L’AP-HP, il y a 18 ans, a fait preuve d’un grand sens de l’innovation et de l’adaptation lorsque l’épidémie de SIDA menaçait de mettre en péril l’équilibre de l’hôpital. Pour la première fois, l’hôpital découvrait l’intérêt de travailler en synergie avec les médecins généralistes. Plutôt que d’opposer le secteur « public » (c'est-à-dire l’hôpital) au secteur libéral (c'est-à-dire les soins de premiers recours), Les réseaux inventaient de nouvelles coopérations entre les médecins hospitaliers et les médecins généralistes qui apprirent ensemble à respecter les spécificités et les compétences de chacun. Les hospitaliers apportaient leurs connaissances de la maladie, les généralistes apportaient leur expérience du suivi au long cours des maladies chroniques, les hospitaliers disposaient d’un plateau technique, les généralistes assuraient la continuité des soins au plus proche des patients. Les soins primaires et secondaires inventaient une nouvelle organisation en réseau de santé centré sur le patient. Considérant à juste titre que ce travail de coordination méritait un salaire, l’AP-HP offrit des vacations aux médecins généralistes et aux médecins hospitaliers qui s’impliquaient dans ce travail. Les usagers saluèrent les progrès dans la prise en charge coordonnée et le succès de ses nouvelles pratiques entraina au fil des ans, la création d’autres réseaux de santé sur de nouvelles thématiques. Dans ces nouveaux réseaux, le temps de coordination (rencontre formelle ou informelle) est généralement indemnisé pour les praticiens libéraux mais malgré des conventions, l’AP-HP comme les autres institutions hospitalières rechignent à laisser leurs salariés participer aux activités du réseau sur leur temps de travail. Ce temps d’échange et de coordination ayant été oublié lors de l’introduction de la T2A comme grille d’évaluation de l’activité hospitalière, cette participation des hospitaliers au travail en réseau n’est plus valorisée et est donc considérée comme « non rentable ». Paradoxalement, tous les textes officiels depuis 2002 font état de l’importance pour l’hôpital de travailler en réseau avec «la ville ». Dans ce contexte, que les médecins généralistes ne soient plus rémunérer par l’AP-HP pour ce travail de coordination ne me choque pas pourvu qu’il soit indemnisé par les tutelles des réseaux de santé. Le paiement à l’acte des médecins généralistes qu’ils exercent en centre de santé ou en libéral, ne permet pas en effet de rémunérer ce travail. La suppression soudaine des vacations pour les généralistes, sans concertation avec les autorités de tutelle des réseaux de santé (et donc sans substitution d’une quelconque rémunération), risque de mettre un coup d’arrêt à la participation des médecins généralistes au travail en réseau. De plus, si les vacations des généralistes sont supprimées puisque non valorisées par la T2A, il est probable qu’à court terme toutes les vacations hospitalières, consacrées au travail en réseau, disparaissent elles aussi. C’est près de 20 ans de travail d’échange et de coordination qui risquent de disparaitre. Il est dommage qu’à l’heure où la prise en charge coordonnée autour du patient devient le maitre mot des politiques de santé, on supprime des crédits à l’hôpital, destinés justement à financer cette coordination. Les tutelles seraient bien inspirées de considérer que si elles souhaitent plus de cohérence et de coordination dans le parcours de soins des patients dans un but d’efficience, il est indispensable de consacrer des crédits à ce travail de coordination tant à l’hôpital qu’en soins primaires. Thierry Mazars Vice président d'ARES Président d'AGEKANONIX