Histoire politique de la France au XXème siècle – Chapitre 3 : La société française des années noires.
Au niveau départemental, il y a des comités départementaux, et il y a également 10 000 sections
locales, qui quadrillent la zone sud. À l'origine, le recrutement de la légion était limité aux anciens
combattants, mais Vichy, en 1941, ouvre le recrutement aux volontaires de la révolution nationale ; ce
sont tous ceux qui se reconnaissent en ce régime même s'ils ne sont pas anciens combattants.
Cette étude sur la légion a été menée notamment par Paul Cointet. Son étude s'est surtout
concentrée sur l'élite, et notamment les 600 membres des comités départementaux. Du point de vue
sociologique, on peut noter une surreprésentation de la moyenne bourgeoisie. 60 % des membres
des ces élites légionnaires sont des propriétaires fonciers, membre de professions libérales ou de
petits commerçants. 40 % sont des fonctionnaires, les enseignants ou des salariés. Du point de vue
politique, ce personnel dirigeant de la légion est issu à 40 % de la droite conservatrice, à 15 % de la
droite libérale, à 18 % de la gauche radicale ou socialiste, et pour le reste, ils n'avaient pas
d'engagements avant-guerre. Cette répartition varie néanmoins selon les départements.
La base légionnaire est issue d'un recrutement de masse. Il y a environ 915 000 membres pour les
anciens combattants et 235 000 membres pour les volontaires à partir de 1941. La légion représente
environ 25 % de la population masculine adulte, soit un adulte sur quatre qui a rejoint ce mouvement
en zone libre. En Haute-Savoie, ce pourcentage de 42 %, il est de 39 % dans les Alpes-Maritimes, à
Alger ou à Oran. La légion est une institution puissante qui dispose d'un budget important, issu des
cotisations des membres mais aussi des subventions de Vichy. Entre 1940 et 1942, la légion est le
principal organe de propagande. Le 29 août 1941, elle fête son premier anniversaire, et c'est alors une
véritable fête nationale. La légion entend soumettre l'opinion publique, et elle se donne le droit de
contrôler l'administration, ce qui provoque de nombreux conflits avec l'administration préfectorale. À
partir de 1942, on assiste à une évolution contradictoire dans cette institution : en effet, les éléments
les plus modérés se retirent de la légion tandis qu’il y a un durcissement des partisans les plus
fervents du régime, et qui vont constituer une élite combattante : le service d'ordre légionnaire institué
en février 1942. C’est Joseph Darnand qui est nommé à la tête de ce service d'ordre. Il a notamment
milité dans un grand nombre de mouvements d'extrême droite. C'est de ce service d'ordre légionnaire
que sortira la milice, qui deviendra complètement indépendante de la légion.
2) Les soutiens spontanés : le soutien catholique.
L'église catholique a pendant longtemps apporté un soutien enthousiaste à Pétain et à la révolution
nationale. Cette attitude s'explique notamment par la doctrine de la soumission aux pouvoirs établis.
L'église catholique de France avait accepté bon gré mal gré les différents régimes au cours du XIXe
siècle, même si elle avait connu de gros problème avec la IIIe République, ce qui a eu pour
conséquence la séparation de l’Eglise et de l'Etat en 1905. Après 1918, les relations se normalisent
toutefois. Avec le régime de Vichy, ces relations se renforcent. L'église va prendre part aux louanges
faites au maréchal Pétain ; monseigneur Gerlier, évêque de Lyon, dira : « Pétain, c'est la France, et la
France aujourd'hui, c'est Pétain ». L'église apparaît pétainiste et apparaît adhérer à la révolution
nationale, mais elle semble également adhérer à l'idéologie de la révolution nationale, surtout en ce
qui concerne l'explication de la défaite par l'esprit de jouissance que la France doit expier par la
souffrance. C'est un des leitmotivs du discours pétainiste, et il plait beaucoup à l'église. Beaucoup de
catholiques se retrouvent par ailleurs dans la devise : « travail, famille, patrie ». Le discours social de
refus de la lutte des classes et du corporatisme ce qui rejoint la doctrine sociale de l'église. Celle-ci
espère également pouvoir profiter du nouveau régime pour en tirer les avantages que la IIIe
République lui avait refusés, notamment en ce qui concerne l'enseignement catholique. L'église va sur
ce point obtenir plusieurs satisfactions. Jacques Chevalier, ministre de l'éducation, va rendre aux
congrégations le droit d'enseigner, droit qui leur avait été retiré en 1904. Chevalier étudie également
les possibilités d'un enseignement religieux facultatif à l'école publique et annonce également des
subventions aux écoles privées. Son successeur, Jérôme Carcopino, est beaucoup plus nuancé, et
supprime notamment l'enseignement religieux, même facultatif, à l'école publique. La période 1940-
1941 est un âge d’or pour les relations entre l'église catholique et le nouveau régime. D'ailleurs, en
août 1941, l'assemblée des évêques et des cardinaux rédige une lettre de soutien au régime, dans
laquelle ils expriment leur volonté de loyalisme envers lui, tout en précisant toutefois qu’ils ne veulent
pas lui être inféodé.
Après cette première période 1940-1942 où les relations sont au beau fixe, il faut souligner des
divergences. L'église n'accepte pas le principe d'un état autoritaire et il va y avoir des points de
désaccord, notamment sur le social : en octobre 1941, Vichy rédige une charte du travail qui prévoit la
mise en place d'un syndicat unique et obligatoire ce qui supposait la suppression de la CFTC