de la littérature ou de l’anthropologie, ayant trop souvent tendance à se focaliser sur sa
discipline de référence.
L’analyse de ce que les anthropologues nomment "rites de passages" n’est donc pas, même si
les auteurs à l’origine de ce concept sont anthropologues, strictement réservée aux spécialistes
de cette discipline.
En anthropologie, depuis 1909, date de la première édition du célèbre ouvrage de Van Gennep
consacré aux rites de passage, les publications analysant les rites de passage et la manière
dont ils déterminent l’appartenance aux classes d’âge abondent. A. Van Gennep montre que
l’enchaînement des rites importe autant que leur contenu. Il distingue une certaine classe de
rites « qui accompagnent chaque changement de lieu, d'état, de position sociale et d'âge » : ce
sont les rites de passage. Partout, explique-t-il, dans le monde ancien, primitif ou « semi-
civilisé », les portes de villes, les bornes et limites de territoires avaient un caractère sacré : les
franchir impliquait toutes sortes de précautions. C'est sur ce motif spatial - celui du
franchissement d'un seuil - que A. Van Gennep construit l'image qui va lui permettre de
comparer un très grand nombre de rites, habituellement considérés comme sans rapports les
uns avec les autres : rites de fécondité, fêtes calendaires, cérémonies de mariage, baptêmes,
circoncisions, rites de purification, cérémonies d'accès à une fonction, à une société guerrière
ou religieuse, à un culte totémique ou ancestral, initiations chamaniques, etc. Ces rites de
passage sont, dans de très nombreuses sociétés, ceux qui font passer l’individu d’un état à un
autre, d’une classe d’âge à une autre, structurant ainsi l’organisation sociale des peuples.
Turner (1969 [1990]), spécialiste de l'Afrique, poussera davantage cette analyse. En 1969, il
s'intéresse, en particulier, à leur phase centrale qualifiée de liminaire par A. Van Gennep. Il
remarque que dans certains rites de procréation, d'installation et d'initiation, cette phase
centrale est marquée par l'humiliation des bénéficiaires du rite (Journet, 2001).
Sujet déjà traité depuis l’époque de Tylor et Frazer, la description et l’analyse des rites de
passage constituent, depuis les travaux de Van Gennep et Turner, l’un des grands sujets de
recherche en anthropologie. Les rites de passage sont l’objet d’un double inventaire :
nomenclature des formes, répertoire des mécanismes logiques des rites. Ainsi, on oppose les
rites « sympathiques » (par analogie) aux rites « contagionnistes » (par contact) ; les rites
« directs » (magiques) aux « indirects » (faisant appel à des divinités) ; les rites « positifs »
(prescriptifs) aux « négatifs » (interdits).
Cependant, trop souvent, cette littérature scientifique nous les présente comme spécifiques
aux sociétés traditionnelles.
Il s’agira ici d’ouvrir le champ et d’examiner la manière dont les regards croisés sont
susceptibles de se compléter et d’enrichir le débat. De plus, ces rites de passage n’avaient,
jusqu’à présent, jamais fait l’objet d’un croisement pluridisciplinaire des regards.
Notre analyse sera conduite selon trois axes thématiques :
1°) Les changement d’état ou de statut : Grossesse, naissance, initiation, mariage,
mort…
Tout individu passe par plusieurs statuts au cours de sa vie. La naissance est l’occasion du
premier rite de passage et l’enfance peut être divisée en plusieurs périodes. Puis, l’accès à
l’âge adulte est le plus souvent accompagné de rites d’initiation. Par l’observance d’interdits
vestimentaires ou comportementaux, la grossesse est fréquemment vécue comme une période