Histoire politique
De la France
Au XXème siècle
Chapitre 3 : La société française des années noires
IEP 1ère année / MMIII MMIV
2ème Semestre
Quelle a été l’attitude des français sous le régime de Vichy ? On va étudier trois éléments dans ce
chapitre : l’adaptation des français à une situation matérielle de plus en plus dégradée (1) ; l’attitude
vis-à-vis de la révolution nationale (2) ; et enfin la situation des populations exclues et internées (3).
I. Les français face aux contraintes matérielles.
A. Le poids des difficultés quotidiennes
Après le traumatisme de la défaite, l'armistice ne signifie pas un retour à une vie normale. La division
du pays en différentes zones (libre, occupée, interdite) pose problème ; des familles dispersées par
l'exode se retrouvent parées. Il y a également le problème du maintien d'un million et demi de
prisonniers de guerre en Allemagne, ce qui génère des difficultés pour les familles.
L'économie française a été totalement ravagée après 1940. Après la rupture avec la Grande-
Bretagne, est instauré un blocus maritime qui empêche également le ravitaillement de la France par
son empire, ravitaillement déjà limité par l'armistice. C'est environ 15 % des approvisionnements
extérieurs qui disparaissent. L'économie est également pillée par l'occupant, qui avait un pouvoir
d'achat très fort grâce aux frais d'occupation et aux taux de change imposés, favorable au mark. C'est
ainsi que 15 à 20 % de la production française est détournée vers l'Allemagne. Le rationnement se
généralise à partir de l'automne 1940. Il concerne la nourriture mais aussi le tabac, le vin, les
vêtements, le chauffage. Pour accéder à ces produits, les français vont se voir distribuer des cartes de
rationnement. Chaque mois, les portions allouées à chaque catégorie d'ayants droits sans revues, et
toujours à la baisse. En septembre 1940, la ration de viande était de 360 grammes par semaine ; en
avril 1943, elle était de 120 grammes par semaine. Le carburant est réservé pour certaines
catégories, c'est-à-dire seulement pour les fonctionnaires, les médecins etc... Vichy met également en
place un appareil directeur de l'économie, cet appareil est de plus en plus lourd au fur et à mesure
que le rationnement s'accroît.
On assiste à une forte augmentation du poids des ministères techniques. Le ministère de l'industrie
passe d'une dizaine de fonctionnaires à plusieurs milliers. Dans chaque secteur économique, on met
en place des comités d'organisation. Ce sont des structures nouvelles d'un genre hybride, regroupant
à la fois des représentants de l'administration et du secteur privé. À la tête de ces comités : un
directeur nommé par l'état et un président issu du secteur privé. Ces comités répartissent les matières
premières entre les membres de la profession ainsi que l'énergie. Il surveille par ailleurs l'écoulement
de leur production. Pour les technocrates de Vichy, ce système est censé rationaliser l'économie et
est prévu pour durer dans l'après-guerre, ce qui sera le cas d'ailleurs.
Les campagnes semblent avoir été les moins touchées par le rationnement. L'agriculture vivrière est
encore forte, et on consomme pour l'essentiel les produits de la ferme. Dans les régions de
monoculture, comme le Languedoc par exemple, le monde rural est, comme les citadins, confronté
aux restrictions. Néanmoins, les agriculteurs manquent d'engrais et de carburant, ce qui provoque un
retour vers une agriculture très traditionnelle et manuelle dans certaines régions. Il existait également
des liens entre les campagnes et les villes ; on peut citer l'exemple des milliers de colis familiaux
envoyés de la campagne vers les villes.
On assiste aussi au développement de circuits parallèles : le marché noir. On retrouve sous cette
dénomination des situations très différentes : c'est le retour à une économie de troc dans le cadre de
solidarités familiales ou professionnelles, on la surnomme alors « le marché gris ». À côté de ces
marchés gris on va trouver des trafics plus organisés qui vont essayer de tirer profit de la situation de
pénurie. En 1943,1 kilo de beurre coûtait 43 FF sur le marché officiel. Sur le marché gris, ce même
kilo coûtait 70 FF le kilo, et sur le marché noir des villes 110 FF le kilo. Toutes ces pratiques
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entraînent des inégalités dans la société française, entre ceux qui disposent des produits, ceux qui ont
des revenus importants et puis ceux qui n'ont aucun des deux (ouvriers, retraités, fonctionnaires...). La
dégradation de la qualité de vie est proportionnelle au pillage de l'économie par l'occupant. La zone
sud est la moins touchée tandis que ce sont les régions de la zone interdite dans le nord-est, dont les
mines et usines sont intégrées dans l'appareil allemand, et dont une partie de la population est
envoyée en Allemagne pour travailler dès 1940, qui est la plus touchée. À cela, il faut ajouter pour ces
régions la crainte d'une annexion à l'Allemagne. Cette tresse morale se retrouve également chez
les prisonniers de guerre, qui sont 1 500 000 en Allemagne. Certains parviennent à s’échapper,
surtout dans les premières semaines, d'autres reviendront dans le cadre des échanges et de la
politique de la relève. Mais un million d'entre eux resteront prisonnier jusqu'en mai 1945. L'âge moyen
de ces prisonniers est de 30 ans. La moitié sont mariés, et le quart son père de famille. Ils sont
répartis sur tout le territoire allemand. Les officiers sont détenus dans des Oflag, et ne travaillent pas
conformément aux Conventions de Genève, tandis que les sous-officiers et soldats sont dans des
Oflag et sont intégrés dans des commandos de travail qui servent l’Etat nazi. L'évolution politique de
cette population est parallèle à celle de la société française. Au début, les soldats étaient favorables
au maréchal Pétain, ils ont créé des cercles Pétain dans les camps de prisonniers, cercles qui vont
disparaître vers 1942.
En France, la mortalité croit fortement pendant cette période, le taux de mortalité qui était de 15 pour
mille passa à dix-sept pour mille. Et ce sont surtout les populations les plus fragiles qui sont bien sûr
les plus touchées. Le taux de mortalité connaît également une inflation notable, il passe 68 pour mille
en 1940 à 115 pour mille en 1944. L'espérance de vie passe de 56 à 51 ans dans la même période.
La France n’a certes pas connu ce qu'ont connu la Pologne ou la Yougoslavie, mais elle sort quand
même affaiblie de la guerre sur le plan sanitaire. A l’occasion de la première conscription d'après-
guerre, en 1945, 33% des conscrits sont déclarés inaptes pour cause sanitaire. Mais c'est également
pendant cette période, à partir de 1943, que la natalité reprend, ce qui va provoquer le baby-boom de
l’après-guerre. Avant 1940, les décès étaient plus importants que les naissances, la tendance
s’inverse à partir de 1942, il y a 576 000 naissances, et en 1944 il y en a 630 000. Ce nombre de
naissances se stabilise ensuite aux alentours de 800 000 naissances par an à la fin des années 40.
Certains y voient le succès des politiques natalistes, et favorable à la famille, qui ont notamment été
reprises par Vichy. D'autres y voit un « instinct de survie » de populations menacées de disparaître.
Ce phénomène concerne par ailleurs tous les pays du nord-ouest de l'Europe, y compris la Grande-
Bretagne et la Suède, qui est neutre.
B. Les évasions culturelles dans les années noires.
La vie culturelle est un des paradoxes de cette période. Malgré la morosité de la vie quotidienne et les
nombreuses entraves à la liberté, la vie culturelle reste brillante et les Français sont avides de
consommation culturelle, notamment de livres (la fréquentation des bibliothèques a doublée à Paris
entre 1938 et 1942). Les livres deviennent ainsi très recherchés, mais le théâtre également connaît un
succès important dans cette période. La saison 1943-1944 accueille 800 000 spectateurs à Paris. Les
grands auteurs sont toujours joués pendant cette période : Guitry, Claudel... Mais aussi une nouvelle
génération apparaît : Sartre, Camus, Anouilh... On joue des pièces célèbres comme « les mouches »,
«huis clos », « malentendu », « Antigone ». Néanmoins, le cinéma reste l'activité culturelle préférée
des Français. En 1938, on a comptabilisé 220 millions de places vendues. En 1940, on en a vendu
300 millions, et 340 millions en 1943 (il faut noter que les salles étaient chauffées...). Comme toutes
les activités culturelles de l'époque, le cinéma est touché par les restrictions. Moins de 50 films sont
produits par an sous l'occupation en France. Aux contraintes matérielles s'ajoutent d'ailleurs des
contraintes politiques. Vichy a organisé une commission qui répartit les fonds et veille au respect de la
législation, notamment du Statut des juifs. En zone nord, les films anglo-saxons sont interdits, et
l'occupant crée une maison de production allemande : la Continental, qui noyaute le cinéma français
et prend la place du cinéma anglo-saxon. On trouve dans beaucoup de films des éléments de la
révolution nationale, comme par exemple dans « la fille du puisatier » de Pagnol, dans lequel les
discours de juin du maréchal Pétain fait l'objet d'une scène. Les films de Pagnol sont par ailleurs
également favorables à la campagne et aux politiques natalistes, mais ces thèmes trouvaient déjà leur
place dans les films de Pagnol avant-guerre.
La majorité des films vont occulter la réalité. En général, la guerre, les privations et l'environnement
international sont absents des oeuvres cinématographiques. On peut prendre pour exemple le succès
des « visiteurs du soir » en 1942, de Marcel Carné sur un scénario de Jacques Prévert, il y a
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aucune référence à la situation, même si après-guerre on a fait des relectures... Les allusions au
contexte sont parfois également involontaires, c'est l'exemple du film « le Corbeau » de Clouzot, dans
le script, traitant d'un village où sévit un mystérieux délateur, avait été écrit en 1937, film qui déplaît et
prend un tout autre sens dans un contexte de délation généralisée au cours de ces années noires.
Si les activités culturelles permettent l’évasion de cette période particulièrement sombre, l'expression
est également un moyen de refus et de contestation, comme le montre l'expansion du jazz dans ces
années, musique dénoncée par Vichy. On retrouve également des critiques politiques dans des
revues culturelles qui font entendre une autre voix que celle de la révolution nationale. C'est l'exemple
du journal culturel « Confluence » à Lyon qui publie les poèmes d'Aragon, ou du journal « Fontaine »
publié à Alger sous la responsabilité de Fouchet, qui publie son premier éditorial en 1940 dans lequel
il dit que la France n'a pas renoncé à son passé, et qui publient les poèmes de Paul Eluard,
notamment « Liberté ».
II. L'attitude des Français face à l'ordre nouveau.
A. La politique intérieure : les Français et la révolution nationale.
1) Les soutiens organisés.
On peut ici se référer à l'ouvrage d'Henri Amouroux : « 40 millions de pétainistes ». Ce titre a été
largement discuté par les historiens, et même critiqué, parce que même si le régime a fait un
consensus assez large, il n'y a jamais eu 40 millions de pétainistes ; d'ailleurs, la définition de
pétainistes est imprécise. Pierre Laborie, auteur de « L'opinion publique sous Vichy » propose de faire
la distinction entre maréchalisme et pétainisme. Le maréchalisme, c'est l'adhésion au vainqueur de
Verdun et au dernier des grands maréchaux de la grande guerre ; ce serait une confiance plus
sentimentale que politique. Les manifestations de ce maréchalisme se trouvent dans de nombreuses
lettres et dessins d'enfants retrouvés dans les papiers du maréchal. Mais tous les maréchalistes ne
sont pas pétainistes, ni favorables à la révolution nationale. Ce qu'ils veulent, c'est une vie normale et
non pas un ordre nouveau. Ils restent attachés à la publique. Les pétainistes eux sont partisans de
la révolution nationale et de l'ordre nouveau. Les pétainistes correspondraient au noyau dur des
fidèles. D'autres historiens parlent de pétainistes actifs ou passifs, mais au fond, c’est la même
distinction.
Pour étudier le pétainisme, on va étudier les institutions politiques sous Vichy, et notamment les
conseils institués pour diffuser la révolution nationale. Il s'agit : du conseil national, des commissions
administratives départementales, et des conseils municipaux des communes de plus de 2 000
habitants, qui sont tous nommés par le régime. Quelle est la sociologie de ces pétainistes, quels
Français ont accepté de participer ?
On peut étudier la provenance des différents conseils des élites traditionnelles de la France. En 1940,
Pétain n'avait pas voulu quitter le territoire français pour ne pas priver le peuple de ses « fenseurs
naturels ». On retrouve dans ces assemblées nommées par le pouvoir central ces « défenseurs
naturels », c'est-à-dire des notables, de grands propriétaires ruraux pour les compagnies, des
professions libérales (médecins, pharmaciens, notaires...), des gens qui avaient une influence locale
avant-guerre, des battus du suffrage universel qui vont prendre leur revanche sur les élections
d'avant-guerre. On y retrouve aussi des chefs d'entreprise effrayés par le Front populaire de 1936. À
côté de ces pétainisme conservateurs, on peut noter le ralliement de certains partisans de gauche,
comme des instituteurs. On retrouve chez ces notables de gauche souvent un pacifisme d'anciens
combattants, favorable au discours d'Aristide Briand et anticommunistes... On peut citer comme
exemple Spinasse, maire d’Egleton, ministre sous le Front populaire, qui a voté les pleins pouvoirs à
Pétain, et qui est confirmé dans son poste à la tête de la mairie par Vichy. Il était ancien combattant,
pacifiste et anticommuniste ; il est un de ceux qui ont passé le pied à l'étrier à Jacques Chirac au
niveau local, lors de ses premières élections locales en Corrèze.
On peut aussi s'intéresser à la légion française des combattants, instaurée en août 1940 pour
assembler les anciens combattants des deux guerres. Ce mouvement est interdit en zone occupée,
mais il se développe largement en zone libre et dans l'empire. C'est une structure très hiérarchisée et
dirigée par un directoire national à Vichy, dont le directeur était entre 1940 et 1942 François Valentin.
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Au niveau départemental, il y a des comités départementaux, et il y a également 10 000 sections
locales, qui quadrillent la zone sud. À l'origine, le recrutement de la légion était limité aux anciens
combattants, mais Vichy, en 1941, ouvre le recrutement aux volontaires de la révolution nationale ; ce
sont tous ceux qui se reconnaissent en ce régime même s'ils ne sont pas anciens combattants.
Cette étude sur la légion a été menée notamment par Paul Cointet. Son étude s'est surtout
concentrée sur l'élite, et notamment les 600 membres des comités départementaux. Du point de vue
sociologique, on peut noter une surreprésentation de la moyenne bourgeoisie. 60 % des membres
des ces élites légionnaires sont des propriétaires fonciers, membre de professions libérales ou de
petits commerçants. 40 % sont des fonctionnaires, les enseignants ou des salariés. Du point de vue
politique, ce personnel dirigeant de la légion est issu à 40 % de la droite conservatrice, à 15 % de la
droite libérale, à 18 % de la gauche radicale ou socialiste, et pour le reste, ils n'avaient pas
d'engagements avant-guerre. Cette répartition varie néanmoins selon les départements.
La base légionnaire est issue d'un recrutement de masse. Il y a environ 915 000 membres pour les
anciens combattants et 235 000 membres pour les volontaires à partir de 1941. La légion représente
environ 25 % de la population masculine adulte, soit un adulte sur quatre qui a rejoint ce mouvement
en zone libre. En Haute-Savoie, ce pourcentage de 42 %, il est de 39 % dans les Alpes-Maritimes, à
Alger ou à Oran. La légion est une institution puissante qui dispose d'un budget important, issu des
cotisations des membres mais aussi des subventions de Vichy. Entre 1940 et 1942, la légion est le
principal organe de propagande. Le 29 août 1941, elle fête son premier anniversaire, et c'est alors une
véritable fête nationale. La légion entend soumettre l'opinion publique, et elle se donne le droit de
contrôler l'administration, ce qui provoque de nombreux conflits avec l'administration préfectorale. À
partir de 1942, on assiste à une évolution contradictoire dans cette institution : en effet, les éléments
les plus modérés se retirent de la légion tandis qu’il y a un durcissement des partisans les plus
fervents du régime, et qui vont constituer une élite combattante : le service d'ordre légionnaire institué
en février 1942. C’est Joseph Darnand qui est nommé à la tête de ce service d'ordre. Il a notamment
milité dans un grand nombre de mouvements d'extrême droite. C'est de ce service d'ordre légionnaire
que sortira la milice, qui deviendra complètement indépendante de la légion.
2) Les soutiens spontanés : le soutien catholique.
L'église catholique a pendant longtemps apporté un soutien enthousiaste à Pétain et à la volution
nationale. Cette attitude s'explique notamment par la doctrine de la soumission aux pouvoirs établis.
L'église catholique de France avait accepté bon gré mal gré les différents régimes au cours du XIXe
siècle, même si elle avait connu de gros problème avec la IIIe République, ce qui a eu pour
conséquence la séparation de l’Eglise et de l'Etat en 1905. Après 1918, les relations se normalisent
toutefois. Avec le régime de Vichy, ces relations se renforcent. L'église va prendre part aux louanges
faites au maréchal Pétain ; monseigneur Gerlier, évêque de Lyon, dira : « Pétain, c'est la France, et la
France aujourd'hui, c'est Pétain ». L'église apparaît pétainiste et apparaît adhérer à la révolution
nationale, mais elle semble également adhérer à l'idéologie de la révolution nationale, surtout en ce
qui concerne l'explication de la défaite par l'esprit de jouissance que la France doit expier par la
souffrance. C'est un des leitmotivs du discours pétainiste, et il plait beaucoup à l'église. Beaucoup de
catholiques se retrouvent par ailleurs dans la devise : « travail, famille, patrie ». Le discours social de
refus de la lutte des classes et du corporatisme ce qui rejoint la doctrine sociale de l'église. Celle-ci
espère également pouvoir profiter du nouveau régime pour en tirer les avantages que la IIIe
République lui avait refusés, notamment en ce qui concerne l'enseignement catholique. L'église va sur
ce point obtenir plusieurs satisfactions. Jacques Chevalier, ministre de l'éducation, va rendre aux
congrégations le droit d'enseigner, droit qui leur avait été retiré en 1904. Chevalier étudie également
les possibilités d'un enseignement religieux facultatif à l'école publique et annonce également des
subventions aux écoles privées. Son successeur, Jérôme Carcopino, est beaucoup plus nuancé, et
supprime notamment l'enseignement religieux, même facultatif, à l'école publique. La période 1940-
1941 est un âge d’or pour les relations entre l'église catholique et le nouveau régime. D'ailleurs, en
août 1941, l'assemblée des évêques et des cardinaux rédige une lettre de soutien au régime, dans
laquelle ils expriment leur volonté de loyalisme envers lui, tout en précisant toutefois qu’ils ne veulent
pas lui être inféodé.
Après cette première période 1940-1942 les relations sont au beau fixe, il faut souligner des
divergences. L'église n'accepte pas le principe d'un état autoritaire et il va y avoir des points de
désaccord, notamment sur le social : en octobre 1941, Vichy rédige une charte du travail qui prévoit la
mise en place d'un syndicat unique et obligatoire ce qui supposait la suppression de la CFTC
Histoire politique de la France au XXème siècle Chapitre 3 : La société française des années noires.
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(syndicat chrétien). L'église va protester contre ce syndicalisme unique et obligatoire. L'assemblée
des cardinaux et des archevêques de France proclame son adhésion au pluralisme syndical tout
comme à la CFTC. Le même problème se pose pour les mouvements de jeunesse, l'église disposait
de nombreux mouvements, dont, entre autres, le scoutisme catholique. L'église catholique disposait
également d'organismes pour encadrer la jeunesse étudiante, ouvrières et agricoles regroupées dans
la CJF. Avec Vichy, ces mouvements sont censés passés sous le contrôle du commissariat général à
la jeunesse qui doit agrémenter ces mouvements, contrôler la formation des cadres en conformité
avec la révolution nationale. Les plus durs du régime veulent fondre ces différents mouvements dans
un seul mouvement de jeunesse. Cette perspective provoque l'opposition de l'église catholique qui
refuse la subordination de ses mouvements de jeunesse. L'entourage du maréchal sent cette
réticence et abandonnera l'idée de jeunesse unique pour parler de jeunesse unie.
Un autre point de divergence est le service du travail obligatoire établi en 1943 et qui oblige les
français à aller travailler en Allemagne. Vichy souhaitait que l'église encourage les jeunes catholiques
à effectuer ce STO. Mais l'église décevra ces attentes : il n'y a pas, selon elle, de devoir moral d'aller
travailler en Allemagne.
Sur tous ces points, l'église s'est exprimée de façon publique avec des textes, la plupart du temps pris
par les assemblées des cardinaux et des archevêques de France. Mais il n'y aura pas de prise de
position officielle et collective face au « Statut des Juifs », et elle calque en cela son attitude sur le
Vatican. Lors des grandes rafles de 1942 il n'y aura pas non plus de déclarations officielles, même si
six évêques Font part de leur indignation personnelle dans leur diocèse. C'est notamment le cas à
Toulouse, avec monseigneur Saliège, à Montauban, avec monseigneur Théas et à Lyon avec
monseigneur Gerlier. Cette protestation individuelle a provoqué l'entrée en résistance de nombre de
catholiques à cette date. On peut ainsi citer l'organe de presse « cahiers du témoignage chrétien »
fondé en 1941 à Lyon par le père Chevalier qui s'oppose au nazisme. On trouve aussi des catholiques
issus de la démocratie chrétienne dans les mouvements de résistance, c'est notamment le cas de
Georges Bidault, successeur de Jean Moulin à la tête du CNR. Ces démocrates-chrétiens fonderont
après-guerre le MRP, mais malgré ces actions, l'image de l'église d'après-guerre est entachée par
cette collaboration avec Vichy.
B. Les français face à la collaboration.
On peut s'appuyer sur l'ouvrage « la France à l’heure allemande » de Philippe Burrin. Ce titre signifie
que les français ont du passer à l’heure allemande mais aussi collaborer... Pour le plus grand nombre
de français, il y a un accommodement contraint face à l'occupant et face à Vichy. C'est une
soumission non choisie, à laquelle on ne peut échapper. On peut aussi se référer à la nouvelle de
Vercors : « le silence de la mer », publiée aux éditions de minuit, nouvelle dans laquelle Vercors
encourage les français à éviter tout contact avec les forces d'occupation. L'écrivain Jean Guéhenno
note dans son journal qu'il va jusqu'à refuser de croiser le regard des occupants. Un écrivain
allemand, Jünger, officier stationné à Paris a remarqué ce refus de contacts visuels, et a écrit : « Paris
est une ville sans regard ».
Une partie de la population va néanmoins passer de l'accommodation contrainte à l’accommodation
d'opportunité. encore, il y a plusieurs gradations, cela va du choix de l'allemand comme première
langue la veille de la guerre, l'allemand était choisi comme première langue par un tiers des
familles, entre 1942 et 1944 ce sera aux deux tiers) ; les expositions de propagande allemande ne
sont pas boycottées (« Le Juif et la France » recevra près de 200 000 visiteurs).
De cette accommodation d'opportunité, on passe à la collaboration encouragée par Vichy et amorcée
par le maréchal Pétain en 1940. Cette collaboration prend diverses formes dans la société française :
(1) la collaboration économique ; (2) la collaboration intellectuelle ; (3) les partis et mouvements de la
collaboration.
1) La collaboration économique.
Il y a trois niveaux de collaboration différente.
Parmi les responsables de l'économie dirigée, dans le cadre des comités d'organisation de
l'économie, on est à la limite de la collaboration d'état et de la collaboration privée. Ces comités
regroupent un commissaire d'état et différents industriels. La collaboration économique passe d'abord
par un échange d'expérience avec l'Allemagne, qui pratique l'économie dirigée depuis plus longtemps.
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