rabbins vivaient dans l’ombre de l’Ecriture qu’ils obscurcissaient encore,
plus qu’ils ne la révélaient, s’abritant souvent derrière ce qu’ils appelaient
l’autorité des textes qui n’était souvent que celle de la tradition. Quoi qu’il
en soit, il n’était pas question de mettre en avant leur propre autorité.
- Jésus tranche sur cette manière prudente de lire les textes : là où les scribes
et les pharisiens tergiversent, il affirme et ne laisse place à aucune autre
interprétation que la sienne : il est véritablement la « lumière » qui éclaire
et chasse les ombres accumulées par des siècles d’exégèses tatillonnes !
Voilà pourquoi il fait scandale : non seulement il rompt avec les traditions
savantes de son temps, mais son autorité est jugée comme une prétention
insupportable et blasphématoire puisqu’elle le met au niveau de Dieu lui-
même… Nous savons que c’est bien ce qu’il est, mais pas les pharisiens ni
les scribes. Pour l’heure, ils ne sont que « saisis » dit Marc, pas encore
hostiles, mais cela viendra !
- C’est sans doute à cette même difficulté que se heurte Paul qui met un
point d’honneur à toujours ou presque commencer son évangélisation par
les synagogues. Généralement, on l’écoute d’abord avec plaisir car ce doit
être un bon docteur et il a des références… Mais si on est prêt à intégrer
ses explications comme « une possibilité parmi d’autres », il est exclu de la
prendre pour la seule vraie… Immanquablement, il se fait chasser des
synagogues dans lesquelles il ne rallie que quelques nouveaux croyants. Il
connaîtra, et pour les mêmes raisons, un échec semblable devant
l’aréopage d’Athènes et ses philosophes…
- Nous pouvons dire que c’est aujourd’hui sur ces mêmes écueils que
trébuchent les gens à qui nous parlons : ouverts à tout, parce que c’est
désormais, dans notre pays du moins, politiquement correct, ils ne sont pas
décidés à accepter que la parole évangélique soit « la vérité » et encore
moins qu’elle soit portée par « les vases d’argiles » que nous sommes…
- Il ne faut pas s’en étonner : comme dans le début de Marc, ce n’est que
Jésus seul qui peut donner sens à la parole. J’en fais trop souvent la triste
expérience, la Bible, même prise au sérieux, reste une contrée obscure pour
quiconque, quelle que soient son intelligence et sa culture, sa bonne volonté
et son honnêteté, ne la reçoit pas comme un témoignage au Christ, fils de
Dieu crucifié et ressuscité. Il tente de la lire dans l’obscurité…
- C’est pourquoi Paul, le grand savant, l’exégète inspiré, le lettré tant dans la
culture juive que grecque ou romaine, affirmera aux Corinthiens, au
risque de passer pour un fou, qu’il ne veut connaître que Jésus Christ et
Jésus Christ crucifié. Ca ne l’empêchera pas, plus tard, quand les
nouveaux convertis passeront du « lait » à la « viande », de traiter des
textes de la Torah, mais il savait qu’ils ne pouvaient avoir de sens et qu’ils
ne pouvaient donner la vie qu’à ceux qui l’avaient déjà reçue en Christ.