Décolonisation et Tiers Monde
Le concept de Tiers-Monde a été forgé par l'économiste et démographe français Alfred Sauvy
au début des années 1950 : inspiré par la notion de Tiers-États dans la France de l'Ancien régime, il désigne l'ensemble
des pays du Sud ayant obtenu leur indépendance, représentant une partie très importante de l'humanité, mais qui ne
comptait pour rien au niveau international sur le plan politique et connaissant d'importants retards de développement en
matière économique et social.
Au lendemain de la première grande vague de décolonisation, qui permet notamment à la plupart des pays d'Asie
(Inde, Indonésie, Indochine…) d'accéder à leur indépendance, les pays du Tiers-Monde vont tenter de s'affirmer sur la
scène internationale, cherchant notamment à constituer un troisième bloc (à côté du bloc occidental et du bloc soviétique),
celui des "non alignés". Les pays du Tiers-Monde vont également rapidement chercher à instaurer un nouvel ordre
économique international, qui leur serait plus favorable et leur permettrait de sortir du sous-développement. La notion de
Tiers-Monde revêt ainsi bien une double signification, à la fois géopolitique (volonté d'émancipation à l'égard des deux
blocs) et socio-économique (sous-développement, difficultés de trouver une place au sein des échanges internationaux…).
Mais si, dans le prolongement de la conférence de Bandung, le mouvement du Tiers-Monde a pu donner l'illusion d'une
certaine unité, celle-ci ne va pas tarder à voler en éclat, dès les années soixante-dix et quatre-vingt : les Etats du Tiers-
Monde n'ont ainsi réussi ni à former, sur les bases du non alignement, un front politique unifié, ni à imposer sur le plan
économique la redéfinition d'un nouvel ordre international. Aujourd'hui, la notion de Tiers Monde a d'ailleurs
progressivement laissé la place dans les manuels de géographie ou de géopolitique à celle, beaucoup plus générale, de
Pays des Sud.
La première vague de décolonisation (Asie) : 1945-1954
Si la contestation du système colonial et l'essor des mouvements nationalistes remontent en
fait à l'entre-deux-guerres, les mouvements nationalistes et indépendantistes vont bénéficier d'un contexte
particulièrement favorable au lendemain de la Seconde Guerre mondiale : les principales métropoles européennes
(Angleterre, France, Pays-Bas…) ressortent considérablement affaiblies du conflit, les deux grands vainqueurs (Etats-
Unis et URSS) sont opposés au système colonial et se montrent favorables à l'émancipation des peuples colonisés, tandis
que l'ONU, créée en 1945 pour tenter d'instaurer un nouvel ordre international, proclame dans sa Charte le droit des
peuples à l'autodétermination.
Dans ces conditions, les empires coloniaux s'effritent dès le lendemain de la victoire alliée : plusieurs pays
colonisés profitent d'un certain vide politique et d'un courant favorable à leur cause pour déclarer leur indépendance. Ce
mouvement touche essentiellement les pays d'Asie (même si des manifestations ont également lieu en Afrique du Nord,
comme à Sétif par exemple), où les partis nationalistes sont déjà anciens et bénéficient de nombreux soutiens auprès des
élites locales. L'attitude des métropoles va cependant s'avérer variable selon les cas et l'on peut globalement distinguer
deux grands types d'accès à l'indépendance : les indépendances négociées (c'est le cas de la plupart des colonies
britanniques en Asie, qui à la suite de l'Inde, vont obtenir rapidement leur indépendance) et les indépendances arrachées
par la guerre (c'est le cas notamment des possessions françaises et néerlandaises en Asie). L'attitude des Britanniques
s'explique sans doute par un certain pragmatisme : ayant déjà accordé dans l'entre-deux-guerres l'indépendance à leurs
colonies de peuplement européen (Canada, Australie, Afrique du Sud…) ou à certains pays arabes (Irak en 1930, Egypte
en 1936), les Britanniques comprennent que la décolonisation est un phénomène inéluctable et préfère négocier pour
préserver un calme relatif et surtout éviter une rupture totale avec les nouveaux Etats indépendants qui sont intégrés au
Commonwealth. La France et les Pays Bas en revanche, traumatisés par la défaite de 1940 et l'occupation allemande, se
montre plus déterminer à conserver leur empire car il s'agit aux yeux de ses deux pays d'un moyen de retrouver une
certaine puissance et de faciliter la reconstruction économique.
1944
Janvier : Conférence de Brazzaville. Le général de Gaulle réaffirme son attachement à l'empire colonial français
même s'il reconnaît que des réformes sont nécessaires.
1945
Mai : manifestations nationalistes en Algérie à Sétif. Les représailles feront plusieurs milliers de morts parmi
la population musulmane.
Juin : Charte de San Francisco et création de l'ONU, qui devient rapidement l'une des tribunes du débat
colonial.