Les e-pharmacies 1/8
Il ne semble pas exister de définition pour caractériser ce qu’est une « e-pharmacie », pourtant
ce terme est devenu, depuis peu, très « à la mode ». Une pharmacie est le lieu où l’on prépare
et l’on vend des médicaments. Le préfixe « e » pour « electronic » désigne ce qui a un rapport
avec Internet (tous comme le e-commerce ou la e-santé). La « e-pharmacie » est donc un
néologisme pour designer un site où l’on vend des médicaments sur Internet.
La vente de médicaments sur Internet et la législation
Le but dans cette partie, n’est pas de faire la liste exhaustive de tous les textes de loi
réglementant la vente de médicaments, mais de rappeler les principaux points qui encadrent
ce domaine. En effet aucune loi n’existant sur ce point précis, le droit sur Internet s’appuie sur
un ensemble de notions existantes « sur Terre », avec les zones de flou qui en découlent. Tous
le problème vient donc de l’interprétation de ces textes de loi. Néanmoins, le Net n’est pas
une zone de non-droit, et la justice s’y applique comme partout ailleurs. En théorie, c’est
même la loi du pays est consulté le site qui s’applique. Ainsi, si un site étranger est en
infraction avec la gislation française, et si il existe un caractère volontaire à cette infraction
(par exemple le site livrant la France), il pourra être poursuivi par la justice française (en
pratique les choses sont très loin d’être aussi simple).
Tous d’abord voici comment le CSP (Code de la Santé Publique) défini un médicament : « On
entend par médicament toute substance ou composition présentée comme possédant des propriétés curatives ou
préventives à l'égard des maladies humaines ou animales, ainsi que tout produit pouvant être administré à
l'homme ou à l'animal, en vue d'établir un diagnostic médical ou de restaurer, corriger ou modifier leurs
fonctions organiques ». (Art. L511-1 du CSP)
Le problème du statut du vendeur
Les médicaments font partie du monopole pharmaceutique : un industriel, un grossiste, un
particulier … ne peuvent pas faire le commerce du médicament. « Sont réservées aux pharmaciens,
sauf les dérogations prévues aux articles du présent code (…). la vente en gros, la vente au détail et toute
dispensation au public des médicaments, produits et objets mentionnés aux 1º, et » (Art. L4211-1 du
CSP). Il est a noté qu’il existe un certain nombre d’exceptions que nous ne détaillerons pas ici
(produits vétérinaires, certaines plantes, etc.).
De plus la pharmacie est un commerce très particulier qui ne délivre pas un produit, mais le
dispense. La différence vient du contrôle et du conseil apporté par le pharmacien et son
équipe.
Un arrêt de la Cour de cassation en date du 16 mai 2000 énonce ceci : « les pharmaciens (…)
sont uniquement ceux qui exercent leur profession dans une officine de pharmacie,
satisfaisant ainsi à toutes les conditions posées à cet effet par l’article L514 du CSP ».
Une délivrance ne peut donc se faire que dans une officine. « On entend par officine l'établissement
affecté à la dispensation au détail des médicaments, produits et objets mentionnés à l'article L. 4211-1 ainsi qu'à
l'exécution des préparations magistrales ou officinales. » (Art. L5125-1 du CSP).
Le problème de la publicité.
La publicité pour les médicaments est très encadrée, et même interdite pour un très grand
nombre de spécialités (remboursables, soumises à prescription, ou dont l’AMM le prévoit).
« Est punie de 250 000 F d'amende toute publicité au sens de l'article L. 5122-1 effectuée auprès du public pour
un médicament :
1º Soumis à prescription médicale ;
2º Remboursable par les régimes obligatoires d'assurance maladie ;
Les e-pharmacies 2/8
Dont l'autorisation de mise sur le marché ou l'enregistrement comporte des restrictions en matière de
publicité auprès du public en raison d'un risque possible pour la santé publique. » (Art. L5422-5 du CSP)
On peut facilement imaginer que ces limites restreignent les modes de vente possible.
Le problème de la définition de la voie publique.
Le code de la santé publique dit ceci : « Tout débit, étalage ou distribution de médicaments est interdit
sur la voie publique, dans les foires ou marchés, à toute personne, même munie du diplôme de pharmacien. »
(Art. Article L5125-27 du CSP). Mettre une liste de médicaments que l’on se propose de
vendre, sur Internet se rapporte à faire un « étalage » et on peut à priori considérer qu’un site
Web, du moment que son accès est libre, est une « voie publique ». On peut donc interprété
cette article comme une interdiction de présenter et de vendre des médicaments sur Internet.
Le problème de la sollicitation des commandes.
« Il est interdit aux pharmaciens ou à leurs préposés de solliciter des commandes auprès du public »
(Art L5125-25 du CSP). La loi, interdit donc toutes sollicitations. Ceci est une notion peu
évidente à cerner : la mise à disposition d’un outil permettant de commander correspondant
elle à une sollicitation ?
Le problème de la livraison.
« Toute commande livrée en dehors de l'officine par toute autre personne ne peut être remise qu'en paquet scellé
portant le nom et l'adresse du client.
Toutefois, sous réserve du respect des dispositions du premier alinéa de l'article L. 5125-21, les pharmaciens
d'officine, ainsi que les autres personnes légalement habilitées à les remplacer, assister ou seconder, peuvent
dispenser personnellement une commande au domicile des patients dont la situation le requiert ». (Art L5125-
25 du CSP). La livraison ne pose donc pas de problème majeur pour un commerce en ligne,
un colis postal étant fermé. Une dispensation à domicile serait plus difficile à mettre en place,
car il existe des limites quand aux personnes pouvant venir (un pharmacien) et aux clients (ne
pouvant se déplacer).
A la vue de tous ces articles de loi on peut penser qu’une certaine forme de « e-pharmacie »
pourrait exister en France, tout étant une question d’interprétation.
Les recommandations de l’ordre des pharmaciens
Lors de la XIIIème journée de l’ordre le 14 novembre 2000, le colloque Internet et
médicament : la e-pharmacie n’aura pas lieu s’est tenu. Durant ce colloque, l’ordre des
pharmaciens s’est mont hostile à l’apparition de l’e-pharmacie (même pour une
parapharmacie virtuelle tenue par un pharmacien mettant en avant son diplôme, alors que des
parapharmacies en ligne existent), mais envisage toutefois l’utilisation d’Internet comme
source d’informations pour le pharmacien (l’ordre ouvrait justement son site à cette même
période).
Six repères pour intervenir sur le Net ont été donnés.
L’intervention du pharmacien sur Internet engage pleinement sa responsabilité.
Le pharmacien est tenu par le secret professionnel, même sur Internet.
La télétransmission de l’ordonnance du médecin au pharmacien n’est pas autorisée.
Cette règle, issue de l’interdiction d’entente et compérage pourrait évoluer à la
condition que la volonté du malade de charger son médecin de transmettre
l’ordonnance à cette pharmacie et non à une autre soit établie et que le pharmacien
accomplisse réellement son acte en présence du malade lui-même ”
Les e-pharmacies 3/8
Les conseils pharmaceutiques sur un site engagent l’exercice du pharmacien qui en est
l’auteur et relèvent d’un contrat qui doit être adressé à l’Ordre
Les informations et conseils publiés sur Internet doivent être justifiables
scientifiquement devant les patients et la profession. Le fait de l’absence de contact
physique peut nuire à la compréhension du patient et aux capacités d’adaptation du
pharmacien vis à vis de son interlocuteur
La communication électronique entre pharmacien et patient n’est envisageable que
pour les clients habituels des lieux pharmaceutiques (officine, pharmacie mutualiste,
laboratoire d’analyses, etc.) et uniquement dans le sens patient-pharmacien. Utilisé
dans l’autre sens, le courrier électronique pourrait être considéré comme de la
sollicitation de commande, interdite par la loi. Par ailleurs, la confidentialité est
menacée si les échanges ne sont pas sécurisés.
Les freins et les moteurs à la mise en place des e-pharmacies, et les perspectives
d’évolutions
Les freins sont nombreux quand à la croissance du monde de la pharmacie virtuelle. Voici
quelques éléments qui sont sur susceptibles de jouer sa potentielle existence. Tout ces
éléments sont néanmoins à nuancer.
La glementation et la volonté politique : Pour l’instant, en France, ces deux points, sont
certainement les plus contraignants : la législation ne laissant que peu de place à une
éventuelle pharmacie on-line, et la plupart des partenaires (état, ordre, caisses et pharmaciens)
voient l’arrivée de ces sites d’un très mauvais œil. Toutefois l’histoire montre que dans un
certain nombre de pays Européen, la e-pharmacie a trouvé sa place dans la législation national
et avec les systèmes de prise en charge.
La rapidité d’obtention des médicaments : L’obtention des médicaments dans une officine est
immédiate, au pire quelques heures plus tard. Les grossistes livrent les officines 2 à 3 fois par
jour et ont une obligation de fournir tous médicaments en stock dans les vingt quatre heures.
Pour un certain nombre de pathologies cette rapidité de délivrance est importante (impact sur
l’évolution de la pathologie, amélioration du confort par diminution des symptômes …). Par
contre pour les pathologies chroniques, les renouvellements d’ordonnance, ou l’achat de
médicaments OTC « au cas », les délais offert par la Poste ainsi que les autres sociétés de
livraison sont bien suffisants.
Le maillage serré des officines : Le quorum (article L571 du CSP) fixant le nombre d’officine
par habitant (1 pharmacie pour 2500 ou 3000 habitants selon la population de la ville),
conduirait à une concurrence de poids pour une e-pharmacie. Malgré tout, bon nombre de
commerces virtuels coexistent très bien avec leurs équivalents « terriens ».
Le secret des échanges : Le secret professionnel est un fondement important de l’exercice
pharmaceutique. On peut craindre que la mise sur le réseau des échanges entre le pharmacien
et son patient puisse être détourné. En fait c’est certainement l’inverse : dans une officine en
ville, malgré toute la bonne volonté de l’équipe officinale, des contraintes d’espace font que
les échanges se font rarement avec toute la discrétion voulue. Alors que sur Internet, il suffit
de crypter convenablement les données pour que celles-ci ne soient pas déchiffrables. Enfin il
semble que le fait qu’une voisine intercepte des informations médicales puisse causer
infiniment plus de tords que le fait que ce soit un hacker (la voisine s’adonnant rarement au
hacking)
L’obligation de conseils : Le pharmacien a une obligation de conseils lors de la délivrance des
médicaments. Il semble plus aisé de conseiller quelqu’un lorsque l’on a cette personne en face
de soi, le pharmacien pouvant adapter ses conseils et son langage. De plus une certaine
Les e-pharmacies 4/8
connaissance des patients permet d’apporter des informations personnalisées. L’e-commerce
ne permet pas de voir les réactions de son interlocuteur et conduit donc à un manque de
souplesse. Par contre Internet a certainement dans ce domaine, un grand nombre d’avantage.
On peut donner toutes les informations utiles et par écrit, ce qui n’est pas possible à l’officine,
souvent par manque de temps, mais également parce que l’on ne peut pas donner trop
d’informations orales au patient si l’on veut qu’il les retienne. Ici le passage par l’écrit permet
de formaliser les informations. Enfin la personnalisation peut être apporter par le CRM,
permettant de prendre en compte l’historique médicale et les habitudes de « consommation »
du patient dans les conseils dispensés.
La relation humaine avec le pharmacien : Sur le plan des relations, rien ne vaut le contact
humain, qui permet de répondre précisément aux problèmes. Internet va tout de même être un
handicap important dans ces échanges. Cet écueil peut être partiellement contourné grâce à
des « astuces » techniques tel qu’un Chat (système de discussion en direct via un clavier, à
prononcer [t∫at]) ou un forum (espace conçu pour que des internautes puissent échanger des
messages). Dans un futur proche on peut espérer la généralisation du « click&talk »
(discussion en mode vocal) dès lors que le haut débit sera généralisé en France, voir dans un
avenir plus lointain, le « clic&see » (visioconférence), lorsque les débits seront plus
importants. Mais tous ces artifices technologiques ne peuvent être une ponse à tout et pour
tout le monde. La relation humaine est ce qui fait la richesse de notre métier, il serait
dommage de la faire passer en second plan.
Les prix des médicaments : Les prix des spécialités remboursées sont fixes en France. Ceci a
pour conséquence l’impossibilité de concurrence en jouant sur la baisse les prix de ces
spécialités, et l’impossibilité d’augmenter ses prix pour accroître sa marge. Au prix fixe, il
faut rajouter les éventuels frais de transports, ce qui aboutit soit à un prix plus élevé pour les
clients, soit à une marge moindre pour la pharmacie en ligne. En fait, le problème du prix n’en
est pas véritablement un, on peut facilement imaginer qu’une e-pharmacie coûte moins cher
en fonctionnement que son équivalent traditionnel (comme il est généralement de règle dans
le e-commerce) et que les quantités achetées n’ont rien à voir avec celle des « petites »
officines du fait de plus grosses ventes et de la possibilité de stocker les médicaments dans
des entrepôts. Ces derniers points devraient permettre de faire de l’achat direct auprès des
laboratoires pour les produits à forte rotation, et donc de payer les médicaments moins cher.
L’e-pharmacie en Suisse fait par exemple bénéficier ses clients d’une baisse des prix, mais
également les organismes d’assurances maladie (MediService annonce quinze pourcents de
réduction pour les caisses maladie). Enfin évidement pour les médicaments OTC, le problème
de prix fixe ne se pose pas.
L’état actuel des e-pharmacies en France
Actuellement, on ne peut pas acheter de médicaments en France via des sites français. On
peut par contre acheter des produits de parapharmacie grâce à plusieurs commerces en ligne
spécialisés.
Quelques officines possèdent bien des sites Internet, mais ceux-ci ont des fonctions limitées.
Le principal but de ces sites semble un rôle de vitrine : on y trouve en effet les horaires
d’ouverture, l’adresse, les numéros de téléphone et de fax.
Certains sites présentent l’équipe officinale, parfois photos à l’appui. Les salariés ont
étrangement tendance à tous devenir les spécialistes de quelque chose, ne serait ce de rien.
Certaines sont même « toujours à l’écoute et prête à se tourner vers l’avenir ». Cette partie est
Les e-pharmacies 5/8
certainement intéressante pour faire connaître le personnel aux clients, mais le fait d’en faire
trop à l’effet inverse de celui escompté.
Un autre effet d’autopromotion est obtenu par la mise en avant des spécialités « de la
maison » : allopathie, homéopathie, phytothérapie, cosmétologie on a vite fait de retrouver
la liste complète des disciplines qui composent l’exercice de la pharmacie.
Un point commun à beaucoup de ces « officines virtuelles » est la partie conseils. Ceux-ci
peuvent aller de la prophylaxie antipaludéenne jusqu'à l’élevage des chiots, en passant par la
constitution d’une trousse d’urgence. Le pharmacien fait ici prévaloir sa position d’acteur de
santé, toutefois de très nombreux sites de santé à destination du grand public existent et ont
l’avantage de traiter une gamme importante de sujets que n’arrivera jamais à égaler un
« particulier ». Cette partie des sites n’a donc d’intérêt que si les informations sont vues sous
un angle très « pratique », en effet le pharmacien étant sur le terrain est à même de connaître
et de cerner les interrogations des « patients » (quelques sites le font d’ailleurs très bien).
l’on sent les prémices du e-commerce est la présence d’une partie qui présente les
produits de parapharmacie ou vétérinaires vendus dans l’officine. Accompagnée de la photo
du produit, l’officine présente l’indication et éventuellement la façon de s’en servir. Le
discours est parfois relativement neutre, mais parfois on retrouve des louanges certainement
issues de la campagne de promotion du produit. A noter toutefois que le prix ne figure pas sur
la page (alors que depuis peu il est obligatoire dans les officines). On peut même voir, sur un
site, la page des promotions du mois (qui n’a d’ailleurs pas été mis a jour depuis bien
longtemps). Avec ce type de rubrique, la pharmacie n’est qu’à deux clics du commerce
électronique (le passage d’ordre et la livraison).
Pour ce qui est de la réalisation, on trouve de tout : du plus simple au plus chargé, et du plus
sobre au plus racoleur. On pourra lire par exemple : « Le but de la Pharmacie XXX est aussi de vous
offrir des services parapharmacies de qualité au meilleur coût possible en vous faisant épargner temps et argent.
Ventes et locations de matériel médical. Nous livrons votre commande » La maîtrise technique n’est pas
toujours une réussite, les liens morts sont souvent légion et la mise à jour est parfois des plus
chaotique.
Au final, pour l’instant les e-pharmacies en France sont surtout des vitrines sur Internet, et un
excellent moyen de flatter l’ego du pharmacien, mais l’intérêt reste à démontrer. En effet 84%
des clients des officines viennent pour des raisons de proximité (selon un sondage, réalisé en
1999 par Alain Collomb Stratégies sur un échantillon de 1002 personnes), il n’y a donc que
peu de chance de gagner des clients, au mieux peut on espérer les fidéliser. Enfin il faudra être
vigilant quand à l’interdiction de publicité qui régit l’exercice de la pharmacie.
Les e-pharmacies hors de nos frontières
Si en France les e-pharmacies, au sens propre du terme (c'est-à-dire vendant des
médicaments), n’existent pas encore, dans d’autres pays elles constituent une réalité depuis
déjà quelques temps.
Au Etats-Unis, les premières pharmacies on-line sont apparues durant 1998 (la première est
Soma.com renommée depuis CVS.com). Celles-ci sont considérées comme des pharmacies à
part entière et sont tenues de respecter les réglementations en vigueurs concernant les
pharmacies. La plus grosse pharmacie de la toile est drugstore.com, une pharmacie virtuelle
1 / 8 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !