commentaires sur la loi Florange

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Annexe 2
Le parcours tortueux de la loi Florange
Concernant la loi ESS du 31/7/14 (2014-856)
Retour sur le parcours tortueux de la loi « Florange »
Après un long cheminement parlementaire (une proposition de loi déposée en mai 2013 !), la
loi visant à reconquérir l'économie réelle, plus connue sous son nom symbolique de loi
"Florange" en raison du lieu où sont nés les engagements du Chef de l’Etat sur la reprise des
sites rentables, a été publiée au JO du 1er avril 2014.
Votée le 24 février, elle a subi une sévère cure d’amaigrissement après la censure partielle du
Conseil constitutionnel1 dans une décision rendue le 27 mars après une saisine de
parlementaires. Cette censure porte en effet sur l’essentiel du texte, à savoir les mécanismes
de sanction initialement envisagés.
Pour mémoire, la loi du 14 juin 2013, fruit de l’ANI, comportait une obligation de recherche
de repreneur pour les entreprises de plus de mille salariés concernées par un licenciement
collectif ayant pour conséquence la fermeture d’un site. Bien qu’entrée en application en date
du 1er juillet 2013, l’obligation en question ne s’accompagnait d’aucune sanction dissuasive
en cas de non respect. D’où les dispositions d’un projet de loi visant parallèlement à
concrétiser les engagements relatifs à la prévention des fermetures de sites industriels
rentables.
Le nœud du projet de loi concernait bien entendu l’étendue de la contrainte de recherche
active d’un repreneur. Une première version envisageait même une obligation de cession dans
la mesure où un repreneur émettait une offre sérieuse, ce que le Conseil d'Etat a contesté en
amont (déjà au nom des principes fondamentaux de la liberté d'entreprendre et du droit de
propriété). Largement vidé de sa substance, restait alors une simple obligation de moyens
pour l'employeur tenu de rechercher effectivement un repreneur.
En clair, les dispositions qui ont survécu au filtre du Conseil constitutionnel et sont désormais
applicables aux procédures de licenciement collectif postérieures au 1er avril 2014 sont les
suivantes :
- L’employeur doit préparer les conditions d’une offre de reprise : rédaction d’un
document de présentation de l'activité, recherche de repreneurs, mise à disposition des
informations nécessaires (hormis celles susceptibles de porter atteinte aux intérêts de
l'entreprise, par exemple les éléments concernant d'autres établissements du groupe), le tout
assorti d’une obligation de confidentialité pour l’ensemble des acteurs2.
1
Deux autres points contestés ont été jugés conformes à la Constitution : l'information des salariés et la
consultation du comité d'entreprise en cas d'attribution d'actions gratuites aux salariés ou encore à l’occasion
d'une offre publique d'acquisition. Le second volet du texte comportant des mesures « en faveur de l’actionnariat
de long terme » est donc entré en vigueur.
2
Cette confidentialité, censée faire respecter le secret des affaires, demeure floue dans son périmètre dans la
mesure où n’est pas précisé qui est apte à juger du caractère confidentiel ou non d’une information transmise par
l’employeur…
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Le parcours tortueux de la loi Florange
- Le comité d’entreprise doit être informé au plus tard lors de sa première réunion sur
le projet de licenciement collectif et aura la possibilité de se faire assister par un expert de son
choix afin de contrôler le processus et d’émettre un avis. Il peut également demander à
s’impliquer dans la recherche d’un repreneur.
- L’employeur doit enfin consulter le CE, tant sur le choix éventuel d’un repreneur que
sur l’absence d’offre ou les raisons d’un refus de cession aux offres reçues.
- Le CE disposera également de la faculté de saisir le tribunal de commerce, habilité à
évaluer le respect de ces nouvelles obligations et le refus éventuel d’une offre jugée sérieuse
par le comité d’entreprise.
- Les pouvoirs publics pourront de leur côté réclamer le remboursement des aides
versées à l’entreprise au cours des deux années précédentes, au titre de l’établissement
concerné. C’est a priori en lien avec le tribunal de commerce que la procédure de demande de
remboursement des aides publiques pourra s’enclencher.
La censure partielle du Conseil constitutionnel porte sur deux points : d’un côté l'obligation
faite à un employeur d'accepter une offre de reprise sérieuse et de l’autre la nouvelle
compétence dévolue au tribunal de commerce pour apprécier ce caractère et prononcer les
sanctions financières associées. Le verdict du Conseil reposait sur les atteintes supposées de
ces dispositions au droit de propriété et à la liberté d'entreprendre3, considérés supérieurs aux
considérations économiques et sociales liées au devenir d’un site de production industriel
viable.
Exit donc toute la procédure devant le tribunal de commerce et la menace de pénalités
financières. Considérant les sanctions proposées (jusqu’à 20 fois le smic par emploi dans la
limite de 2 % du chiffre d'affaires) « manifestement hors de proportion avec la gravité du
manquement réprimé », le Conseil a tout simplement invalidé ce mécanisme de sanction.
En l’état du droit, la lecture du Conseil constitutionnel signifie tout bonnement que le chef
d'entreprise conserve, au nom de sa liberté d'entreprendre, toute latitude pour procéder aux
arbitrages économiques qui lui paraissent justifiés. Cette liberté est censée encourager les
investisseurs notamment étrangers à multiplier les projets industriels en France sans craindre
que le juge vienne s’immiscer dans ses décisions économiques. En somme, la confirmation
que les entreprises ne sont pas soumises à un enfer législatif et réglementaire mais à un
environnement très accueillant et peu contraignant en termes de contreparties…
Une adaptation « light » orientée vers la reprise de l’activité par les salariés
Au terme du processus législatif qui a abouti au vote de la loi sur l'économie sociale et
solidaire (ESS), le texte intègre deux articles remaniés figurant à l’origine dans la loi dite
« Florange» qui reviennent pour l’essentiel à redoubler des dispositions figurant déjà dans la
version allégée de la loi visant à reconquérir l'économie réelle.
Suite à des amendements, il reprend ainsi à son compte l'obligation de rechercher un
repreneur en cas de projet de fermeture d'un établissement. En l’absence des sanctions
Selon les conclusions du Conseil, ces dispositions « font peser sur les choix économiques de l'entreprise… et
sur sa gestion des contraintes qui portent tant au droit de propriété qu'à la liberté d'entreprendre une atteinte
manifestement disproportionnée au regard de l'objectif poursuivi ».
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financières directes finalement passées à la trappe, le législateur entend contraindre les
employeurs à effectuer de telles recherches en en faisant désormais une condition
d'homologation du plan de sauvegarde de l'emploi par l'administration (article 21).
Parallèlement, la loi introduit la possibilité pour l’autorité administrative (article 22) de
réclamer le remboursement d'aides publiques versées dans les deux années précédentes, à
compter de l’entrée en vigueur de la loi, en cas de fermeture d'un site pour lequel existait un
repreneur. Selon la rédaction, les aides concernées s’entendent des aides relatives à
l’établissement cédé (installation, développement économique, recherche ou emploi). Notons
au passage que le périmètre des aides varie légèrement entre les deux textes puisque la loi
ESS ajoute les aides liées à la recherche donc a priori des dispositifs comme le Crédit Impôt
Recherche (CIR) dont les montants peuvent être conséquents et dont FO revendique la mise
en œuvre d’un suivi et d’un contrôle strict par les pouvoirs publics.
Par ailleurs, la loi crée deux obligations d’information4 relatives aux possibilités de reprise de
l’activité par les salariés :
Une obligation d'information en amont d’un projet de cession dans les entreprises de moins de
250 salariés
L’article 19 prévoit que les salariés devront être informés directement (à côté des
représentants du personnel) au minimum deux mois avant l’officialisation de la cession afin
de leur permettre de présenter une offre de reprise à l’entreprise cédante. Autant dire que les
deux mois prévus apparaissent dérisoires au regard des enjeux et de la complexité d’un tel
projet.
Une fois ces deux mois écoulés, le propriétaire dispose d’un délai maximal de deux ans pour
réaliser la cession, sans quoi la procédure d’information repart de zéro. Précisons qu’il n’est
pas tenu de répondre favorablement aux offres éventuelles des salariés. L’ensemble de ces
obligations vient s’ajouter, sans s’y substituer, aux modalités traditionnelles d’information /
consultation du comité d’entreprise.
Une obligation triennale d’information à destination des salariés
Les entreprises employant moins de 250 salariés seront par ailleurs tenues d’informer, au
moins une fois tous les trois ans, leur personnel sur les modalités de reprise d’une entreprise
par les salariés (avantages, difficultés, dispositifs d’aide…). Un décret ultérieur viendra
préciser le contenu et les modalités de cette information selon la taille des entreprises
concernées.
*
A ce stade, les critères d’appréciation du respect de ces nouvelles obligations comme les
moyens concrets, humains et budgétaire, de l’administration indispensables pour investiguer
et donc contrôler demeurent pour le moins incertains et Force Ouvrière craint légitimement
qu’on en reste aux simples déclarations d’intention en la matière. Le remboursement des aides
publiques apparaît comme un minimum certes bienvenu mais encore faut-il que ces nouvelles
Ces obligations font écho à l’article 4 de la loi visant à reconquérir l’économie réelle stipulant que
« L'administrateur informe les représentants du comité d'entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel ou le
représentant des salariés de la possibilité qu'ont les salariés de soumettre une ou plusieurs offres. »
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possibilités soient mises en pratique, tant par les tribunaux de commerce que par les autorités
administratives elles-mêmes.
On peut en effet rester sceptiques sur la portée réelle des nouveaux droits accordés aux
salariés ou à leurs représentants comme sur leurs moyens d’intervention. Lorsque le
propriétaire d’une entreprise sacrifie délibérément un site de production qui ne rentre plus
dans ses plans stratégiques sans pour autant souhaiter le voir repris par un concurrent
potentiel, le bon droit semble toujours pencher fortement en sa faveur.
Pour FO, la reprise de l’activité par les salariés, s’il elle peut parfois constituer une voie
pertinente, ne constitue naturellement pas la panacée, compte tenu de l’ensemble des risques
inhérents à ce type de projets. Par ailleurs, il s’agit
d’une option qui revient
fondamentalement à exonérer tant les employeurs que les pouvoirs publics de leurs
obligations économiques et sociales. Ce droit doit pour le moins être renforcé par des
dispositifs d’accompagnement de nature à sécuriser les salariés dans leur démarche.
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