l’impact d’un polluant sur les organismes, même
après que celui-ci ait disparu du milieu naturel, en cas de faible rémanence. Une technique
récente « essai comète en condition alcaline » (« comet assay ») permet de quantifier de
manière sensible les cassures intervenues sur une molécule d’ADN.
Il nous a semblé intéressant de vérifier si cette technique pouvait être appliquée dans le
cadre de la présente étude. Pour ce faire, un des organismes sélectionné dans le cadre de cette
étude, la palourde de Guadeloupe, a servi d’animal de référence. La molécule testée a été le
Glyphosate, pesticide très utilisé en Guadeloupe en tant qu’herbicide. Cette molécule ne fait
pas partie du lot testé en routine par le laboratoire LDA 26. Le produit dont nous nous
sommes servi est le désherbant polyvalent (systémique) BAYER , dosé à 120 g.l-1 de
Glyphosate.
Cette étude a permis de montrer qu’à partir d’une concentration de 10 µg l-1 le
glyphosate était génotoxique sur les cellules branchiales de la palourde et endommageait
l’ADN de cet animal de façon détectable.
À partir de cette expérimentation, ce test sera étendu à d’autres espèces, ainsi qu’à
d’autres familles de pesticides, et pourra être utilisé en routine pour détecter les organismes
ayant subi un contact génotoxique avec les polluants présents dans le milieu.
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